Comptes rendus

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Optimisation du traitement des maladies inflammatoires de l’intestin par un agent biologique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Semaine des maladies digestives (DDW 2014)

Chicago, Illinois / 3-6 mai 2014

Chicago - Les communications orales et affichées présentées durant la Semaine des maladies digestives (DDW) 2014 témoignent de l'évolution du traitement des maladies inflammatoires de l'intestin (MII) ayant découlé de l'accumulation de données sur l'utilisation des inhibiteurs du facteur de nécrose tumorale alpha (TNFα). Il a notamment été question de nouvelles études comparatives sur les inhibiteurs du TNFα en monothérapie et en association avec une thiopurine ainsi que des progrès réalisés quant à l'optimisation du traitement par un agent seul ou en association. L'analyse du pour et du contre de chaque approche semble indiquer que les agents biologiques seraient plus sûrs que les immunosuppresseurs.

 

 «Nous assistons à une mutation profonde du traitement des maladies inflammatoires de l'intestin (MII)», affirme le Dr Gary Lichtenstein, University of Pennsylvania School of Medicine, Philadelphie. «Les objectifs du traitement ont évolué, dit-il. Par le passé, le traitement était symptomatique, mais il est maintenant clair que nous devons aussi aspirer à réduire le nombre d'hospitalisations et d'interventions chirurgicales de même qu'à alléger le fardeau social et professionnel associé aux MII. La cicatrisation de la muqueuse nous permet de viser plus haut et d'améliorer les résultats cliniques dans leur ensemble, et il nous faut reconnaître que l'innocuité et la tolérabilité des médicaments sont primordiales. Les agents biologiques sont les traitements les plus efficaces que nous ayons», poursuit le Dr Lichtenstein.

Innocuité de la monothérapie

Il y a peu de données comparatives sur lesquelles s'appuyer pour déterminer le traitement optimal de la colite ulcéreuse (CU). Des chercheurs ont évalué le pour et le contre d'un agent biologique et d'une thiopurine utilisés seuls à long terme dans le traitement de la CU à l'aide d'un nouvel outil d'évaluation mis au point par le Dr Eric D. Shah, Cedars-Sinai Medical Center, Los Angeles (résumé 5). Ils ont extrait des données de 14 essais de phase III avec randomisation et placebo sur un agent utilisé seul dans la CU active, notamment 10 essais sur un agent biologique (infliximab, adalimumab, golimumab et vedolizumab) et 4 essais sur un immunomodulateur (tacrolimus et 6-mercaptopurine/azathioprine). Pour chacun de ces agents, le Dr Shah et ses collaborateurs ont calculé le quotient du ratio interventions/préjudices (NNH) (déterminé à partir des abandons pour cause d'effets indésirables) par le ratio interventions/bénéfices (NNT) (déterminé à partir des paramètres d'évaluation de l'efficacité des essais cliniques). Le NNH n'était pas défavorable sous tacrolimus en traitement d'induction, mais il a atteint 14 en traitement d'entretien (RR=2,8; IC à 95 % : 0,7 à 10,5). Dans le cas des agents biologiques, le ratio était favorable à la fois pour le traitement d'induction, le traitement d'entretien et les traitements d'induction/d'entretien combinés. «Nos données indiquent toutefois que l'azathioprine en monothérapie fait plus de tort que de bien», ajoute le Dr Shah.

Traitement d'association vs monothérapie

Comme l'ont souligné les chercheurs du Centre Hospitalier Universitaire de Montpellier, France, l'association de l'infliximab et d'un immunosuppresseur était significativement plus efficace que l'anti-TNFα seul après 6 mois dans le traitement de la CU modérée ou sévère (résumé Sa1273). Le Dr Dimitri Christophorou a présenté une méta-analyse qui regroupait les données de 3 essais comparatifs – UC SUCCESS (Panaccione R et al. Gastroenterology 2014;146:392-400) et ACT 1 et 2 (Gastroenterology 2009;137:4:1250-60) – durant lesquels 765 patients ont reçu de l'infliximab seul ou en association avec de l'azathioprine. Après 6 mois, les patients chez qui la rémission clinique avait été atteinte et s'était maintenue étaient significativement plus nombreux dans le groupe recevant l'association (48,60 %; p<0,0001) que dans le groupe recevant l'anti-TNFα seul (29,89 %; p<0,0001). La différence était toujours là à 12 mois (48,60 % vs 34,1 %, respectivement), mais elle n'était plus significative sur le plan statistique, probablement en raison d'un manque de données, fait valoir le Dr Christophorou.

Selon une autre méta-analyse, portant cette fois sur la maladie de Crohn (MC), le traitement d'induction a été associé à des résultats légèrement plus favorables sous adalimumab + immunosuppresseur que sous adalimumab seul (risque relatif approché [OR] 0,79; p=0,01), mais les taux d'induction d'une réponse clinique et de maintien d'une rémission/réponse de même que le besoin d'augmentation de la dose après 1 an étaient similaires dans les deux groupes (résumé Sa1106).

Dose de l'immunosuppresseur utilisé en association

L'utilisation d'un immunosuppresseur en association avec l'infliximab, comparativement à son utilisation en monothérapie,  donne lieu à des concentrations minimales plus élevées et à des titres d'anticorps moindres, mais il n'y a aucun avantage à ajouter un immunosuppresseur à l'adalimumab, à en juger par une étude menée aux Pays-Bas que la Dre Andrea E. van der Meulen-de Jong a présentée au congrès (résumé 208). Dans une étude rétrospective qui regroupait 217 patients atteints d'une MII (80 % de MC) suivis au Centre médical universitaire de Leyde, le taux de formation d'anticorps était plus faible chez les patients recevant l'infliximab en association que chez ceux le recevant en monothérapie (5,7 % vs 29,8 %; p=0,001).  L'infliximab utilisé en association a également donné lieu à des concentrations minimales moyennes significativement plus élevées (7,5 vs 4,6 μg/mL, respectivement; p=0,04). Les concentrations minimales et les titres d'anticorps ont été mesurés par les Laboratoires Sanquin à Amsterdam. Les concentrations minimales étaient qualifiées de normales si elles se situaient entre 3 et 7 μg/mL et l'on considérait que la formation d'anticorps était positive si le titre était >12 unités arbitraires par mL. Le moment où le traitement immunosuppresseur a été instauré n'a pas eu d'effet sur les concentrations minimales d'infliximab ou d'adalimumab, mais le taux de formation d'anticorps était plus élevé dans le groupe qui avait amorcé simultanément les traitements par l'infliximab et l'adalimumab que dans celui qui avait amorcé le traitement immunosuppresseur plus tard (2,4 % vs 18,2 %, p=0,04). La dose de l'immunosuppresseur n'a pas semblé influer sur la formation d'anticorps, peu importe l'anti-TNFα utilisé.

Optimisation de la dose

Chez les patients qui répondent d'emblée à l'infliximab, la dose doit être optimisée plus souvent s'ils souffrent de CU que s'ils souffrent de MC, possiblement en raison d'une inflammation plus marquée, selon une étude rétrospective réalisée au Mount Sinai Hospital, à Toronto (résumé Su1412). La Dre Sarah O'Donnell et ses collaborateurs ont sélectionné 211 patients qui avaient reçu de l'infliximab (≥4 perfusions) pour une MC (67 %) ou une CU (33 %) entre 2008 et 2013. En date d'octobre 2013, 70 % des patients  en traitement d'entretien durant la période ciblée recevaient toujours le traitement, et la dose avait dû être optimisée (augmentation de 5 à 10 mg/kg ou diminution de l'intervalle inter-doses <8 semaines) chez 49 % des patients. L'optimisation de la dose a été plus fréquente chez les patients atteints de MC que chez les patients atteints de CU (49% vs 67 %; p=0,015). L'optimisation de la dose a pris la forme d'une augmentation de la dose plus souvent dans la CU que dans la MC (38 % vs 18 %, p=0,002). L'intervalle précédant l'optimisation de la dose était aussi significativement plus bref dans la CU que dans la MC. Les concentrations minimales, mesurées par le dosage de Prometheus Anser, étaient semblables dans les deux groupes de patients.

Monothérapie

De l'avis du Dr Byron B. Vaughn, Beth-Israel Deaconess Medical Center, Boston, Massachussetts, et de ses collaborateurs, une «monothérapie optimisée» pourrait conférer les mêmes avantages que le traitement d'association, c'est-à-dire des concentrations minimales plus élevées et une formation moindre d'anticorps. Dans une étude pilote, les patients recevant une monothérapie optimisée – qui se définissait par la surveillance proactive de concentrations minimales thérapeutiques d'infliximab et, au besoin, l'augmentation de la dose de façon à obtenir la concentration cible (5 à 10 μg/mL), suivie d'une surveillance continue à intervalles réguliers – ont obtenu des résultats très semblables à ceux des patients recevant le traitement d'association», souligne le Dr Vaughn (résumé 211). L'étude regroupait 31 sujets dont 84 % de sujets étaient atteints de MC; 11 d'entre eux (35 %) ont eu besoin d'une première augmentation de la dose et 10, d'augmentations subséquentes, et la dose a été abaissée chez 2 patients. La concentration minimale était >5 μg/mL chez 26 (83 %) patients. Aucun patient n'avait arrêté son traitement à la fin de la période de l'étude, et la durée médiane du suivi est à ce jour de 3,4 ans (extrêmes de 1 et 5 ans). «Somme toute, nous pensons que la monothérapie optimisée pourrait être aussi efficace que le traitement d'association, déclare le Dr Vaughn. Nous devrons néanmoins le valider dans une étude prospective, car nous ne savons pas encore si cette monothérapie serait efficace en première intention chez des patients jamais traités ou si les patients devraient recevoir un traitement d'entretien de 6 à 12 mois suivi d'une monothérapie en cas de réponse», précise-t-il.

Résumé

Durant un tour d'horizon des meilleurs traitements actuels pour les MII, le Dr William Sandborn, division de gastro-entérologie, University of California San Diego, La Jolla, a affirmé que 50 % of patients atteints de CU répondent à la mésalamine et que les autres patients doivent recevoir un traitement de puissance dégressive, c'est-à-dire des corticostéroïdes (budésonide + prednisone) suivis de l'association azathioprine + anti-TNFα. «Dans la MC, une corticothérapie de posologie décroissante serait probablement efficace chez les patients à faible risque alors que l'association azathioprine + anti-TNFα serait la meilleure option chez les patients à risque élevé. Tant dans la CU que dans la MC, la démarche devrait reposer sur une optimisation des traitements et l'atteinte des valeurs cibles», conclut le Dr Sandborn.

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