Comptes rendus

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Optimisation du traitement ciblé dans le cancer du rein

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 33e Congrès de la Société européenne d’oncologie médicale

Stockholm, Suède / 12-16 septembre 2008

Après avoir étudié 154 décisions ou interventions de prise en charge importantes sur le plan clinique à l’égard de 14 types de tumeurs, on a constaté que seulement 24 % d’entre elles étaient étayées par des données de niveau 1; les résultats d’essais cliniques de phase III ne seraient donc pas les seules données dignes d’intérêt, rapporte le Dr Peter Mulders, centre médical de l’Université Radboud, Nimègue, Pays-Bas. Plus tôt cette année, relate ce dernier, 12 experts se sont réunis pour déterminer quels facteurs devraient présider au choix du traitement optimal chez un patient atteint d’un cancer du rein avancé. Le groupe en est arrivé à un arbre décisionnel simple et axé sur le patient, dont l’utilité a été évaluée par un second groupe au moyen de données sur le sorafenib. L’algorithme a été élaboré à partir d’analyses – d’effectifs complets et de sous-groupes – d’essais cliniques de phase III, de programmes d’accès élargi européens et nord-américains tel l’ARCCS (Advanced Renal Cell Carcinoma Sorafenib), auquel ont pris part un large éventail de patients non inclus dans les essais cliniques, et d’études unicentriques portant sur des sous-groupes particuliers.

Le groupe d’experts a formulé ses recommandations en tenant compte de certaines particularités de la maladie, du patient et du traitement, précise le Dr Mulders. «Le groupe a déterminé que le sorafenib était efficace au sein d’un large éventail de patients atteints d’un cancer du rein, notamment les porteurs de métastases multiples, les personnes âgées souffrant d’autres maladies, les patients ayant déjà reçu des cytokines et ceux qui reçoivent un autre agent ciblé», affirme-t-il.

L’emploi du sorafenib, inhibiteur de tyrosine kinases (ITK), a été fortement recommandé chez les patients à risque faible ou intermédiaire dont l’examen histologique a révélé la présence de cellules claires et qui étaient porteurs de 0 à 3 métastases ganglionnaires, hépatiques, pulmonaires ou osseuses. On conseille également son utilisation chez les patients, jeunes ou âgés, qui présentent un indice fonctionnel de 0 à 2, des hémopathies concomitantes, une hypertension maîtrisée, une cirrhose et une néphropathie; on peut y recourir en présence ou en l’absence d’un traitement antérieur par une cytokine, dans le but de prolonger la survie, de stabiliser la maladie et de maintenir la qualité de vie.

Innocuité cardiovasculaire dans les essais cliniques

Les traitements ciblés opposés au cancer du rein ont été associés à des événements cardiovasculaires (CV), tels que l’infarctus du myocarde (IM), l’hypertension et l’insuffisance cardiaque (IC). Désireux de tracer le profil d’innocuité CV du sorafenib en monothérapie, des chercheurs ont compilé les données sur les effets indésirables CV répertoriés lors de 19 essais cliniques de phase I, II et III auxquels ont participé 2276 patients atteints d’un cancer rénal, mammaire, colorectal, hépatocellulaire ou pulmonaire non à petites cellules.

La plupart des effets indésirables étaient traitables. Le plus fréquent a été l’hypertension, légère ou modérée et répondant aux antihypertenseurs classiques dans la majorité des cas. Si les effets indésirables CV sont caractéristiques de la classe des ITK, comme on l’a présumé, le sorafenib pourrait constituer une exception.

On a signalé une IC chez 43 sujets (1,89 %), considérée comme grave chez 31 (1,36 %) d’entre eux. La fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) a diminué chez un patient. Un IM s’est produit chez 28 patients (1,23 %) et a été considéré comme un effet indésirable grave chez 27 (1,19 %) d’entre eux. Par ailleurs, une hypertension est apparue pendant le traitement chez 438 patients (19,24 %) et a été jugée grave chez 12 (0,53 %) d’entre eux. Dans la plupart des cas, l’hypertension était de grade 2 ou 3. Une hypertension sévère, qualifiée de crise hypertensive, s’est produite chez cinq patients, rapportent les chercheurs.

Innocuité cardiovasculaire dans des conditions d’utilisation réelles

Cancer du rein avancé et hypertension vont souvent de pair. Or, certains traitements anti-angiogéniques favoriseraient l’hypertension ou ont été associés à une baisse de la FEVG ou à une hausse des événements thromboemboliques artériels. La possibilité qu’une maladie CV clinique (MCC) puisse accroître le risque de survenue d’un effet indésirable CV chez un patient sous ITK a motivé l’analyse d’une sous-population du volet européen du vaste essai à accès élargi ARCCS ([EU]-ARCCS), d’expliquer le Pr Tim Eisen, Cancer Research UK, Cambridge Research Institute, et auteur principal de l’étude.

Ont été admis à l’EU-ARCCS 1159 patients de 11 pays européens. Des 1148 patients évaluables, 490 étaient atteints d’une MCC et 658 ne présentaient aucun signe de MCC. Par «MCC», on entendait une maladie coronarienne, un accident vasculaire cérébral, une l’hypertension ou une IC. On s’est intéressé aux différences intergroupes à l’égard des critères suivants : bénéfice clinique, survie sans progression (SSP), innocuité et durée du traitement.

La SSP et le bénéfice clinique étaient semblables dans les deux groupes. La SSP médiane s’est établie à 6,9 mois pour l’ensemble de l’effectif, à 6,8 mois chez les patients atteints d’une MCC et à 6,9 mois chez les patients exempts de MCC. Dans les deux groupes, plus des trois quarts des patients ont tiré un bénéfice clinique du sorafenib (à savoir une réponse complète ou partielle et une stabilisation de la maladie pendant 12 semaines ou plus).

On a pu évaluer l’innocuité chez 978 patients; la fréquence et la nature des effets indésirables de grade 3 ou plus ont été semblables, qu’il y ait MCC ou non. Fait à souligner, on n’a noté aucune différence au chapitre de la FEVG. Les effets indésirables CV de grade 3 ou plus sont donc comparables au sein des deux groupes, sauf l’hypertension, plus fréquente dans le groupe MCC que dans le groupe exempt de MCC (7,7 % contre 2,1 %) (Tableau 1). Cela dit, comme l’hypertension constituait un critère d’admissibilité au groupe MCC, la présence plus affirmée de l’hypertension systolique dans ce groupe par rapport à l’autre n’a rien d’étonnant.

De l’avis des auteurs, le sorafenib à 400 mg 2 fois par jour apporte le même bénéfice clinique et présente la même innocuité dans le cancer du rein avancé, que le patient soit atteint ou non d’une MCC en début de traitement.

Tableau 1. Effets indésirables CV de grade <u>></u> 3* (%)


Fraction d’éjection ventriculaire gauche

En ciblant les voies angiogéniques, les inhibiteurs du facteur de croissance de l’endothélium vasculaire peuvent, par leur action sur les vaisseaux et les tissus cardiaques, entraîner des effets indésirables CV. On a effectivement fait état d’une baisse de la FEVG et de l’apparition d’IC lors d’un traitement par d’autres ITK, mais ces événements ont été peu fréquents dans les études sur le sorafenib. On a donc cru bon de mener une petite étude ouverte bicentrique de phase I pour évaluer les effets cardiaques d’une monothérapie à long terme par le sorafenib. Les chercheurs ont recruté 53 patients atteints d’un cancer avancé – tumeur solide ou lymphome – et les ont soumis à cinq cycles (un cycle=28 jours), au plus, de sorafenib à 400 mg 2 fois par jour. On a mesuré la FEVG par ventriculographie isotopique (MUGA) au début de l’étude, le premier jour des troisième et cinquième cycles ainsi qu’au terme de la participation à l’étude. On a poursuivi le traitement jusqu’à la progression de la maladie ou à la survenue d’une toxicité inacceptable.

Au départ, tous les patients présentaient une FEVG <u>></u>45 %, une TA systolique <u><</u>170 mmHg ou diastolique <u><</u>100 mmHg et un intervalle QTc <500 msec. Des antécédents d’IC de classe supérieure à II selon la New York Heart Association, une arythmie cardiaque imposant un traitement autre que des bêta-bloquants ou de la digoxine, une hypertension non maîtrisée et la prise antérieure d’une anthracycline entraînaient l’exclusion du patient. Cependant, le patient atteint d’une maladie coronarienne ou ayant subi un IM plus de six mois avant son inscription à l’étude était admis, pour autant que sa FEVG soit <u>></u>45 %.

Dans l’ensemble, la FEVG moyenne n’avait à peu près pas bougé, voire pas du tout, par rapport à la valeur de départ, le premier jour des troisième et cinquième cycles de même qu’au terme de la participation à l’étude. Cependant, les ventriculographies isotopiques ont mis en lumière, dans des cas isolés, une baisse <u>></u>10 % de la FEVG. Par ailleurs, on a noté une prolongation minime des variations moyennes de l’intervalle QTc (9 msec selon la correction de Fridericia et 4 msec selon la correction de Bazett) après le traitement par le sorafenib. Les TA systolique et diastolique se sont accrues en moyenne de 12 mmHg et de 11 mmHg, respectivement, par rapport à la valeur de départ. La TA était <u><</u>150/90 mmHg chez la plupart des sujets. On a enregistré, enfin, une diminution minime de la fréquence cardiaque le premier jour du deuxième cycle.

Résumé

Comme il n’existe pas un seul et unique traitement convenant à tous les patients, un algorithme axé sur le patient peut faciliter la prise de décisions cliniques. Le choix thérapeutique sera fonction de la maladie, du patient et des caractéristiques du traitement. L’efficacité des agents ciblés contre divers types de tumeurs, notamment le cancer du rein et le carcinome hépatocellulaire, a d’ores et déjà été démontrée lors d’essais cliniques. Cependant, dans le cas du sorafenib, des analyses particulières d’études cliniques ont révélé l’innocuité cardiaque relative de cet agent, que les sujets soient atteints ou non d’une MCC, en plus de démontrer son innocuité et son efficacité chez un large éventail de patients.

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