Comptes rendus

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Optimisation de la durée d’action du traitement dans le TDAH

Physiopathologie des syndromes myélodysplasiques et stratégies visant à modifier leur évolution naturelle

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PERSPECTIVE PROFESSIONNELLE - Point de Vue sur des communications présentées au Toronto Myelodysplastic Syndromes Symposium: Progress and Challenges

Toronto, Ontario / 21-22 mai 2009

Relu et révisé par :

Rena J. Buckstein, MD, FRCPC

Chef du groupe d’hématologie, Codirectrice du programme de recherche sur les SMD, Odette Cancer Centre, Sunnybrook Health Sciences Centre

Professeure adjointe de médecine, University of Toronto, Toronto (Ontario)

Les syndromes myélodysplasiques (SMD) forment un groupe hétérogène de troubles oncologiques responsables d’anomalies cytologiques du sang ou de la moelle osseuse dont la gravité clinique et le pronostic sont variables. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en définit six formes principales en fonction des caractéristiques du sang et de la moelle. Toutefois, le risque d’évolution défavorable n’est pas seulement défini par la forme mais également par diverses autres caractéristiques du patient (comme le nombre de cytopénies) et des paramètres de sévérité de la maladie (comme la nécessité de transfusions d’érythrocytes). Fait important, les progrès récents dans la compréhension de la physiopathologie des types spécifiques de SMD sont confortés par la découverte de traitements efficaces qui agissent sur les voies moléculaires soupçonnées d’intervenir dans la maladie.

Depuis quelques années, on a progressé à pas de géant dans la compréhension des anomalies qui définissent les types spécifiques de SMD, indique le Dr Mikkael Sekeres, Cleveland Clinic Foundation, Ohio. Lors sa présentation axée sur les indications actuelles du lénalidomide – un immunomodulateur oral – dans les SMD, il a décrit une série d’effets pharmacologiques, dont la suppression du clone 5q, compatibles avec l’activité clinique observée dans les essais cliniques. Le lénalidomide illustre bien l’imbrication du développement thérapeutique dans les SMD et des progrès des connaissances sur leur biopathologie, note le Dr Sekeres. Sur la foi des résultats des essais cliniques, le lénalidomide a été approuvé au Canada et aux États-Unis pour le traitement des SMD avec délétion chromosomique 5q. Bien que la délétion 5q caractérise une évolution plutôt lente du syndrome, son association avec une anémie sévère peut mener à la dépendance transfusionnelle, laquelle est en soi associée à une diminution de la durée de survie chez les patients à faible risque ainsi qu’à une majoration du risque d’évolution vers la leucémie aiguë myéloïde (LAM).

Modifier le cours de la maladie

La contribution la plus notable du lénalidomide pourrait être sa capacité d’affranchir des transfusions environ les deux tiers des patients atteints d’un SMD avec délétion 5q qui en sont dépendants, comme l’a révélé une importante étude de phase II (List et al. N Engl J Med 2006;355:1456-65). Afin de mettre ces résultats en contexte, le Dr Sekeres s’est livré à une méta-analyse des données de la littérature depuis 20 ans et a constaté que l’indépendance transfusionnelle n’avait été obtenue en moyenne que chez 31,4 % des patients. Le taux d’indépendance transfusionnelle de 67 % observé au cours de l’étude de phase II représentait plus du double des taux obtenus par le passé (Tableau 1). Chez ces patients, on a en outre observé une élévation moyenne de 5,4 g/dL du taux d’hémoglobine et une durée médiane de la réponse de 2,2 ans.

S’il ne guérit pas les patients porteurs d’une délétion 5q, le lénalidomide a modifié la maladie en induisant une réponse cytogénétique bénéfique pour la survie chez 73 % des patients (ensemble des patients chez qui on a pu analyser les données cytogénétiques).

Dans l’étude de List et al., le taux de survie à 10 ans a été estimé à 75 % chez les sujets ayant répondu au lénalidomide vs 4 % chez les non-répondeurs. De même, le taux prévu de patients préservés d’une transformation leucémique à 10 ans était de 85 % vs 33 % chez les non-répondeurs, ce qui plaide encore une fois en faveur d’un effet sur le pronostic de la maladie.

Tableau 1. Dépendance transfusionnelle et réponse cytogénétique


Parmi les sujets non porteurs d’une délétion 5q, les données présentées par le Dr Sekeres indiquent que 26 % de ceux qui recevaient le lénalidomide n’ont plus eu besoin de transfusions (ce qui concorde avec les résultats de la méta-analyse) pendant 41 semaines (Raza et al. Blood 2008; 111[1]:86-93).

Les critères de gravité de la maladie pourraient évoluer si l’on en croit le Dr John M. Bennett, University of Rochester Medical Center, New York, qui s’est penché sur les méthodes de stratification du risque. Bien que les données cytogénétiques fassent partie des critères indispensables à l’établissement du score pronostique IPSS (International Prognostic Scoring System), l’existence d’autres facteurs pronostiques importants qu’il faudrait prendre en compte a motivé un processus de révision de la méthode d’évaluation du risque, indique le Dr Bennett. À titre d’exemple, poursuit-il, tout apport transfusionnel, quand bien même il se limiterait à une unité par mois, est associé à un effet défavorable sur la survie. Il est probable qu’un nouveau système plus précis d’établissement du score pronostique, attendu pour l’année prochaine, intégrera de tels facteurs, prévoit le Dr Bennett.

Premier Gain de survie jamais constaté dans les SMD/LAM à risque elevé

Dans les SMD à risque élevé, c’est à l’azacitidine, un agent hypométhylant, que l’on doit le progrès récent le plus notable en matière de traitement, soit une prolongation de la survie attestée dans une étude multicentrique de phase III (Fenaux et al. Lancet Oncol 2009;10:223-32). Cette étude menée auprès de 358 patients ayant un score IPSS intermédiaire-2 ou élevé, ce qui correspond à un SMD à risque élevé comprenant la forme SMD/LAM définie par la classification de l’OMS, est la première à mettre en évidence une prolongation de la survie globale (24,5 vs 15 mois) associée à un traitement de chimiothérapie dans les SMD/LAM à haut risque. La prolongation de 9,4 mois de la survie constatée après un suivi d’une durée médiane de deux ans correspondait à un taux de risque (HR, pour hazard ratio) de 0,58, soit une réduction du risque de 42 % (IC à 95 %, 0,43-0,77; p=0,0001) (Figure 1).

Le traitement par l’azacitidine a en outre davantage retardé la transformation en leucémie que les soins de soutien optimaux (26,1 vs 12,4 mois; p=0,004). Lors de cette étude phare, des patients atteints d’un SMD à risque élevé ont été randomisés en vue de recevoir de l’azacitidine ou un traitement classique (meilleurs soins de soutien, cytarabine à faible dose ou chimiothérapie intensive, selon l’option choisie par les investigateurs avant la randomisation). L’azacitidine est un médicament d’intérêt dans les SMD parce que l’hypométhylation pourrait rétablir l’expression normale de gènes jouant un rôle crucial dans la différenciation et la prolifération cellulaires.

Figure 1. Survie globa
on de traiter [ITT])

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Dans un survol de l’étude sur l’azacitidine, le Dr Lewis R. Silverman, Mount Sinai School of Medicine, New York, New York, a mis en exergue un certain nombre d’observations intéressantes qui pourraient nous éclairer sur l’activité de cet agent. Fait particulièrement frappant, on a continué d’obtenir des réponses pendant une période beaucoup plus longue que ce qu’on observe généralement avec les chimiothérapies classiques, la survenue de rémissions complètes (RC) étant encore observée 12 mois ou plus après le début du traitement chez certains patients. En outre, la RC, atteinte par 17 % des patients, n’était pas nécessaire pour qu’il y ait bénéfice. En effet, 45 % des patients ont cessé de dépendre d’un apport transfusionnel grâce au traitement par l’azacitidine comparativement à 11,4 % dans le groupe sous traitement classique. Indépendamment de l’obtention ou de la non-obtention d’une RC, l’azacitidine est le premier agent à être associé à une prolongation de la survie dans les SMD à risque élevé.

Accroître le rôle du traitement par un chélateur du fer

À la lumière des données actuelles, tous les guides de pratique clinique sans exception recommandent maintenant le traitement par un chélateur du fer chez certains patients atteints d’un SMD, fait observer la Dre Heather A. Leitch, Division d’hématologie, St. Paul’s Hospital, University of British Columbia, Vancouver. Toutefois, l’accessibilité demeure limitée dans certaines parties du Canada.

Le traitement par un chélateur du fer a été intégré dans les recommandations cliniques en raison du très grand nombre de données indirectes indiquant qu’une surcharge en fer est associée à un mauvais pronostic, y compris sur le plan de la survie chez les patients atteints d’un SMD. Chez les patients qui reçoivent des transfusions d’érythrocytes, la surcharge en fer est pratiquement inévitable du fait de la saturation de la transferrine, principal transporteur du fer. Une ferritinémie >1000 ng/mL diminue la durée de survie globale (Figure 2). Pour chaque augmentation de 500 ng/mL au-dessus de 1000 ng/mL, le taux de risque (HR) de décès augmente de 30 % (J Clin Oncol 2005;23[30]:7594-603).

Figure 2. Patients atteints d’une SMD
transfusionnel : Survie globale en fonction de la surcharge en fer

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L’élimination de la surcharge ferrique par un traitement chélateur est indiquée en raison de ses nombreux bénéfices connus vis-à-vis des organes sensibles au fer, dont le cœur, mais l’hypothèse d’un gain de survie pourrait prendre une place croissante dans ses indications. Bien que de multiples facteurs influent sur la survie dans les SMD, y compris les transfusions répétées contribuant à la surcharge ferrique, il ressort maintenant de plusieurs études cas/témoins rétrospectives que le traitement par un chélateur du fer est associé à une augmentation du taux de survie.

Selon une évaluation rétrospective des données sur 178 patients atteints d’un SMD et traités au St. Paul’s Hospital, le taux de survie à quatre ans était de 64 % chez 18 patients ayant un score IPSS faible ou intermédiaire-1 soumis à un traitement par un chélateur du fer, contre 43 % (p=0,003) chez les patients non traités. Une autre étude portant 165 patients atteints d’un SMD indique que la médiane de survie depuis l’établissement du diagnostic était de 115 mois chez les patients sous chélateur vs 51 mois chez les patients n’en ayant pas reçu (p<0,0001) (Rose et al. Blood 2007;110[11] : résumé 249). Après prise en compte des autres paramètres pronostiques, la médiane de survie globale pour les patients ayant un score IPSS de 0 n’était pas atteinte chez les sujets sous chélateur mais se chiffrait à 69 mois chez les sujets non traités (p=0,002). L’une des limites de ces études cas/témoins est l’existence possible de biais non détectés en faveur d’un gain de survie chez les patients sous chélateur par rapport aux patients n’en recevant pas, biais qui tiendraient à des facteurs indépendants des marqueurs pronostiques et de l’âge pris en compte pour l’appariement des groupes.

Au Canada, les recommandations cliniques actuelles ne préconisent pas le traitement par un chélateur du fer chez tous les patients atteints d’un SMD, mais un bénéfice considérable est escompté dans les situations où il est indiqué (Wells et al. Leuk Res 2008;32:1338-53). Selon les recommandations canadiennes, les patients visés doivent tous dépendre de transfusions, avoir une ferritinémie >1000 µg/L et avoir une espérance de vie d’au moins un an. Deux sous-groupes particuliers ont été définis : les patients ayant un bon pronostic, par exemple ayant un score IPSS faible ou intermédiaire, et les patients ayant un score plus élevé s’ils sont candidats au traitement par une allogreffe de cellules souches.

La commercialisation du déférasirox, chélateur du fer à prise orale, vient grandement faciliter le traitement de la surcharge ferrique. La Dre Leitch indique que l’entrée en scène de chélateurs destinés à la voie orale, mieux acceptés par les patients et plus faciles à administrer, pourrait modifier l’arbre de décision. Avec l’arrivée de nouveaux traitements capables de prolonger la survie, la confirmation du bénéfice éventuel du traitement par un chélateur du fer quant à la survie devient un enjeu plus urgent. Cette modalité thérapeutique qui comptait jusqu’ici surtout parmi les interventions palliatives visant à améliorer la qualité de vie (QdV) pourrait maintenant s’intégrer dans les stratégies de prolongation de la survie, contribuant ainsi éventuellement à ralentir le cours naturel des SMD.

Complexité de l’évaluation de la QdV

Dans une population vieillissante, les effets des traitements capables de modifier le cours naturel des SMD ont d’importantes répercussions en santé publique. Les données démographiques sur les SMD montrent une augmentation brutale de l’incidence à partir d’environ 65 ans. En se fondant sur les taux d’incidence, qui ne semblent pas varier beaucoup d’un pays ou d’une région géographique à l’autre, on peut supposer que la population actuelle de personnes atteintes d’un SMD au Canada se chiffre à environ 10 000. L’âge médian au diagnostic est de 73 ans. Étant donné le vieillissement de la population canadienne, on prévoit une augmentation considérable de la prévalence des SMD même si le taux d’incidence reste stable. Les SMD ont un retentissement sur la plupart des paramètres de la QdV, et les symptômes de fatigue et de dyspnée chez les sujets touchés sont plus importants que chez les témoins de référence; ces symptômes sont étroitement corrélés avec le taux d’hémoglobine et la dépendance transfusionnelle.

Selon une évaluation récente du coût du traitement des SMD en relation avec ses résultats cliniques, y compris ceux touchant la QdV, une très large part du fardeau des SMD serait sous-estimée. Par exemple, la dépendance aux transfusions entrave en soi le fonctionnement physique et social, entraîne une fatigue générale et augmente les coûts financiers, même si on ne tient pas compte de l’impact sur les paramètres individuels de la QdV.

L’évaluation du coût des soins médicaux et la collecte des données nécessaires à cet exercice méritent d’être faites suivant une démarche objective et rationnelle, du type de celle que nous appliquons actuellement au Sunnybrook. Même si les traitements indiqués dans les SMD sont autorisés dans plusieurs provinces du Canada sur la foi des données actuelles, il n’est pas certain que les décideurs utilisent la même démarche fondée sur des données probantes dans toutes les provinces. Si nous aspirons à une répartition équitable de ressources limitées, il est essentiel que nous travaillions à l’implantation d’une méthode uniforme d’évaluation du bénéfice apporté par chaque traitement.

Résumé

Des avancées thérapeutiques récentes dans le domaine des SMD laissent espérer que nous pourrons améliorer le pronostic de ces affections. De nouveaux agents ont été associés à une diminution des besoins transfusionnels, à une réduction du risque de transformation en LAM et à une prolongation de la survie. La capacité qu’ont montrée certains d’entre eux à corriger des anomalies cytogénétiques sous-jacentes de la maladie marque un tournant par rapport aux stratégies antérieures. Par ailleurs, l’espoir d’un meilleur pronostic généré par ces innovations donne une nouvelle importance à la mise en place de soins de soutien efficaces, y compris le traitement par des chélateurs du fer. Ce deuxième symposium – qui s’inscrit dans une série de symposiums sur les SMD tenus annuellement au Canada – se veut un outil de diffusion des données nouvelles dans le domaine. Nous espérons que les rencontres à venir rassembleront des investigateurs du Canada et d’ailleurs et seront propices à des échanges éclairants d’informations et de connaissances.

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