Comptes rendus

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Prévention du cancer du côlon : de la prophylaxie chez le patient atteint de CU à une bonne préparation de l’intestin pour la coloscopie

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 112e Semaine annuelle des maladies digestives (DDW)

Chicago, Illinois / 7-10 mai 2011

Deux séries d’études distinctes présentées au congrès ont mis en évidence de nouvelles façons de réduire le risque de cancer du côlon. Une première série d’études portaient sur la chimioprophylaxie du cancer du côlon chez les patients atteints de colite ulcéreuse (CU), dont le risque à vie est près de 6 fois plus élevé que celui de la population générale. Les chercheurs tentaient de cerner le mécanisme par lequel la mésalamine protège contre le cancer, leur objectif ultime étant de découvrir des événements moléculaires que l’on pourrait cibler. L’exposition continue à la mésalamine semble essentielle à cette protection. Une deuxième série d’études a démontré que l’ingestion fractionnée de la préparation de l’intestin sur 2 jours améliorait considérablement la qualité de l’examen. Ces deux séries d’études ont des retombées immédiates sur la pratique clinique.

«Il ressort principalement de notre étude sur microréseau d’ADN que la mésalamine a un effet marqué sur des gènes intervenant dans l’inflammation et la modification de la cinétique du cycle cellulaire, deux facteurs qui participent à la cancérisation. Nous avons toutefois établi que cet effet était transitoire», souligne le Dr Manisha Bajpai, Robert Wood Johnson Medical School, New Brunswick, New Jersey. Ainsi, si les nouvelles données nous éclairent sur les mécanismes moléculaires de la protection contre le cancer, il faut surtout retenir – cliniquement parlant – que le traitement ininterrompu à long terme par le 5-ASA (mésalamine) est essentiel au maintien de la protection.

 

Le traitement continu inhibe les voies de cancérisation

 

De nombreuses données associent maintenant la mésalamine à la protection contre le cancer, mais les mécanismes qui sous-tendent cette protection ne sont pas clairs. Lors de cette étude sur microréseau d’ADN, l’exposition d’une lignée de cellules de cancer colorectal à la mésalamine a semblé confirmer un effet sur divers gènes déjà soupçonnés de régir l’inflammation et la cancérisation, à savoir CCNE1, CDC25A et CHEK2. L’étude a démontré que si la mésalamine combattait l’inflammation en supprimant l’interleukine-8 (IL-8), elle exerçait aussi un effet antiprolifératif en accentuant la sensibilité des cellules du côlon à l’apoptose médiée par Fas. Même si l’effet était transitoire, l’administration de doses répétées avait un effet cumulatif sur les gènes cibles.

«À l’échelle moléculaire, ces études étayent l’observation clinique voulant que le traitement ininterrompu à long terme par le 5-ASA soit nécessaire au maintien de l’effet anti-cancer», explique le Dr Bajpai, qui étudie également les biomarqueurs potentiels du risque de cancer du côlon et l’effet protecteur de la mésalamine. L’un de ces biomarqueurs, appelé TC22, est non seulement exprimé dans la quasi-totalité des cancers du côlon, mais aussi dans la quasi-totalité des polypes caractérisés par une dysplasie sévère. Par contre, il n’est exprimé que dans 35 % des polypes adénomateux et n’est pas du tout exprimé dans l’épithélium colique sain. De la même manière qu’elle a exercé un effet positif sur le microréseau d’ADN, la mésalamine a été associée à une diminution durable de l’expression de TC22.

«Comparativement à ce que l’on a observé avec les cellules de référence, le contact répété des cellules avec le 5-ASA toutes les 24 heures a permis de maintenir efficacement la suppression de TC22, mais l’expression de TC22 a repris de plus belle dès que le contact avec la mésalamine a pris fin, explique le Dr Bajpai. Le dosage de TC22 pourrait être un outil clinique utile; en effet, dans les coloscopies avec biopsie, ce biomarqueur pourrait à lui seul permettre d’évaluer le risque de cancer du côlon et l’efficacité de l’action chimiopréventive de la mésalamine.»

Une autre étude réalisée par d’autres chercheurs a permis d’isoler une autre voie par laquelle la mésalamine semble faire échec à la prolifération cancéreuse. Lors de cette étude, on a constaté que la mésalamine inhibait PAK1, qui accroît l’adhésion cellulaire, et qu’elle prévenait la migration des cellules tumorales. L’auteure principale de cette étude, la Dre Vineeta Khare, École de médecine de Vienne, Autriche, souligne que l’inhibition de PAK1 ne fait pas concurrence à l’utilisation d’autres voies potentielles pour la prévention du cancer, comme les voies décrites par le Dr Bajpai.

«Nous ne soutenons pas que c’est la seule voie ni même que c’est la voie principale par laquelle la mésalamine protège les patients atteints de CU contre une transformation maligne. Par contre, cette voie – comme d’autres voies – pourrait être importante du fait qu’elle nous permettra peut-être de cerner de nouvelles cibles pour une éventuelle intervention», explique la Dre Khare.

Lors de cette étude, on a de nouveau eu recours à un microréseau d’ADN pour comparer le profil d’expression génique des lignées cellulaires de cancer colorectal exposées à la mésalamine et celui de lignées cellulaires non exposées. On a constaté que la mésalamine inhibait trois voies tumorigènes, dont la voie de signalisation MAP kinase, et PAK1. Bien que toutes ces actions puissent contribuer à l’effet anti-cancer, l’inhibition marquée de la E-cadhérine, qui sous-tend l’adhésion cellulaire, est particulièrement bien corrélée avec les observations cliniques. «Nous pensons qu’un effet anti-adhésion aide à localiser les anomalies de croissance cellulaire et à prévenir la prolifération, facteur essentiel à la progression du cancer», explique la Dre Khare.

Les observations cliniques étayent les données montrant qu’un traitement continu par la mésalamine est nécessaire à la protection contre le cancer, la corrélation étant beaucoup plus étroite avec l’usage actuel de mésalamine qu’avec l’usage passé. C’est sur la foi de cette corrélation que plusieurs experts recommandent de poursuivre le traitement par la mésalamine, d’ailleurs bien tolérée, même quand le patient passe à un traitement plus puissant, un agent biologique par exemple. La réduction du risque de cancer est l’un des principaux motifs de cette recommandation.

 

Préparation de l’intestin : fractionnement de la dose sur 2 jours pour une meilleure détection du cancer colorectal

 

En matière de dépistage du cancer colorectal, de nombreuses données ont convergé récemment vers une constatation fort intéressante : le fractionnement de la dose sur 2 jours – soit la moitié de la dose la veille de la coloscopie et l’autre moitié 4 heures avant l’examen – donne de meilleurs résultats que deux doses administrées à quelques heures d’intervalle la veille de l’examen. Les données les plus récentes proviennent d’un essai comparatif avec randomisation sur Pico-Salaxmd (picosulfate de sodium/oxyde de magnésium/acide citrique [PSMO]). La Dre Jennifer A. Flemming, Unité de recherche sur les maladies de l’appareil digestif, Kingston General Hospital, Queen’s University, Ontario, était l’auteure principale de cette étude. Quelque 222 patients ont été randomisés de façon à prendre un sachet à 17 h, puis un second à 22 h la veille de la coloscopie (groupe de traitement traditionnel) alors que les patients de l’autre groupe (groupe de traitement expérimental) prenaient le premier sachet la veille au soir avant 19 h et le deuxième sachet 4 heures avant la coloscopie. Le paramètre principal était la qualité de la préparation de l’intestin selon le score OBPS (Ottawa Bowel Preparation Scale).

La différence entre les deux groupes quant au score OBPS était hautement significative (4,05 vs 5,51; p<0,001) en faveur de la dose fractionnée sur 2 jours, précise la Dre Flemming. On n’a observé aucune différence significative entre les principaux paramètres d’évaluation de l’innocuité, comme l’insuffisance rénale ou les taux de potassium ou de magnésium.

Une étude distincte qui regroupait 373 patients dont la préparation de l’intestin avait été médiocre, insuffisante ou insatisfaisante a souligné l’importance de cet avantage. Parmi les 133 patients qui ont subi une deuxième coloscopie, 34 % étaient porteurs d’au moins un adénome tandis que 18 % étaient porteurs d’adénomes multiples ou d’au moins un adénome d’au moins 1 cm. Présentés par la Dre Reena V. Chokshi, Barnes Jewish Hospital, Washington University School of Medicine, St. Louis, Missouri, ces résultats vont dans le même sens qu’un faisceau croissant de données montrant qu’une préparation beaucoup plus rigoureuse de l’intestin s’impose.

«Une bonne préparation ne suffit plus», fait remarquer le Dr Lawrence Cohen, Mount Sinai School of Medicine, New York. Selon des études comme celle qui a été réalisée avec le PSMO, il a qualifié le fractionnement de la dose sur 2 jours de «norme de diligence». Il prévient que des études ont démontré à répétition qu’environ 25 % des préparations de l’intestin étaient inadéquates, et qu’il ne fait presque aucun doute qu’elles sont à blâmer si un tissu néoplasique passe inaperçu. Contrairement à la croyance populaire, la vaste majorité des patients adhèrent au schéma de 2 doses sur 2 jours quand on leur explique qu’une meilleure préparation de l’intestin améliore les chances de détection d’un cancer occulte.

Peu d’essais ont comparé directement les types de préparations de l’intestin, mais le PSMO figure parmi les plus populaires en Europe et au Canada. Cette popularité pourrait tenir à la fois à la tolérabilité de cette préparation et à son efficacité, qui est aussi un facteur important de l’adhésion au schéma pour la préparation de l’intestin.

 

Résumé

 

Comme il est fréquent que le cancer du côlon ne soit pas détecté avant un stade avancé, la prévention est un objectif essentiel. Bien que la mésalamine soit efficace pour soulager les symptômes et favoriser la cicatrisation de la muqueuse dans la CU légère ou modérée, son rôle dans la prévention des cancers liés à la CU s’étend à tous les aspects de la maladie. Les efforts que l’on déploie pour isoler les activités anti-cancer à l’échelle moléculaire donnent tout lieu de croire que le traitement continu est nécessaire à l’obtention de cet effet salutaire. De même, la coloscopie est un outil efficace pour la détection précoce du cancer, mais elle repose sur une bonne préparation de l’intestin. Un essai comparatif avec randomisation sur le PSMO de 2 doses sur 2 jours a confirmé d’importantes différences dans l’aptitude des chercheurs à visualiser les anomalies tissulaires.

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