Comptes rendus

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Progrès notable dans le traitement du cancer médullaire de la thyroïde localement avancé ou métastatique : essai ZETA

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

MEDI-NEWS - D’après J Clin Oncol 2011 24 oct. (publication en ligne avant impression)

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Les résultats de ZETA (Zactima Efficacy in Thyroid Cancer Assessment), essai comparatif multinational avec randomisation mené chez des patients atteints d’un cancer médullaire de la thyroïde (CMT) avancé, ont paru récemment dans le Journal of Clinical Oncology. La survie sans progression (SSP) a été significativement prolongée chez des sujets atteints d’un CMT localement avancé ou métastatique et traités par le vandétanib – inhibiteur oral de l’activité tyrosine kinase agissant sur de multiples voies de signalisation et pris 1 fois/jour – comparativement aux témoins sous placebo (médiane de survie prévue : 30,5 vs 19,3 mois pour le placebo).

 

Physiopathologie

 

La plupart des cancers thyroïdiens se développent aux dépens des cellules folliculaires. Dans le cas du CMT (environ 5 % des cancers thyroïdiens), il s’agit plus précisément des cellules C parafolliculaires productrices de calcitonine. Le CMT est soit sporadique (75 % des cas), soit héréditaire. La survie globale (SG) à 10 ans oscille généralement autour de 75 %, mais elle chute à 40 % dans les cancers localement avancés ou métastatiques. Ni la radiothérapie, ni la chimiothérapie ne sont jamais parvenues à apporter une réponse objective durable dans le CMT avancé.

Comme l’expliquent le Dr Samuel Wells fils, scientifique clinique principal et directeur, Thyroid Oncology Clinic, National Cancer Institute, National Institutes of Health, Bethesda, Maryland, et son équipe multicentrique, la quasi-totalité des patients atteints d’un CMT héréditaire ont des mutations germinales du proto-oncogène RET, tandis que la moitié environ des patients atteints d’un CMT sporadique ont des mutations somatiques du RET, et 85 % d’entre eux sont porteurs de la mutation M918T. «Les autres voies de signalisation susceptibles de contribuer à la croissance et au caractère envahissant du CMT sont l’angiogenèse médiée par les récepteurs du facteur de croissance endothéliale vasculaire (VEGFR) et la prolifération des cellules tumorales médiée par les récepteurs du facteur de croissance épidermique (EGFR)», indiquent les chercheurs. Le vandétanib cible de manière sélective la signalisation RET, VEGFR et EGFR.

 

Résultats de l’essai ZETA

 

ZETA est une étude multinationale de phase III menée à double insu, avec randomisation et placebo, par le Dr Wells et ses collègues; les 331 participants ont reçu soit du vandétanib à la dose d’attaque de 300 mg/jour, soit un placebo, jusqu’à ce que leur maladie progresse. «Notre objectif principal était de déterminer si le vandétanib prolongeait la SSP par rapport au placebo, selon un examen indépendant centralisé des résultats», précisent les auteurs. Les critères secondaires étaient les suivants : taux de réponse objective, taux de maîtrise de la maladie à 24 semaines, durée de la réponse, SG, intervalle sans majoration de la douleur et réponse biochimique au traitement. Lors de l’admission, 90 % de la cohorte souffrait d’un CMT sporadique et 95 % des sujets avaient des métastases.

Après un suivi médian de 24 mois, «le cancer avait progressé chez 37 % des patients et emporté 15 % de la cohorte», signalent les chercheurs. Toutefois, la SSP était 54 % plus longue (taux de risque [HR, pour hazard ratio] : 0,46] (soit 11 mois environ) sous vandétanib que sous placebo (p<0,001). À 6 mois, 83 % des patients sous traitement actif étaient en vie et exempts de progression contre 63 % des témoins sous placebo. On a observé un bénéfice sur le plan de la SSP dans le CMT tant héréditaire que sporadique.

En outre, on a enregistré des taux plus élevés sous traitement ciblé que sous placebo pour les paramètres que voici : réponse objective (45 % vs 13 %), maîtrise de la maladie (87 % vs 71 %) ainsi que réponse biochimique selon la calcitonine, d’une part (69 % vs 3 %), et l’antigène carcinoembryonnaire (ACE), d’autre part (52 % vs 2 %). «Les réponses objectives ont été durables, puisqu’à 24 mois de suivi, on n’avait pas atteint la valeur médiane en termes de survie», poursuivent les chercheurs. En cas de progression du cancer, les patients pouvaient recevoir un traitement ouvert par le vandétanib jusqu’à ce qu’un critère de retrait s’applique. D’ailleurs, font observer les chercheurs, 12 des 13 réponses obtenues chez des patients d’abord affectés au groupe placebo se sont manifestées sous vandétanib, en phase ouverte.

À la date de tombée, il était encore trop tôt pour analyser les données sur la SG, mais on procédera à une analyse finale de la survie lorsque la moitié de la cohorte sera décédée.

 

Innocuité et tolérabilité

 

Pendant la phase menée avec randomisation, la durée médiane du traitement a été de 90,1 semaines sous vandétanib et de 39 semaines sous placebo. L’incidence des effets indésirables de grade 3 ou plus a été la suivante (traitement actif vs placebo) : diarrhée (11 % vs 2 %), hypertension (9 % vs 0 %), allongement de l’intervalle QT (8 % vs 1 %), fatigue (6 % vs 1 %) et diminution de l’appétit/éruption cutanée (4 % vs 0 et 1 %, respectivement).

«On a dû réduire la dose pour cause d’effets indésirables ou d’allongement de l’intervalle QTc plus souvent dans le groupe vandétanib que dans le groupe placebo (35 % vs 3 %)», notent les auteurs, mais on n’a pas signalé de torsades de pointes. Il a fallu augmenter la posologie de l’hormonothérapie thyroïdienne substitutive chez près de la moitié des patients traités par le vandétanib dès le début de l’étude, contre moins de 20 % des témoins sous placebo. Enfin, précisent les auteurs, la majorité des effets indésirables répondaient à une prise en charge standard, avec ou sans réduction de la dose, si bien que les patients ont pu continuer de prendre le médicament pendant une longue période.

 

Autre agent oral

 

Dans un numéro antérieur (J Clin Oncol 2011;29:2660-6), Kurzrock et al. publiaient les résultats d’une étude de phase I avec doses croissantes sur un autre agent oral, le cabozantinib, menée chez 85 porteurs d’une tumeur solide avancée, dont 37 atteints d’un CMT. En plus de bloquer le VEGFR, cet agent oral inhibe les proto-oncogènes MET et RET, et les études précliniques ont mis en lumière de solides effets antiangiogéniques, antitumoraux et antiprolifératifs.

La dose maximale tolérée a été de 175 mg/jour. Les effets toxiques limitant la dose ont été une érythrodysesthésie palmoplantaire, une mucite et une hausse des enzymes hépatiques, toutes de grade 3. Dix patients sur les 35 dont le CMT était mesurable ont obtenu une réponse partielle confirmée; au total, on a observé une régression tumorale de 30 % ou plus chez 18 patients, dont 17 des 35 patients chez qui la maladie était mesurable. La maladie s’est stabilisée pendant au moins 6 mois chez 15 des 37 patients atteints d’un CMT; au total, on a donc stabilisé la maladie pendant 6 mois ou plus, ou obtenu une réponse partielle confirmée, chez 68 % des sujets souffrant d’un CMT.

 

Commentaire éditorial

 

Les éditorialistes, les Drs Benjamin Solomon et Danny Rischin, Peter MacCallum Cancer Centre, Melbourne Est, Victoria, Australie, insistent sur l’importance du choix judicieux des patients à traiter par ce médicament, au vu de ses possibles effets toxiques à long terme. «Le rapport risques:bénéfices pourrait fort bien être défavorable en l’absence de symptômes ou devant une maladie peu lourde, qui évolue lentement», déclarent-ils. En pareil cas, avancent les auteurs, on pourrait peut-être se contenter de surveiller les patients sans les traiter. En revanche, le patient qui a des symptômes, qui porte un lourd fardeau morbide ou dont la maladie progresse rapidement pourrait fort bien bénéficier d’un traitement par le vandétanib.

 

Questions et réponses

 

Le Dr Samuel Wells fils, scientifique clinique principal et directeur, Thyroid Oncology Clinic, National Cancer Institute, Bethesda, Maryland, répond à nos questions.

Q : Qu’est-ce qu’une avancée thérapeutique comme le vandétanib représente pour les patients atteints du CMT?

R : Auparavant, nous n’avions aucun traitement a offrir aux patients atteints d’un CMT localement avancé ou métastatique. Les patients ont, pour la plupart, des mutations du proto-oncogène RET. Le Dr Massimo Santoro et son équipe, Naples, Italie, ont découvert que le ZD6474 (vandétanib), un inhibiteur oral de l’activité tyrosine kinase (récepteur KDR), bloquait l’activité oncogénique de RET, jetant les bases de l’essai clinique en cours. Homologué par la Food and Drug Administration, le vandétanib est aujourd’hui le traitement de référence dans ce cancer. La dose d’attaque est de 300 mg/jour, par voie orale. En règle générale, le médicament est bien toléré.

Q : Parmi les patients atteints d’un CMT localement avancé ou métastatique, lesquels sont des candidats au traitement par le vandétanib et lesquels n’en sont pas?

R : Assez souvent, on a affaire à une maladie très torpide, même s’il y a des métastases ou des récidives localisées. Souvent, la maladie évolue lentement, sans symptômes. Dans la majorité des cas, on peut s’abstenir de traiter et surveiller simplement la progression tumorale ou l’apparition de symptômes. La calcitonine que sécrètent les cellules cancéreuses constitue un excellent marqueur tumoral. La vitesse à laquelle le taux sérique de calcitonine double a une valeur pronostique. Ainsi, le pronostic est plus sombre si la calcitoninémie double en 6 mois ou moins que si elle double en 12 à 24 mois. La décision de recourir au vandétanib ne se fonde pas uniquement sur la calcitoninémie, mais si la maladie progresse localement ou que le patient a des métastases ou des symptômes, le traitement est indiqué.

Q : Qu’en est-il de l’allongement de l’intervalle QTc associé au vandétanib? Doit-on s’en inquiéter?

R : L’allongement de l’intervalle QT n’est pas rare chez les patients sous vandétanib. Un suivi électrocardiographique s’impose chez tous les patients qui reçoivent ce médicament, surtout en début de traitement. Au cours des essais de phases II et III, ce problème n’a pas été fréquent, mais vu sa gravité, on doit assurer une bonne surveillance, définir d’emblée les critères qui commanderont un arrêt de traitement et les respecter.

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