Comptes rendus

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Prévention à long terme de la TEV récurrente par une héparine de bas poids moléculaire chez les patients cancéreux : bien-fondé des recommandations

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 33e Congrès de la Société européenne d’oncologie médicale

Stockholm, Suède / 12-16 septembre 2008

Le cancer est une affection prothrombotique. Dans les trois mois suivant le diagnostic, on estime que le risque de thromboembolie veineuse (TEV) est plus de 50 fois plus élevé que chez des sujets sains. Après prise en compte de facteurs de risque tels que l’âge, le risque global de TEV calculé dans des études de population est de six à sept fois plus élevé. Tous les patients hospitalisés en raison d’une maladie aiguë sont exposés à un risque accru de TEV, mais la relation entre le cancer et la thrombose ne découle pas de l’immobilisation. Même si, à l’heure actuelle, le traitement anticoagulant n’est pas recommandé chez les patients cancéreux ambulatoires qui ne sont pas exposés à un risque particulier de TEV, une chimiothérapie prothrombotique en cours par exemple, la prévention secondaire est essentielle si l’on en juge par les essais comparatifs.

Données probantes issues de l’essai CLOT

«Dans ses recommandations cliniques, l’American Society of Clinical Oncology [ASCO] préconise l’administration d’une héparine de bas poids moléculaire [HBPM] pour le traitement initial, et ce, pendant au moins six mois. Les antivitamines K sont acceptables à défaut d’HBPM, rapporte le Dr Mark Levine, directeur, Ontario Clinical Oncology Group, et directeur et professeur titulaire, département de recherche en oncologie et d’épidémiologie clinique/biostatistique, McMaster University, Hamilton, Ontario. Les recommandations de la European Society for Medical Oncology (ESMO) sont très similaires, à ceci près qu’elles sont plus spécifiques au chapitre des doses.»

Les recommandations des deux organismes prennent appui sur les résultats de l’essai phare CLOT (Randomized Comparison of Low Molecular Weight Heparin vs. Oral Anticoagulant Therapy) (Lee et al. N Engl J Med 2003;349:146-53). Lors de cet essai, 672 patients cancéreux présentant une thrombose veineuse profonde (TVP) ou une embolie pulmonaire (EP) aiguë symptomatique, ou les deux, ont été randomisés en vue de recevoir un traitement à long terme par une HBPM — plus précisément la daltéparine — ou par un anticoagulant oral (ACO) de la famille des dérivés coumariniques (warfarine dans la plupart des 48 centres, bien que l’acénocoumarol ait été utilisé dans deux des huit pays participants). Au cours des six mois de l’étude, la stratégie axée sur l’HBPM a réduit le risque de 52 % (p=0,0017). Le taux de saignements n’a pas différé de manière significative d’un groupe à l’autre.

Outre que l’HBPM a offert une meilleure protection contre la TEV lors de l’essai CLOT, elle a simplifié le traitement, souligne le Dr Levine. «Les patients du groupe ACO ont subi, en moyenne, 23 contrôles de l’INR [international normalization ratio]. Le maximum a été de 83. Cela fait beaucoup de prélèvements sanguins», commente-t-il.

Dans cette étude, tous les patients ont d’abord reçu la daltéparine en injection sous-cutanée à raison de 200 UI/kg de poids corporel une fois par jour, pendant cinq à sept jours. Les sujets du groupe HBPM ont reçu la même dose pendant encore un mois, puis une dose réduite à 150 UI/kg de poids corporel pendant le reste de l’étude. Les sujets qui sont passés à l’ACO après le traitement initial par la daltéparine avaient un IRN cible de 2,5. Le paramètre d’évaluation principal était la TEV récurrente.

À six mois, 17 % des sujets sous ACO avaient eu une TEV récurrente contre 9 % des sujets sous HBPM (taux de risque [hazard ratio] de 0,48). Le taux de saignements majeurs était faible pour les deux traitements et ne différait pas de manière significative d’un groupe à l’autre (6 % pour la daltéparine et 4 % pour l’ACO). Pour ce qui est du taux global de saignements (daltéparine, 14 %, et ACO, 19 %), l’écart entre les groupes n’a pas atteint non plus le seuil de signification statistique.

«Il s’agissait de patients assez malades. La majorité avaient un indice fonctionnel de 1 ou 2 selon la classification de l’ECOG [Eastern Cooperative Oncology Group], et plus des deux tiers étaient atteints d’un cancer métastatique», précise le Dr Levine, coauteur de l’étude. Tant l’ASCO que l’ESMO se réfèrent expressément à l’essai CLOT pour étayer leur recommandation d’instaurer une prophylaxie prolongée par une HBPM pour la prévention secondaire de la TEV, fait-il observer.

Patients cancéreux hospitalisés

Même en prophylaxie primaire chez les patients cancéreux hospitalisés, l’HBPM pourrait présenter des avantages pratiques par rapport aux autres options, y compris les ACO et l’héparine non fractionnée (HNF), du fait qu’elle permet un traitement sans surveillance. En outre, l’HBPM comporte un risque moindre de thrombocytopénie héparinique comparativement à l’HNF et un risque moindre d’interactions médicamenteuses ou de fluctuations de son activité en présence d’une dysfonction organique comparativement à la warfarine. Selon une méta-analyse de 11 études ayant comparé une HBPM à une HNF pour le traitement de la TEV, les valeurs du risque relatif approché (odds ratio) de TEV récurrente (0,85; p=0,28) et d’événement hémorragique (0,71; p=0,25) montraient toutes deux une tendance en faveur de l’HBPM. Même si le seuil de signification statistique n’a été atteint pour aucun de ces paramètres, il ressort de la méta-analyse que les avantages de l’HBPM ne sont pas obtenus aux dépens de son innocuité ou de son efficacité.

Les données à l’appui de la prophylaxie primaire chez les patients cancéreux hospitalisés proviennent de vastes essais menés chez des sujets hospitalisés à court terme. La plupart des études incluaient une minorité de patients cancéreux. Cela dit, ces études indiquent que l’HBPM est aussi sûre et aussi efficace que l’HNF, les différences d’ordre pratique et le coût d’administration devenant par conséquent des critères importants dans le choix du traitement. Il semble en aller de même pour la prophylaxie de la TEV chez les patients cancéreux devant être opérés. Selon les recommandations de l’ASCO et de l’ESMO, une thromboprophylaxie périopératoire par une HBPM ou une HNF est appropriée chez tous les patients devant subir une intervention chirurgicale, y compris chez les patients devant subir une laparotomie, une laparoscopie ou une thoracotomie d’une durée de plus de 30 minutes. On recommande que le traitement anticoagulant soit administré pendant au moins sept à 10 jours.

Potentiel en prophylaxie primaire chez les patients à risque élevé

«Il est important de fournir une protection anticoagulante en raison notamment du risque accru d’EP chez les patients cancéreux qui sont opérés, par rapport à ceux qui ne sont pas opérés», soutient le Dr Ajay K. Kakkar, Thrombosis Research Institute, Barts and the London School of Medicine and Dentistry, Londres, Royaume-Uni. Citant une étude rétrospective qu’il a menée il y a plusieurs années et qui regroupait des données sur plus de 20 000 patients opérés, le Dr Kakkar indique que l’incidence des EP avait plus que quadruplé chez les sujets cancéreux (p<0,0001) et que le taux de mortalité due à l’EP avait plus que triplé (3,1 vs 0,7; p<0,0001).

Des évaluations approfondies du potentiel des HBPM en prophylaxie primaire chez les patients à risque élevé sont en cours. Bien que certaines études, dont l’une qui portait sur la certoparine dans le cancer du sein, n’aient pas démontré de bénéfice notable associé à la prophylaxie, des études récentes toujours en cours évaluent ces agents chez des patients à très haut risque. Dans l’une de ces études, par exemple, des patients traités notamment par la gemcitabine — antinéoplasique associé à des effets prothrombotiques — sont randomisés en vue de recevoir une prophylaxie contre la TEV avec ou sans daltéparine. De telles études sont jugées réalisables en raison des avantages associés à l’HBPM.

«Plusieurs études d’envergure, dont l’essai CLOT, établissent maintenant que les HBPM présentent un profil d’innocuité acceptable lorsqu’elles sont utilisées à long terme chez des patients cancéreux. De par leur effet clinique prévisible, leur posologie monoquotidienne et leur faible risque d’effets toxiques, comme la thrombocytopénie, ces agents seront une option attrayante pourvu que se confirme leur effet protecteur contre la TEV», fait valoir la Dre Anna Falanga, département d’hémato-oncologie, Ospedali Riuniti di Bergamo, Italie.

En tant que complication la plus grave de la TEV, l’EP est une cause de décès mesurable chez les patients atteints d’un cancer. Chez l’ensemble des patients hospitalisés, l’EP est responsable de 5 à 10 % des décès, ce qui en fait l’une des principales causes de mortalité intrahospitalière évitable. Cela dit, la thrombose et le cancer auraient même certains mécanismes en commun. Il ressort en effet de données que le risque d’avoir un jour un cancer est de 10 % chez les personnes atteintes d’une TEV idiopathique. Tout comme le risque de récurrence de la TEV est plus élevé en présence de cancer, le risque accru de cancer demeure élevé chez les patients qui présentent une TEV, par comparaison aux patients sans TEV pendant au moins 10 ans.

«Parmi les facteurs qui majorent le risque de TEV chez les patients cancéreux, on retrouve, certes, l’immobilisation prolongée, les interventions chirurgicales, l’hormonothérapie adjuvante, l’emploi de cathéters veineux centraux, l’administration d’érythropoïétine et les effets prothrombotiques de certains antinéoplasiques — mais il semble d’autre part exister un lien indépendant étroit entre le cancer et la TEV, souligne le Dr Paolo Prandoni, département des sciences médicales et chirurgicales, Université de Padoue, Italie. La mise en oeuvre d’une prophylaxie conforme aux recommandations actuelles est sans conteste un élément important de la prise en charge du cancer.»

Résumé

Les données de l’essai CLOT — qui ont objectivé une réduction de 50 % du risque de TEV chez les sujets recevant la daltéparine, une HBPM — sont à la base des recommandations actuelles de l’ASCO et de l’ESMO en vertu desquelles une prophylaxie d’au moins six mois devrait être administrée aux patients cancéreux atteints de TEV. En raison de la forte association observée entre le cancer et la TEV, on recommande l’utilisation d’un traitement anticoagulant chez plusieurs autres groupes, notamment les patients cancéreux qui doivent être opérés ou qui prennent des antinéoplasiques prothrombotiques. D’autres indications, telle la prévention primaire de la TEV dans les groupes à risque élevé, sont en cours d’évaluation. L’adhésion aux recommandations actuelles de l’ASCO et de l’ESMO apparaît comme un enjeu important pour améliorer l’issue du cancer.

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