Comptes rendus

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Échinocandines et nouvelles modalités de prise en charge des candidoses au service des soins intensifs

Prise en charge du cancer du sein hormonosensible au stade précoce

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

6e Congrès européen sur le cancer du sein

Berlin, Allemagne / 15-19 avril 2008

Le Dr Michael Gnant, professeur titulaire de chirurgie, Medical University of Vienna, et président, Austrian Breast and Colorectal Cancer Study Group, est d’avis qu’en général, «l’hormonothérapie optimale d’un cancer hormonosensible comprend un inhibiteur de l’aromatase (IA) en première intention ou après le tamoxifène».

Présentation de cas

Lors d’une série de présentations de cas interactives, le Dr Gnant expose celui d’une femme ménopausée de 60 ans ayant subi une cartographie ganglionnaire et une intervention chirurgicale conservatrice du sein. Elle souffrait d’un carcinome canalaire infiltrant de grade II, sans envahissement des voies vasculaires et lymphatiques, et était porteuse d’une tumeur de 1,6 cm avec marges chirurgicales négatives. Le cancer était de grade histologique T1c. Les récepteurs hormonaux étaient œstrogéniques (ER) à 70 % et progestéroniques (PR) à 40 %, l’immunomarquage Ki-67 a révélé un indice de 12 et l’hybridation in situ en fluorescence (FISH) n’a pas montré de surexpression du gène HER2 (HER2-); enfin, un ganglion axillaire sur 12 s’est révélé positif après dissection. Cette femme s’était soumise à une hormonothérapie postménopausique pendant quatre ans. Elle a reçu une radiothérapie, six cycles d’épirubicine et de cyclophosphamide, puis du tamoxifène.

Cinquante-deux pour cent de l’auditoire évalue le risque de récidive à 15 %; en réalité, rectifie le Dr Gnant, il est de 34 %. «Il ne faut pas sous-estimer le risque de récidive à 10 ans chez cette femme traitée uniquement par chirurgie et radiothérapie locale, fait-il remarquer. Le pronostic du cancer du sein s’est amélioré récemment, et nous nous en réjouissons. Néanmoins, nous avons tendance à sous-estimer le risque à long terme que posent les cancers hormonosensibles», prévient-il. On a opté pour un traitement adjuvant de cinq ans par le tamoxifène.

Après deux années de traitement ininterrompu par le tamoxifène, quelle serait l’hormonothérapie adjuvante optimale?, demande le Dr Gnant. Cette patiente doit-elle continuer de prendre du tamoxifène pendant trois autres années, passer à un IA pour les trois années restantes ou se rendre au terme de ses cinq années de traitement par le tamoxifène, puis prendre un IA pendant cinq autres années? L’auditoire vote dans une proportion de 81 % pour le passage à un IA, pris pendant trois ans. Abondant dans le même sens, le Dr Gnant souligne que seulement 4 % des participants auraient prescrit du tamoxifène à cette patiente pendant cinq ans. On sait que l’efficacité du tamoxifène diminue au fil des ans; or, le risque de récidive demeure réel après deux ans, et une éventuelle récidive risquerait fort de se produire à distance.

Vers un consensus : point de vue fondé sur des preuves

Lors de sa réunion consensuelle, en mars, le groupe St. Gallen s’est clairement montré en faveur du passage du tamoxifène à un IA après deux ou trois ans; une minorité appréciable était également favorable à l’utilisation initiale d’un IA. La perspective d’un traitement de cinq ans par le tamoxifène suivi de la prise d’un IA n’a recueilli qu’une très faible adhésion; en fait, elle n’a reçu l’assentiment d’une majorité des spécialistes qu’en cas de cancer avec ganglions positifs. Enfin, le recours à un IA dès le début du traitement a été jugé plus acceptable en cas de risque élevé ou de cancer du sein HER2+.

Résultats de l’étude IES sur l’exémestane

Certains essais sur la substitution ont montré que le passage du tamoxifène à un IA pouvait être avantageux. À ce chapitre, l’étude la plus vaste et la plus solide est l’IES (Intergroup Exemestane Study), fait remarquer le Dr Gnant. Lors de cet essai multicentrique, des femmes atteintes d’un cancer du sein et sous tamoxifène depuis deux ou trois ans ont, après randomisation, remplacé le tamoxifène par de l’exémestane (n=2362) ou continué à prendre du tamoxifène jusqu’à la fin de la période prévue de cinq ans (n=2380). Le paramètre principal était la survie sans cancer (SSC).

Après un suivi médian de 4,8 ans, le risque de décès était 15 % moins élevé chez les femmes sous exémestane que chez celles qui avaient poursuivi le traitement par le tamoxifène. Toujours dans le groupe exémestane, le risque de récidive du cancer du sein ou de décès causé par une autre maladie était 24 % moins élevé. En outre, le risque de cancer dans le sein controlatéral était 44 % plus faible dans le groupe IA; quant au risque de métastases, il a décru de 17 %. Des 449 premiers événements signalés (récidive locale ou métastatique, cancer du sein controlatéral ou décès), 183 visaient le groupe IA et 266, le groupe tamoxifène. Tous ces résultats sont favorables à l’IA de manière statistiquement significative. En ce qui a trait à la SSC, paramètre principal, l’exémestane a apporté un avantage absolu de 4,7 %, bien qu’on ne note pas d’écart significatif entre les groupes au chapitre de la survie globale. Dans une sous-étude ayant réuni 582 participantes à l’IES, aucune différence significative n’est ressortie quant à la qualité de vie, ce qui indique que les avantages cliniques de l’exémestane sur le tamoxifène ne s’obtiennent pas au prix d’une détérioration marquée du quotidien.

Le Dr Dirk G. Kieback, chef, service de gynécologie-obstétrique, Helios Klinikum, Aue, Allemagne, s’est intéressé aux effets de la substitution sur l’endomètre. Il a constaté que l’exémestane, IA stéroïdien, n’augmentait pas l’épaisseur de l’endomètre de plus de 10 mm après deux ans. Il a suivi 159 femmes ménopausées atteintes d’un cancer du sein ER+ à partir du moment où elles sont passées à l’exémestane à 25 mg/jour, soit après deux ans environ, ou ont continué à prendre du tamoxifène à 20 mg/jour.

Les cas analysables totalisaient 65 dans le groupe tamoxifène et 78 dans le groupe IA. Au cours du suivi médian, on n’a relevé aucun cas d’hyperplasie endométriale >10 mm dans le groupe exémestane (727 jours), comparativement à 11 dans le groupe tamoxifène (526 jours) (p<0,0001). Une hyperplasie >5 mm a été mise au jour chez 11 femmes sous l’IA et 34 sous tamoxifène (p<0,006).

«On a observé 11 cas d’hyperplasie endométriale dans le groupe exémestane et 45 dans le groupe tamoxifène (p<0,0001), indique le Dr Kieback. Le délai d’apparition de cette hyperplasie a été significativement plus long dans le groupe exémestane (p<0,0001); le taux de risque s’est établi à HR 0,16, témoignant d’un recul de 84 % du risque d’hyperplasie chez les femmes sous exémestane. Entre l’admission et le sixième mois, l’endomètre s’est épaissi de 2,94 mm (exémestane) contre 5,41 mm (tamoxifène); entre l’admission et le 12e mois, l’augmentation a été de 2,64 mm contre 6,0 mm (p<0,0006). Une seule patiente du groupe exémestane a subi un prélèvement aux fins d’examen histologique (pas d’hyperplasie), comparativement à 18 dans le groupe tamoxifène.»

Selon le Dr Kieback, l’exémestane provoque beaucoup moins d’interventions chirurgicales à visée diagnostique, ce qui accroît le bien-être de la patiente et l’innocuité, en plus de diminuer le coût des soins de santé.

Selon les données provenant de femmes ménopausées souffrant d’un cancer avancé, les IA présentent des profils de tolérabilité comparables, qu’ils soient stéroïdiens ou non. Cependant, des observations récentes laissent entrevoir des différences quant à leurs effets sur les organes cibles, qui, à long terme, peuvent s’exprimer de façon manifeste. Ainsi, les agents stéroïdiens seraient avantageux pour les valeurs lipidiques et le métabolisme osseux, tandis que les IA non stéroïdiens auraient à cet égard des effets neutres ou défavorables. Ces différences pourraient tenir aux effets androgéniques des IA stéroïdiens. Par ailleurs, un IA stéroïdien peut réussir là où un agent non stéroïdien a échoué, et vice versa. On ignore la cause de cette absence de résistance croisée.

Où en est la ménopause?

L’optimisation du résultat clinique en présence d’un carcinome canalaire infiltrant de grade III chez une femme en périménopause sous hormonothérapie adjuvante pose une difficulté : déterminer où en est exactement la ménopause. Tels sont les propos du Dr Walter Jonat, directeur, service de gynécologie-obstétrique, hôpital universitaire de Kiel, Allemagne.

Lors d’une autre présentation de cas interactive, il a parlé d’une femme de 47 ans dont le cancer était diagnostiqué depuis deux ans. Elle souffrait d’un cancer du sein HER2- et était porteuse d’une tumeur de 2,3 cm ER+ à 70 % et PR+ à 40 %; deux ganglions positifs sur 12 ont révélé une dissémination métastatique. Devenue aménorrhéique vers la fin de sa chimiothérapie, elle arrive au terme d’un traitement de deux ans par le tamoxifène.

Cette patiente est-elle véritablement ménopausée? Si elle est aménorrhéique après avoir pris du tamoxifène pendant deux ans, doit-on tenir pour acquis que sa ménopause est terminée, sans évaluation? Douze pour cent des congressistes se demandent comment déterminer le stade de la ménopause. La majorité du groupe (78 %) procéderait à des dosages sériés de la FSH et de l’œstradiol pour voir si les valeurs correspondent à celles de la postménopause. Le Dr Jonat confirme la pertinence de cette démarche.

Au total, 16 % de l’auditoire recommande la poursuite du traitement par le tamoxifène jusqu’au terme de la période de cinq ans, 59 % estime qu’il faut passer à un IA pendant trois ans et 25 % opte pour trois autres années sous tamoxifène, suivies d’un IA pendant cinq ans. «Ainsi donc, vous êtes favorables à la poursuite du traitement par le tamoxifène dans une proportion de 41 %, de conclure le Dr Jonat. Quant à l’autre tranche de 59 %, elle semble absolument certaine que cette femme est ménopausée», ajoute-t-il.

Résumé

La prise de tamoxifène pendant cinq ans est, depuis longtemps, la stratégie privilégiée chez la femme ménopausée atteinte d’un cancer du sein à récepteurs principalement œstrogéniques. Grâce aux progrès thérapeutiques récents, les chances de survie sont plus grandes et la qualité de vie, meilleure. Les résultats de l’étude IES indiquent que la substitution de l’exémestane, IA, au tamoxifène après deux ou trois années de traitement par cet agent prolonge significativement la SSC par rapport à la poursuite du traitement par le tamoxifène pendant cinq ans. Parmi les avantages de la substitution chez les femmes ménopausées souffrant d’un cancer du sein ER+, notons la diminution des récidives locales ou métastatiques ainsi que des cancers du sein controlatéraux et des cancers de l’endomètre, l’amélioration de la survie globale et l’absence d’effets néfastes sur la qualité de vie.

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