Comptes rendus

Prévention des allergies chez le nourrisson : regard sur la dermatite atopique
Hyponatrémie : Optimisation des démarches cliniques

Nouvelles stratégies de prise en charge de l’hyponatrémie

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Conférence annuelle sur la pratique professionnelle de la Société canadienne des pharmaciens d’hôpitaux

Toronto, Ontario / 4-8 février 2012

Toronto - L’hyponatrémie est l’un des troubles électrolytiques que l’on rencontre le plus souvent chez les patients hospitalisés. Encore récemment, les approches thérapeutiques hétérogènes étaient souvent inefficaces, voire risquées. L’hyponatrémie peut avoir de nombreuses causes, mais elle se présente sur fond d’hypovolémie vraie survenant le plus souvent à la suite de pertes digestives, sur fond d’euvolémie, survenant le plus souvent en raison d’un trauma neurologique, d’une intervention neurochirurgicale ou d’une tumeur, ou encore, sur fond d’hypervolémie avec œdème, survenant le plus souvent en raison d’une insuffisance cardiaque ou d’une cirrhose. De nombreux aspects des stratégies thérapeutiques actuelles dépendent du tableau clinique, mais les vaptans, qui inhibent l’action de la vasopressine, sont venus élargir l’arsenal thérapeutique dans tous les cas d’hyponatrémie non hypovolémique, quelle qu’en soit la cause. Des études réalisées chez des patients atteints d’insuffisance cardiaque décompensée indiquent que, par rapport à un placebo, cet agent est sûr et bénéfique dans le traitement de l’hyponatrémie.

La prise en charge de l’hyponatrémie est trop hétérogène, et le moment est venu d’uniformiser la démarche thérapeutique face à ce trouble électrolytique fréquent afin d’offrir aux patients le traitement le plus efficace possible et le moins risqué possible, estime une autorité en la matière, le Dr Sheldon Tobe, University of Toronto, Ontario. «L’hyponatrémie est le trouble électrolytique que l’on rencontre le plus souvent», affirme-t-il. Elle se définit par un excès d’eau par rapport à la concentration en sodium ([Na+]) du liquide extracellulaire qui entraîne une natrémie <135 mmol/L. L’hypovolémie vraie, l’un des cinq principaux tableaux cliniques associés à l’hyponatrémie, est le plus souvent causée par des pertes digestives (vomissements et diarrhée). Les patients euvolémiques sont en général atteints d’un syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique (SIADH), lequel découle habituellement d’un trauma neurologique, d’une intervention neurochirurgicale ou d’une tumeur.

«Les patients œdémateux présentent en fait une surcharge hydrique», ajoute le Dr Tobe. Le plus souvent, on rencontre une hyponatrémie avec œdème chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque (IC) ou de cirrhose. Aux multiples maladies qui peuvent entraîner une hyponatrémie s’ajoute la prise de certains médicaments, dont les diurétiques et les AINS.

Risques connexes

Si l’hyponatrémie était un trouble électrolytique anodin, sa prise en charge ne serait pas si critique. Des études montrent toutefois que l’hyponatrémie, peu importe sa cause, augmente la durée du séjour à l’hôpital (DSH) et la mortalité. Lors d’une étude (Nephrol Dial Transplant 2006;21:70-6), par exemple, la DSH était de 18,2 jours chez les sujets dont la natrémie initiale était <126 mmol/L vs 30,7 jours chez les sujets qui sont devenus hyponatrémiques ([Na+] <126 mmol/L) en cours d’hospitalisation. Dans le cadre d’une autre étude (Arch Intern Med 2010;170:294-302), le risque de décès était >17 fois plus élevé chez les patients dont la natrémie était <127 mmol/L au moment de l’hospitalisation que chez ceux dont la natrémie était normale ([Na+] de 138 à 142 mmol/L).

Dans cette même étude, le risque de décès était tout de même >4 fois plus élevé chez les patients dont l’hyponatrémie était moins sévère ([Na+] de 128 à 132 mmol/L) que chez ceux dont la natrémie la plus basse était normale. «Ces patients sont vraiment malades, fait remarquer le Dr Tobe, et l’hétérogénéité des approches thérapeutiques n’aide en rien». En présence d’une hypovolémie vraie, une correction trop rapide ou une correction excessive de la natrémie peut entraîner une démyélinisation osmotique. Le Dr Tobe a expliqué qu’à la suite d’une chute rapide de la natrémie, de 140 à 120 mmol/L par exemple, «le cerveau se trouve à baigner dans ce liquide hypotonique; étant donné que le cerveau se comporte comme un organe intracellulaire, il se produit un mouvement d’eau libre en direction du cerveau, et on observe alors un œdème cérébral et une élévation de la pression intracrânienne». Si, en revanche, le patient devient hypernatrémique, l’augmentation de la natrémie entraîne une diminution du volume cérébral. L’une des règles d’or de la correction de la natrémie est de ne jamais excéder 0,5 mmol/L l’heure.

Stratégies anciennes et nouvelles

Les antagonistes des récepteurs V2 de la vasopressine, ou vaptans, constituent une avancée majeure. Ces agents permettent de contourner les nombreuses limites qu’imposaient la plupart des démarches thérapeutiques auxquelles on avait recours pour corriger une faible natrémie. Par exemple, les solutions salines isotoniques sont inefficaces dans le traitement de l’hyponatrémie de dilution et ne peuvent pas être utilisées dans les troubles propices à la formation d’œdèmes. Une correction excessive de la natrémie au moyen d’une solution saline hypertonique peut entraîner une démyélinisation osmotique, et la vitesse de perfusion appropriée ne fait pas consensus. La restriction hydrique est également inefficace en présence d’un taux élevé de vasopressine et elle est mal tolérée à cause de la soif qu’elle entraîne. L’urée n’est pas approuvée pour le traitement de l’hyponatrémie, sans compter qu’elle a mauvais goût, fait valoir le Dr Tobe.

Chez les patients présentant une hypovolémie vraie, le traitement traditionnel a toujours sa place : restriction hydrique et administration de solution saline isotonique pour remplacer la perte de volume. Une fois l’euvolémie rétablie, on doit «bloquer la production d’urine» à l’aide de la desmopressine, substitut synthétique de la vasopressine, afin d’éviter une correction trop rapide de la natrémie.

Comme l’explique le Dr Peter Liu, University of Toronto, environ 20 % des patients atteints d’IC aiguë sont hyponatrémiques dans une certaine mesure, et la survenue d’une hyponatrémie augmente le risque de décès en présence d’IC, comme c’est le cas en présence d’autres maladies. Dans le registre OPTIMIZE-HF, par exemple (Eur Heart J 2007;28:980-8), une natrémie initiale <135 mmol/L a été associée à un taux de mortalité hospitalière plus élevé. Une analyse multivariée a révélé que la natrémie initiale était un important prédicteur indépendant de mortalité à l’hôpital, de mortalité après la sortie de l’hôpital et de décès ou de réhospitalisation à 60 et à 90 jours. «En présence d’IC, on observe une augmentation énorme de l’activité neurohormonale sous-jacente», affirme le Dr Liu.

Le taux de vasopressine (hormone antidiurétique) augmente de façon inappropriée en présence d’IC, et la stimulation des récepteurs V2 dans le rein augmente la réabsorption d’eau et, par conséquent, la volémie. «Le taux de vasopressine est effectivement très révélateur du degré d’IC, le taux de vasopressine étant d’autant plus élevé que l’IC est sévère», explique le Dr Liu.

Les antagonistes des récepteurs V2 annulent ces effets. À ce jour, le tolvaptan oral est le seul antagoniste des récepteurs V2 homologué au Canada pour le traitement de l’hyponatrémie non hypovolémique. En bloquant les récepteurs V2 au niveau rénal, le tolvaptan diminue la réabsorption d’eau, ce qui entraîne une augmentation nette de l’excrétion d’eau libre. Contrairement aux diurétiques qui favorisent l’excrétion d’eau libre et de sodium, les antagonistes de la vasopressine ne favorisent que l’excrétion d’eau libre, si bien qu’ils augmentent la natrémie, poursuit le Dr Liu.

Données corroborantes

Les résultats de l’étude EVEREST étayent le bénéfice rattaché à ce mode d’action dans l’IC décompensée, souligne le Dr Liu (JAMA 2007;297[12]:1319-31). Cette étude était conçue pour explorer les effets du tolvaptan chez des patients hospitalisés pour une IC aiguë décompensée et présentant des symptômes de surcharge hydrique. Environ 4000 patients ont été randomisés de façon à recevoir soit 30 mg/jour de tolvaptan, soit un placebo, en plus d’un traitement standard. Le tolvaptan a été administré pendant au moins 60 jours, et la durée médiane du suivi était de 9,9 mois.

Dans l’ensemble de la cohorte, 11,5 % des sujets étaient hyponatrémiques ([Na+] <135 mmol/L), et 2,2 % d’entre eux présentaient une hyponatrémie sévère ([Na+] <130 mmol/L). L’étude n’a objectivé aucune différence entre les deux groupes quant à la mortalité toutes causes confondues ou à la mortalité d’origine cardiovasculaire (CV) ni quant aux hospitalisations pour cause d’IC. «Il ne fait aucun doute que cet agent est sûr en présence d’IC décompensée», affirme le Dr Liu. De plus, parmi les patients dont la natrémie était <130 mmol/L, les chercheurs ont observé une diminution significative de la morbi-mortalité CV (évalué par un comité indépendant) dans le groupe de traitement actif par rapport au groupe placebo (p<0,05). L’antagoniste de la vasopressine a aussi donné lieu à une augmentation constante et durable de la natrémie chez les patients hyponatrémiques, et l’augmentation était perceptible dès le premier jour de traitement. Toujours au sein de la cohorte globale, on a noté une amélioration subjective significative (p<0,0001) de la dyspnée en faveur de l’agent à l’étude. De plus, dans le groupe recevant l’antagoniste de la vasopressine, le poids corporel a diminué davantage – d’environ 1,6 lb (0,726 kg) – entre le jour 1 et le jour 7.

Indications

Comme l’a confirmé le Dr Liu, le tolvaptan est actuellement indiqué pour le traitement de l’hyponatrémie non hypovolémique cliniquement importante ([Na+] <130 mmol/L) et de l’hyponatrémie symptomatique. La dose initiale est de 15 mg 1 fois/jour et elle peut être augmentée à intervalles d’au moins 24 heures jusqu’à un maximum de 60 mg/jour. Le traitement par le tolvaptan n’a pas été étudié chez des patients présentant de graves symptômes neurologiques nécessitant une correction urgente de la natrémie. Cet agent ne doit donc pas être prescrit aux patients en proie à des troubles neurologiques chez qui la natrémie doit être augmentée d’urgence.

Le traitement doit être prescrit uniquement dans les hôpitaux où la natrémie peut être surveillée étroitement par des médecins ayant de l’expérience dans la prise en charge d’une hyponatrémie cliniquement importante, a rappelé le Dr Liu à l’auditoire.

Les comptes rendus du Réseau d'éducation médicale (Mednet), qui sont accrédités par l'université McGill dans le cadre de la série de comptes rendus de congrès accrédités MedPoint, donnent droit à des crédits Mainpro-M1 et à des crédits du programme MDC.

© 2012 Réseau d’éducation médicale Canada inc. Tous droits réservés. Presse prioritairemc est un service indépendant de journalisme médical qui fait le point, à des fins éducatives, sur les opinions professionnelles exprimées lors de congrès médicaux et scientifiques du monde entier donnant droit à des crédits de formation et/ou publiées dans des revues médicales dotées d’un comité de lecture. Les vues exprimées sont celles des participants et ne reflètent pas nécessairement celles de l’éditeur, l’université McGill ou du commanditaire. La distribution de la présente publication éducative est possible grâce au financement de l’industrie en vertu d’un accord écrit qui garantit l’indépendance. Tout traitement mentionné dans la présente publication doit être utilisé conformément aux renseignements posologiques en vigueur au Canada. Aucune allégation ou recommandation n’y est faite quant aux produits, aux utilisations ou aux doses à l’étude. Aucune partie de la présente publication ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit ni être distribuée sans le consentement écrit de l’éditeur. L’information contenue dans la présente publication n’est pas destinée à justifier à elle seule les soins à prodiguer à quiconque. Notre objectif est d’aider les médecins et les autres professionnels de la santé à mieux comprendre les tendances actuelles de la médecine. Nous aimerions avoir vos commentaires.

Réseau d’éducation médicale Canada inc. 132, chemin de l’Anse, Vaudreuil (Québec) J7V 8P3 www.mednet.ca

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.