Comptes rendus

Optimisation du traitement anti-VEGF dans la forme néovasculaire de dégénérescence maculaire liée à l’âge
Le point sur l’anémie ferriprive dans les troubles digestifs

Progrès dans le traitement hormonal du cancer du sein

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 36e Symposium annuel de San Antonio sur le cancer du sein (SABCS)

San Antonio, Texas / 10-14 décembre 2013

San Antonio - L’hormonothérapie est une composante importante de l’arsenal thérapeutique contre le cancer du sein (CS) métastatique. Plusieurs agents hormonaux sont considérés comme des agents de référence dans le traitement du CS à récepteurs hormonaux (RH+) postménopausique. À en juger par les résultats d’un essai phare récent, le traitement est associé à un bénéfice significatif chez des femmes ménopausées à risque élevé de CS. Un antagoniste des récepteurs œstrogéniques à forte dose permet de mieux maîtriser la maladie, et la voie intraveineuse pourrait être préférable à la voie orale. Le choix du traitement approprié suppose une évaluation minutieuse du rapport risque:bénéfice. Des données récentes ont jeté un nouvel éclairage sur les options de traitement.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Présentés au congrès, les résultats de l’essai IBIS-II (International Breast Cancer Intervention Study II) ont montré que l’anastrozole, un agent oral, pouvait diminuer l’incidence du cancer du sein (CS) de 53 % (p<0,0001) chez des femmes ménopausées à risque élevé de CS. L’essai regroupait près de 4000 femmes ménopausées à risque élevé, dont la moitié a reçu quotidiennement de l’anastrozole pendant 5 ans et l’autre moitié, un placebo (résumé S3-01).

«Ces résultats plaident fortement en faveur d’un traitement par l’anastrozole chez les femmes ménopausées à risque élevé», affirme le Dr Jack Cuzick, chercheur principal et directeur, Centre for Cancer Prevention, Queen Mary University, Londres, Royaume-Uni.

Le traitement de première intention revisité

L’anastrozole n’est pas le seul médicament à jouer un nouveau rôle dans la lutte contre le CS. À en juger par de nouvelles données, le fulvestrant pourrait être promu au rang de traitement de première intention. Cet antagoniste des récepteurs œstrogéniques – qui n’exerce pas d’effets agonistes et s’administre en une injection par mois – est homologué pour le traitement du CS métastatique à récepteurs hormonaux (RH+) chez la femme ménopausée après un traitement par un anti-œstrogène. Le fulvestrant a d’abord été approuvé à la dose de 250 mg, mais après avoir constaté à la lumière d’essais cliniques qu’une dose plus forte pouvait améliorer les résultats, des chercheurs ont lancé l’essai CONFIRM. Présenté au congrès de l’année dernière, cet essai de phase III comparait les doses de 250 mg et de 500 mg de fulvestrant chez des patientes atteintes d’un CS avancé, et ses résultats ont révélé que la plus forte des deux doses permettait de mieux maîtriser la maladie.

Les résultats définitifs de cet essai quant à la survie globale (SG) ont été publiés récemment dans le Journal of the National Cancer Institute (7 déc. 2013; publication en ligne avant l’impression). Au total, 736 femmes ont été randomisées selon un rapport 1:1 de façon à recevoir 500 mg ou 250 mg les jours 0, 14, et 28, puis tous les 28 jours. À la dernière analyse, 75,3 % des patientes étaient mortes. La médiane de SG a augmenté de 4,1 mois sous l’effet de la dose plus forte (26,4 mois vs 22,3 mois; HR 0,81; p=0,02).

«La dose de 500 mg a été aussi bien tolérée que celle de 250 mg», précise le Dr John Robertson, professeur titulaire de chirurgie et chef de la division de chirurgie mammaire, University of Nottingham, Angleterre. «La dose plus forte n’a entraîné aucun effet indésirable supplémentaire, ce qui est assez inhabituel pour un anticancéreux dont la dose est doublée.»

Au vu de ces résultats, les cliniciens ont émis l’hypothèse selon laquelle le fulvestrant donnerait peut-être de meilleurs résultats que les inhibiteurs de l’aromatase (IA) s’il figurait plus tôt dans l’algorithme de traitement. Les résultats de l’essai de phase II multicentrique FIRST (Fulvestrant First-Line Study Comparing Endocrine Treatments) leur ont donné raison. Dans le cadre de cet essai, 205 femmes atteintes d’un CS avancé ont reçu soit du fulvestrant (500 mg/mois + 500 mg le jour 14 du 1er mois), soit de l’anastrozole oral (1 mg/jour). À la dernière analyse, alors que 75 % des femmes avaient arrêté leur traitement, la médiane de l’intervalle sans progression se chiffrait à 23,4 mois dans le groupe fulvestrant, par comparaison à 13,1 mois dans le groupe anastrozole (HR, 0,66; p=0,01) (Breast Cancer Res Treat 2012;136:503-511).

Traitement oral vs i.v.

Les résultats susmentionnés ont motivé la tenue de l’essai FALCON (Fulvestrant and Anastrozole Compared in Hormonal Therapy Naïve Advanced Breast Cancer). Cet essai de phase III, dont il a été question au congrès (résumé OT3-2-09), compare le fulvestrant à 500 mg et l’anastrozole à 1 mg chez des femmes ménopausées atteintes d’un CS RH+ localement avancé ou métastatique qui n’avaient jamais reçu d’hormonothérapie. Le paramètre principal est la survie sans progression (SSP). Les chercheurs tenteront aussi de déterminer comment les variations de divers biomarqueurs tumoraux – ADN, ARN et protéines – pourraient influer sur la progression d’un cancer et/ou la réponse au traitement. En date de novembre 2013, 255 patientes avaient été admises, et la population visée est de 450 patientes. L’essai devrait se terminer d’ici septembre 2017.

«Dans l’essai de phase II, la dose de 500 mg de fulvestrant a presque doublé la durée médiane de la maîtrise des cancers comparativement à l’IA, le traitement de référence, ce qui a motivé la tenue de l’essai de phase III, poursuit le Dr Robertson. Si l’on parvenait à démontrer chez un nombre plus élevé de patientes que ces premiers résultats tiennent la route, la clinique pratique en serait métamorphosée, et la dose de 500 mg deviendrait la référence en matière d’hormonothérapie.»

Les deux traitements ont été tolérés de manière similaire; certaines patientes préféraient la préparation orale, d’autres la préparation injectable. «Certaines patientes préfèrent les injections. Comme elles en reçoivent une seule par mois, elles oublient ensuite qu’elles sont en traitement et n’ont pas à prendre de comprimés», explique le Dr Robertson.

Traitement de fond

Si les chercheurs de l’essai FALCON tentent d’améliorer l’hormonothérapie de première intention, d’autres se penchent sur les traitements subséquents reposant sur l’association d’un agent expérimental et du fulvestrant. Cette approche a d’ailleurs fait l’objet de plusieurs communications affichées au congrès.

Dans un essai de phase III, on compare l’association palbociclib (agent oral) + fulvestrant à 500 mg avec l’association palbociclib + placebo chez des femmes atteintes d’un CS métastatique RH+ et HER2- qui a progressé lors d’un traitement hormonal antérieur. Certaines femmes recevront aussi de la goséréline. L’effectif visé est de 417 patientes, et le paramètre principal est la SSP. Cet essai fait suite aux résultats d’un essai de phase II dans lequel on a évalué un traitement de première intention par le létrozole avec ou sans palbociclib chez des femmes ménopausées atteintes d’un CS avancé à récepteurs œstrogéniques (RE+)  et HER2-. Chez les femmes recevant le traitement d’association, les chercheurs ont observé une SSP plus longue (26,1 vs 7,5 mois; HR 0,37; p<0,001); l’association a été bien tolérée, l’effet indésirable le plus fréquent ayant été une neutropénie de faible grade.

«Le fulvestrant à 500 mg est le traitement hormonal le plus actif en cas d’échec de l’hormonothérapie antérieure, et c’est précisément pour cette raison qu’il a été choisi pour cette étude», explique le Dr Nicholas Turner, Royal Marsden Hospital, Londres, Royaume-Uni (résumé OT3-2-10). «Nous avons de solides données montrant que le palbociclib est efficace dans le CS hormonorésistant et que, par conséquent, il le sera également en association avec le fulvestrant pour prolonger la maîtrise de la maladie.»

D’autres essais ont porté sur des traitements de fond à base d’exémestane et de létrozole. Un essai de phase II regroupant 120 patientes ménopausées a révélé que comparativement au létrozole seul, l’association létrozole + dasatinib avait prolongé la SSP de 10,2 mois (20,1 vs 9,9) chez des femmes atteintes d’un CS métastatique RH+ et HER2- qui recevaient un IA en première intention (résumé S3-7). «Ces résultats donnent à penser que le dasatinib pourrait inhiber l’apparition d’une résistance acquise au traitement par un IA», affirme le Dr Devchand Paul, spécialiste en oncologie mammaire, US Oncology and Rocky Mountain Cancer Centers, Denver, Colorado.

Prise en charge de la résistance à l’hormonothérapie

Depuis 2 ans, les cliniciens peuvent utiliser l’évérolimus pour traiter un CS métastatique hormonorésistant. En 2012, l’évérolimus a été homologué pour utilisation en association avec l’exémestane pour le traitement d’un CS avancé RH+ et HER2- ayant récidivé ou progressé à la suite d’un traitement par le létrozole ou l’anastrozole. Dans l’essai BOLERO-2, l’association évérolimus + exémestane a porté la SSP à 7,8 mois, comparativement à 3,2 mois pour l’exémestane seul. Des chercheurs ont présenté au congrès les résultats mesurés selon les paramètres secondaires de BOLERO-2 (résumé P2-16-17). Chez les patientes qui avaient reçu de l’évérolimus, on a enregistré des taux plus élevés quant au bénéfice clinique (51,3 % vs 26,4 %) et aux réponses objectives (12,6 % vs 1,7 %). Les résultats étayent le recours à l’association évérolimus + exémestane pour l’obtention d’une réponse objective et d’une meilleure issue clinique dans le traitement du CS avancé RH+ et HER2- ayant récidivé ou progressé pendant ou après un traitement par un IA non stéroïdien.

L’évérolimus est certes une bonne option pour cette population de patientes, mais certains cliniciens le considèrent davantage comme une option de dernier recours en raison de sa toxicité. «Les patientes de l’essai BOLERO-2 avaient reçu de nombreux traitements hormonaux; plus de la moitié avaient reçu au moins trois agents», affirme le Dr Robertson. Chez 24 % des patientes de l’essai BOLERO-2, des effets indésirables survenus sous évérolimus ont entraîné l’abandon du traitement.

De l’avis du Dr Hope Rugo, directeur du programme des essais cliniques en oncologie mammaire, University of California-San Francisco, la toxicité de l’évérolimus peut être inquiétante. Cet agent peut entraîner une stomatite d’emblée ou une pneumopathie interstitielle à retardement; chez les patientes intolérantes au glucose, l’hyperglycémie peut être un problème. «Un grand nombre de ces patientes [atteintes d’un CS métastatique] recevront tous ces médicaments à un moment ou à un autre, affirme le Dr Rugo. Dans les faits, la stratégie repose sur un juste équilibre entre l’efficacité et la toxicité.»

Résumé

Il existe actuellement de nombreuses options pour les patientes aux prises avec un CS métastatique hormonosensible, et le nombre d’options augmentera probablement avec le temps. Les résultats de l’essai IBIS-II montrent que le traitement est efficace et représentent une nouvelle source d’espoir pour les femmes ménopausées à risque élevé de CS. Compte tenu du nombre élevé d’agents à leur disposition pour traiter un CS, les cliniciens doivent déterminer le traitement approprié par une analyse minutieuse du rapport risque:bénéfice.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.