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Psoriasis : sévérité, comorbidité et prise en charge à long terme

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Le 19e Congrès international de la European Academy of Dermatology and Venereology

Göteborg, Suède / 6-10 octobre 2010

La comorbidité du psoriasis, croit-on, serait en grande partie liée à l’inflammation systémique sous-jacente. «La peau n’est qu’une fenêtre sur le psoriasis», explique le Dr Wayne P. Gulliver, Memorial University of Newfoundland, St. John’s. L’analyse de données provenant de 1494 patients hospitalisés pour des symptômes aigus du psoriasis a révélé que >27 % des sujets souffraient également d’un trouble digestif quelconque, >25 %, d’un trouble circulatoire et >20 %, d’un trouble génito-urinaire. Quelque 45 % des patients présentaient au moins une affection concomitante et 55 %, au moins deux (J Cutan Med Surg 2010, en instance de publication). «Lorsqu’un patient psoriasique consulte, la probabilité d’affections concomitantes doit systématiquement nous effleurer l’esprit», ajoute le Dr Gulliver.

Le risque d’apparition d’un syndrome métabolique est 5 fois plus élevé chez le patient psoriasique que dans la population générale (Arch Dermatol Res 2006;298[7]:321-8), et le risque est 70 % plus élevé en présence d’un psoriasis sévère que d’un psoriasis léger (J Am Acad Dermatol 2006;55[5]:829-35). Le syndrome métabolique dénote un état d’inflammation chronique, dans lequel l’interleukine-6 (IL-6) et le facteur de nécrose tumorale alpha (TNFa), deux cytokines pro-inflammatoires, déclenchent une cascade inflammatoire qui se solde par l’élévation de la protéine C réactive (CRP), protéine de phase aiguë synthétisée par le foie et connue pour augmenter la mortalité d’origine cardiovasculaire (CV) (Arterioscler Thromb Vasc Biol 1999;19[4]:972-8; Circulation 2003;107[3]:391-7). Cette inflammation, croit-on, contribuerait au risque CV global chez les patients porteurs d’un syndrome métabolique (Am J Physiol Endocrinol Metab 2005;288[4]:E741-E747).

Selon l’âge du patient et la sévérité du psoriasis, les affections concomitantes peuvent avoir un effet néfaste, car le risque moyen de décès est au-delà de 2 fois plus élevé chez les patients de moins de 45 ans qui souffrent d’un psoriasis sévère que chez l’ensemble des patients psoriasiques (Arch Dermatol 2007;143[12]:1493-9). On estime que les affections concomitantes pourraient abréger l’espérance de vie de près de 10 ans chez les patients qui deviennent psoriasiques à l’âge adulte et de près de 20 ans chez ceux qui le deviennent avant l’âge de 25 ans (Clin Dermatol 2007;25[6]:529-34). «Le psoriasis influe vraiment sur l’espérance de vie et la mortalité, et les jeunes patients sont particulièrement à risque», précise le Dr Gulliver.

Coup d’œil sur la prise en charge à long terme

Le psoriasis doit être traité à vie, et l’inflammation systémique sous-jacente est de plus en plus reconnue comme une cible viable du traitement à long terme. Il est ressorti de données cliniques que le taux de CRP, marqueur très sensible de l’inflammation systémique, chutait lorsque la peau s’améliorait durant le traitement (J Eur Acad Dermatol Venereol 2004;18[2]:180-3). Il a par ailleurs été démontré que le traitement par l’adalimumab, un anti-TNFa, normalisait le taux de CRP chez des patients souffrant de psoriasis modéré ou sévère (Abramovits et al. EADV 2008, affiche FP1307).

Les inhibiteurs du TNFa sont maintenant largement utilisés pour le traitement de plusieurs affections inflammatoires, notamment la polyarthrite rhumatoïde (PR), les maladies inflammatoires de l’intestin (MII) et le psoriasis. Bien qu’on ait encore peu de données à l’appui d’un lien entre le traitement par un anti-TNFa et les événements CV chez les patients psoriasiques, des données obtenues chez des patients polyarthritiques ont montré que les anti-TNFa étaient associés à une réduction significative de l’incidence des premiers événements CV, y compris l’infarctus du myocarde (HR ajusté : 0,46; IC à 95 % : 0,25-0,85), de même qu’à une diminution significative de la mortalité (HR 0,65; IC à 95 % : 0,46-0,93) (J Rheumatol 2005;32[7]:1213-8). Il pourrait donc y avoir un plus grand risque à ne pas traiter les patients qu’à les traiter. «Pour autant que nous fassions un bilan approprié, que nous évaluions le risque CV individuel et que la maladie soit maîtrisée longtemps et ce, dès ses débuts, nous devrions être en mesure de redonner à nos patients psoriasiques les 10 ou 20 années qui leur manquent», affirme le Dr Gulliver.

Le Pr Kristian Reich, Dermatologikum Hamburg, Allemagne, a discuté de quelques-unes des difficultés pratiques auxquelles se heurteront les dermatologues lorsqu’ils tenteront de maîtriser l’inflammation pendant de longues périodes chez un nombre élevé de patients. «Nos patients voudront savoir ce que leur apportera ce traitement, fait remarquer le Pr Reich. Or, les études qui établissent une corrélation entre le score PASI (Psoriasis Area and Severity Index) et le degré de comorbidité sont insuffisantes. D’ici à ce que nous ayons ces données en main, nous devons savoir exactement ce qui se passe non seulement durant la phase d’induction, mais aussi à plus long terme.»

La clé de l’interprétation des résultats réside dans la façon dont les chercheurs ont traité les données manquantes d’une étude à long terme sur le psoriasis. La méthode la plus prudente est l’analyse en intention de traiter (IT) avec imputation aux non-répondeurs (NRI) : les patients qui se retirent de l’étude, peu importe la raison de l’abandon, sont alors considérés comme des non-répondeurs. Les analyses avec report en aval de la dernière observation (RADO) permettent de maintenir dans l’étude les données des patients qui se sont retirés et de les inclure dans l’analyse finale, tandis que l’analyse des cas observés ne tient compte que des patients ayant terminé l’étude.

Ces différences ressortent clairement de la publication récente des données à 3 ans sur l’infliximab dans le traitement du psoriasis. Lors de cette étude, le taux de réponse selon le critère PASI 75 à 3 ans variait entre 41 % selon la méthode IT-NRI et 75 % selon la méthode des cas observés (Dermatology 2010;221[Suppl 1]:43-7). «Des méthodes différentes peuvent générer des résultats radicalement différents, explique le Pr Reich. L’objectif de l’une ou de l’autre n’est pas d’embellir ou d’enlaidir la réalité, mais bien d’analyser une seule et même intervention selon différents points de vue. Ainsi, si l’analyse des cas observés nous permet d’évaluer la probabilité de succès pour un patient qui poursuit son traitement jusqu’à la fin, la méthode IT-NRI illustre quant à elle le pire scénario que l’on puisse imaginer.»

Le Pr Reich a aussi appelé à la prudence, car les méthodes statistiques peuvent en fait semer d’embûches la collecte de données utiles, par exemple en excluant les non-répondeurs au-delà de jalons temporels arbitraires. L’interprétation des résultats s’en trouve alors rudement compliquée. L’étude REVEAL (The Randomized Controlled Evaluation of Adalimumab Every Other Week in Moderate to Severe Psoriasis Trial), par exemple, prévoyait que seuls les patients répondant aux critères de réponse prédéterminés après 16 et 33 semaines pouvaient faire l’objet de l’analyse (J Am Acad Dermatol 2008;58[1]:106-15). Selon le protocole de l’étude PHOENIX (Efficacy and Safety of CNTO 1275 in the Treatment of Subjects with Moderate to Severe Plaque-type Psoriasis Followed by Long-term Extension) sur l’ustekinumab, ce jalon temporel était de 12 semaines (Lancet 2008;371[9625]:1665-74). En revanche, le protocole de l’étude EXPRESS (European Infliximab for Psoriasis Efficacy and Safety Study) prévoyait une analyse en IT, méthode très prudente définie selon des critères très stricts, et une analyse per protocol, et seule une légère différence a été mise en lumière entre les deux méthodes. En effet, la proportion de patients atteignant le critère de réponse PASI 75 à 50 semaines s’élevait à 61 % selon l’analyse en IT et à 71 % selon l’analyse per protocol (Lancet 2005;366[9494]:1367-74). «Nous savons tous que la perte d’efficacité est un problème dans le cas des agents biologiques, et les données manquantes constitueront un problème dans l’interprétation des résultats d’études au long cours. Chaque méthode statistique a ses avantages et ses inconvénients; l’important est de savoir ce que l’on peut tirer de l’une et de l’autre», conclut le Pr Reich.

Atteindre les objectifs de traitement

Dans le traitement du psoriasis, les objectifs sont essentiellement les mêmes à long qu’à court terme : on vise l’atteinte du critère de réponse PASI 75 ou le critère du blanchiment ou du quasi-blanchiment selon l’échelle PGA (Physician Global Assessment), couplé à un score DLQI (Dermatology Life Quality Index) de 0 ou 1 (J Eur Acad Dermatol Venereol 2009;23[Suppl 2]:1-70). L’obtention et le maintien de telles réponses peuvent nécessiter un ajustement de la posologie ou le passage à un autre anti-TNFa.

Lors de l’essai PSUNRISE (Prospective Study Using Remicade in Psoriasis Patients With an Inadequate Response to Etanercept), les patients aux prises avec un psoriasis important malgré un traitement par l’étanercept depuis =4 mois sont passés à l’infliximab en perfusion à 5 mg/kg à 0, 2, 6, 14 et 22 semaines. Les résultats, déjà publiés, ont révélé que 65,4 % (72,5 %, selon l’analyse des cas observés) des patients avaient obtenu un score PGA de 0 (lésions blanchies) ou 1 (lésions minimes) à 10 semaines. Des scores PGA de 0 et 1 ont en fait été observés dès la 1re semaine, et le taux de réponse a continué d’augmenter tout au long de l’étude pour finalement atteindre 72,4 % après 26 semaines.

Selon la plus récente analyse de PSUNRISE, la diminution globale de l’activité de la maladie s’accompagnait de réponses localisées dans les régions fortement touchées. Ainsi, l’analyse en IT modifiée a fait ressortir une amélioration globale du psoriasis chez 64,6 % et 51,7 % des patients selon une échelle visuelle analogique (EVA) et le critère de réponse PASI 75, respectivement. L’EVA a objectivé une amélioration au niveau du cuir chevelu (84,9 %), du visage (72,0 %), de la paume des mains et de la plante des pieds (72,1 %) et des ongles (70,1 %). Le critère de réponse PASI 75 a pour sa part objectivé des améliorations au niveau de la tête (69,3 %), du tronc (72,7 %), des membres supérieurs (56,4 %) et des membres inférieurs (52,2 %). Aucun nouveau problème d’innocuité n’a été signalé.

Résumé

Le traitement du psoriasis à long terme est un véritable défi pour le dermatologue, qu’il s’agisse de maintenir l’efficacité du traitement anti-inflammatoire ou de prévenir l’apparition d’affections concomitantes débilitantes. Les anti-TNFa ont permis de faire avancer le traitement du psoriasis et d’autres maladies inflammatoires graves comme la PR et les MII, et il ressort d’essais cliniques conduits rigoureusement qu’il est possible de maintenir l’efficacité clinique pendant de longues périodes. Cependant, lorsqu’on interprète les résultats d’un essai clinique, il est essentiel de garder à l’esprit que la méthode statistique utilisée peut influer radicalement sur l’issue de l’analyse. Par conséquent, une grande prudence s’impose lorsqu’on communique les résultats d’un essai clinique à un patient, car il y va de ses attentes.

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