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Programmes publics de vaccination anti-rotavirus : l’expérience mondiale

Programmes publics de vaccination : fardeau de la maladie et efficience, facteurs clés des décisions de financement

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 9e Conférence canadienne sur l’immunisation (CCI)

Québec, Québec / 5-8 décembre 2010

Avant de financer un programme de vaccination à même les fonds publics, il faut en déterminer le coût et tenter d’évaluer le fardeau de la maladie et l’incidence de la maladie sur la qualité de vie. Dans le cas de l’infection à rotavirus (RV), il est également essentiel de mesurer les répercussions de la maladie sur les parents, puisqu’ils participent directement aux soins prodigués à leurs enfants.

Fardeau de la maladie

Selon la Dre Nicole Le Saux, Children’s Hospital of Eastern Ontario, London, le fardeau de l’infection à RV chez les enfants canadiens est considérable. «Il ne s’agit pas d’une simple infection gastro-intestinale de 2 jours, mais d’une infection très sévère et souvent systémique», souligne-t-elle. Ainsi, Ford-Jones et al. (Arch Pediatr Adolesc Med 2000;154[6]:586-93) ont suivi quelque 400 enfants recrutés dans des garderies et des cabinets de médecins de premier recours. Au cours d’une période de 8 mois, 23 % des épisodes diarrhéiques étaient attribuables à une infection à RV, et des taux beaucoup plus élevés (près de 55 %) ont été recensés chez des enfants ayant consulté un médecin de premier recours au Canada.

Lors d’une étude réalisée dans sept hôpitaux québécois pendant laquelle on a eu recours au dépistage systématique du RV, environ 71 % des cas de diarrhée chez les enfants hospitalisés étaient attribuables à ce virus. Selon les données d’IMPACT (Immunization Monitoring Program, ACTive), réseau de 12 hôpitaux pédiatriques dans lesquels une infirmière surveille activement les admissions attribuables à certaines maladies, 1856 enfants ont souffert d’une infection à RV confirmée en laboratoire entre 2005 et 2007, dont 1359 infections communautaires et 497 infections nosocomiales.

«Il s’agissait d’enfants généralement en bonne santé, sans affection sous-jacente, admis essentiellement pour une infection à RV», précise la Dre Le Saux. Quelque 70 % de ces enfants présentaient la triade de symptômes caractéristique de l’infection à RV, soit diarrhée, vomissements et fièvre durant habituellement de 6 à 8 jours. L’infection à RV est le type d’infection nosocomiale le plus répandu dans la plupart des hôpitaux.

Compte tenu du fardeau de morbidité de l’infection à RV chez les enfants canadiens, la Dre Le Saux a passé en revue les données de Brisson et al., qui ont déterminé le nombre d’années de vie pondérées par la qualité (QALY, pour quality-adjusted life-year) perdues en raison d’une infection à RV chez les nourrissons et leurs parents. Dans l’ensemble, les investigateurs ont estimé à 6 % la diminution de la qualité de vie en présence d’une infection à RV, soit une perte de 4 QALY/1000 patients.

«Ces résultats sont comparables à ce que l’on a observé pour la pneumonie (perte de 4 à 6 QALY) et l’otite moyenne (perte de 5 QALY), précise la Dre Le Saux, ce qui semble indiquer que les répercussions de l’infection à RV sur la qualité de vie sont comparables à celles de la pneumonie ou de l’otite moyenne.»

La majeure partie des coûts des soins de santé associés à l’infection à RV sont imputables aux visites au Service des urgences; ainsi, les hôpitaux doivent assumer un coût direct médian de 179 $/enfant pour une visite aux urgences et de 1709 $ pour les cas nécessitant une hospitalisation.

En outre, «la plupart des parents doivent s’absenter du travail pour prendre soin de leur enfant malade», note la Dre Le Saux. Les frais généraux qu’ils doivent assumer et les coûts indirects telle la perte de salaire associée à leur absence du travail augmentent considérablement le coût total du traitement d’un épisode d’infection à RV. Le coût médian passe alors à 2209 $ pour les cas nécessitant une hospitalisation, à 675 $ pour une visite aux urgences et à 398 $ pour les cas ne nécessitant qu’une consultation médicale; les coûts sont similaires même en l’absence de soins formels.

«Dans le cadre de notre analyse économique, nous sommes demeurés prudents et avons présumé que la plupart des enfants n’auraient pas besoin de soins médicaux, précise la Dre Le Saux. Toutefois, sur la base d’une cohorte de naissance composée de 354 000 enfants suivis jusqu’à 5 ans et partant du principe selon lequel 85 % d’entre eux contracteraient une infection à RV avant l’âge de 5 ans, nous avons estimé qu’il en coûterait 125 millions de dollars sur 5 ans pour traiter l’infection à RV». Cette analyse a également démontré que le coût différentiel/QALY gagnée grâce à la vaccination, comparativement à l’absence de vaccination, se chiffrait à 122 000 $ du point de vue du système de santé pour le vaccin pentavalent comportant trois doses et à 108 000 $ pour le vaccin monovalent comportant deux doses. La détermination du coût/QALY permet au gouvernement, principal acheteur dans un contexte de vaccination universelle, de comparer des programmes concurrents. En règle générale, plus le coût/QALY est faible, plus grandes sont les chances que le programme soit adopté.

«Quel que soit le vaccin, la mise sur pied d’un programme de vaccination universelle contre l’infection à RV permettrait au système de santé et à la société de réaliser des économies», conclut la Dre Le Saux.

L’expérience américaine

C’est ce qu’on a pu constater aux États-Unis, où l’utilisation du vaccin pentavalent dans le cadre de programmes subventionnés par l’État a été approuvée en février 2006, et celle du vaccin monovalent en avril 2008. À l’automne 2010, environ 80 % des nourrissons avaient été vaccinés contre le RV. Selon des rapports de 25 laboratoires, le nombre de tests positifs pour le RV a chuté si rapidement entre 2006 et 2010 que, techniquement, la saison des infections à RV a été inexistante en 2010, note l’épidémiologiste Daniel Payne, PhD, Centers for Disease Control and Prevention, Atlanta, Géorgie.

«L’infection à RV, qui par le passé a infecté tous les Services des urgences et les hôpitaux, est maintenant pratiquement éradiquée», précise-t-il. Ainsi, neuf hôpitaux américains indépendants ont fait état d’une réduction de 84 à 95 % du nombre de cas d’infection à RV en 2008 comparativement à 2007. Fait tout aussi important, on a observé une forte immunité collective après l’arrivée des vaccins anti-RV.

Selon le Dr Payne, on a observé une diminution de 87 % des taux d’hospitalisation pour cause de gastro-entérite aiguë à RV (GERV) entre 2006 et 2008 chez les nourrissons de 6 à 12 mois, de 96 % chez les enfants de 1 à 2 ans et de 92 % chez ceux de 2 à 3 ans.

«Nous constatons également que cette diminution a permis des économies vraiment importantes, si bien que l’efficience du programme de vaccination semble aussi très solide», confirme le Dr Payne.

Réussite des programmes de vaccination subventionnés par l’État

Des résultats similaires ont été enregistrés en Australie après l’instauration d’un programme de vaccination anti-RV subventionné par l’État en juillet 2007. En moins de 1 an, «nous avons obtenu une couverture de 85 % à l’échelle nationale», précise la Pre Kristine Macartney, National Centre for Immunisation Research and Surveillance, Sydney, Australie. Le nombre d’hospitalisations pour cause de GERV a chuté d’au moins 70 à 80 % par rapport aux années ayant précédé l’arrivée des vaccins. «Nous avons également observé une réduction du nombre d’épisodes d’infections nosocomiales à RV, ajoute-t-elle, et les deux vaccins ont généralement reçu un accueil extrêmement favorable des prestateurs de soins et des parents.»

Le médecin hygiéniste en chef adjoint actuellement en poste au Nouveau-Brunswick, le Dr Paul van Buynder, était directeur de la lutte contre les maladies transmissibles en Australie-Occidentale lorsque l’Australie a lancé sa campagne de vaccination contre le RV. Selon lui, les vaccins ont eu d’énormes répercussions sur l’incidence de l’infection à RV dans ce pays. «Les deux vaccins ont été utilisés durant la campagne australienne, et la diminution de l’incidence des infections à RV a été beaucoup plus forte que nous l’avions prévu sur la foi des résultats d’essais cliniques. Bref, les vaccins anti-RV ont finalement été beaucoup plus efficaces que nous le pensions d’après les premiers résultats», a-t-il déclaré en entrevue.

La principale différence entre les deux vaccins est le nombre de doses qu’ils requièrent, soit 2 pour le vaccin monovalent et 3 pour le vaccin pentavalent.

Comme le souligne la Dre Monika Naus, professeure agrégée, School of Population & Public Health, University of British Columbia, Vancouver, cette différence pourrait se révéler importante. En effet, les données sur l’administration du vaccin contre la diphtérie, la coqueluche et le tétanos (DCT) semblent indiquer qu’à peine 75 % des nourrissons reçoivent la troisième dose de ce vaccin avant l’âge de 32 semaines – âge auquel la série vaccinale contre le RV doit aussi avoir été complétée, quel que soit le vaccin. «Ainsi, si la série vaccinale compte trois doses, vous risquez de rejoindre moins d’enfants; le vaccin qui ne compte que deux doses comporte donc certains avantages», conclut la Dre Naus.

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