Comptes rendus

Progrès dans le traitement de la maladie d’Alzheimer
La MPOC revisitée

Progrès thérapeutiques

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Conférence internationale sur la maladie d’Alzheimer

Vienne, Autriche / 11-16 juillet 2009

Plusieurs études ont montré que le traitement précoce et ininterrompu de la maladie d’Alzheimer (MA) donne lieu à des améliorations cliniquement notables de la cognition et de la capacité fonctionnelle globale, mais des stratégies à plus long terme s’imposent tout de même pour prévenir les lésions cellulaires inévitables, la perte ou la mort synaptiques et les troubles neuronaux.

Comme l’explique le Pr Lutz Frohlich, Institut central de santé mentale, Universität Heidelberg, Mannheim, Allemagne, Winblad et al. (Dement Geriatr Cogn Disorder 2006;21:353-63) ont démontré que les bénéfices d’un traitement différé étaient moindres. L’étude visait à comparer la progression de la MA chez des patients atteints de MA possible ou probable ayant reçu du donépézil sans interruption pendant trois ans et des patients ayant reçu un placebo pendant un an avant de recevoir du donépézil pendant deux ans. À en juger par les résultats mesurés sur l’échelle GBS (Gottfries-Bråne-Steen), le déclin global était généralement moins prononcé chez les patients qui avaient reçu le traitement actif pendant trois ans que chez ceux dont le traitement actif avait été différé de un an. On a aussi noté des différences statistiquement significatives entre les deux groupes sur les plans de la fonction cognitive et des capacités cognitives et fonctionnelles au terme des trois années.

L’importance d’un traitement continu de la MA a aussi été démontrée par Doody et ses collaborateurs (Arch Neurol 2001;58:427-33). Lors de la prolongation ouverte d’un essai de phase III, des patients atteints de MA légère ou modérée ont reçu 10 mg/jour de donépézil pendant 24 semaines, puis un placebo pendant une période de six semaines. Les chercheurs ont constaté que l’interruption du traitement actif entraînait la perte des bénéfices associés au traitement et une diminution de la fonction cognitive après l’intervalle de six semaines, comme l’ont montré les scores de la fonction cognitive qui ont régressé en deçà des valeurs initiales. Bien que les scores de la fonction cognitive se soient de nouveau améliorés après la reprise du traitement, ils sont demeurés inférieurs aux valeurs initiales. La reprise du traitement au sein de la même cohorte a donné lieu à une amélioration des scores de la fonction cognitive, mais les scores sont tout de mêmes demeurés inférieurs aux valeurs initiales.

L’analyse des données de huit essais sur le donépézil avec placebo et d’un suivi de sept ans (registre) semble aussi indiquer que le diagnostic et le traitement précoces de la MA sont efficients. Comme l’expliquait Denis Getsios, Center for Health Economics, Epidemiology and Science Policy, United Bioscience corporation, Bethesda, Maryland, le suivi pendant 10 ans de patients simulés au Royaume-Uni a objectivé à la fois une diminution du coût des soins de santé et du coût du temps des aidants lorsque la MA était diagnostiquée et traitée sans délai. Les chercheurs ont calculé que les patients du groupe donépézil avaient eu un score MMSE <10 pendant presque cinq mois de moins en moyenne et qu’ils avaient vécu à domicile au-delà de trois mois de plus que ce à quoi l’on aurait pu s’attendre si la MA n’avait pas été diagnostiquée et traitée tôt.

Nouvelles cibles pour retarder la progression de la maladie

Diverses études ont démontré que les inhibiteurs de la cholinestérase (IChE) et la mémantine, antagoniste des récepteurs NMDA (N-méthyl-D-aspartate), sont utiles pour retarder la progression de la MA. Néanmoins, on observe une réponse de durée limitée aux deux traitements et un effet variable sur la cognition et le comportement. Au nombre des stratégies prometteuses à l’étude figurent des agents mis au point expressément pour bloquer l’action de la protéine bêta-amyloïde ðneurotoxique ou pour stabiliser les mitochondries. Lors d’études précliniques, la latrepirdine (agent expérimental d’abord appelé dimebon) s’est révélée capable de favoriser la croissance neuritique et de conserver le fonctionnement mitochondrial après la mise en contact de cellules cérébrales avec la bêta-amyloïde.

Fait encore plus pertinent sur le plan clinique, Doody et ses collaborateurs (Lancet 2008;372:207-15) ont montré que le traitement actif était bénéfique à en juger par son effet sur cinq paramètres mesurant la cognition et la mémoire de même que la capacité fonctionnelle et le comportement chez des patients atteints de MA légère ou modérée. Ces patients ont d’abord reçu 20 mg de latrepirdine par voie orale trois fois par jour dans le cadre d’un essai à double insu avec placebo d’une durée de 26 semaines, suivi d’une prolongation de 26 semaines. Le nouvel agent a été bien toléré. La sécheresse buccale et la dépression étaient les effets indésirables les plus courants dans le groupe de traitement actif, bien que le pourcentage de patients ayant subi des effets indésirables n’ait pas différé entre le groupe de traitement actif et le groupe placebo.

L’association de la latrepirdine et d’un IChE pourrait aussi améliorer le bénéfice clinique. Comme l’expliquait le Dr Pierre Tariot, professeur-chercheur en psychiatrie, University of Arizona College of Medicine, Phoenix, dans sa présentation, 24 patients atteints de MA légère ou modérée dont l’état était stable sous donépézil à 10 mg/jour depuis au moins 60 jours ont été randomisés de façon à recevoir de la latrepirdine 3 fois par jour (f.p.j.) ou un placebo pendant deux ou quatre semaines, selon le schéma de progression posologique utilisé. Par exemple, les patients de la première cohorte recevaient des doses croissantes de latrepirdine (2,5 mg, 5,0 mg, 10 mg et 20 mg), chacune pendant sept jours, alors que ceux de la deuxième cohorte recevaient 10 mg pendant sept jours, puis 20 mg pendant sept jours.

Le comportement pharmacocinétique de l’un ou l’autre agent n’a été aucunement perturbé lorsqu’ils étaient administrés en concomitance pendant 28 jours, et aucun effet indésirable grave n’a été signalé. Les patients sous latrepirdine étaient plus susceptibles que les témoins sous placebo de signaler de la fatigue, une distension abdominale, des étourdissements, des chutes, une hyperkaliémie et des cauchemars, mais tous les effets indésirables étaient d’intensité légère ou modérée et se sont résorbés avec la poursuite du traitement.

«La MA affecte chaque patient différemment, et la prise en charge est souvent complexe, fait valoir le Dr Tariot. Ces données de phase I sont encourageantes et elles ont d’ailleurs servi de tremplin à l’étude de phase III en cours CONCERT, dont le recrutement a débuté récemment aux États-Unis et dans d’autres pays.»

CONCERT est un essai clinique conçu pour évaluer l’innocuité et l’efficacité d’un traitement par la latrepirdine à 5 mg ou à 20 mg 3 f.p.j. qui s’ajoute à un traitement déjà en cours par le donépézil chez des patients atteints de MA légère ou modérée. Le traitement durera 12 mois au total.

Effets neurotoxiques

Le peptide bêta-amyloïde, principale composante de la plaque amyloïde, serait un important facteur causal de la MA, et des essais en cours portent sur l’atténuation de ses effets neurotoxiques. Par exemple, il a été démontré que le comportement pharmacocinétique du bapineuzumab, anticorps monoclonal dirigé contre la bêta-amyloïde qui a été conçu de façon à se fixer à la bêta-amyloïde pour l’éliminer du cerveau, n’avait causé aucune surprise à ce jour et qu’aucun anticorps anti-bapineuzumab n’avait été décelé après perfusion du médicament, ce qui dénote un faible risque d’immunogénicité.

Les immunoglobulines intraveineuses (IgIV) – produit sanguin provenant de donneurs humains que l’on utilise déjà pour le traitement d’autres troubles neurologiques – contiennent des anticorps naturels contre la bêta-amyloïde. Comme l’expliquait un chercheur, le Dr Alfred Weber, Vienne, Autriche, les IgIV contiennent aussi d’autres anticorps qui peuvent moduler le transport/la clairance de la bêta-amyloïde. Par exemple, les IgIV contiennent des anticorps contre la protéine soluble sLRP (soluble low-density lipoprotein receptor-related protein) – principale protéine à laquelle se fixe la bêta-amyloïde dans le plasma – et des anticorps contre le récepteur RAGE (receptor for advanced glycation end products), auquel se fixe la bêta-amyloïde dans le cerveau. Des chercheurs ont avancé que les IgG anti-RAGE pouvaient bloquer le transport de la bêta-amyloïde assuré par les récepteurs et ainsi empêcher celle-ci de traverser la barrière hémato-encéphalique pour pénétrer dans le système nerveux central, tandis que la sLRP pouvait réduire le volume cérébral de bêta-amyloïde en augmentant les taux plasmatiques.

Résumé

Des études montrent que le recours hâtif aux agents actuellement sur le marché et leur administration ininterrompue pourraient retarder la perte de la capacité fonctionnelle et la nécessité de soins de longue durée chez les patients atteints de MA. Cela dit, les retombées du traitement varient d’un patient à l’autre et sont de durée limitée. Les chercheurs se penchent maintenant sur le développement d’agents qui pourraient neutraliser les effets neurotoxiques de la bêta-amyloïde dans le cerveau et stabiliser le fonctionnement mitochondrial. L’immunothérapie à l’aide d’IgIV, qui renferme des anticorps naturels contre la bêta-amyloïde, entre autres anticorps potentiellement efficaces, pourrait être dotée d’un mode d’action plus étendu dans la MA, et son utilisation est actuellement à l’étude. D’ici là, la prise en charge de la MA doit reposer sur un diagnostic précoce et la mise en route sans délai d’un traitement dans le but de maximiser les bénéfices cliniques et de repousser le besoin de soins de longue durée.

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