Comptes rendus

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Prise en charge de la pollakiurie et de l’urgence mictionnelle en présence de SBAU et d’hyperactivité vésicale

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

103e Assemblée annuelle de l’American Urological Association

Orlando, Floride / 17-22 mai 2008

On estime que 60 % des hommes aux prises avec des symptômes du bas appareil urinaire (SBAU) présentent des symptômes d’hyperactivité vésicale (HV), et celle-ci peut être seule en cause ou coexister avec un autre trouble. De nouvelles données présentées au congrès semblent indiquer que l’association d’un antimuscarinique et d’un alpha-bloquant, par comparaison à un alpha-bloquant seul, pourrait procurer un soulagement supérieur des SBAU si des symptômes d’HV sont également présents.

Ces nouvelles observations viennent corroborer le corpus grandissant de données montrant que certains antimuscariniques – mais pas tous – peuvent être utilisés sans risque chez les hommes qui présentent des symptômes tels qu’une urgence mictionnelle, une pollakiurie diurne, une nycturie et une incontinence urinaire d’urgence en plus de SBAU, lorsqu’un alpha-bloquant administré seul soulage imparfaitement leurs symptômes. «L’alpha-bloquant est la norme dans le traitement des SBAU chez l’homme, mais il ne soulage pas l’urgence mictionnelle et la pollakiurie efficacement si ces SBAU découlent d’une hyperactivité vésicale», explique le Dr Sender Herschorn, professeur titulaire et chef, département d’urologie, University of Toronto, Ontario.

Selon des données rapportées par Kaplan et al. (JAMA 2006;296:2319-28), l’association de la toltérodine à libération prolongée et de la tamsulosine, un alpha-bloquant, permet de soulager les SBAU et les symptômes de l’HV. L’étude la plus récente, réalisée par le Dr Herschorn et ses collaborateurs, regroupait 652 hommes âgés de 40 ans et plus qui présentaient des symptômes d’HV et qui recevaient un alpha-bloquant à la même dose depuis au moins un mois. Ces hommes recevaient de la toltérodine à libération prolongée à raison de 4 mg/jour ou un placebo pendant 12 semaines pendant qu’ils continuaient à recevoir leur alpha-bloquant. L’âge moyen des sujets était d’environ 65 ans, et à peu près 70 % des sujets de la cohorte étaient de race blanche. L’intervalle moyen écoulé depuis le diagnostic d’HV variait entre 3,6 et 3,8 ans.

Les participants devaient prendre note de chaque miction et préciser si cette miction s’était accompagnée ou non d’incontinence urinaire d’urgence. Ils devaient aussi évaluer la sensation d’urgence associée à chaque miction à l’aide d’une échelle validée de la sensation d’uriner en cinq points (depuis l’absence d’urgence jusqu’à l’urgence intense, en passant par la sensation normale d’uriner). En outre, les sujets devaient se servir des échelles IPSS (International Prostate Symptom Score) et PPBC (Patient Perception of Bladder Condition) pour évaluer la sévérité de leur trouble vésical, le paramètre principal de cette étude de 12 semaines.

Les chercheurs demandaient aussi aux patients de remplir le questionnaire sur l’HV, lequel permet de mesurer les répercussions des symptômes à plusieurs égards, par exemple comment le patient s’adapte aux symptômes, l’inquiétude qu’ils soulèvent ainsi que leur effet sur le sommeil et la vie sociale.

L’effectif des deux groupes était presque identique, 329 patients ayant reçu de la toltérodine à libération prolongée en plus de leur alpha-bloquant et 323 ayant continué de recevoir seulement de la tamsulosine. Au départ, il n’y avait aucune différence entre les deux groupes quant aux variables de la fonction vésicale, note le Dr Herschorn.

Les sujets rapportaient en moyenne 11 à 12 mictions par jour et environ six à sept épisodes d’urgence mictionnelle par période de 24 heures. Seulement 14 % des hommes du groupe antimuscarinique et 17 % des hommes du groupe témoin avaient des antécédents d’incontinence urinaire d’urgence, ajoute-t-il. Au départ, le score total moyen sur l’IPSS ainsi que les sous-scores moyens pour les symptômes rétentionnels et mictionnels étaient comparables d’un groupe à l’autre, tout comme les critères de la qualité de vie.

Au terme des 12 semaines, la variation des variables de la fonction vésicale notées dans le journal favorisait l’association toltérodine à libération prolongée/alpha-bloquant, la diminution du nombre de mictions par période de 24 heures ayant atteint 1,8 miction vs 1,2 miction dans le groupe témoin (p=0,0079). On a également enregistré moins d’épisodes d’urgence mictionnelle dans le groupe qui recevait l’antimuscarinique à libération prolongée (-2,9 épisodes) que dans le groupe témoin (-1,8 épisode) (p=0,0010) ainsi que moins d’épisodes d’urgence sévère par période de 24 heures (-1,1 épisode pour le traitement d’association vs -0,7 épisode pour le groupe alpha-bloquant seul; p=0,0495) (Figure 1).

Figure 1. Amélioration des variables vésicales notées dans le journal des patients


La baisse moyenne du score IPSS total était aussi plus marquée dans le groupe traitement d’association (4,5 points) que dans le groupe témoin (3,8 points) (p=0,4223); c’était aussi le cas des sous-scores IPSS pour les symptômes rétentionnels et mictionnels, la baisse ayant atteint respectivement 2,6 points et 1,8 point dans le groupe toltérodine à libération prolongée vs 1,9 pour chaque sous-score dans le groupe témoin (p=0,0370 et p=0,7655, respectivement) (Figure 2). Au chapitre de l’amélioration du score PPBC depuis le début de l’étude, l’écart entre les deux groupes n’était pas significatif, l’amélioration perçue ayant été nulle pour environ le tiers des sujets de chaque groupe, de 1 point pour environ 35 % des sujets de chaque sujet et de 2 points pour environ 27 % des patients de chaque groupe également.
ion des scores IPSS

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Pour plusieurs items du questionnaire sur l’HV, incluant la gêne causée par les symptômes et l’adaptation aux symptômes, l’écart par rapport aux valeurs initiales était significativement plus marqué dans le groupe toltérodine à libération prolongée (p=0,0086 et p=0,0491 vs placebo, respectivement). Fait important à souligner, on n’a pas noté d’augmentation significative du résidu post-mictionnel ni du débit urinaire maximal (Qmax) dans le groupe antimuscarinique, l’augmentation moyenne s’étant chiffrée à 13,6 mL vs 1,0 mL dans le groupe placebo – «ce qui est sans portée clinique», fait remarquer le Dr Herschorn. Les taux d’effets indésirables évocateurs d’une rétention urinaire aiguë (RUA) étaient identiques dans les deux groupes (six patients; 1,8 %).

«Chez l’homme, les SBAU sont traités principalement par des médicaments qui ciblent la prostate, la prostate étant à l’origine de nombreux SBAU», explique le Dr Herschorn. Néanmoins, certains patients n’ont pas besoin de médicaments qui ciblent la prostate parce qu’ils n’ont plus de prostate ou continuent de présenter des symptômes vésicaux qui ne répondent pas aux médicaments ciblant la prostate.

Comme les antimuscariniques agissent sur la vessie et que les alpha-bloquants agissent sur la prostate, «l’ajout de la toltérodine à libération prolongée pourrait être utile chez les patients qui reçoivent un alpha-bloquant pour les SBAU et qui présentent aussi des symptômes d’HV», de conclure le Dr Herschorn.

Regard sur les antimuscariniques

Le Dr Steven Kaplan, directeur, Institute for Bladder and Prostate Health, New York Presbyterian Hospital, et professeur titulaire d’urologie, Weill Medical College, New York, affirme que la RUA ne semble pas cliniquement importante à court terme chez les patients qui reçoivent de la toltérodine à libération prolongée, mais qu’on ne peut pas en dire autant de tous les antimuscariniques. Les divers antimuscariniques n’ont jamais fait l’objet d’une étude comparative sur les plans de l’innocuité et de l’efficacité chez l’homme, notent les chercheurs. Pour remédier à la situation, ils ont comparé trois antimuscariniques à doses fixes chez des hommes présentant des SBAU et des symptômes d’HV persistants : toltérodine à libération prolongée à 4 mg, solifénacine à 5 mg et darifénacine à 7,5 mg.

L’effectif de l’étude regroupait une centaine d’hommes âgés de 45 ans et plus, répartis dans trois groupes de taille comparable. Tous les sujets avaient un score IPSS d’au moins 12 et avaient noté dans leur journal au moins huit mictions par période de 24 heures s’accompagnant d’au moins trois épisodes d’urgence par jour. Après randomisation, ils recevaient l’un des trois antimuscariniques. Ces patients prenaient tous 0,4 mg de tamsulosine ou 10 mg d’alfuzosine depuis au moins trois mois. Les chercheurs ont analysé l’efficacité de chacun des trois traitements en se penchant sur les urgences mictionnelles, le nombre de mictions diurnes et nocturnes par tranche de 24 heures et les variations du score IPSS, dont celles des sous-scores pour les symptômes rétentionnels et mictionnels. L’innocuité était mesurée en fonction de la variation du résidu post-mictionnel, des épisodes de rétention urinaire nécessitant la pose d’une sonde et d’autres effets indésirables.

Après 12 semaines de traitement, les baisses moyennes étaient semblables dans les trois groupes quant à la fréquence des mictions sur 24 heures : -3,1 pour la toltérodine à libération prolongée, -3,0 pour la solifénacine et -3,0 pour la darifénacine, et l’écart par rapport aux valeurs de départ était significatif dans tous les cas (p<0,5), explique le Dr Kaplan. La baisse du nombre d’épisodes d’urgence était plus marquée sous l’effet de la toltérodine à libération prolongée (-2,7; p<0,1 vs valeurs de départ) que de la solifénacine (-2,4; p<0,5 vs valeurs de départ) et de la darifénacine (-1,9; écart non significatif). L’amélioration du score IPSS total favorisait également la toltérodine à libération prolongée et la solifénacine, la baisse ayant été respectivement de 6,6 et de 6,1 vs 5,6 pour la darifénacine (p<0,5 vs valeurs de départ dans tous les cas). Des tendances similaires se sont dégagées du sous-score IPSS pour les symptômes rétentionnels par rapport aux valeurs initiales, la baisse ayant atteint 4,2 pour la toltérodine à libération prolongée (p<0,1), 4,0 pour la solifénacine (p<0,5) et 2,9 pour la darifénacine (écart non significatif).

Il importe ici de souligner une différence majeure entre la darifénacine et les deux autres antimuscariniques quant au taux de constipation et au résidu post-mictionnel. Après 12 semaines, le résidu post-mictionnel avait augmenté de 17,2 mL dans le groupe darifénacine (p<0,001) vs 3,5 mL dans le groupe toltérodine à libération prolongée et 3,3 mL pour la solifénacine (écart non significatif dans les deux derniers cas) (Tableau 1).

Le taux de constipation était aussi significativement plus élevé dans le groupe darifénacine (25 %) que dans le groupe toltérodine à libération prolongée (2,9 % ou un patient) et le groupe solifénacine (8,3 % ou trois patients) (p<0,001). Neuf des 36 patients qui recevaient de la darifénacine sont devenus constipés et, chez cinq d’entre eux, la constipation a progressé vers une RUA nécessitant la pose d’une sonde. Les autres effets indésirables étaient à peu près comparables dans les trois groupes : sécheresse buccale (8,5 %, 13,9 % et 11 % des hommes sous toltérodine à libération prolongée, solifénacine et darifénacine, respectivement) et vision trouble (2
spectivement).

Tableau 1. Variation du résidu post-mictionnel

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«Chez tous les patients qui ont souffert de constipation, on a noté une augmentation du résidu [post-mictionnel] de plus de 50 % après 12 semaines, ce qui est très très inhabituel, fait valoir le Dr Kaplan. À notre avis, donc, cela démontre que la constipation est un facteur de risque de la RUA et que la darifénacine n’est peut-être pas le meilleur agent à prescrire à un homme.»

Résumé

Sur la foi de leurs résultats, les auteurs ont conclu que le traitement par la toltérodine à libération prolongée et la tamsulosine atténue significativement les SBAU et la gêne causée par les symptômes. Lorsqu’un homme âgé présente des symptômes urinaires, la plupart des médecins ont le réflexe de soupçonner d’abord une prostate hypertrophiée, mais si l’urgence mictionnelle représente une part importante du problème et que le patient n’a pas d’antécédents de troubles mictionnels, il est logique de penser que l’HV est en cause.

Questions et réponses

Les questions et les réponses qui suivent sont tirées d’entretiens avec le Dr Sender Herschorn, professeur titulaire et chef, département d’urologie, University of Toronto, Ontario, et le Dr Steven A. Kaplan, directeur, Institute for Bladder and Prostate Health, New York Presbyterian Hospital et professeur titulaire d’urologie, Weill Medical College, New York, durant le congrès.

Q : Dans l’étude dont vous avez parlé plus tôt, pourquoi n’y avait-il pas de différence entre la toltérodine à libération prolongée et le placebo quant au score PPBC?

Dr Herschorn : À mon avis, ce n’était peut-être pas l’échelle appropriée. Les variables mictionnelles notées dans le journal témoignent d’une réponse, mais l’écart entre les groupes semble inexistant lorsque la réponse est mesurée sur l’échelle PPBC. L’instrument pourrait donc être en cause. Il se pourrait aussi que ce soit le degré de réponse. Peut-être les patients pensaient-ils à leur prostate plutôt qu’à leur vessie et, en conséquence, cette échelle n’est peut-être pas idéale pour cette population. Chose certaine, nous savons que les patients ont répondu au traitement si on en juge par les variables notées dans le journal.

Q : Qu’en est-il de l’innocuité de l’emploi à long terme d’un antimuscarinique dans le traitement des symptômes de l’HV? Dr Herschorn : Exception faite d’une seule petite étude, toutes les études ont duré 12 semaines, de sorte que nous ne connaissons pas vraiment l’innocuité à long terme de l’emploi d’un antimuscarinique. Si le médecin opte pour le traitement d’association, il doit revoir son patient après trois mois, puis peut-être aux trois mois et ensuite aux trois à six mois, et il doit surveiller la réponse. Le patient doit aussi savoir qu’une détérioration des symptômes peut être indicative d’un risque de rétention urinaire.

Q : La taille de l’échantillon était-elle suffisante pour faire ressortir une différence entre les trois groupes de traitement?

Dr Kaplan : Oui. Une analyse antérieure avait révélé que nous avions besoin d’une trentaine de patients pour démontrer un écart statistiquement significatif selon cette hypothèse. La taille de l’échantillon était donc suffisante pour faire ressortir un écart significatif. Par contre, nous nous attendions à ce que le taux de constipation soit plus élevé dans le groupe darifénacine. Si l’on en juge par les monographies, la darifénacine est l’antimuscarinique qui est associé au taux le plus élevé de constipation – entre 17 % et 25 %.

Q : À votre avis, pourquoi la constipation est-elle plus fréquente avec certains antimuscariniques?

Dr Kaplan : La darifénacine est reconnue pour être plus spécifique des récepteurs M3. C’est donc dire qu’elle agit davantage sur ces récepteurs que les deux autres antimuscariniques. Un effet plus marqué sur ces récepteurs dans l’intestin se traduit par une constipation, et cette constipation induit une RUA. Je pense que nous avons sous-estimé cet effet sur les symptômes mictionnels. La constipation est un facteur de risque majeur, tant de la rétention urinaire que de l’HV; on pourrait aller jusqu’à dire qu’elle vient au deuxième rang des facteurs de risque réversibles des symptômes de l’HV, derrière les infections urinaires. Nous devons donc prêter une plus grande attention à la constipation. Tout cela est bien logique, car on a initialement étudié la darifénacine pour le traitement du syndrome du côlon irritable. Dans cette indication, elle est parfaite, car elle constipe, mais c’est un effet indésirable dont on peut se passer quand on traite des symptômes mictionnels chez l’homme.

Q : Qu’en est-il des prostates de volume inférieur à 30 mL? La taille de la prostate est-elle toujours liée aux symptômes?

Dr Kaplan : Ce n’est pas parce que la prostate diminue de volume en réponse au traitement que le patient s’en porte mieux pour autant. C’est au fond le message que nous devons tous retenir. Chez les patients qui ont une petite prostate, les symptômes pourraient être dus non pas à une hypertrophie de la prostate, mais bien à un dysfonctionnement vésical, mais nous devons aussi garder à l’esprit qu’il faut peut-être traiter les petites prostates différemment.

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