Comptes rendus

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Inhibition de kinases multiples dans le traitement de l’hypernéphrome : le rôle de l’urologue

Nouveaux enjeux concernant le vaccin prophylactique contre le virus du papillome humain

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

EUROGIN 2006 6e Congrès multidisciplinaire international

Paris, France / 23-26 avril 2006

Les génotypes 16 et 18 du virus du papillome humain (VPH) sont responsables d’environ 70 % des cancers du col utérin et des lésions cervicales de grade élevé et d’environ 30 % des autres cancers génitaux, surtout de la vulve, du vagin et de l’anus, affirme la Dre Nubia Muñoz, directrice sortante, épidémiologie du cancer, Agence internationale de recherche sur le cancer, Lyon, France. Les types 6 et 11 causent environ 90 % des condylomes acuminés, tant chez l’homme que chez la femme, ainsi que 5 % à 25 % des lésions cervicales de bas grade et des cas de papillomatose respiratoire récurrente.

Plus de 1500 nouveaux cas de néoplasie cervicale sont diagnostiqués chaque année au Canada. À l’échelle internationale, le cancer cervical invasif vient au deuxième rang des cancers les plus fréquents chez les femmes âgées de 20 à 44 ans. L’infection par le VPH transmissible sexuellement cause chaque année la mort de 400 Canadiennes, ce qui la place au 12e rang des causes de mortalité par cancer au sein de cette population à l’échelle nationale.

Présentant les résultats combinés à trois ans d’essais de phase III récents sur le vaccin quadrivalent (c.-à-d., ciblant les génotypes 6, 11, 16 et 18 du VPH) qui regroupaient près de 20 000 femmes, la Dre Muñoz faisait remarquer que l’analyse réalisée chez les femmes ayant terminé l’étude (plus précisément, seulement celles qui répondaient aux critères d’admissibilité, qui avaient reçu les trois doses du vaccin et qui n’avaient pas commis d’infractions majeures au protocole) avait mis au jour une efficacité de 100 % contre les CIN de grade 1/2/3 et les CIN de grade 3 (aussi connues sous le nom d’adénocarcinomes in situ [AIS]). Les résultats d’une analyse en intention de traiter modifiée – laquelle portait sur une population plus proche de la réalité clinique – ont aussi été présentés. Cette analyse incluait des femmes qui avaient reçu au moins une dose du vaccin, mais qui n’avaient pas reçu la série complète de vaccins, et n’excluait pas les femmes ayant commis des infractions au protocole. Ces données ont confirmé que le vaccin quadrivalent est efficace à 100 % pour protéger contre les CIN de grade 3 (AIS) et efficace à 99 % contre les CIN de grade 2 ou 3 dans une population de patientes sélectionnées selon des critères plus laxistes.

«Le vaccin quadrivalent est hautement efficace pour prévenir le cancer du col utérin, les lésions précurseurs des cancers du col utérin, de la vulve et du vagin et les condylomes génitaux causés par les types 6, 11, 16 et 18 du VPH. On s’attend à ce que ce vaccin ait des retombées vraiment remarquables sur le risque à vie d’apparition d’une néoplasie et d’affections connexes causées par le VPH», affirme la Dre Muñoz.

Au sujet du vaccin bivalent, la Dre Diane Harper, Dartmouth Medical School, New Hampshire, précise que l’évaluation du suivi à long terme sur l’efficacité, l’immunogénicité et l’innocuité du vaccin après une période moyenne de 42 mois a fait ressortir une efficacité de 100 % contre les CIN associées aux génotypes 16 et 18 du VPH. Le degré élevé de persistance s’est maintenu sans interférence entre les types de VPH, ajoute-t-elle.

Exposition préalable au VPH

Certains cliniciens se demandent si la femme séropositive ou chez qui on décèle un ou plusieurs types du VPH à la PCR est protégée contre l’apparition de néoplasies génitales causées par les autres types du VPH lorsqu’elle reçoit le vaccin quadrivalent. Si tel est le cas, arguent-ils, il n’y aurait pas lieu de présélectionner les femmes avant de les vacciner afin de déterminer si elles sont déjà infectées par le VPH.

Le Dr Daron Ferris, directeur, Gynecologic Cancer Prevention Center, Medical College of Georgia, Augusta, a analysé des sous-groupes de femmes dans le cadre d’études sur l’efficacité du vaccin quadrivalent qui ne comportaient pas de phase de présélection et qui n’excluaient pas les sujets commettant des infractions au protocole, de sorte que certaines patientes étaient déjà infectées au départ par un ou plusieurs types du VPH. Ces patientes ressemblent davantage à celles que l’on rencontre dans la pratique clinique. Les infections préalables les plus fréquentes étaient dues au type 16 du VPH et les moins fréquentes, au type 11.

«Le vaccin quadrivalent a été efficace à 87,5 % pour prévenir les CIN liées aux types 6, 11, 16 et 18 du VPH chez des femmes déjà exposées à au moins l’un de ces types, de rapporter le Dr Ferris. Il a été efficace à 100 % contre les CIN de grade 2/3 [précurseurs du cancer du col utérin] et efficace à 91 % pour prévenir les néoplasies vulvaires et vaginales et les condylomes génitaux liés aux types 6, 11, 16 et 18 du VPH. L’exposition préalable à ces types de VPH n’a pas atténué l’efficacité du vaccin contre les types du VPH auxquels les sujets n’avaient jamais été exposés.» Il ajoute que les chercheurs n’ont pas observé d’augmentation appréciable des réactions au point d’injection chez les femmes qui présentaient des signes sérologiques d’anticorps dirigés contre n’importe lequel des types de VPH inclus dans le vaccin. «Il n’est pas nécessaire de présélectionner les patientes, précise-t-il. Ces données plaident en faveur de la vaccination universelle pour la prévention des néoplasies du bas appareil génital chez la femme.»

Protection à long terme contre le VPH

Le risque d’infection à VPH étant viager, la Dre Luisa Villa, Institut Ludwig de recherche en oncologie, São Paulo, Brésil, a présenté des données sur la protection à long terme provenant de la plus longue étude sur l’efficacité réalisée à ce jour sur un vaccin anti-VPH. Plus précisément, elle a évalué le risque d’infection à VPH persistante dans un sous-groupe de 241 patientes brésiliennes et européennes qui ont été suivies pendant plus de cinq ans dans le cadre des études de phase III décrites par la Dre Muñoz.

La Dre Villa a rapporté que, au cours d’un suivi pouvant atteindre 5,3 ans, l’incidence combinée des infections persistantes par le VPH de type 6, 11, 16 ou 18 ou d’affections connexes se résumait à deux cas chez les sujets vaccinés, par comparaison à 45 cas chez les témoins (placebo), ce qui revient à un taux d’efficacité de 96 %. Cependant, les deux cas signalés – un cas d’infection asymptomatique par le VPH de type 18 et un cas d’identification de l’ADN du VPH de type 16 – avaient été observés plus tôt au cours des trois premières années suivant la vaccination dans cette sous-population.

«Au cours de la prolongation de deux ans qui a suivi l’étude initiale de trois ans, aucun cas d’infection persistante par le VPH de type 6, 11, 16 ou 18 ni de condylomes génitaux cervicaux, vulvaires, vaginaux ou externes n’a été observé chez les sujets vaccinés, ce qui revient à une efficacité continue de 100 %, fait valoir la Dre Villa. C’est donc dire qu’aucun cas supplémentaire n’ayant pas été observé au cours des trois premières années de suivi n’est survenu pendant la prolongation de deux ans, ce qui, à mon avis, est une excellente nouvelle.» Deux cas d’infection par le VPH de type 16 qui avaient été signalés n’ont pas persisté, ajoute-t-elle.

Le vaccin anti-VPH quadrivalent à visée prophylactique est hautement efficace pendant cinq ans pour la prévention d’une infection ou d’une affection persistante causée par le VPH de type 6, 11, 16 ou 18, soutient la Dre Villa. Elle ajoute par ailleurs que l’immunité ne s’est pas estompée, puisque aucun cas d’infection ou d’affection persistante confirmée n’a été signalé pendant la phase de prolongation.

Condylomes génitaux

Au dire du Dr Alex Ferenczy, Université McGill, Montréal, Québec, «le coût et les retombées psychosociales des condylomes génitaux peuvent être dévastateurs pour la patiente et encore plus stressants qu’une cytologie vaginale anormale. Les condylomes génitaux sont laids, cosmétiquement inacceptables et peuvent causer saignements, sensation de brûlure et prurit. Par conséquent, les types 6 et 11 du VPH – qui sont à l’origine d’environ 90 % des condylomes génitaux – ont été inclus dans le vaccin quadrivalent.» Ils posent un problème clinique démoralisant à la patiente parce que la quasi-totalité des condylomes génitaux nécessitent de longs et multiples traitements douloureux et que le taux de récurrence peut atteindre 50 %.

Bien que les condylomes génitaux soient bénins, leur apparence clinique est une grande source de stress psychologique sans compter que leur traitement est coûteux. La prévalence à vie des condylomes génitaux varie entre moins de 2 % et plus de 10 %, affirme le Dr Ferenczy. «S’il est vrai que l’on peut prévenir 90 % des condylomes génitaux par la vaccination, nous n’en verrons plus beaucoup dans le futur lorsque les jeunes des prochaines générations deviendront sexuellement actifs.»

Le Dr Ferenczy souligne en terminant que, jusqu’à maintenant, le VPH était le parent pauvre des infections cliniques. D’abord, c’est l’herpès qui a laissé tous les autres virus dans l’ombre, après quoi il s’est fait damer le pion par le VIH. On se penche enfin sur le VPH, et il est vraiment intéressant de voir que l’on accorde à un agent qui peut prévenir un cancer génital toute l’attention qu’il mérite. «À mon avis, le développement d’un vaccin anti-VPH est l’événement le plus pertinent et le plus important depuis l’avènement de la cytologie vaginale il y a 55 ans», conclut-il.

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