Comptes rendus

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Maîtrise de l’asthme par des corticostéroïdes en inhalation chez le patient type

Nouvelle orientation de la prise en charge d’un cancer de la prostate résistant à la castration

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 47e Assemblée annuelle de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO)

Chicago, Illinois / 3-7 juin 2011

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Cinq études de phase III sur le cancer de la prostate résistant à la castration (CPRC) ont été présentées au congrès. Certaines portaient sur le sunitinib, le risédronate ou l’estramustine, et une autre était l’analyse secondaire des données de l’essai COU-AA-301 récent sur l’acétate d’abiratérone, inhibiteur de la biosynthèse des androgènes (IBA) (de Bono et al. N Engl J Med 2011;364:1995-2005). Ces études mettent en lumière la diversité des cibles thérapeutiques lorsque le traitement vise à la fois une prolongation de la survie et une amélioration de la qualité de vie.

«Dans le CPRC avancé, l’objectif du traitement est controversé : cible-t-on le cancer, les os ou les deux? Les bénéfices se mesurent en termes de survie, de bien-être et de capacité fonctionnelle. Selon les plus récentes données sur la privation des androgènes, il semble que l’on puisse avoir le beurre et l’argent du beurre», affirme le Dr Michael J. Morris, Service d’oncologie génito-urinaire, Memorial Sloan-Kettering Cancer Center (MSKCC), New York. Invité par l’ASCO à discuter de la pertinence clinique de plusieurs nouvelles études, le Dr Morris estime à la lumière de l’essai récent COU-AA-301 que les données sur la douleur osseuse revêtent une importance critique, car «les métastases osseuses sont la cause première des souffrances et de la mort au sein de cette population».

Dans l’essai COU-AA-301, 1195 patients atteints d’un CPRC métastatique déjà traité par le docetaxel ont été randomisés de façon à recevoir 1000 mg d’abiratérone ou un placebo (ratio 2:1), en plus de 5 mg de prednisone. Après 12,8 mois (médiane), l’IBA – qui assure un blocage profond des androgènes – avait augmenté la durée de survie de 35 % (14,8 vs 10,9 mois, HR 0,65; IC à 95 % : 0,54-0,77; p<0,001). L’IBA s’est aussi révélé supérieur au placebo à en juger par chaque paramètre secondaire, dont la survie sans progression (SSP) (5,6 vs 3,6 mois; p<0,001), le taux de réponse d’après le taux d’antigène spécifique de la prostate (PSA) (29 % vs 6 %; p<0,001) et l’intervalle sans progression du taux de PSA (10,2 vs 6,6 mois; p<0,001).

Analyse satellite de l’essai COU-AA-301

Une nouvelle analyse satellite présentée au congrès pourrait revêtir une importance encore plus grande du point de vue du patient. Pour les besoins de cette analyse, une CO se définissait comme une fracture pathologique, une compression médullaire, une radiothérapie palliative ou une chirurgie osseuse. Dans le groupe abiratérone, l’intervalle sans complication osseuse (CO) a doublé (301 vs 150 jours; p<0,0006) et la douleur avait progressé chez moins de patients à 6 mois (22 % vs 28 %), à 12 mois (30 % vs 38 %) et à 18 mois (35 % vs 46 %).

Certes, la principale conclusion de l’essai COU-AA-301 a été que l’inhibition de la biosynthèse des androgènes prolongeait la survie, mais de nouvelles données de cette étude montrent que «l’inhibition de la production intracrine de testostérone est le fondement de la thérapie ciblant les os», souligne le Dr Christopher J. Logothetis, Service d’oncologie médicale génito-urinaire, M.D. Anderson Cancer Center, Houston, Texas.

Outre l’effet positif sur les CO, il est ressorti de cette analyse satellite de l’essai COU-AA-301 (797 patients sous abiratérone et 398 sous placebo) que la progression de la douleur avait été moins fréquente chez les patients recevant l’IBA, que cette progression ait été mesurée en termes de palliation/progression de l’intensité (p=0,0002) ou d’interférence de la douleur (p=0,0004). L’IBA a réduit l’intervalle précédant la palliation de près de 50 % (169 vs 312 jours; p=0,001), ce qui est compatible avec le doublement de l’intervalle sans CO.

«La proportion cumulative de patients dont la douleur s’était atténuée (soulagement plus rapide et plus complet) depuis le début de l’étude était systématiquement plus élevée sous abiratérone», souligne le Dr Logothetis. Le soulagement de la douleur découlant de la protection contre les CO confirme avec éloquence l’utilité clinique de cet agent. Bien que les effets bénéfiques du traitement sur l’os aient été attribués uniquement à la privation d’androgènes, le Dr Logothetis n’exclut pas qu’un traitement d’appoint favorisant l’ostéogenèse puisse amplifier le bénéfice.

Essais de phase III dans le CPRC

Un essai de phase III sur l’association du risédronate, bisphosphonate de troisième génération, et du docetaxel a toutefois révélé que l’avantage de ce traitement n’était pas significatif en première intention. Dans cette étude, 592 hommes porteurs d’un CPRC jamais traité et de métastases osseuses – qui recevaient 75 mg/m2 de docetaxel toutes les 3 semaines en plus de 5 mg de prednisone – ont été randomisés de façon à recevoir ou non 30 mg de risédronate 1 fois/jour. Après 37 mois (médiane), il n’y avait aucune différence significative entre les groupes quant à la survie globale (SG) (19,7 vs 18 mois; p=0,6) ou au taux de réponse selon le PSA (64 % vs 63 %), et il n’y avait pas non plus d’avantage quant à la douleur, affirme la Dre Hielke J. Meulenbeld, Service d’oncologie médicale, Université Érasme, Rotterdam, Pays-Bas.

«Ces résultats sont décevants, car des données expérimentales laissaient entrevoir une synergie entre les bisphosphonates et les taxanes, mais l’ajout du risédronate au docetaxel n’a eu aucun avantage au sein de cette population», poursuit la Dre Meulenbeld.

Dans un autre essai de phase III sur le CPRC, l’ajout d’estramustine au docetaxel donnait tout lieu de croire à un avantage, mais l’objectif, à savoir une prolongation de la SSP, n’a pas été atteint. Dans cette étude, 413 patients atteints d’un CPRC localisé ont été randomisés de façon à recevoir soit seulement 10,8 mg de goséréline tous les 3 mois, soit la même dose de goséréline plus 4 cycles de docetaxel à 70 mg/m2 toutes les 3 semaines plus de l’estramustine à 10 mg/kg/jour pendant les 5 premiers jours du cycle. Après un suivi de 4,6 ans (médiane), le taux de SSP était de 81 % pour la goséréline seule vs 85 % pour l’association avec estramustine (p=0,26).

«Nous avons observé une augmentation significative du taux de réponse selon le PSA [34 % vs 15 %; p<0,0001], et l’ajout d’estramustine a été bien toléré, mais nous n’avons pas vu à ce jour de différence quant au paramètre principal», rapporte le Dr Karim Fizazi, Institut Gustave Roussy, Villejuif, France. Bien que le taux d’événements ait été plus faible que prévu dans les deux groupes, l’avantage associé à l’ajout d’estramustine, si avantage il y a, semble modeste.

Un troisième essai de phase III visait à comparer l’association de sunitinib, inhibiteur de tyrosine kinase (ITK), et de prednisone avec la prednisone seule dans le CPRC métastatique traité antérieurement par du docetaxel. Les sujets étaient randomisés de façon à recevoir 37,5 mg de sunitinib ou un placebo selon un ratio 2:1, et tous recevaient 5 mg de prednisone. À la deuxième analyse partielle, même si 873 hommes avaient déjà été recrutés, on a mis fin à l’étude pour cause d’inefficacité. Bien que les chercheurs aient observé une prolongation significative de la SSP parmi les patients randomisés dans le groupe sunitinib (5,6 vs 3,7 mois; p=0,0077), le paramètre principal était la survie et l’analyse intermédiaire ne laissait entrevoir aucun avantage. Au moment où l’étude a pris fin, la médiane de SG se chiffrait à 13,1 mois sous sunitinib vs 12,8 mois sous prednisone seule (p=0,518). Si le nombre d’abandons pour manque d’efficacité était plus élevé dans le groupe prednisone seule (41 % vs 28 %), le nombre d’abandons pour cause d’effets indésirables était plus élevé dans le groupe ITK (21,4 % vs 5,9 %).

«Compte tenu de l’amélioration des taux de SSP, nous allons réexaminer les données et tenter de voir quels sous-groupes pourraient bénéficier du sunitinib, mais on avait déjà constaté que cet agent était d’efficacité limitée dans une population non sélectionnée de patients atteints de CPRC métastatique», souligne le Dr M. Dror Michaelson, Massachusetts General Cancer Center, Harvard Medical School, Boston.

Le nombre de cellules tumorales circulantes (CTC), marqueur de substitution de l’activité?

Si cette dernière étude semble indiquer que les kinases MEK/ERK inhibées par le sunitinib ne sont pas des médiateurs importants dans les voies impliquées dans le CPRC métastatique avancé, une autre étude – dont le résumé a fait l’objet d’une présentation de dernière heure – a permis de faire une découverte intéressante, à savoir que le nombre de cellules tumorales circulantes (CTC) permettait de prédire le bénéfice associé à l’abiratérone. Les chercheurs ont déterminé le nombre de CTC au départ chez 972 des 1195 patients participants, puis de nouveau à 4 semaines chez 838 patients et à 12 semaines chez 723 patients. Un faible nombre de CTC (seuil <5 cellules/mL) était fortement corrélé avec la SG.

«Cette analyse a révélé qu’un faible nombre de CTC était prédictif de la survie après seulement 4 semaines de traitement, comme en témoigne le coefficient de corrélation globale très élevé [r=0,83]», rapporte le Dr Howard I. Scher, chef, Service d’oncologie génito-urinaire, MSKCC, New York. La diminution du nombre de CTC pourrait expliquer le gain de survie associé à l’IBA dans l’essai COU-AA-301, et il se pourrait aussi que ce soit un marqueur de substitution très utile pour évaluer plus rapidement l’efficacité d’agents expérimentaux.

Résumé

Un nombre exceptionnellement élevé d’études présentées au congrès – tant positives que négatives – ont permis de générer de nouvelles données sur le traitement du CPRC métastatique. Dans l’ensemble, ces données ont permis de redéfinir le traitement de référence dans cette maladie et ont contribué à attirer l’attention sur l’importance du bien-être du patient, peu importe l’amélioration objective de la durée de survie. Dorénavant, estime le Dr Morris, les patients peuvent «non seulement vivre plus longtemps, mais vivre mieux», ce qui est un pas important dans la bonne direction compte tenu de la brièveté de la SG dans cette maladie.

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