Comptes rendus

De nouveaux horizons dans la prise en charge de l’aspergillose invasive
Progrès dans le traitement des GIST : le rôle des inhibiteurs des tyrosine kinases évolue

Progrès dans la prise en charge des infections associées aux allogreffes de cellules souches

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 36e Assemblée annuelle de l’EBMT (European Group for Blood and Bone Marrow Transplantation)

Vienne, Autriche / 21-24 mars 2010

Durant le traitement, le système immunitaire des greffés de cellules souches hématopoïétiques (CSH) allogéniques subit des transformations extrêmes. Au départ, on observe une neutropénie très sévère, mais le nombre de neutrophiles se rétablit rapidement. Le rétablissement d’autres types de cellules peut toutefois prendre des semaines, voire encore plus de temps. Ces changements de populations cellulaires ouvrent la porte à différents types d’infection avant et après la phase de prise de greffe (Biol Blood Marrow Transplant 2009;15[10]:1143-238). Au chapitre des infections fongiques, les candidoses surviennent généralement avant la phase de prise de greffe ou peu de temps après, alors que l’incidence des aspergilloses atteint un pic à deux reprises, d’abord pendant la neutropénie initiale, puis à un stade plus avancé, surtout en association avec la réaction chronique du greffon contre l’hôte. Le taux de mortalité globale associé aux aspergilloses est élevé, et il atteint un maximum chez les patients bénéficiant d’une allogreffe de CSH, note le Pr Raoul Herbrecht, Hôpitaux universitaires de Strasbourg, France. Le taux de mortalité est encore plus élevé dans la pratique que dans les essais cliniques, dont les sujets sont généralement triés sur le volet, ajoute-t-il. Vu le nombre croissant d’allogreffes de CSH depuis 10 ans, les patients vulnérables aux mycoses invasives sont toujours plus nombreux. Au chapitre de l’aspergillose, trois développements méritent d’être soulignés dans les plus récentes recommandations de l’Infectious Diseases Society of America (IDSA) : les triazolés à spectre élargi (le voriconazole en première intention et le posaconazole en prophylaxie chez les patients à risque élevé), les préparations plus récentes et moins toxiques d’amphotéricine B comme solution de rechange dans certains cas, et les échinocandines telle la caspofongine en traitement de dernier recours (Clin Infect Dis 2008;46[3]:327-60).

Traitement empirique vs préemptif

Le traitement antifongique empirique est largement utilisé en cas de fièvre neutropénique d’étiologie inconnue. Cette démarche a sans doute sauvé beaucoup de vies, mais elle a aussi ses inconvénients. «Une fièvre peut être causée par un grand nombre de facteurs autres qu’une mycose, et on estime que 60 % des patients neutropéniques fébriles sont traités pour une mycose, alors qu’une mycose invasive est réellement en cause dans 5 à 15 % des cas», souligne le Dr Oscar Marchetti, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, Lausanne, Suisse. «C’est donc dire que de nombreux patients sont exposés à la toxicité des antifongiques», affirme-t-il, ajoutant qu’une stratégie empirique reposant sur les nouveaux médicaments est aussi très coûteuse. La stratégie préemptive, qui a pour objectif de traiter avec force uniquement les aspergilloses invasives «soupçonnées» est l’une des recommandations clés que l’IDSA a ajoutées dans sa mise à jour de 2008.

Lors d’une étude visant à comparer les stratégies empirique et préemptive, des patients neutropéniques fébriles très vulnérables ont été randomisés de façon à recevoir soit un traitement antifongique empirique (motivé par la fièvre), soit un traitement préemptif uniquement en cas de pneumonie, de choc, de lésions cutanées, de sinusite, d’infection de l’orbite, d’abcès hépatosplénique, de mucite de grade 4, de colonisation par Aspergillus ou de taux de galactomannane supérieur à 1,5 (Clin Infect Dis 2009;48[8]:1042-51). Dans les deux groupes, le traitement administré était le désoxycholate d’amphotéricine B ou l’amphotéricine B liposomale. Dans le groupe recevant le traitement préemptif, le traitement antifongique a été amorcé après une médiane de 13 jours de fièvre, par comparaison à sept jours pour la stratégie empirique. «Certes, les antifongiques ont été moins utilisés dans le groupe de traitement préemptif, mais les mycoses invasives ont été significativement plus nombreuses», précise le Dr Marchetti. Cela dit, les chercheurs n’ont observé aucune différence entre les deux groupes quant à la survie globale, le paramètre principal.

Une autre démarche, décrite par le Dr Charles Craddock, Queen Elizabeth Hospital, Londres, Royaume-Uni, reposait exclusivement sur les clichés de tomodensitométrie haute résolution (TDM-HR). «Pour des raisons administratives, le dosage du galactomannane n’est pas répandu au Royaume-Uni», fait-il remarquer. En vertu du plan de l’étude, les greffés de CSH allogéniques (qui recevaient de l’itraconazole en prophylaxie) dont le cliché de TDM-HR était positif recevaient de la caspofongine alors qu’aucun antifongique n’était administré aux patients dont le cliché de TDM-HR était négatif. En tout, 17 patients sur 99 (17 %) ont reçu un antifongique selon l’algorithme de traitement préemptif alors que 53 patients sur 99 (54 %) auraient été traités si l’on avait opté pour une démarche empirique (diminution de 68 %). Les 17 patients ayant reçu le traitement préemptif ont obtenu de bons résultats : 11 ont répondu à la caspofongine en première intention et quatre ont répondu au traitement administré en deuxième intention. Deux des non-répondeurs sont décédés, mais la mort était imputable à la mycose dans un seul cas. «Cette étude a été la première à utiliser la TDM-HR comme seul facteur déterminant du traitement préemptif. La démarche semble sûre au sein d’une population à risque élevé [...], mais les résultats devront être confirmés par des études de plus grande envergure», conclut le Dr Craddock.

IMPROVIT : La prophylaxie chez les patients traités par allogreffe

Comme on obtient de meilleurs résultats en amorçant le traitement antifongique tôt et que l’établissement d’un diagnostic précoce comporte de nombreuses difficultés, la prophylaxie peut être une option séduisante. Un certain nombre d’études ont d’ailleurs validé la prophylaxie par des agents comme le fluconazole, mais nous avons peu de données concernant les greffés de CSH allogéniques.

Dans le cadre de l’étude IMPROVIT menée en mode ouvert avec randomisation, 489 patients de 12 ans ou plus traités par allogreffe de CSH ont reçu en prophylaxie du voriconazole ou de l’itraconazole par voie orale, après avoir reçu des doses d’attaque par voie intraveineuse. «Nous voulions tester les agents oraux parce qu’ils peuvent offrir de nets avantages», affirme le Dr David Marks, Bristol Bone Marrow Transplant Unit, Bristol, Royaume-Uni. Contrairement à ce qui s’était fait dans les essais antérieurs, les patients recevaient des schémas myéloablatifs ou de moindre intensité, ce qui reflète mieux les pratiques modernes en médecine de transplantation. Le retour au traitement intraveineux était possible lorsque le traitement oral ne convenait pas (p. ex., diarrhée ou mucite). Le paramètre principal était la réussite de la prophylaxie antifongique, «réussite» se définissant comme l’atteinte des trois paramètres suivants : survie 180 jours après la greffe, absence de mycose invasive prouvée/probable et continuité du traitement (<14 jours sans traitement) pendant les 100 jours de prophylaxie. «La tolérabilité était donc intégrée dans le paramètre principal, enchaîne le Dr Marks. «La tolérabilité est extrêmement importante. Dans ce contexte en particulier, les patients ont beaucoup de mal à prendre leurs médicaments», ajoute-t-il.

Une analyse en deux temps du paramètre principal a révélé que le voriconazole était à la fois non inférieur et supérieur à l’itraconazole. La réussite du traitement a été confirmée chez 115 des 234 patients (49,1 %) sous voriconazole vs 88 des 255 patients (34,5 %) sous itraconazole (p=0,0004). La différence tenait en grande partie à la composante tolérabilité du paramètre principal (le voriconazole a été administré pendant une médiane de 97 jours vs 68 jours pour l’itraconazole). Certains condamneraient un paramètre d’évaluation de l’efficacité assorti d’une forte composante tolérabilité, mais il y a fort à parier que le médecin traitant prescrirait un autre médicament en cas de non-tolérabilité, «et c’est l’autre médicament à qui on attribuerait le mérite de l’efficacité», souligne le Dr Marks, ajoutant qu’un changement de médicament serait peut-être considéré comme un échec. Les deux agents ont semblé efficaces pour prévenir l’infection. Seuls trois cas de mycose invasive prouvée ont été signalés dans le groupe voriconazole, par comparaison à six dans le groupe itraconazole. «La prophylaxie primaire à long terme par le voriconazole est une option sûre et efficace pour la prévention des mycoses invasives chez ces patients», conclut le Dr Marks.

Résumé

Les infections représentent un problème de taille dans le contexte des allogreffes de CSH. L’évolution de la prise en charge des hémopathies malignes donne lieu à une augmentation du nombre de patients immunodéprimés particulièrement vulnérables aux infections opportunistes. Au chapitre des mycoses, de nouveaux agents et de nouvelles préparations d’agents existants permettent de mieux combattre ces infections, mais leur utilisation n’est pas encore optimisée. Grâce aux nouvelles techniques diagnostiques moléculaires, peut-être le traitement sera-t-il de plus en plus souvent administré assez tôt pour être efficace. De nouveaux algorithmes reposant sur l’imagerie par TDM-HR se sont aussi avérés prometteurs dans un contexte de traitement préemptif. Peu à peu, de nouvelles données confirment que la prophylaxie peut être efficace chez ces patients très vulnérables.

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