Comptes rendus

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Traitement ciblé et lymphopathies malignes : le visage changeant de la transplantation

Prise d’assaut du cancer du rein grâce aux inhibiteurs multikinase

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 31e Congrès de la Société européenne de médecine interne cancérologique (ESMO)

Istanbul, Turquie / 29 septembre-3 octobre 2006

Une meilleure compréhension du rôle crucial des altérations génétiques de la signalisation intracellulaire dans la progression du cancer a permis de mettre au point une nouvelle génération d’agents spécifiques de la tumeur qui ciblent les mécanismes moléculaires régissant la prolifération des cellules tumorales et l’angiogenèse tumorale, deux mécanismes permettant à la tumeur d’essaimer. Les mutations peuvent entraîner une prolifération des cellules tumorales chez les patients à risque alors que certains facteurs de croissance jouent un rôle clé dans l’angiogenèse, laquelle est essentielle à la croissance et à la dissémination de la tumeur. On estime actuellement que le ciblage de plusieurs oncogènes à la fois est le seul moyen de faire avancer le traitement ciblé.

Comme le souligne le Dr Martin Gore, directeur médical, Royal Marsden Hospital, Londres, Royaume-Uni, «il a récemment été démontré qu’un certain nombre de nouveaux traitements ciblés, dont le sorafenib et le sunitinib, deux inhibiteurs multikinase, sont actifs dans le traitement de l’hypernéphrome avancé». Lors de deux essais de phase II sur le traitement de deuxième intention, précise le Dr Gore, le sunitinib a été associé à des taux de réponse de près de 40 %. Lors d’un essai de phase III sur le traitement de première intention de l’hypernéphrome chez 750 patients, poursuit-il, il a été associé à de meilleurs taux de réponse de même qu’à une augmentation hautement significative de plus du double de la survie sans progression (SSP) par rapport à l’IFNa. Autre donnée significative, le sorafenib a doublé la SSP lors d’essais sur le traitement de première et de deuxième intention, notamment lors de l’essai pivot de phase III TARGETs (Treatment Approaches in Renal Cancer Global Evaluation Trial) qui portait sur plus de 900 patients, la plupart souffrant d’un cancer métastatique et non résécable avec cellules claires dont le traitement systémique préalable avait échoué au cours des huit mois précédents.

Lors de l’étude TARGETs, qui était dirigée par le Dr Bernard Escudier, chef de l’unité Immunothérapie et Thérapies innovantes à l’Institut Gustave-Roussy, Paris, France, on a observé un bénéfice clinique chez 84 % des patients qui recevaient le sorafenib, vs 55 % des patients du groupe placebo, et une amélioration de la survie de 39 %. L’agent à cibles multiples a systématiquement prolongé la SSP au sein de différents sous-groupes. Par exemple, le bénéfice était le même chez les patients de plus de 65 ans que chez les plus jeunes, sans compter que le profil d’innocuité du produit était presque identique au sein de ces deux populations.

Le Dr Tim Eisen, professeur titulaire d’oncologie médicale, Cambridge Research Institute, University of Cambridge, Royaume-Uni, souligne que les patients âgés sont souvent sous-représentés dans les essais en oncologie parce qu’ils sont, par définition, considérés comme exposés à un risque plus élevé de toxicité et moins aptes à obtenir des résultats optimaux. Son analyse de sous-groupes qui réunissait 269 sujets de TARGETs de 65 ans et plus et 634 sujets de moins de 65 ans a permis de constater que le bénéfice clinique était similaire dans les deux groupes, soit environ 85 %. Il précise que le sorafenib a doublé la SSP par rapport au placebo, sans égard au groupe d’âge, et que la réponse de la tumeur en fonction de l’âge était semblable dans les deux groupes. En outre, poursuit-il, les paramètres de la qualité de vie liée à la santé se sont améliorés et la détérioration de l’état général a été retardée dans les deux groupes d’âge comparativement au groupe placebo. Enfin, il n’y avait aucune différence entre les groupes d’âge quant aux effets indésirables du traitement. «Si vous sélectionnez les patients en fonction du foyer métastatique de la maladie, vous pouvez être assuré que le résultat sera équivalent en termes de SSP, quel que soit le site», expliquait le Dr Escudier à l’auditoire. «La tumeur diminue autant de volume chez les patients qui présentent des métastases pulmonaires au départ que chez ceux qui n’en ont pas. Ce composé rapetisse la tumeur, parfois de façon impressionnante, chez 76 % des patients. Les agents ciblés diminuent la vascularisation de la tumeur. L’hypernéphrome – qui est une tumeur hypervascularisée dont la croissance et l’évolution vers le stade métastatique dépendent de l’angiogenèse – devient presque avasculaire sous l’effet de l’inhibiteur de tyrosine kinases.»

Par ailleurs, enchaîne-t-il, les métastases cérébrales cliniques étaient beaucoup plus fréquentes dans le groupe placebo que dans le groupe sorafenib. Ce phénomène pourrait tenir au fait que le traitement actif traverse la barrière hémato-encéphalique. Le collègue du Dr Escudier et chercheur, le Dr Christophe Massard, rapporte que sur 139 patients évalués, 10 ont eu des métastases cérébrales, ce qui est beaucoup moins que dans le groupe placebo (3 % vs 12 %; p=0,049). L’incidence à un an des métastases cérébrales était de 3 % chez les patients qui avaient reçu le sorafenib et de 10 % chez ceux qui avaient reçu les meilleurs soins de soutien possibles. À deux ans, elle était respectivement de 4 % et de 20 %. Le traitement anti-angiogénique par un inhibiteur multikinase oral pourrait donc être efficace pour prévenir l’apparition de métastases cérébrales.

Les Drs Escudier et Gore s’entendent tous deux pour dire que les paramètres cliniques traditionnels utilisés pour mesurer la réponse au traitement ciblé, comme les critères de l’OMS (Organisation mondiale de la Santé) et les critères RECIST (Response Evaluation Criteria in Solid Tumors), pourraient sous-estimer l’efficacité du traitement par un agent ciblé, car les nouveaux agents à cibles multiples agissent davantage en induisant la nécrose de la tumeur qu’en rapetissant la tumeur. Sur un cliché, donc, la destruction de la tumeur se manifeste par une nécrose centrale qui s’étend vers la périphérie, par opposition à un rétrécissement de la tumeur de la périphérie vers l’intérieur, comme c’est le cas pour le traitement par une cytokine, explique le Dr Gore.

Dans une présentation connexe, le Dr John Wagstaff, professeur titulaire et expert-conseil honoraire en oncologie médicale, South West Wales Cancer Institute, Singleton Hospital, Swansea, Royaume-Uni, affirmait que, sur le plan de la survie, la stabilisation de la maladie sous inhibiteur multikinase semble tout aussi importante qu’une réponse objective. Par exemple, le taux de réponse est plus faible sous l’effet du sorafenib que du sunitinib, mais le taux de bénéfice clinique – qui englobe la réponse et la stabilisation de la maladie et qui reflète la SSP – est de l’ordre de 80 % pour les deux composés, et on observe un avantage significatif sur le plan de la SSP dans les deux cas.

Le Dr Escudier ajoute que le sorafenib est beaucoup moins toxique que l’IL-2 à forte dose et qu’il est probablement mieux toléré que l’IFNa. Les effets indésirables courants du traitement par le sorafenib sont notamment l’hypertension, la diarrhée, les éruptions cutanées et, surtout, les réactions cutanées aux mains et aux pieds qui sont parfois douloureuses, mais qui peuvent généralement être traitées par des mesures de soutien, un traitement préventif et/ou un ajustement de la dose.

Nouveaux paradigmes

La Dre Sylvie Négrier, service d’oncologie médicale, Centre Léon-Bérard, Lyon, France, estime à la lumière des essais PERCY Duo et Quattro que le taux de réponse sous IL-2 ou IFNa est susceptible d’augmenter chez seulement 15 % environ des sujets de la population entière de patients souffrant d’un hypernéphrome métastatique. En outre, commente-t-elle, l’indice fonctionnel de ces patients doit d’abord et avant tout être très bon, et la maladie ne doit pas comporter plus d’un foyer métastatique; or, ce sont là deux critères très rigoureux et stricts. «Ainsi, chez la vaste majorité des patients [85 %], les cytokines ne sont plus recommandées, ajoute-t-elle. Les nouveaux agents, comme les agents anti-angiogéniques, doivent maintenant être envisagés en première intention.» De plus, les résultats de l’essai TARGETs ont permis de constater que, chez les patients recevant le sorafenib, la SSP ne variait pas selon qu’ils avaient reçu ou non au préalable un traitement par l’IFNa ou l’IL-2 ou les deux. «Sur le plan du taux de réponse, 9 % des patients qui n’avaient pas reçu de cytokine au préalable ont eu une réponse partielle, par comparaison à 10 % de ceux qui en avaient reçu une au préalable. Le taux de stabilisation de la maladie se chiffrait respectivement à 75 % et à 74 %, ce qui revient à un bénéfice clinique global de 84 % dans les deux groupes, qu’une cytokine ait d’abord été administrée ou non», rapporte-t-elle.

Dans le traitement de l’hypernéphrome avancé, le sorafenib a autorisé un bénéfice clinique significatif et systématique, lequel s’est traduit par une augmentation du taux de maîtrise de la maladie et le doublement de la SSP. De plus, les signes de toxicité qu’il a entraînés étaient similaires, que les patients aient reçu ou non une cytokine au préalable, de conclure la Dre Négrier.

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