Comptes rendus

Obtention d’une rémission durable dans la PR : données à long terme sur l’inhibition de l’IL-6
Protection de longue durée contre la gastro-entérite à rotavirus et la varicelle

Rôle des préparations à base de 5-AAS dans le traitement de la maladie de Crohn

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 110e Semaine annuelle des maladies digestives (DDW)

Chicago, Illinois / 30 mai-4 juin 2009

Les premiers essais cliniques comparatifs avec placebo (Gendre et al. Gastroenterology 1993;104:435-9; Singleton et al. Pentasa Crohn’s Disease Study Group. Gastroenterology 1993;104[5]:1293-301) ont montré que la mésalamine (acide 5-aminosalicylique [5-AAS]), donnait lieu à des rémissions et à des réponses cliniques chez les patients atteints d’une maladie de Crohn (MC) active. Selon une méta-analyse portant sur des études jamais publiées, celle-ci ne permettrait toutefois qu’une légère amélioration. Pourtant, de nombreux médecins continuent de prescrire la mésalamine avec succès dans le traitement de la MC.

Le bon traitement pour le bon patient

Cherchant à mieux comprendre le rôle du 5-AAS dans la MC, le Dr William J. Tremaine, Mayo Clinic, Rochester, Minnesota, et ses collègues se sont rendu compte que les participants aux essais prospectifs dans lesquels on n’avait pu établir l’efficacité du 5-AAS dans la MC présentaient des atteintes à la fois iléales et coliques. On a donc avancé que le choix des patients pouvait influer sur l’efficacité du 5-AAS. Ainsi, dans la National Cooperative Crohn’s Disease Study, la sulfasalazine s’est révélée efficace dans le sous-groupe de patients aux prises avec une MC colique.

Dans une étude rétrospective sur l’emploi de la mésalamine dans la MC, le Dr Tremaine et ses collaborateurs ont examiné le dossier de patients traités par cet agent en monothérapie. Ils ont exclu les patients dont l’iléon distal était atteint sur plus de 5 cm et ceux qui présentaient des fistules, avaient déjà subi une résection intestinale ou dont la MC était ou avait déjà été traitée par des corticostéroïdes.

Leur analyse a donc porté sur 96 patients, dont 83 présentaient une atteinte de siège exclusivement colique et 13, une atteinte de l’iléon distal s’étendant sur <5 cm. Après un suivi médian de 1,5 an, on a estimé que la probabilité de succès à un et cinq ans était de 73,4 % et de 61,1 %, respectivement. Le sexe, le tabagisme, les antécédents familiaux de maladie intestinale inflammatoire et l’âge au moment du diagnostic n’ont pas influé de manière significative sur les résultats. La majorité des patients sous mésalamine, que celle-ci ait été prescrite au tout début du traitement ou plus tard, n’ont pas eu besoin d’un médicament supplémentaire après un et cinq ans.

Bien que ces constatations puissent s’expliquer en partie par l’évolution naturelle de la MC, elles justifient la conduite d’un essai prospectif sur la mésalamine dans la MC légèrement ou modérément active et de siège exclusivement colique.

Efficacité dans la MC légère ou modérée

Faubion et ses collaborateurs (Gastroenterology 2001;121:255-66) révèlent que 43 % des patients sont atteints d’une MC légère et ne prennent jamais de corticostéroïdes. Actuellement à l’étude, la démarche dégressive, plus énergique, expose le patient à un risque de traitement excessif. Si l’on pouvait cerner les facteurs laissant présager une atteinte légère, on pourrait repousser l’entrée en scène des agents plus toxiques. Désireux de découvrir ces facteurs, le Dr Wolfgang Kruis, Evangelisches Krankenhaus Kalk, Cologne, Allemagne, et ses collègues ont analysé les données de patients atteints d’une MC de diagnostic récent, avec confirmation endoscopique et histologique, traités dans 12 cliniques de gastroentérologie d’Allemagne. Ces sujets ont été suivis pendant au moins 12 mois.

La population se composait de 103 patients suivis pendant une médiane de 46 mois, dont 28 sujets qui n’ont reçu que de la mésalamine pendant le suivi ou qu’une seule corticothérapie initiale et 75 sujets qui ont entrepris une corticothérapie ou une immunothérapie dès le diagnostic ou dont le traitement s’est intensifié (step-up) pendant le suivi.

Une comparaison des caractéristiques démographiques et cliniques des deux sous-groupes a fait ressortir trois facteurs laissant présager une MC légère, exempte de complications : âge plus avancé au moment du diagnostic (p=0,027), faible taux de protéine C-réactive lors du diagnostic (p=0,019) et lésions endoscopiques mineures (p=0,03).

Les chercheurs ont étudié un sous-groupe de 42 patients traités par la mésalamine seule au moment du diagnostic. Vingt de ces patients ont continué à prendre de la mésalamine pendant au moins 48 mois, sans intensification thérapeutique. Chez plus du quart des patients soumis uniquement à un traitement ambulatoire par la mésalamine depuis le moment du diagnostic, la MC est demeurée légère à long terme, et on n’a pas eu besoin d’intensifier le traitement.

Maîtrise à long terme

Au Danemark, une base de données sur la MC révèle que huit ans après le diagnostic, l’atteinte était demeurée légère ou modérée chez 44 % et 36 % des patients, respectivement.

Sous la direction de la Dre Dana Duricova, Charles University, Prague, République tchèque, la Dre Pia S. Munkholm, Hôpital universitaire de Herlev, Copenhague, Danemark, a examiné de près les résultats de la monothérapie par le 5-AAS. Cet examen a révélé, une fois de plus, que la mésalamine pouvait procurer une maîtrise à long terme si elle était prescrite aux bons patients.

Les chercheurs se sont livrés à un examen rétrospectif du dossier de 345 patients, dont 165 (48 %) avaient amorcé leur traitement par du 5-AAS seul. Au total, 75 % de ces patients ont obtenu une réponse complète ou partielle, 47 %, une réponse prolongée et 31 %, une réponse soutenue sous monothérapie. La durée médiane du traitement par le 5-AAS a été de 34 mois chez les patients dont la réponse avait été prolongée, de 63 mois chez les patients ayant reçu du 5-AAS seul et de 5 mois chez les non-répondeurs. Les femmes étaient significativement plus susceptibles (risque relatif approché [odds ratio, OR] : 2,68, p=0,03) d’obtenir une réponse prolongée ou de ne pas devoir adjoindre un autre agent au 5-AAS.

Les chercheurs ont conclu que le 5-AAS pouvait être bénéfique dans la MC, pour autant que le patient présente le bon phénotype, puisque 78 % des sujets y ayant répondu d’emblée ont obtenu des effets salutaires à long terme; 31 % d’entre eux sont devenus dépendants du 5-AAS, et la durée des rémissions obtenues variait entre 5 et 28 ans.

5-AAS et corticothérapie

Une équipe de chercheurs allemands dirigée par le Dr Andreas Tromm, Evangelisches Krankenhaus, Hattingen, a comparé, dans une étude prospective avec randomisation portant sur un traitement de huit semaines, une préparation de mésalamine à enrobage polymérique (1,5 g 3 f.p.j.) à une corticothérapie par le budésonide suivant deux schémas posologiques (3 mg 3 f.p.j. et 9 mg 1 f.p.j.).

La population totalisait 311 sujets atteints de MC modérément active : 307 ont été inclus dans l’analyse en intention de traiter (IT) et 253, dans l’analyse per protocol.

Le critère d’évaluation principal était la proportion de patients de chaque groupe parvenus à une rémission clinique, définie par un score CDAI (Crohn’s Disease Activity Index) <u><</u>150. À huit semaines, les taux de rémission clinique s’établissaient à 71,8 et 67,1 % dans les groupes budésonide 3 mg 3 f.p.j. et 9 mg 1 f.p.j., respectivement, et à 62,1 % dans le groupe 5-AAS.

Les analyses en IT et per protocol ont mis en lumière une supériorité numérique dans les groupes budésonide par rapport au groupe 5-AAS à enrobage polymérique, mais la borne de non-infériorité fixée par les chercheurs, soit 10 %, n’a pas été atteinte. On n’a signalé aucun effet indésirable inattendu ou grave lié au médicament.

Les chercheurs ont conclu à la supériorité numérique, mais non statistique, du budésonide sur les comprimés de 5-AAS à enrobage polymérique à forte dose quotidienne, soit 1,5 g 3 f.p.j. Quant au budésonide, il a semblé aussi efficace à une posologie de 9 mg 1 f.p.j. qu’à la posologie habituelle, soit 3 mg 3 f.p.j. Les auteurs ont qualifié d’impressionnant le taux de rémission clinique obtenu grâce au traitement fortement dosé par les comprimés de 5-AAS (4,5 g par jour).

Le Dr Gary R. Lichtenstein, University of Pennsylvania, Philadelphie, a analysé les données provenant de 812 patients atteints de MC qui recevaient une préparation de mésalamine à libération prolongée dans des conditions de pratique réelles. La durée du traitement atteignait 5,2 ans, et les doses se situaient entre 0,4 et 7,2 g par jour. Vingt-neuf pour cent des patients ont obtenu une rémission sous 5-AAS, sans corticothérapie concomitante. Toujours dans le cadre de cette étude, la rémission clinique s’est maintenue sous traitement d’entretien, sans corticothérapie concomitante, chez 69 % d’entre eux.

Le taux élevé de rémissions à long terme enregistré en l’absence de corticothérapie concomitante permet de croire qu’utilisée à la bonne dose et chez le bon patient, la mésalamine pourrait se révéler efficace et qu’on devrait envisager d’y recourir avant de prescrire, a fortiori pendant de longues périodes, des traitements éventuellement plus toxiques.

Résumé

Les résultats obtenus lors d’essais cliniques ou dans des conditions de pratique réelles démontrent que les agents à base de 5-AAS tels que la mésalamine sont sûrs et efficaces dans la MC légère ou modérée. Le profil évolutif de la MC étant bien souvent exempt de complications, il y a lieu de penser que le 5-AAS peut avoir des effets salutaires durables chez de nombreux patients. Ces résultats d’études indiquent que l’on devrait envisager un traitement par le 5-AAS avant de recourir à des solutions éventuellement plus toxiques, surtout en traitement d’entretien.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.