Comptes rendus

Améliorer la protection cardiovasculaire à l’aide de nouvelles cibles et de nouvelles stratégies
Combler le fossé entre les lignes directrices sur le traitement et la pratique

Prise en charge de l’obésité en tant que facteur de risque cardiovasculaire : objectifs spécifiques et nouvelles données

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Congrès canadien sur la santé cardiovasculaire 2007

Québec, Québec / 20-24 octobre 2007

La modification des habitudes de vie est largement considérée comme la pierre angulaire du traitement de l’obésité, mais se révèle souvent inefficace. Plusieurs traitements pharmacologiques ont été mis au point pour potentialiser l’efficacité des interventions non pharmacologiques, mais nombreux sont les cliniciens qui ne s’attaquent pas au problème de l’obésité avec vigueur, craignant d’y consacrer trop de temps vu le peu de chances de réussite. Cela dit, la définition de la «réussite» n’est peut-être pas claire. En effet, une perte de poids même modeste permet de réduire notablement le risque cardiovasculaire (CV) et de corriger de nombreux autres problèmes découlant d’une surcharge pondérale. Au dire d’experts qui participaient à un symposium sur le traitement de l’obésité, les médecins qui ne traitent pas l’obésité ratent une occasion en or de réduire le risque.

«L’obésité est associée à de nombreux facteurs de comorbidité CV comme l’ACV, l’insuffisance cardiaque, l’infarctus du myocarde et les apnées du sommeil», explique le Dr Paul Poirier, directeur du programme de prévention et de rééducation, Institut de cardiologie de Québec, Québec. «Vu la contribution pathogène de l’obésité à un certain nombre de facteurs de risque modifiables, il est logique que l’on recommande une perte de poids dans les lignes directrices sur le traitement de l’hypertension, du diabète et d’autres facteurs de risque CV, mais l’objectif n’est pas forcément un poids corporel idéal, précise le Dr Poirier. Pour le clinicien qui traite un patient obèse, une perte pondérale à long terme de 5 à 10 % devrait être considérée comme une mesure thérapeutique efficace.»

Une perte de poids volontaire fondée sur la combinaison d’un régime hypocalorique et d’une dépense calorique accrue est certes efficace, mais c’est un objectif souvent difficile à atteindre en raison de la signalisation hormonale entraînant des envies irrépressibles de manger. Un plan de traitement complet repose généralement sur de nouvelles habitudes alimentaires, l’exercice et la modification du comportement. La pharmacothérapie peut toutefois jouer un rôle d’appoint critique. À l’heure actuelle, deux agents sont approuvés pour le traitement de l’obésité : la sibutramine, inhibiteur de la sérotonine et de la noradrénaline qui favorise l’impression de satiété, et l’orlistat, qui inhibe l’absorption des graisses dans le tube digestif. Le Dr David C.W. Lau, professeur titulaire, départements de médecine/biochimie et de biologie moléculaire, University of Calgary, Alberta, qui a appuyé ses dires sur un tour d’horizon d’essais cliniques, a rapporté que la perte pondérale moyenne était d’environ 4,3 kg sous sibutramine et d’environ 2,7 kg sous orlistat.

«Comme on le recommande dans les lignes directrices factuelles de pratique clinique sur la prise en charge de l’obésité au Canada, la pharmacothérapie est un traitement d’appoint acceptable lorsque les habitudes de vie ne permettent pas d’atteindre le poids cible», poursuit le Dr Lau, qui citait les recommandations qu’il a publiées récemment (Lau et al. CMAJ 2007;176:1103-6). La sibutramine et l’orlistat sont tous deux «homologués pour un traitement à long terme visant à diminuer le tour de taille, à abaisser la triglycéridémie et à augmenter le taux de C-HDL».

SCOUT

Bien que les traitements permettant de corriger les facteurs de risque CV comme les dyslipidémies soient, par définition, appropriés pour la prévention des maladies CV, une étude d’envergure visant à mesurer l’effet de la sibutramine sur divers paramètres CV viendra à échéance en 2008. Dans le cadre de l’étude SCOUT (Sibutramine Cardiovascular Outcomes), 10 765 patients à risque élevé d’événement CV ont modifié leurs habitudes de vie et ont reçu aléatoirement soit de la sibutramine, soit un placebo. Au terme du suivi d’une durée moyenne de trois ans, on comparera l’effet des deux stratégies sur le paramètre principal regroupant les infarctus du myocarde, les ACV, les arrêts cardiaques suivis d’une réanimation et la mortalité CV.

«J’ai bon espoir que nous observerons un bénéfice», affirme l’un des principaux investigateurs de SCOUT, le Dr Christian Torp-Pedersen, professeur titulaire de médecine, département de cardiologie, Hôpital universitaire Bispebjerg, Copenhague, Danemark. Invité à présenter au congrès les résultats de la période préliminaire de l’étude SCOUT, le Dr Torp-Pedersen a rapporté que l’administration de la sibutramine n’avait soulevé aucun problème d’innocuité et qu’elle avait au contraire exercé un effet favorable sur un certain nombre de facteurs de risque, notamment une baisse de la tension artérielle (TA) systolique.

Dans le cadre de l’étude SCOUT, qui regroupe 300 centres répartis dans 16 pays, les critères d’inclusion étaient un âge d’au moins 55 ans, un indice de masse corporelle ³27 et £45 kg/m² ou ³25 et <27 kg/m² avec tour de taille ³102 cm chez l’homme ou ³88 cm chez la femme. En outre, les patients devaient avoir eu un événement CV ou souffrir d’un diabète de type 2 et présenter un autre facteur de risque CV. Le plan de l’étude prévoyait une phase de présélection de deux semaines avant la période préliminaire à simple insu de six semaines pendant laquelle les patients recevaient 10 mg/jour de sibutramine. Tous les patients recevaient le traitement actif avant d’être affectés aléatoirement au groupe de traitement actif ou au groupe placebo. L’effectif visé de plus de 10 000 patients tenait compte d’un taux d’abandon de 7 % pendant la période préliminaire, mais le taux d’abandon réel n’a été que de 2,7 %, ce qui est venu confirmer l’innocuité relative de cet agent homologué dans un grand nombre de pays depuis au moins une dizaine d’années.

Pendant la période préliminaire à simple insu, «on a observé une diminution médiane de 2,2 kg du poids corporel, une diminution médiane de 2,0 cm du tour de taille de même qu’une baisse moyenne de 3,0 mmHg de la TA systolique et de 1,0 mmHg de la TA diastolique», souligne le Dr Torp-Pedersen qui a récemment publié ces résultats (Torp-Pedersen et al. Eur Heart J 26 juin 2007; publication en ligne avant impression). Bien que la sibutramine fasse l’objet d’une contre-indication relative chez les patients hypertendus, quelques cas d’élévation de la tension différentielle ayant été signalés, 88 % des patients recrutés dans SCOUT étaient hypertendus au moment de leur admission. Pendant la période préliminaire, deux augmentations consécutives de >10 mmHg de la tension différentielle ou >10 bpm de la fréquence du pouls ont été signalées chez seulement 4,7 % et 3,5 % des patients, respectivement.

«Aucun problème d’innocuité n’est survenu à ce jour, affirme le Dr Torp-Pedersen. Le comité de surveillance de l’innocuité s’est réuni à sept reprises depuis le début l’étude et a recommandé chaque fois la poursuite de l’étude.»

Changer la dynamique de la perte de poids

Le traitement de l’obésité devrait être une priorité de la prise en charge du risque CV, l’une des raisons étant qu’elle sous-tend plusieurs autres facteurs de risque. Les adipocytes libèrent diverses hormones incriminées dans l’apparition d’un diabète, de l’hypertension et de dyslipidémies. La physiopathologie commune de plusieurs facteurs de risque modifiables explique d’ailleurs la désignation «syndrome métabolique», syndrome pour lequel l’adiposité centrale est un facteur clinique majeur. De l’avis du Dr Jean-Pierre Després, directeur de la recherche, Institut de cardiologie de Québec, l’importance de la contribution de l’adiposité au risque CV va se traduire par une remontée de la mortalité d’origine CV dans certains pays industrialisés où l’on avait réussi à la faire baisser.

«On continue de s’interroger sur la raison première de l’augmentation de la prévalence de l’obésité, mais il y a fort à parier que la consommation accrue d’aliments raffinés à forte teneur calorique et la diminution des besoins énergétiques nécessaires à l’accomplissement des activités quotidiennes sont deux facteurs qui contribuent à l’épidémie d’obésité et de diabète», estime le Dr Després. À son avis, nous devons être plus dynamiques et faire preuve d’innovation dans les efforts que nous déployons pour augmenter la proportion de patients qui réussissent à perdre du poids.

La Dre Sonia Anand, professeure agrégée de médecine, McMaster University, Hamilton, Ontario, abonde dans le même sens. Elle indique que 5 % des efforts cliniques déployés pour la prise en charge du risque CV sont consacrés à la prévention et 95 %, au traitement. «Ces proportions doivent être inversées», affirme-t-elle. Bien que l’on doive corriger tous les facteurs de risque modifiables et atteindre les taux cibles pour réduire l’incidence des troubles CV, il reste que le traitement de l’obésité est l’un des grands défis à relever pour améliorer les résultats.

Résumé

De nombreux médecins ne traitent pas l’obésité systématiquement ou efficacement parce qu’il est difficile d’obtenir une perte de poids notable qui se maintient. Pourtant, il suffit d’une perte de poids plutôt modeste pour diminuer le risque CV. Certes, il est difficile d’amener le patient à changer ses habitudes de vie, mais l’ajout d’une pharmacothérapie à un changement d’alimentation et à l’exercice augmente les chances de réussite. Bien que l’on ait déjà d’abondantes données montrant qu’une perte de poids exerce un effet favorable sur la quasi-totalité des facteurs de risque modifiables, dont l’hypertension, les dyslipidémies et les anomalies du métabolisme glucidique, l’étude SCOUT permettra de déterminer si le traitement de l’obésité par la sibutramine se traduit directement par une diminution de l’incidence des événements CV.

D’après la séance approuvée par la SCC et le CCSC figurant ci-dessous :

«La prise en charge des patients obèses à risque de maladie cardiovasculaire», mardi 23 octobre, de 18 h 30 à 21 h 30, salle 200B, 2e étage.

Dans le cadre du programme de Maintien du certificat du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, ce symposium est une activité de formation collective agréée admissible à la section 1 des options de la charpente des activités de développement professionnel continu, et la participation à ce symposium donne droit à des unités de formation.

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