Comptes rendus

Rôle des agents biologiques dans le traitement du psoriasis résistant
Dépistage génétique de l’hypersensibilité aux antirétroviraux : l’éventail d’options s’élargit

Optimiser la maîtrise de la phosphatémie : vers une meilleure observance du traitement

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Réunion clinique du printemps 2007 de la National Kidney Foundation

Orlando, Floride / 10-14 avril 2007

L’hyperphosphatémie est l’un des multiples facteurs de risque qui compliquent le traitement de l’insuffisance rénale chronique (IRC) (Figure 1). Comme l’explique Stuart Sprague, DO, professeur titulaire de médecine, Northwestern University Feinberg School of Medicine, Chicago, Illinois, les investigateurs ont constaté que les risques de mortalité toutes causes confondues, de mortalité par maladie coronarienne et d’infarctus du myocarde (IM) mortel ou non mortel augmentent parallèlement à la phosphatémie, même chez les sujets dont la fonction rénale est normale (Tonelli et al. Circulation 2005;112:2627-33).

D’autres anomalies du métabolisme minéral, notamment une hypercalcémie et une hyper- ou une hypoparathyroïdie marquée, sont associées à un risque accru de mortalité chez les patients souffrant d’IRC.

Calcifications chez les dialysés

Les calcifications artérielles expliquent en partie que les taux de morbi-mortalité d’origine cardiovasculaire (CV) soient si élevés chez les insuffisants rénaux chroniques. En effet, plus les calcifications artérielles sont importantes, plus le risque de mortalité est élevé.

Lors d’une étude qui regroupait des patients souffrant d’insuffisance rénale terminale, par exemple, on n’a enregistré essentiellement aucun décès pendant un suivi d’environ 80 mois chez les patients qui ne présentaient aucune artère calcifiée au départ, par comparaison à un taux de mortalité d’environ 80 % chez les sujets qui présentaient quatre artères calcifiées (Blacher et al. Hypertension 2001;38:938-42).

Comme l’indique le Dr Sprague, la vélocité de l’onde de pouls aortique est une mesure de la rigidité artérielle et des calcifications artérielles. Ainsi, l’augmentation de la vélocité de l’onde de pouls, tout comme l’augmentation de la tension différentielle, témoigne de la présence de calcifications artérielles. «La tension différentielle est donc un moyen facile d’évaluer la rigidité artérielle chez nos patients», poursuit-il.

Figure 1. Phosphatémie et mortalité


Il va de soi qu’un apport calcique élevé augmente la probabilité d’un score élevé de calcifications et, partant, le risque de mortalité (Figure 2). De plus, précise le Dr Dennis Andress, professeur de clinique en médecine, University of Washington School of Medicine, Seattle, un score assez élevé de calcifications accompagne ce que la plupart des médecins considèrent comme un apport quotidien de calcium «acceptable», soit 1,8 à 2,1 grammes de calcium élément (Guérin et al. Nephrol Dial Transplant 2000;15:1014-21; Hsu et al. Am J Kidney Dis 1997;29:641-9), ce qui donne à penser que l’apport cible de calcium élément devrait probablement être plus faible.

D’autres anomalies du métabolisme minéral contribuent au risque de maladie CV, fait remarquer le Dr Andress. Par exemple, Teng et al. (J Am Soc Nephrol 2005;16:1115-25) ont montré que le risque de mortalité augmente d’environ 30 % chez les dialysés qui ne reçoivent pas de vitamine D par voie intraveineuse si leur taux de parathormone (PTH) est de l’ordre de 400 à 500 pg/mL plutôt que d’être normal.

Le risque d’ostéopathie adynamique est une préoccupation grandissante chez les patients en dialyse. L’ostéopathie adynamique résulte d’une hypercalcémie et d’une suppression trop marquée du taux de PTH, expliquaient les conférenciers. «L’ostéopathie adynamique inquiète en raison de la surcharge calcique, fait valoir le Dr Andress. Nous devons donc identifier les patients [atteints d’ostéopathie adynamique] afin d’arrêter la prise de chélateurs à base de calcium.» Contrairement à ce que l’on croyait par le passé, la vitamine D est en fait bénéfique pour les patients souffrant d’ostéopathie adynamique, car elle stimule la néoformation osseuse et inhibe la résorption osseuse, d’ajouter le Dr Andress.

Lors d’une étude portant sur des patients atteints d’IRC de stade III ou IV qui recevaient un analogue de la vitamine D actif, les taux de PTH ont été abaissés d’environ 30 %, et la densité osseuse a en fait augmenté par comparaison au groupe placebo, note le Dr Andress (Rix et al. Nephrol Dial Transplant 2004;19:870-6). Des chercheurs ont observé le même phénomène chez des patients en dialyse qui recevaient du calcitriol (Ruedin et al. Kidney Int 1994;45:245-52), et une prolongation de la survie a été mise en évidence chez des patients en dialyse qui recevaient par voie intraveineuse un traitement à base de dérivés de la vitamine D (Teng et al.).

Cependant, il semble y avoir des différences entre les divers analogues de la vitamine D sur le plan des calcifications vasculaires, comme le montrait le Dr Andress. Le paricalcitol entraînerait vraisemblablement un excédent faible ou nul de calcifications comparativement au calcitriol et au doxercalciférol (Slatopolsky et al. Congrès 2006 de l’ASN, résumé SA-DS527).

Figure 2. Ap
ore de calcifications

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Chélateurs de phosphate sans calcium

Le premier chélateur de phosphate sans calcium contenait de l’aluminium et était à la fois puissant et bon marché, explique le Dr William Finn, professeur titulaire de médecine, University of North Carolina School of Medicine, Chapel Hill. Une fois absorbés, par contre, les chélateurs à base d’aluminium doivent être éliminés par un rein fonctionnel, d’où une surcharge aluminique chez les dialysés et, par conséquent un risque accru d’anomalies neurologiques et d’ostéomalacie avec fractures. Les chélateurs de phosphate à base de calcium ont un meilleur profil d’innocuité global, mais le risque accru d’hypercalcémie, les complications CV qui en découlent et l’ostéodystrophie rénale en limitent l’utilisation.

«De plus, les patients doivent prendre beaucoup de comprimés, jusqu’à trois ou quatre par repas, et l’apport de calcium élément peut alors excéder le maximum recommandé dans les lignes directrices de la Kidney Disease Outcomes Quality Initiative [K/DOQI]», ajoute le Dr Finn. L’ingestion excessive d’alcalins et de calcium est aussi associée au syndrome du lait et des alcalins, qui peut se solder par une insuffisance rénale, la calcification des tissus mous et une néphrocalcinose.

Le premier chélateur de phosphate sans calcium ni aluminium a été le sevelamer, et on a démontré qu’il causait beaucoup moins de calcifications coronariennes que les chélateurs à base de calcium (Braun et al. Clin Nephrol 2004;62:104-15). Block et al. ont aussi constaté qu’il prolongeait la survie par rapport aux chélateurs à base de calcium (Kidney Int 2007;71:438-41). Cela dit, il ne fixe pas bien le phosphate en présence d’un faible pH intestinal; il peut se lier aux vitamines liposolubles; et il comporte un risque d’acidose métabolique. En outre, il exige la prise d’un nombre élevé de comprimés, en moyenne neuf comprimés de 800 mg par jour selon les études de phase III, indique le Dr Finn.

Le carbonate de lanthanum, homologué plus récemment en Europe et aux États-Unis, semble contourner plusieurs désavantages du sevelamer, surtout le nombre élevé de comprimés. Des essais cliniques ont clairement montré qu’il permet d’atteindre la phosphatémie et le produit calcium-phosphore cibles recommandés dans les lignes directrices de la K/DOQI (Finn W. Résumés du World Congress of Nephrology 2003). Il peut aussi fixer le phosphate sans égard au pH intestinal, ce qui en fait un chélateur très sélectif, note le Dr Finn. Contrairement aux chélateurs de phosphate à base d’aluminium dont l’excrétion exige une fonction rénale normale, le peu de carbonate de lanthanum absorbé est excrété par le foie et, à ce jour, l’exploration de la fonction hépatique n’a objectivé aucun effet sur le foie associé à la poursuite du traitement pendant six ans.

De même, contrairement aux chélateurs à base d’aluminium, le carbonate de lanthanum ne franchit pas la barrière hémato-encéphalique et ne semble pas avoir d’effet sur la fonction cognitive, si l’on en juge d’après les résultats d’une série de tests sur la fonction cognitive. Il n’a pas non plus d’effet délétère sur les os. Lors d’une étude présentée dans une communication par affiche par l’auteur principal, le Dr Hartmut Malluche, professeur titulaire et chef de la néphrologie, University of Kentucky A. B. Chandler Medical Center, Lexington, on a comparé l’effet du carbonate de lanthanum à celui d’un chélateur à base de calcium standard sur l’évolution des anomalies du renouvellement osseux, de l’équilibre osseux et de la minéralisation chez des patients atteints d’IRC de stade V.

Le carbonate de lanthanum a d’abord été administré à raison de 750 à 1500 mg/jour, après quoi la dose a été augmentée jusqu’à l’atteinte d’une phosphatémie de 5,9 mg/dL (1,9 mmol/L) ou moins. Les résultats des biopsies osseuses initiale et à un an étaient disponibles pour 33 patients du groupe chélateur à base de calcium et 32 patients du groupe carbonate de lanthanum, alors que ceux de la biopsie à deux ans l’étaient pour 24 patients du premier groupe et 32 du deuxième. Les deux groupes bénéficiaient d’une maîtrise comparable de la phosphatémie à un et à deux ans, soulignent les chercheurs.

Aucune anomalie de la minéralisation n’a été rapportée lors d’autres études à long terme où le traitement par le carbonate de lanthanum s’est poursuivi pendant au moins 4,5 ans. En fait, lors d’une étude où l’on comparait le carbonate de lanthanum avec un chélateur de phosphate à base de calcium, les biopsies osseuses à 12 mois ont révélé que l’incidence de l’ostéopathie adynamique, qui était essentiellement la même – environ 20 % – au départ dans les deux groupes, était plus faible après un an dans le groupe carbonate de lanthanum (9 %) que dans le groupe témoin (30 %) (D’Haese et al. Kidney Int Suppl 2003;63:S73-8).

Fait peut-être encore plus important, le carbonate de lanthanum administré à raison de 1 g par repas exige la prise de beaucoup moins de comprimés que d’autres chélateurs de phosphate. Lors d’une étude rapportée dans une communication par affiche par l’auteur principal, le Dr Nirupama Vemuri, South Florida Nephrology Group, Coral Springs, 2763 patients qui étaient passés d’un chélateur de phosphate à base de calcium ou d’un chélateur de phosphate sans calcium au carbonate de lanthanum ont été suivis pendant 12 semaines. L’analyse en intention de traiter, qui portait sur 2520 patients dont 1751 ont terminé l’étude, a mis en évidence une diminution moyenne de 3,4 comprimés/jour chez les sujets qui avaient pris du sevelamer au préalable et de 2,2 comprimés/jour chez ceux qui avaient pris un chélateur à base de calcium au préalable.

La satisfaction globale des patients et des médecins à l’égard de leur traitement par le carbonate de lanthanum était aussi plus élevée qu’au départ, 73 % des patients et 83 % des médecins ayant rapporté qu’ils le préféraient au chélateur de phosphate antérieur (Figure 3).

«Chez la plupart des patients, la dose efficace de carbonate de lanthanum est de 3 g/jour ou moins, ce qu’un seul comprimé de carbonate de lanthanum par repas peut fournir. Le traitement s’en trouve donc simplifié», concluent les
re 3. Satisfaction globale des patients/médecins face au traitement

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Peu de comprimés à prendre

Les résultats d’une autre analyse de l’innocuité et de l’efficacité d’un traitement fortement dosé à base de carbonate de lanthanum ont confirmé que ce dernier est à la fois sûr et efficace et ce, avec peu de comprimés. Dans sa présentation, le Dr Rajnish Mehrotra, professeur agrégé de médecine, Harbor-UCLA Medical Center, Torrance, Californie, a expliqué que les chercheurs avaient évalué l’innocuité et l’efficacité du carbonate de lanthanum à des doses pouvant atteindre 4500 mg/jour. Dans la première partie de l’étude, la dose était augmentée progressivement pendant quatre semaines jusqu’à un maximum de 3000 mg/jour de façon à maîtriser la phosphatémie. La cohorte A – qui poursuivait le traitement en mode ouvert – recevait 1500 à 3000 mg/jour si les taux cibles de la K/DOQI avaient été atteints durant la phase initiale de quatre semaines alors que, dans la cohorte B, on continuait d’augmenter la dose jusqu’à un maximum de 4500 mg/jour de carbonate de lanthanum si les taux cibles n’avaient pas été atteints durant la phase initiale.

Comme le souligne le Dr Mehrotra, 54 % des patients avaient atteint la phosphatémie cible recommandée par le K/DOQI, soit 5,5 mg/dL (1,78 mmol/L) ou moins, au terme des quatre semaines à l’aide d’une dose de 3000 mg/jour ou moins. La phosphatémie moyenne est demeurée égale ou inférieure au taux cible recommandé par la K/DOQI jusqu’à la semaine 24 dans la cohorte A.

Le quart des patients qui n’avaient pas atteint les taux cibles après quatre semaines les avaient atteints après huit semaines à 3000 mg/jour, tout comme 38 % des patients ayant reçu 3750 mg/jour et 32 % des patients ayant reçu 4500 mg/jour. La phosphatémie a été maîtrisée par une dose de 3000 mg/jour ou moins dans un délai de huit semaines chez les deux tiers des patients de la cohorte globale. La calcémie, la parathyroïdie et le produit calcium-phosphore sont demeurés dans les limites recommandées par la K/DOQI de la quatrième semaine jusqu’à la fin de l’étude.

Le carbonate de lanthanum a été bien toléré, font valoir les chercheurs, et la dose maximale utilisée dans l’étude n’a pas été associée à une augmentation des effets indésirables par rapport à la dose standard.

Résumé

En général, le patient souffrant d’IRC de stade V a besoin de six à 10 médicaments par jour pour que sa maladie soit maîtrisée de façon optimale, de sorte que l’observance des divers traitements n’est pas simple. Quand vient le moment de traiter l’hyperphosphatémie, l’une des nombreuses composantes de l’IRC, il est important de ne pas augmenter inutilement la charge calcique, car il a été démontré que les chélateurs de phosphate à base de calcium augmentent les calcifications vasculaires et majorent le risque de maladie coronarienne. Tant les chélateurs à base de calcium que le sevelamer exigent la prise de nombreux comprimés, ce qui favorise l’inobservance. Au contraire, le carbonate de lanthanum à forte dose ne gonfle pas la charge calcique et, chez la plupart des patients, il suffit d’un comprimé trois fois par jour, aux repas, pour maîtriser la phosphatémie. Ce schéma simplifie assurément la maîtrise de la phosphatémie et devrait favoriser l’observance du traitement.

Nota : Au moment où le présent article a été mis sous presse, le carbonate de lanthanum n’était pas commercialisé au Canada.

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