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Rôle de la nutrition maternelle dans le développement foetal

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

L’ODYSSÉE DE LA SANTÉ - NUTRITION PRÉNATALE

Décembre 2010

La nutrition est peut-être le facteur non génétique le plus déterminant pour le développement du foetus1. La disponibilité des nutriments est fonction de la composition corporelle, des réserves nutritionnelles et du régime de la mère et de leur bon acheminement via le placenta1. La nutrition prénatale influe sur la croissance et le développement physiologique normal du foetus2, de même que sur le gain pondéral gestationnel (GPG), qui suit une progression complexe pour soutenir ce développement. Le GPG est aussi influencé par la physiologie et le métabolisme maternels et par le métabolisme placentaire. Les variations homéostatiques maternelles peuvent modifier la structure et les fonctions placentaires et retentir ainsi sur la croissance foetale3.

Dans les années 1960, on s’est rendu compte que les taux élevés de mortalité, de handicap et de retard mental infantiles aux États-Unis étaient liés à un faible poids de naissance (PN). En 1970, la National Academy of Sciences a établi une association entre un GPG restreint et un risque accru de PN insuffisant. Puis, en 1990, l’Institute of Medicine (IOM) des États-Unis a défini le gain pondéral cible afin d’optimiser le PN, et cette norme a été adoptée dans l’ensemble du pays4.

En 2009, l’IOM et Santé Canada ont révisé leurs recommandations pour tenir compte de la composition corporelle de la mère avant la conception. L’obésité sévère ayant augmenté en prévalence chez les femmes en âge de procréer, il faut tenir compte de ses répercussions sur la santé maternelle et le PN. De plus, les femmes enfantent à un âge plus tardif et sont de ce fait plus souvent atteintes d’affections chroniques (p. ex., hypertension ou diabète) au moment d’une grossesse, d’où un risque accru de complications3 (Tableau 1).


Pendant la grossesse, le gain de poids maternel influence la croissance du foetus4. La petite taille du nouveau-né à la naissance peut résulter d’une croissance déficiente ou d’une gestation écourtée, l’issue étant d’autant plus défavorable que la prématurité est grande. Un GPG insuffisant augmente le risque de naissance prématurée4; de même, on a observé qu’un faible gain pondéral pendant le 2e ou le 3e trimestre était un facteur de risque d’accouchement prématuré spontané5.

Deux facteurs liés à la nutrition maternelle sont positivement corrélés avec le PN : l’indice de masse corporelle (IMC, défini par le rapport poids/taille2) de la mère avant la grossesse et le GPG. Un faible IMC avant la grossesse majore le risque de naissance prématurée et de retard de croissance intra-utérin (RCIU), mais un gain de poids suffisant durant la grossesse normalise le risque5.

Un GPG approprié et conforme aux recommandations peut contribuer à améliorer la santé maternelle et foetale6. En revanche, un GPG insuffisant est associé à un faible PN (<2500 g) et un GPG excessif, à un PN élevé (>4000 g) et à une rétention pondérale postpartum. Les données de l’Enquête canadienne sur l’expérience de la maternité de 20067 indiquent que les femmes qui n’atteignent pas le gain de poids recommandé sont susceptibles de donner naissance à des bébés de poids inférieur à 2500 g plutôt qu’à des bébés à terme de poids normal (2500 à <4000 g) (44 % vs 24 %)8.

Nombre de Canadiennes dépassent aussi largement le gain de poids recommandé6. Selon la même enquête7, cela a été le cas de 55 % des femmes qui avaient un surpoids, de 41 % de celles qui avaient un poids normal et de 26 % de celles qui avaient un poids insuffisant. Une majorité de femmes (58 %) qui prennent plus de poids qu’il n’est recommandé accouchent d’un bébé pesant 4000 g ou plus8.

Nutrition pendant la grossesse et l’allaitement

Un régime équilibré complet est indispensable pour favoriser la croissance et le développement sains du bébé durant la grossesse.

La nutrition maternelle est en outre déterminante pour le PN6. Les régimes hypoprotéiques sont à éviter, car ils sont associés à une issue défavorable.

La femme qui allaite a aussi des besoins nutritionnels accrus. Ses besoins énergétiques sont en fait plus élevés que pendant la grossesse.

Chaque jour, la femme enceinte ou allaitante a besoin d’une alimentation saine et variée provenant des quatre groupes alimentaires en quantités suffisantes selon le Guide alimentaire canadien.

Besoins énergétiques pendant la grossesse et l’allaitement

Les besoins énergétiques de la femme enceinte augmentent durant le 2e et le 3e trimestre. Les femmes qui ont un poids normal au début de la grossesse ont besoin d’environ 340 kilocalories de plus par jour durant le 2e trimestre et de 452 kilocalories de plus par jour durant le 3e trimestre. Ces kilocalories additionnelles permettent un GPG suffisant pour favoriser la croissance et le développement du béb
t;9.

 

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Durant l’allaitement, les besoins énergétiques sont aussi plus élevés et dépendent de la quantité de lait produite et de la rapidité du retour au poids prégravidique. Pendant la 1re année d’allaitement, les femmes ont besoin de 350 à 400 kilocalories de plus par jour9.

Apport en micronutriments et issue de la grossesse

Dans les pays en développement, où les carences en micronutriments sont fréquentes, la consommation de suppléments de micronutriments (SM) ou d’aliments qui en contiennent est associée à une augmentation significative du PN et à une réduction marquée des RCIU chez les femmes ayant un faible IMC avant la grossesse.

Dans une étude chilienne10, le PN des bébés était significativement plus élevé chez les femmes en déficit pondéral qui recevaient des suppléments énergétiques (poudre de lait) enrichis de micronutriments que chez celles qui recevaient des suppléments énergétiques non enrichis. Le pourcentage de bébés présentant un RCIU était significativement plus faible chez les femmes qui prenaient des suppléments énergétiques enrichis. Une analyse ultérieure a indiqué que le risque de RCIU était significativement plus faible chez les femmes recevant des suppléments enrichis5.

Ramakrishnan et al.11 ont étudié le lien entre les micronutriments et l’issue de la grossesse. Voici leurs conclusions, fondées sur des données probantes (provenant généralement de pays développés) : les suppléments de zinc, de calcium et de magnésium sont associés à une meilleure issue de la grossesse; la supplémentation en vitamine A pourrait être associée à une augmentation du PN et à une réduction de la mortalité maternelle; bien que la prévention des anomalies du tube neural par les suppléments d’acide folique et l’augmentation de l’hémoglobinémie par les suppléments de fer soient bien étayées, nous disposons de données limitées sur l’utilité de ces suppléments pour la réduction d’autres issues défavorables de la grossesse; une carence en vitamine C pourrait augmenter le risque d’accouchement prématuré; une carence grave en iode peut être la cause d’un retard mental et de crétinisme; enfin, les données ne permettent pas d’avancer de conclusion concernant les effets d’une légère carence en fer.

Une supplémentation nutritionnelle équilibrée pourrait être bénéfique et combler les besoins accrus en kilocalories, protéines, vitamines et minéraux. Lorsque le professionnel de la santé soupçonne un apport nutritionnel sous-optimal chez une patiente, il doit lui prodiguer des conseils pour une saine alimentation. Le recours à des suppléments protéinocaloriques renfermant d’autres nutriments essentiels peut aussi contribuer à répondre aux besoins nutritionnels et réduire les risques associés à la malnutrition.

Vulnérabilité à la maladie

Un imposant corpus de données confirme que des facteurs prénataux prédisposent à l’apparition de maladies plus tard dans la vie. Les facteurs de risque environnementaux – dont la sous-nutrition maternelle – pourraient jouer un rôle important. Le lien entre faible PN et maladie résulte d’un déséquilibre entre les besoins du foetus et les apports maternels. Ce déséquilibre entraîne des altérations métaboliques et endocriniennes favorables au foetus à court terme du fait qu’elles ralentissent la croissance et augmentent la disponibilité énergétique, mais elles sont susceptibles d’augmenter à long terme le risque de syndrome métabolique et de maladies cardiovasculaires1.

Au milieu des années 1980, le Dr David Barker, épidémiologiste, et ses collègues ont observé que les taux de maladie coronarienne étaient étroitement corrélés avec les taux de mortalité infantile recensés plus tôt au cours du XXe siècle12. Le Dr Barker a émis l’hypothèse selon laquelle les enfants de faible PN étaient exposés à un risque accru de maladie coronarienne plus tard dans la vie. L’analyse des données du National Health Service Register de la Grande-Bretagne lui a permis d’objectiver une forte association inverse entre le PN (ou le poids du nourrisson) et la mortalité coronarienne, qui était près de 2 fois moins élevée chez les sujets de la strate pondérale supérieure que chez ceux de la strate inférieure. Des sous-études ont montré la même corrélation entre faible PN et maladie coronarienne, et faible PN et facteurs de risque biologiques de maladie coronarienne (hypertension, diabète de type 2 et syndrome métabolique)13-15.

Les effets de la sous-nutrition ont également été démontrés lors d’une étude sur des hommes et des femmes de 50 ans nés après la grande famine de l’hiver de 1944-1945 aux Pays-Bas16. Les données de suivi ont montré que la sous-nutrition, quel que soit le stade de la grossesse, était associée à une diminution de la tolérance au glucose et à une insulinorésistance chez les descendants14. Les chercheurs ont également observé des effets transgénérationnels sur le PN. Ainsi, les femmes sévèrement malnutries au cours du 1er trimestre ont donné naissance (en moyenne) à des enfants de poids normal, mais ces derniers ont donné naissance à des enfants de plus faible poids17.

 

Principaux effets de la nutrition sur les stades précoces du développement cérébral

La nutrition est l’un des principaux facteurs non génétiques déterminants pour le développement cérébral. La sous-nutrition (et la malnutrition) induit des effets à long terme sur le cerveau en développement, qui peuvent se traduire par des troubles d’apprentissage et des problèmes de comportement permanents.

La malnutrition maternelle, dont l’insuffisance placentaire, compte parmi les principales causes de retard dans le développement cérébral du foetus. Les protéines semblent être l’élément le plus important du développement de la fonction neurologique, et une carence protéique prénatale peut altérer le développement cérébral à des étapes décisives2.

La nutrition et l’environnement influent sur le fonctionnement du système nerveux central (SNC), dont la maturation n’est pas un processus linéaire. Chaque étape du développement cérébral est décisive, unique et irréversible. Le développement cérébral s’inscrit dans un continuum ponctué de diverses étapes dont l’importance est critique pour les étapes ultérieures, et qui sont toutes susceptibles d’être perturbées et d’influer sur la maturation et l’organisation du cerveau2.

Les carences nutritionnelles semblent associées à divers degrés de perturbations intellectuelles, dont les troubles cognitifs et les déficits d’attention. Le développement sous-optimal du foetus souffrant de carences nutritionnelles ne se traduit pas immédiatement par un dysfonctionnement cérébral. Les conséquences de la malnutrition peuvent demeurer silencieuses, prendre la forme de prédispositions et se manifester uniquement lorsque l’organisme est soumis à un stress provoqué par des circonstances inhabituelles2.

La nutrition est peut-être le facteur non génétique le plus déterminant pour le développement du foetus. Un régime alimentaire complet et équilibré – et l’ajout de suppléments, au besoin – favorise tous les aspects de la croissance et est donc essentiel pour la mère et l’enfant pendant la grossesse et l’allaitement, vu les enjeux associés au développement foetal.

Le sevrage de l’allaitement

Selon la Société canadienne de pédiatrie (SCP), le sevrage est un processus naturel et complexe qui nécessite des ajustements nutritionnels, immunologiques, biochimiques et psychologiques. Le sevrage naturel se produit lorsque l’enfant accepte des aliments autres que le lait maternel.

Voici les raisons invoquées fréquemment par les mères pour amorcer elles-mêmes le sevrage (sevrage planifié) : production insuffisante de lait; préoccupations quant à la croissance du bébé; allaitement douloureux ou mastite; retour au travail; nouvelle grossesse; désir de participation du conjoint; ou éruption des dents du bébé18.

Des chercheurs ont demandé à 1323 mères d’évaluer l’importance de 32 raisons de l’abandon de l’allaitement19. L’une des trois principales raisons systématiquement invoquées, peu importe l’âge du nourrisson lors du sevrage, était l
it maternel ne suffisait plus à rassasier l’enfant (Tableau 3).

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La SCP recommande de repérer les mères qui souhaitent sevrer leur bébé afin de leur indiquer comment faire. Voici en bref les recommandations de la SCP sur le sevrage20 :

• Le sevrage partiel est intéressant pour la mère qui souhaite continuer à allaiter après son retour au travail ou à l’école.

• Le sevrage doit être graduel.

• Remplacer la tétée que le nourrisson aime le moins en lui faisant boire, dans une tasse ou un biberon, du lait maternel exprimé à l’aide d’un tire-lait, une préparation pour nourrissons ou du lait de vache. Ne pas donner de lait de vache entier avant l’âge d’au moins 9 mois, de préférence 12 mois. Ne pas dépasser 720 mL (24 oz) par jour. Ne pas dépasser de 60 à 120 mL (2 à 4 oz) de jus de fruit par jour.

• À 6 mois, le nourrisson est prêt, du point de vue développemental, à accepter des aliments solides et à profiter des bienfaits de la stimulation orale.

– Entre 4 et 6 mois, offrir au nourrisson des aliments contenant du fer, car ses réserves commencent à s’épuiser. Le report de l’introduction des aliments solides au-delà de l’âge de 6 mois pourrait augmenter le risque d’anémie ferriprive et d’autres carences en micronutriments.

– Offrir des aliments solides aux moments pertinents du développement.

Apport alimentaire de nucléotides

Les nucléotides sont des composantes essentielles de l’ARN et de l’ADN cellulaires. Ils joueraient un rôle important dans la maturation du tube digestif, le développement de la fonction immunitaire et la croissance du nouveau-né, et contribueraient à réduire l’incidence de la diarrhée du nourrisson. La prise de suppléments de nucléotides pourrait se révéler nécessaire chez le nourrisson pour accroître la synthèse des acides nucléiques21.

Le lait maternel contient 72 mg/L de nucléotides, alors que le lait de vache n’en contient que 10 mg/L environ. Les préparations enrichies pour nourrissons dont la teneur en nucléotides est comparable à celle du lait maternel pourraient favoriser tout autant que ce dernier la maturation et la modification de la distribution de cellules immunomodulatrices dans certaines populations lymphocytaires22. Bien que des données probantes étayent l’utilisation de préparations contenant au moins 33 mg/L de nucléotides, les préparations additionnées de 72 mg/L exercent les effets les plus marqués23.

Une réponse anticorps plus marquée au vaccin contre Haemophilus influenzae, ainsi qu’au vaccin antidiphtérique et au vaccin antipoliomyélitique oral (VPTO), a également été associée aux préparations enrichies de nucléotides (PEN)23. Les taux sériques d’immunoglobulines A (IgA) étaient plus élevés chez des nourrissons de 48 semaines ayant reçu une PEN (72 mg/L) que chez des nourrissons ayant reçu une préparation enrichie de fer. Lors de dosages subséquents, les taux d’IgA sont demeurés plus élevés chez les enfants nourris de la PEN24.

Les résultats d’une autre étude indiquent que les taux d’anticorps neutralisant le poliovirus de type 1 vaccinal (PV-VN1) étaient significativement plus élevés chez des nourrissons ayant reçu une PEN (72 mg/L) que chez des nourrissons ayant reçu la préparation sans nucléotide. Aucune différence n’a été observée au chapitre des taux de PV-VN1 entre les enfants nourris au sein et ceux qui avaient reçu une PEN25. À 12 mois, la croissance des enfants était normale dans les deux groupes et comparable à celle des enfants nourris au sein.

Plusieurs études ont objectivé une réduction de l’incidence de la diarrhée chez les nourrissons qui recevaient des suppléments de nucléotides. Dans l’une de ces études, on a constaté une réduction de 25 % du risque de diarrhée chez les enfants nourris de la PEN par rapport aux témoins24. Il ressort d’autres études que des nourrissons qui recevaient une PEN présentaient moins d’épisodes diarrhéiques23,26. La prise de suppléments de nucléotides pourrait favoriser le renouvellement des cellules de la muqueuse intestinale et le maintien d’une croissance normale chez le nourrisson qui a souffert de diarrhée21.

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