Comptes rendus

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Pharmacosuppression optimisée des androgènes dans le cancer de la prostate

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Le 3e Congrès mondial des controverses en urologie (CURy)

Athènes, Grèce / 25-28 février 2010

Le début d’action lent des agonistes de la gonadolibérine (GnRH) retarde de deux à trois semaines l’obtention d’un taux de testostérone de castration, souligne le Dr John Anderson, Royal Hallamshire Hospital, Sheffield, Royaume-Uni. L’élévation initiale de la testostérone produite par les agonistes cause souvent une poussée clinique, en particulier dans les cancers avancés. En revanche, on n’a pas observé d’élévation ni par conséquent de poussée sous degarelix, premier antagoniste de la GnRH. Son action immédiate a fait chuter le taux de testostérone à un niveau caractéristique de la castration en un ou deux jours chez plus de 90 % des patients (Klotz et al. BJU Int 2008;102:1531-8).

«On sait que la stimulation des récepteurs de la GnRH par les agonistes accroît la sécrétion d’hormone lutéinisante (LH), qui fait à son tour monter en flèche le taux de testostérone et entraîne des poussées cliniques. Cela dit, même en l'absence de poussée clinique, un certain stimulus infraclinique s’exerce indéniablement sur la tumeur, dont la croissance est ainsi activée. Par rétroaction, il finit par se produire un embouteillage au niveau hypophysaire, puis un arrêt de la synthèse de LH, explique le Dr Anderson. Le mécanisme des antagonistes de la GnRH se compare davantage à un barrage routier; ces agents se fixent immédiatement sur les récepteurs de la GnRH et réalisent un blocage sur-le-champ. Cette action directe permet une diminution très rapide, très marquée et durable de la testostérone, sans élévation initiale du taux.»

Large spectre d’utilisation

Comme les urologues connaissent déjà bien les analogues de la GnRH, ils se familiariseront très vite avec l’emploi du degarelix dans le cancer avancé de la prostate, estime le Dr Anderson. Ce traitement devrait devenir la norme dans les cancers métastatiques, en particulier en présence de symptômes ou d’un envahissement ganglionnaire.

On a de plus en plus recours à cette forme de castration chimique à tous les stades de la maladie. «Elle est utilisée en contexte adjuvant dans les cancers localement avancés, même aux stades précoces où un traitement radical n'a pas forcément sa place, mais où le patient a des symptômes, indique le Dr Anderson. À mon avis, les antagonistes de la GnRH peuvent être employés à tous les stades : cancer métastatique, atteinte ganglionnaire, cancer localement avancé symptomatique et cancer localisé à risque élevé de progression. La baisse rapide du taux de testostérone est bénéfique en présence d’un cancer avancé symptomatique. Ainsi, comparativement à un analogue, qui entraînerait hausse de la testostérone et aggravation des symptômes, un antagoniste exerce un effet bénéfique important dans les cas de compression médullaire ou d’obstruction urinaire imminente.»

Selon le Dr Anderson, les antagonistes de la GnRH pourraient également être utiles aux stades précoces. Un temps de doublement du taux d’antigène spécifique de la prostate (PSA) court, un taux de PSA élevé et un score de Gleason élevé dénotent un risque accru de cancer évolutif et mortel faute de traitement efficace. En présence de ces facteurs, l’association d’un antagoniste de la GnRH efficace avec la radiothérapie externe ou la résection chirurgicale est clairement indiquée si l’on aspire à un bénéfice optimal. L’avantage que procure un antagoniste ou un agoniste de la GnRH dans le cadre du traitement ne fait aucun doute; cependant, le degarelix pourrait constituer un meilleur choix pour le patient étant donné qu’il agit efficacement en moins de temps et qu’il empêche la stimulation de la croissance tumorale en début de traitement.

L’objectif du traitement hormonal néoadjuvant est de réduire le volume tumoral et de faire régresser les micrométastases ainsi que la lésion primaire en vue d’améliorer la réponse à la chirurgie ou à la radiothérapie. Des études sur le cancer de la prostate ont montré que le degarelix avait davantage réduit le volume tumoral qu’un agoniste; ainsi, cette réduction plus marquée du volume tumoral avant la radiothérapie ou des effets indésirables minimes pourraient être bénéfiques pour un patient présentant, par exemple, une obstruction importante du col vésical.

Suppression androgénique rapide

Comme le souligne le Dr Bo-Eric Perrson, Hôpital Elisabeth Sjukhuset, Uppsala, Suède, bien que le cancer de la prostate soit la deuxième cause de mortalité par cancer chez l’homme, les avis divergent encore sur le traitement optimal. Toutefois, à en juger par les résultats d'une vingtaine d'études, le degarelix est l’agent qui lui semble actuellement le mieux répondre aux besoins des patients atteints d’un cancer de la prostate.

Lors du récent essai pivot CS21, une étude de phase III avec randomisation, on a comparé le degarelix et le leuprolide (Klotz et al. 2008). L’antagoniste de la GnRH a été significativement plus rapide que l’agoniste pour abaisser les taux de testostérone et de PSA, et la diminution marquée s’est maintenue pendant les 12 mois de l’essai. Après randomisation, 610 patients ont reçu le degarelix à une dose initiale de 240 mg le premier mois, puis à une dose d’entretien mensuelle de 80 ou 160 mg, ou le leuprolide à une dose mensuelle de 7,5 mg. L’administration d’un antiandrogène en vue d’atténuer les poussées cliniques était laissée à la discrétion de l’investigateur; 16 % des patients sous leuprolide en ont reçu un.

Les deux doses de degarelix ont été au moins aussi efficaces que le leuprolide mais plus rapides que celui-ci pour induire et maintenir une suppression de la testostérone sérique (=0,5 ng/mL), signale le Dr Perrson. En trois jours, 96 % des patients sous degarelix avaient atteint cet objectif, comparativement à aucun des patients sous leuprolide. Dans ce dernier groupe, il a fallu attendre 28 jours avant que la testostérone atteigne le taux de castration (médiane). Aucun patient sous degarelix n’a présenté d’élévation initiale de la testostérone, comparativement à 81 % des patients sous leuprolide. De plus, le degarelix a abaissé le taux de PSA dans un délai significativement plus court que le leuprolide, ce qui témoigne d'une maîtrise plus rapide de la maladie.

Lors de l’essai CS21, le degarelix a été associé à une réduction significativement plus rapide du taux de PSA, le taux au 14e jour ayant diminué de 64 % par rapport au taux initial vs 18 % pour le leuprolide; le 28e jour, les chiffres correspondants étaient de 85 % et 68 %. La suppression du PSA sérique s’est maintenue tout au long de l’étude dans les deux groupes.

Influence du taux de testostérone initial

Les chercheurs ont analysé des sous-groupes de l’essai CS21 afin de déterminer si le taux initial de testostérone influençait l’issue du traitement par l’agoniste ou l’antagoniste de la GnRH sur le plan de la diminution de la testostérone et du PSA. Trois sous-groupes ont été définis en fonction du taux de testostérone initial : <3,5 ng/mL (faible), 3,5 à 5 ng/mL (intermédiaire) et =5 ng/mL (élevé).

Les données laissent présumer que peu de cliniciens mesurent le taux de testostérone initial avant d’amorcer un traitement dans le cancer de la prostate, indique le Dr Bertrand Tombal, Cliniques universitaires Saint-Luc, Bruxelles, Belgique. «Il est clair que plus le taux de testostérone initial est élevé, plus le délai nécessaire pour atteindre un taux de castration est long. Cela s’est vérifié pour le degarelix dans un essai comparatif récent, mais de façon plus évidente pour le leuprolide. Au chapitre du délai d’obtention d’un taux de castration évalué à différentes périodes, on a noté une différence statistique très significative en faveur du degarelix entre le 3e et le 28e jour dans les trois sous-groupes. Dans ce dernier sous-groupe, cette différence est demeurée significative jusqu’au 56e jour, et d’autres bénéfices non significatifs ont été constatés jusqu’au 84e jour.»

«Au vu des données sur la survie sans progression du PSA – c'est-à-dire l'intervalle précédant la remontée du taux de PSA – dans la population en intention de traiter, le degarelix s’est clairement distingué du leuprolide avec une survie sans progression de ce marqueur significativement plus longue», poursuit le Dr Tombal.

Le Dr Jan-Erik Damber, Université de Göteborg, Suède, rapporte que, dès le 1er jour, le taux de testostérone avait chuté d’au moins 85 % sous degarelix alors qu'il avait augmenté de 36 à 55 % sous leuprolide. On a constaté que l’ampleur de l’élévation de la testostérone provoquée par l’agoniste était fonction du taux de testostérone initial. Le délai d’obtention d’un taux de castration était directement corrélé avec le taux de testostérone initial dans les deux groupes. Entre le 1er et le 14e jour, le degarelix a été associé à une obtention significativement plus rapide d’un taux de castration que le leuprolide, et ce, sans égard au taux de testostérone initial. Seuls les patients sous leuprolide ont présenté des micro-élévations de la testostérone sept jours après leur neuvième injection. Les micro-élévations durant le traitement par le leuprolide étaient plus importantes lorsque le taux de testostérone initial était élevé.

En ce qui concerne le taux de PSA, une baisse rapide de ce marqueur par rapport au taux initial s’est amorcée dès le 1er jour dans le groupe degarelix (réductions médianes de >60 % et de >84 % le 14e et le 28e jour). Dans le groupe leuprolide, on a au contraire observé une légère augmentation du taux de PSA le 3e et le 7e jour, augmentation qui était la plus marquée chez les patients ayant un taux de testostérone initial >5 ng/mL. Le taux de PSA avait diminué de 15 à 23 % le 14e jour et de plus de 60 % dans tous les sous-groupes le 28e jour.

Le Dr Damber note également que, chez les patients sous leuprolide ayant un taux de testostérone initial élevé, les élévations et micro-élévations de testostérone associées à l’agoniste de la GnRH peuvent être plus importantes et que la suppression du PSA sérique peut être retardée de près de trois mois.

«Indépendamment du taux de testostérone initial, le degarelix a autorisé une réduction significativement plus marquée du taux de PSA que le leuprolide les 3e, 14e et 28e jours, signale-t-il. Le degarelix a surpassé le leuprolide même au-delà du 56e jour chez les patients dont le taux de testostérone initial était =5 ng/mL.» Il ressort de ces données que le degarelix maîtrise la maladie plus rapidement sur le plan de la diminution des taux de testostérone et de PSA, sans présenter l’inconvénient des élévations et micro-élévations de la testostérone associées aux agonistes de la GnRH, conclut le Dr Damber.

Résumé

Contrairement aux agonistes de la GnRH, le degarelix, un antagoniste de la GnRH, agit sur-le-champ, ce qui permet une baisse rapide des taux de LH, de FSH et de testostérone sans élévation ou micro-élévation initiale de la testostérone ni poussée clinique. Même lorsque le taux initial de testostérone est élevé, on observe avec les antagonistes de la GnRH une réduction marquée et durable, comparable à celle que permet l’orchidectomie. Les antagonistes de la GnRH comblent ainsi une lacune des agonistes. Ces données plaident en faveur de l’évaluation initiale et de la surveillance continue du taux de testostérone de façon à optimiser la prise en charge du patient atteint d'un cancer de la prostate.

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