Comptes rendus

La prophylaxie des risques liés à la post-ménopause revisitée
Bithérapies recommandées dans l’hypertension : l’arrivée d’une association fixe marque un jalon

Prise en charge des occlusions de cathéter et chimiothérapie intraveineuse à domicile : pour une protection accrue et le mieux-être du patient

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 23e Conférence nationale annuelle de l’Association canadienne des infirmières en oncologie

Halifax, Nouvelle-Écosse / 11-14 septembre 2011

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Les infirmières doivent reconnaître les signes et les symptômes d’une occlusion partielle ou complète du cathéter et instaurer le traitement fibrinolytique sans délai afin de réduire au minimum le risque de traumatisme physique et psychologique qu’entraînerait la création d’un autre accès veineux pour le patient et d’éviter que le traitement prescrit, la chimiothérapie par exemple, ne soit retardé. «L’occlusion du cathéter a d’importantes répercussions pour le patient, le personnel infirmier, voire l’établissement», affirme Daphne Broadhurst, inf., infirmière clinicienne spécialisée, Pharmacie Desjardins, Ottawa, Ontario.

Pour le patient, l’obstruction de la voie veineuse centrale signifie que la chimiothérapie devra peut-être être retardée, le temps pour le personnel infirmier d’installer une voie veineuse périphérique, intervention pour le moins incommodante qui pourrait miner la satisfaction du patient à l’égard de ses soins. Les membres du personnel infirmier seront quant à eux dans l’impossibilité de se consacrer à d’autres tâches tout aussi urgentes et devront peut-être faire appel à la pharmacie, au laboratoire et à d’autres membres de l’équipe soignante.

 

Vue d’ensemble des types d’occlusion de cathéter

 

La capacité de détecter une occlusion rapidement vient avec l’expérience, mais toutes les infirmières devraient pouvoir reconnaître les principaux signes d’une occlusion partielle ou complète. En présence d’une occlusion partielle, dite aussi «de retrait», le liquide peut être perfusé sans problème, mais l’aspiration est difficile. L’impossibilité de rincer le cathéter et d’aspirer du sang témoigne d’une occlusion complète.

Qu’une occlusion partielle ou complète soit suspectée, les infirmières ont généralement le réflexe de commencer par chercher une cause mécanique. Les obstructions d’origine mécanique tiennent pour la plupart au cathéter lui-même ou au dispositif de perfusion, telle une boucle au niveau de la tubulure ou du cathéter, la fermeture d’un clamp qui devrait être ouvert, une vitesse de perfusion trop élevée ou trop faible, un filtre bouché, ou une perforation incomplète de la poche. «Il faut bien sûr examiner le pansement et s’assurer que la tubulure n’est pas tordue ou pliée; et s’il y a suture, il faut aussi s’assurer que le cathéter n’est pas coincé», prévient Mme Broadhurst.

L’occlusion peut aussi résulter de la position du patient; souvent, il suffit de demander au patient de lever le bras et de changer de position pour débloquer le cathéter. Dans d’autres cas, on doit avoir recours à une radiographie pulmonaire pour exclure la possibilité d’un syndrome de la pince costo-claviculaire ou d’un mauvais positionnement de l’extrémité distale du cathéter.

Beaucoup moins fréquentes, les occlusions de nature chimique imputables à l’incompatibilité des agents perfusés résultent généralement d’un rinçage insuffisant de la tubulure entre les perfusions (quantité minimale : 20 mL). Si les médicaments finissent par former un précipité solide dans le cathéter, on utilisera du bicarbonate ou de l’hydroxyde de sodium selon le pH du précipité.

La thrombose est de loin la cause la plus fréquente de l’occlusion du cathéter. Le cancer étant à l’origine d’un état d’hypercoagulabilité, les patients cancéreux ont tendance à faire des caillots sanguins. La toux, les vomissements et la constipation – symptômes fréquents en présence de cancer – sont aussi des facteurs de risque d’occlusion du cathéter.

Les thrombi peuvent bloquer la lumière du cathéter (thrombus intraluminal) ou se former le long de la paroi de la veine, à l’extérieur du cathéter (thrombus mural), et ainsi bloquer, partiellement ou complètement, le cathéter, la veine ou les deux. Les dépôts de fibrine peuvent aussi former une gaine «de type socquette» qui recouvre l’extrémité extérieure du cathéter ou une gaine plus longue «de type bas long» qui recouvre davantage la surface extérieure du cathéter.

Il arrive assez souvent que les caillots ne soient pas bénins. Si, par exemple, la fibrine forme une «queue» à l’extrémité du cathéter, le liquide perfusé coulera dans la veine, mais au moment de l’aspiration, «le rabat se refermera sur l’extrémité du cathéter à la manière d’un clapet et le sang ne remontera pas dans le cathéter», explique Mme Broadhurst. Si la queue de fibrine grossit au point de se transformer en véritable gaine, la solution censée se déverser dans la veine cave supérieure sera emprisonnée entre la paroi extérieure du cathéter et la gaine de fibrine, et elle remontera le long de la gaine avant de se déverser dans la veine. «Si la gaine est courte, le médicament se déversera tout de même dans la veine cave supérieure et on obtiendra peut-être (ou peut-être pas) une hémodilution suffisante», fait-elle remarquer.

Inversement, si la gaine est plus longue, le médicament se déversera dans une veine beaucoup plus petite où l’hémodilution ne sera pas la même, et le liquide risquera alors d’éroder la paroi veineuse ou de s’extravaser. En présence d’une gaine de fibrine pleine longueur, le soluté pourrait se déverser dans la paroi thoracique ou le bras, selon le point d’insertion du cathéter et possiblement causer une atteinte tissulaire.

 

Occlusion thrombotique

 

Lorsque survient une occlusion thrombotique, on doit administrer un agent fibrinolytique pour désobstruer le cathéter, souligne Mme Broadhurst. Pour l’instant, le seul agent fibrinolytique indiqué pour la reperméabilisation d’une voie centrale veineuse est l’alteplase à 2 mg, dissous dans 2,2 mL d’eau stérile.

S’il existe plusieurs techniques pour instiller l’alteplase, la plus simple consiste à n’utiliser qu’une seringue. «Là où j’exerce, à Ottawa, nous utilisons 2 mg, peu importe le volume de remplissage du cathéter, pour nous assurer que la moindre trace de fibrine sur la surface extérieure du cathéter baigne dans [l’alteplase]. Certains cliniciens utilisent 4 mg pour les cathéters plus gros, comme les chambres implantables, pour optimiser la reperméabilisation», poursuit-elle. D’autres encore commencent par instiller 2 mg d’alteplase, puis ils rincent avec un peu de soluté physiologique toutes les 10 minutes afin de pousser l’agent fibrinolytique et de l’acheminer jusqu’à l’endroit où s’est formé le caillot. Selon quelques publications, il serait aussi efficace de dissoudre la même dose d’agent fibrinolytique dans une poche de 50 mL de soluté physiologique et de perfuser le tout sur une période de 2 à 3 heures.

Par ailleurs, il importe aussi de désobstruer une lumière même en présence d’une voie veineuse centrale à deux ou trois lumières. «Si des bactéries envahissent la lumière obstruée [...] et que vous ne traitez pas [...], un sepsis pourrait s’ensuivre», précise Mme Broadhurst. L’alteplase à 2 mg n’est pas très efficace pour dégrader les caillots établis, «de sorte qu’il est essentiel de traiter une occlusion partielle ou complète dès qu’elle est repérée et avant que la fibrine ne s’installe vraiment», a-t-elle rappelé à l’auditoire.

Les problèmes d’innocuité sont minimes à la dose utilisée pour l’occlusion d’un cathéter, enchaîne-t-elle. Lors des essais pivots COOL (Cardiovascular thrombolytic to Open Occluded Lines), les chercheurs n’ont observé aucun cas d’hémorragie intracrânienne, d’embolie, d’hémorragie majeure ou de décès liés au traitement. Lors des essais COOL1 et COOL2, les taux de reperméabilisation étaient aussi élevés : environ 75 % après la première dose et environ 90 % après la deuxième.

 

Chimiothérapie i.v. à domicile

 

Si les difficultés de prise en charge d’une voie veineuse centrale sont légion à l’hôpital, elles sont encore plus nombreuses si l’on administre une chimiothérapie anticancéreuse par voie intraveineuse (i.v.) à domicile, ce que l’on envisage actuellement pour certains patients. Reconnaissant ces difficultés, Nicole Crisp, MN, Hématologie, University of Alberta Hospital, Edmonton, estime qu’au moins certaines chimiothérapies i.v. peuvent être administrées à domicile pour autant que les nombreux critères d’admissibilité soient respectés.

Dans le cadre d’un projet pilote unique en son genre au Canada, ses collègues du Cross Cancer Institute (CCI) à Edmonton et elle-même ont recruté au total 117 patients cancéreux dont l’état était stable et qui avaient exprimé le désir de recevoir une chimiothérapie i.v. à domicile.

«Toutes les chimiothérapies ont été administrées par des infirmières en oncologie formées à cet égard, affirme Mme Crisp, mais les patients continuaient de se rendre au CCI pour recevoir de l’aide, se faire suivre et faire faire des bilans sanguins.» Trois infirmières en oncologie se consacraient exclusivement au projet, et chacune d’elles pouvait assister au plus cinq patients par jour. Sur une période de 1 an, le seul effet indésirable signalé a été un épisode d’extravasation que l’on a traité à domicile comme on l’aurait traité à l’hôpital.

Les résultats des analyses préliminaires seront divulgués prochainement, mais pour l’instant, les données sur le rapport coût-efficacité de l’administration à domicile semblent indiquer qu’il en coûte à peu près la même chose pour administrer une chimiothérapie i.v. à domicile qu’en milieu hospitalier.

Sur le plan de la qualité de vie, il n’a pas semblé y avoir de différence entre l’administration à domicile et l’administration à l’hôpital. Cette observation est plutôt étonnante, car les patients qui avaient reçu leur chimiothérapie à domicile avaient beaucoup aimé leur expérience, appréciant en particulier l’individualisation des soins, la commodité du traitement, pour eux comme pour leurs aidants, l’intimité et le confort, affirme Mme Crisp.

On prévoit que le cancer frappera entre 40 et 45 % des Canadiens dans un avenir prochain. «Nous devons trouver une autre façon d’administrer la chimiothérapie, poursuit Mme Crisp, et la chimiothérapie à domicile – même lorsqu’elle est administrée par voie i.v. – pourrait être une option viable pour certains patients».

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.