Comptes rendus

Traiter les patients à risque cardiovasculaire modéré
Stratégies pour une diminution de la morbi-mortalité associée à l’aspergillose invasive et à d’autres infections

Progrès dans le traitement de l’eczéma chronique des mains

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Le 10e Congrès de l’European Society of Contact Dermatitis

Strasbourg, France / 15-18 septembre 2010

En présence d’un eczéma chronique des mains (ECM), les vésicules symptomatiques de même que les fissures prurigineuses et douloureuses peuvent nuire grandement à l’aptitude au travail, entraînant ainsi une diminution de la qualité de vie parfois accompagnée de graves problèmes psychologiques et sociaux. «Bien que l’ECM soit l’une des affections les plus répandues qu’il rencontre au quotidien, le dermatologue doit tout de même bien le diagnostiquer et en déterminer le type afin de bien le traiter», affirme le Dr Robin Graham-Brown, University Hospitals of Leicester, Royaume-Uni. «À l’heure actuelle, le traitement médicamenteux se résume généralement à une série d’agents de puissance croissante. Aux corticostéroïdes topiques, efficaces et d’action rapide à court terme, succèdent les corticostéroïdes oraux qui peuvent être utiles pour le traitement immédiat d’une poussée aiguë.» À en juger par l’enquête de l’EDEN (European Dermato-Epidemiology Network) sur l’eczéma des mains, nous manquons d’essais cliniques pour orienter le traitement (Br J Dermatol 151[2]:446-51). Les corticostéroïdes topiques sont certes bien établis, mais leur utilisation récurrente ou prolongée peut entraîner une atrophie de la peau et, en définitive, un affaiblissement de sa fonction barrière. Quant aux quelques options restantes, peu de données étayent leur efficacité, et elles sont souvent connues pour leur toxicité importante.

BACH : données sur le retraitement

Jusqu’à maintenant, compte tenu des lacunes des traitements actuels et de l’absence de consensus, les besoins en matière de traitement efficace à long terme de l’ECM sévère et réfractaire aux corticostéroïdes topiques puissants étaient loin d’être satisfaits, souligne le Dr Graham-Brown. La nouvelle préparation orale d’alitrétinoïne (acide 9-cis-rétinoïque) a fait la preuve de son efficacité à long terme et de sa bonne tolérabilité chez des patients aux prises avec un ECM sévère et réfractaire. Cette conclusion découle d’un certain nombre d’essais cliniques, dont BACH (Benefits of Alitretinoin in Chronic Hand Eczema), la plus vaste étude avec randomisation réalisée à ce jour au sein de cette population.

Lors de l’étude BACH, 1032 patients souffrant d’un ECM sévère et réfractaire aux corticostéroïdes topiques ont été randomisés de façon à recevoir de l’alitrétinoïne à 10 mg/jour ou à 30 mg/jour ou un placebo pendant un maximum de 24 semaines. L’objectif était de déterminer le pourcentage de patients parvenant au blanchiment ou au quasi-blanchiment des lésions d’après l’échelle PGA (Physician Global Assessment). La majorité des patients souffraient d’un ECM hyperkératosique, mais la plupart des patients présentant une hyperkératose montraient aussi des signes d’inflammation. Après 24 semaines, les auteurs ont rapporté une diminution de 75 % des signes et des symptômes de l’ECM, 47,7 % des patients étant parvenus au stade du blanchiment ou du quasi-blanchiment des lésions en l’espace de 12 à 24 semaines. L’alitrétinoïne s’est révélée efficace contre toutes les formes d’ECM, mais les meilleures réponses ont été obtenues en présence d’hyperkératose.

Les chercheurs de l’Hôpital Bocage (Dijon, France) et de l’Hôpital Henri Mondor (Créteil, France) ont présenté les résultats de la prolongation de l’étude BACH dans deux sous-groupes de patients. Dans le premier sous-groupe, formé de patients parvenus au stade du blanchiment mais ayant rechuté en 6 mois (35 % de la population totale), le retraitement pendant un maximum de 24 semaines a de nouveau permis un blanchiment des lésions dans 79,6 % des cas, par comparaison à 8,3 % dans le groupe placebo (p<0,001). Les chercheurs ont conclu qu’un deuxième cycle de traitement pouvait être bénéfique dans les cas où les patients rechutaient après avoir répondu au traitement et que le retraitement était bien toléré, ce qui donne tout lieu de croire que l’administration intermittente d’alitrétinoïne est envisageable dans le traitement à long terme de l’ECM.

Dans le second groupe, formé de 243 patients n’ayant pas répondu ou ayant eu une réponse incomplète à l’alitrétinoïne à 10 mg/jour ou à 30 mg/jour pendant la phase initiale de l’étude BACH et dont l’ECM était léger ou modéré à la fin de l’étude, environ la moitié des sujets ont répondu au retraitement par l’alitrétinoïne à 30 mg/jour. De l’avis des chercheurs, un traitement à plus forte dose ou de plus longue durée pourrait être pratique et bénéfique après un échec du premier traitement.

TOCCATA : expérience en conditions réelles

Une fois l’essai BACH terminé et l’alitrétinoïne homologuée, des chercheurs allemands ont entrepris une étude d’observation, TOCCATA, qui avait pour objectif d’évaluer l’efficacité et l’innocuité de l’acide 9-cis-rétinoïque en conditions réelles chez des patients suivis par un dermatologue pour un ECM sévère et réfractaire aux corticostéroïdes puissants. Les chercheurs souhaitaient également examiner les similitudes et les différences entre l’expérience en conditions réelles et l’étude clinique BACH avec placebo et randomisation.

«Malgré des différences méthodologiques fondamentales, les deux études portaient sur l’utilisation de l’alitrétinoïne dans le traitement de l’ECM», a déclaré le Pr Thomas Diepgen, Centre de dermatologie professionnelle et environnementale, Centre hospitalier universitaire, Heidelberg, Allemagne, à l’auditoire.

Même si TOCCATA était une étude d’observation, «le recrutement s’est limité à des adultes atteints d’un ECM sévère et réfractaire à de puissants corticostéroïdes topiques conformément à l’indication officielle, dans le respect des précautions et mises en garde particulières chez les femmes en âge de procréer. La grossesse est une contre-indication absolue du traitement par l’alitrétinoïne parce que, comme tous les dérivés acides de la vitamine A, elle est tératogène», poursuit le Pr Diepgen. Malgré quelques différences initiales entre les deux essais quant à la sélection et au recrutement des patients, ce dernier estime que les deux groupes sont remarquablement similaires et comparables. Le vaste éventail de scores PGA distinguait toutefois les deux groupes; lors de l’étude TOCCATA, l’ECM était sévère chez environ les deux tiers des patients et modéré chez l’autre tiers.

«Les médecins traitants ont recruté 680 patients pour l›étude TOCCATA à la lumière des renseignements figurant dans le sommaire des caractéristiques de l’alitrétinoïne et d’une évaluation médicale du patient, affirme-t-il. La durée prévue du traitement était de 24 semaines, et les paramètres de l’efficacité et de l’innocuité étaient évalués toutes les 4 semaines. La posologie du traitement – 10 ou 30 mg/jour – était laissée à la discrétion du médecin traitant. La durée moyenne de l’exposition au traitement a été de 5 mois.»

Les résultats de l’étude TOCCATA concordaient parfaitement avec ceux de l’étude BACH, y compris sur le plan de l’innocuité, souligne le Pr Diepgen. Le pourcentage de patients ayant atteint le stade du blanchiment ou du quasi-blanchiment, le paramètre principal global, s’élevait à 55,6 % dans TOCCATA vs 47,7 % dans BACH. Les résultats classés en fonction du type initial d’eczéma étaient légèrement supérieurs chez les sujets de TOCCATA, mais la tendance était globalement la même : parmi les patients présentant un ECM fissuraire et hyperkératosique, 55,6 % ont atteint le stade du blanchiment ou du quasi-blanchiment dans TOCCATA vs 48,7 % dans BACH, alors que dans les cas de dyshidrose sévère, 44,7 % et 33,4 % des patients y sont parvenus, respectivement. Chez les patients présentant un eczéma sévère du bout des doigts, les résultats étaient de 50,8 % et 44,4 %, respectivement.

Les céphalées et les bouffées vasomotrices ont été moins fréquentes au sein de la population de TOCCATA, toujours par comparaison avec les sujets de BACH : 7,5 % vs 20 % et 1,2 % vs 4 %, respectivement. Des étourdissements ont été observés chez <1 % des sujets des deux groupes. Près de 80 % des patients et des médecins ont qualifié l’efficacité de l’alitrétinoïne de «bonne» ou «très bonne» au terme du traitement, et moins de 5 % des sujets ont mis fin à leur traitement après le premier mois.

«Le message à retenir est que l’alitrétinoïne est très efficace et que les données issues de la pratique clinique sont au moins aussi bonnes que les résultats de l’étude comparative. En fait, je pense qu’elles sont même meilleures, poursuit le Pr Diepgen. Cela pourrait tenir en partie au fait que dans l’essai BACH, la possibilité d’ajout de traitements était limitée, alors que dans la pratique clinique, il était possible de combiner d’autres médicaments afin d’accroître l’efficacité du traitement. J’estime personnellement que l’alitrétinoïne est un médicament prometteur et j’ai été très surpris de constater que les données avaient pu être reproduites aussi fidèlement en conditions réelles.»

La fonction barrière de l’épiderme

Une dysfonction de la barrière cutanée, facteur clé dans la pathogenèse de l’eczéma, augmente le risque de pénétration d’irritants et d’allergènes par la peau, causant ainsi diverses réactions immunitaires et une inflammation. Les données semblent indiquer que le traitement systémique pourrait contribuer non seulement à normaliser l’inflammation cutanée, mais aussi à consolider la fonction barrière de l’épiderme.

À en juger par les données, l’alitrétinoïne atténuerait la réactivité du système immunitaire et consoliderait la fonction barrière de l’épiderme. À cette fin, la Dre Mandana Abdollahnia, Département de dermatologie et d’allergologie, Centre hospitalier universitaire Charité, Berlin, Allemagne, s’est penchée sur la fonction barrière de l’épiderme en mesurant la perte insensible en eau (PIE) et plusieurs marqueurs de la réponse immunitaire périphérique dans le cadre d’un traitement de 12 semaines à raison de 30 mg/jour.

«La PIE a été mesurée sur le dos de la main avant, durant et après le traitement par l’alitrétinoïne chez 19 patients qui présentaient un ECM sévère et réfractaire aux traitements standards depuis au moins 6 mois, explique la Dre Abdollahnia. La PIE moyenne a baissé légèrement, passant de 22,8 ± 5,7 g/h.m2 avant le traitement par l’alitrétinoïne, à 19,9 ± 4,3 g/h.m2 durant le traitement (12e semaine), puis à 19,4 ± 5,7 g/h.m2 4 semaines après le traitement. La mesure des réponses immunitaires périphériques a mis en évidence une réduction significative des cellules T IL-17+ (p=0,02). La production par les cellules T effectrices d’autres cytokines comme l’IFN-? et l’IL-4 est demeurée stable. Le nombre de cellules B exprimant CD23 a diminué (p=0,009) et, en conséquence, le taux global des IgE sériques a diminué avec le temps.»

Les données impliquent que l’alitrétinoïne pourrait contribuer à rétablir l’intégrité de la barrière épidermique et à moduler la réponse immunitaire, conclut la Dre Abdollahnia. Le mode d’action sous-jacent devra être exploré plus à fond.

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