Comptes rendus

Nouvelle option de traitement pour l’hyperuricémie liée à la goutte
Une nouvelle association pour abaisser la pression intraoculaire : traitement plus efficace et patients plus satisfaits

Simplification des schémas immunosuppresseurs post-transplantation

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIÈRES MÉDICALES - l’American Transplant Congress

Philadelphie, Pennsylvanie / 30 avril-4 mai 2011

Gains additionnels dans la transplantation rénale

La transplantation d’organes, rendue possible par des stratégies anti-rejet efficaces, est l’une des percées de la médecine au cours des dernières décennies. Grâce à l’amélioration continue des schémas immunosuppresseurs, le taux de survie à 3 ans du greffon rénal dépasse maintenant le cap des 90 % dans les centres où on fait beaucoup de transplantations. Cette réussite a convaincu les chercheurs de tenter de modifier les schémas immunosuppresseurs d’usage courant de façon à améliorer la qualité de vie des patients sans compromettre la survie du greffon. Parmi les progrès récents figure notamment la mise au point d’une formulation à libération prolongée et à une prise par jour de tacrolimus, pierre angulaire de nombreux schémas immunosuppresseurs. La mise au point de schémas efficaces sans corticostéroïdes (CS) est une autre avancée, les taux de survie des greffons et des patients étant équivalents aux taux obtenus avec les schémas standard. Ces deux nouveautés pourraient améliorer la qualité de vie.

«L’objectif a toujours été d’offrir une immunosuppression qui soit suffisante sans être excessive, mais nous avons atteint un stade où nous comprenons beaucoup mieux cet équilibre relatif, sans compter que nous avons en main quelques données pour faire des choix plus éclairés», souligne le Dr Diego Cantarovich, Institut de Transplantation et de Recherche en Transplantation (ITERT), CHU de Nantes, France. Après ces commentaires qu’il faisait dans le contexte d’une présentation des données sur un schéma immunosuppresseur sans CS, il a indiqué que la majeure partie de la recherche sur les schémas immunosuppresseurs modifiés ou novateurs se faisait dans le cadre des transplantations rénales.

Parmi les progrès récents, la mise au point d’une formulation de tacrolimus à une prise par jour est considérée comme modeste, mais elle pourrait simplifier considérablement les soins à long terme. La formulation à une prise par jour est maintenant commercialisée dans plusieurs pays d’Europe et au Canada, mais on continue tout de même de recueillir des données à l’appui de son efficacité et de son innocuité.

Résultats de l’étude OSAKA

Les données publiées récemment d’OSAKA (Optimizing ImmunoSuppression After Kidney Transplantation with Advagraf), étude de non-infériorité de phase IIIb qui regroupait 110 centres de 22 pays, ont montré avec éloquence que le tacrolimus à 1 prise par jour était aussi efficace que la formulation à prise biquotidienne dans le contexte des schémas immunosuppresseurs multi-médicaments.

Dans le cadre de l’étude OSAKA, 1251 transplantés rénaux d’âge adulte ont été randomisés en quatre groupes de taille comparable de façon à recevoir l’un ou l’autre des quatre schémas immunosuppresseurs. Le traitement de référence, que le premier groupe recevait, contenait du tacrolimus à la posologie standard de 0,2 mg/kg/jour en 2 prises par jour ainsi que du mycophénolate mofétil (MMF) et des CS. Les deuxième et troisième groupes recevaient quant à eux la formulation de tacrolimus à libération prolongée en association avec du MMF et des CS. La dose de tacrolimus dans ces deux groupes était respectivement de 0,2 mg/kg/jour et de 0,3 mg/kg/jour. Dans le quatrième groupe, les patients recevaient 0,2 mg/kg/jour de tacrolimus en 1 prise par jour en association avec du MMF, du basiliximab et un bolus unique de CS au moment de la transplantation. Le paramètre principal était le taux de perte d’efficacité, qui regroupait la perte du greffon, le rejet aigu confirmé par biopsie (RACB) ou la dysfonction du greffon, c’est-à-dire un débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) <40 mL/min/1,73 m2.

Après 24 semaines de suivi, les chercheurs n’avaient observé aucun écart significatif entre les 4 groupes sur le plan du paramètre principal. La proportion de patients des trois premiers groupes ayant atteint l’un ou l’autre des paramètres principaux était comprise dans une marge très étroite de 40,6 % à 44,2 % (Figure 1). Dans le quatrième groupe, qui recevait une dose unique de CS, le taux d’échec était légèrement plus élevé à 48,2 %. Comparativement au groupe auquel on avait attribué la posologie biquotidienne, les groupes auxquels on avait attribué une posologie monoquotidienne et une corticothérapie d’entretien étaient bien au-delà du seuil de non-infériorité prédéfini de 12,5 %. Le quatrième groupe ne répondait pas au critère de non-infériorité.


La similitude des taux d’efficacité est particulièrement digne de mention, car cette étude ciblait expressément un groupe difficile de transplantés rénaux, explique la Dre Laetitia Albano, Unité de transplantation rénale, CHU de Nice, France. Environ 50 % des greffons provenaient de donneurs à critères élargis (âge supérieur à 60 ans ou d’au moins 50 ans plus deux autres facteurs de risque), et environ 90 % des greffons provenaient de donneurs décédés. Par ailleurs, souligne-t-elle, le DFGe utilisé pour définir la dysfonction du greffon était plus élevé que le DFGe utilisé dans un grand nombre d’études antérieures.

Non seulement la dose de 0,2 mg/kg/jour de tacrolimus en formulation à libération prolongée s’est-elle révélée non inférieure à la dose de 0,2 mg/kg/jour de tacrolimus en 2 prises par jour dans des schémas par ailleurs équivalents, mais elle était aussi «comparable», poursuit la Dre Albano. Selon le paramètre principal, bien que la dose de 0,3 mg/kg/jour ait donné des résultats similaires par rapport à la dose de 0,2 mg/kg en 1 ou 2 prises par jour, elle était associée à un taux plus élevé de RACB (16,1 %) comparativement à la dose de 0,2 mg/kg/jour en 1 prise par jour (10,3 %) ou en 2 prises par jour (13,6 %). Dans l’ensemble, la dose plus forte de tacrolimus administrée en 1 prise par jour n’a été associée à aucun avantage évident sur le plan de l’efficacité ou de l’innocuité. La Dre Albano semble donc penser que la dose de 0,2 mg/kg/jour en une seule prise pourrait devenir la norme.

Utilité d’un schéma immunosuppresseur monoquotidien

L’utilité intrinsèque d’un traitement monoquotidien, comparativement à un traitement biquotidien, est bien établie. Plusieurs études portant sur diverses maladies ont montré, fois après fois, que les schémas à dose monoquotidienne étaient associés à une meilleure adhésion au traitement et qu’ils avaient la faveur des patients. Une deuxième étude, conçue expressément pour évaluer l’impact du tacrolimus en 1 prise par jour sur la qualité de vie, étaye à elle seule l’utilité de ce schéma monoquotidien. Lors de cette étude, 24 transplantés rénaux ont été recrutés prospectivement; ils recevaient tous du tacrolimus en 2 prises par jour, et leur transplantation avait eu lieu en moyenne 4,5 ans plus tôt.

Les scores au questionnaire validé TSQM (Treatment Satisfaction Questionnaire for Medication), version II, se sont améliorés à plusieurs égards tout de suite après que les patients, qui prenaient en moyenne 5,4 médicaments/jour, soient passés de 2 à 1 prise par jour de tacrolimus. On a notamment observé une augmentation de 11,6 % (p<0,01) du score attribué à la commodité. En outre, le nombre de fois où les patients ingéraient un médicament pendant la journée est passé de 2,3 à 1,4 (p<0,001) et le nombre moyen de comprimés par jour a chuté de 11,3 à 8,1 (p<0,001). Les scores TSQM de l’efficacité et des effets indésirables n’ont pas varié de manière significative, mais le nombre moyen de prises omises rapportées par les patients eux-mêmes est passé de 0,4 à 0,1 (p=0,02).

Chez les patients qui reçoivent un schéma immunosuppresseur depuis longtemps, «l’utilisation d’un schéma simplifié reposant sur le tacrolimus à 1 prise par jour accroît la satisfaction à l’égard du traitement», affirme le Dr Gerben A. J. van Boekel, Centre médical universitaire de Nimègue, Pays-Bas. À son avis, l’amélioration de l’observance aura des retombées sur les résultats.

Au congrès, on n’a présenté aucune donnée de l’essai OSAKA sur la qualité de vie et l’observance de l’essai, mais, de l’avis de la Dre Albano, la commodité et l’observance sont à l’évidence des facteurs qui font pencher la balance en faveur du schéma monoquotidien. «Pour un patient qui doit prendre ces médicaments à vie, tout allègement du fardeau thérapeutique revêt probablement une grande importance», précise-t-elle.

Immunosuppression sans corticostéroïdes : une approche pratique

Dans le cadre de l’étude OSAKA, l’un des avantages notables du quatrième schéma, qui offrait une immunosuppression sans CS après un bolus périopératoire unique, a été un faible taux de nouveaux cas de diabète de type 2 (DT2). En effet, par rapport au groupe de référence (2 prises/jour) dont le taux de nouveaux cas de DT2 était de 6,4 %, le taux se chiffrait à 4,9 % dans le deuxième groupe (1 prise/jour) et à 2,8 % dans le quatrième groupe (sans CS). Bien que les sujets du quatrième groupe (sans CS) aient eu le pire DFGe médian (41,7 mL/min/1,73 m2 vs 48,3, 45,7 et 45,9 dans les schémas à 0,2 mg/kg/jour en 2 ou 1 prise par jour et le schéma à 0,3 mg/kg/jour en 1 prise par jour, respectivement), ces résultats incitent plusieurs centres à opter pour un schéma sans CS, surtout chez les transplantés rénaux.

«Nous estimons qu’il vaut mieux ne pas introduire les CS que de les retirer, si bien que nous travaillons avec des schémas immunosuppresseurs sans CS depuis 1999», explique le Dr Cantarovich, qui présentait les données du suivi à long terme de son établissement dans le cadre duquel on a comparé le retrait précoce des CS à l’absence de CS dans les schémas immunosuppresseurs. On réserve les schémas sans CS aux patients à faible risque, c’est-à-dire ayant <25 % d’anticorps anti-lymphocytes T et un greffon en ischémie froide depuis <36 heures, mais on doit faire l’impossible pour ne pas utiliser de CS en présence d’un DT2. Cette démarche repose sur le principe voulant que «les CS, même s’ils sont prescrits pendant seulement 3 mois, sont très nocifs pour un patient diabétique», fait-il valoir.

Dans le cadre de cette étude sur les CS, les chercheurs ont suivi 597 transplantés rénaux de novo à faible risque chez qui ils ont appliqué diverses stratégies thérapeutiques. Dans un groupe (élimination des CS), l’objectif était d’éviter les CS totalement après un bolus initial au moment de la transplantation. Dans l’autre groupe (retrait des CS), les CS étaient administrés pendant 3 mois après la transplantation, après quoi on tentait de mettre fin rapidement à leur utilisation. Tous les patients recevaient un traitement d’induction par le basiliximab, du tacrolimus et du MMF.

À 3 mois, la proportion de sujets du premier groupe (n=159) ne recevant aucun CS s’élevait à 87,5 %; elle est passée à 97 % après 36 mois et à 100 % après 48 mois. Dans le groupe élimination des CS (n=438), la proportion s’élevait à 50 % après 3 mois, à 82 % après 36 mois et à 83 % après 48 mois. À 5 ans, les taux de survie des patients (95 %) et des greffons (84 %) étaient identiques dans les deux groupes. Le nombre de patients traités pour un rejet aigu était similaire (8,6 %), mais les taux d’hypertension, d’événements thromboemboliques et d’événements microangiopathiques étaient plus élevés chez les patients qui avaient d’abord reçu des CS que chez ceux qui n’en avaient pas reçu. Même si la créatinine sérique et le DFGe étaient globalement semblables dans les deux groupes, une analyse multivariée a révélé que le taux de risque d’apparition d’un DT2 était 8,18 fois plus élevé dans le groupe retrait des CS que dans le groupe élimination des CS. En outre, dans le groupe retrait des CS, le taux d’infections à cytomégalovirus (CMV) – malgré la prophylaxie par le valganciclovir dans les deux groupes – était plus élevé, et l’écart a presque atteint le seuil de significativi
vs 1,7 %; p=0,09).

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Sur le plan des événements majeurs, «les données montrent que les résultats sont non inférieurs dans le groupe élimination des CS, mais à mon sens, «non inférieur» veut dire «supérieur» à cause des problèmes bien connus qu’entraînent les CS», affirme le Dr Cantarovich, ajoutant que dans son établissement, on se garde bien d’utiliser les CS chez tous les patients à faible risque. Chez les patients à risque élevé, les CS demeurent la norme comme schéma d’entretien, mais l’objectif est de mettre fin à leur administration après 3 mois.

Les données montrant que la simplification des schémas de traitement – comme le passage de 2 à 1 prise par jour de tacrolimus et l’élimination des CS plutôt que leur retrait – est associée à de bons résultats incitent les chercheurs à explorer d’autres stratégies qui permettront de maintenir les taux actuels de survie des greffons tout en allégeant le fardeau des effets indésirables et en atténuant les contraintes associées au traitement. Dans certains cas, l’élimination des CS par exemple, le succès du traitement est susceptible de dépendre fortement de la sélection des patients. Dans d’autres cas, une meilleure compréhension du degré optimal d’immunosuppression semble générer des innovations qui ont une portée plus universelle.

Résumé

La mise au point d’une formulation de tacrolimus à libération prolongée autorisant une prise par jour de même que l’élaboration de stratégies visant à réduire l’exposition aux CS sont à l’image des efforts que l’on déploie actuellement pour maintenir les taux élevés de survie des greffons, même chez les patients qui reçoivent un organe de qualité sous-optimale. Puisque le traitement immunosuppresseur doit être administré à vie chez ces patients et que les schémas de traitement sont souvent complexes ou exigeants, toute amélioration de la commodité et de la tolérabilité revêt une très grande importance. Certes, nous comprenons mieux les risques relatifs des schémas immunosuppresseurs et nous nous dirigeons assurément vers l’individualisation du traitement en fonction des risques relatifs, mais les résultats des essais sur l’efficacité et l’innocuité relatives facilitent la prise de décisions rationnelles.

Questions et réponses

Les questions et réponses qui suivent sont fondées sur un entretien avec la Dre Laetitia Albano, Unité de transplantation rénale, CHU de Nice, France.

Q : Les résultats de l’étude OSAKA ont montré que le tacrolimus à libération prolongée en une prise par jour répondait au critère de non-infériorité, mais y a-t-il des sous-groupes de patients chez qui la posologie biquotidienne serait préférable?

R : Non, pas que je sache. Les données montrent que le tacrolimus à libération prolongée est aussi efficace que le tacrolimus en 2 prises par jour. Évidemment, comme la posologie monoquotidienne est beaucoup plus facile pour le patient, on s’attend à une meilleure observance. Il n’y a aucun avantage à prendre un médicament 2 fois par jour quand il est possible de le prendre une seule fois.

Q : Pouvez-vous nous parler des résultats de l’étude de détermination de la dose? Vous avez conclu que la dose de 0,2 mg/kg était préférable, mais, là encore, y a-t-il des situations où la dose plus forte serait préférable?

R : Sur le plan des résultats, la dose plus forte de 0,3 mg/kg n’a été associée à aucun avantage, un taux moindre de rejets aigus par exemple, mais elle a été légèrement moins bien tolérée. En évaluant la posologie monoquotidienne dans cette étude, nous voulions nous assurer de ne passer à côté d’un avantage quelconque de la dose plus forte. La dose de 0,2 mg/kg est celle qui offre le meilleur équilibre efficacité-innocuité, et aucune donnée ne semble indiquer que la dose plus forte pourrait être bénéfique chez certains patients.

Q : La borne de non-infériorité de 12,5 % semble assez généreuse. Comment avez-vous choisi ce critère d’équivalence?

R : Ce n’est pas nous qui l’avons choisie. C’est maintenant la norme en Europe, mais de toute façon, les résultats obtenus avec les deux posologies – 0,2 mg/kg en 1 ou 2 prises par jour – étaient très similaires quant au paramètre principal et n’avoisinaient même pas cette borne.

Q : Maintenant que vous avez accès à une formulation en une prise par jour, pensez-vous changer la posologie du traitement chez la plupart, voire la totalité de vos patients?

R : Je pense que le tacrolimus en une prise par jour sera la norme. Des résultats d’études comparatives montrent maintenant que cette nouvelle formulation est plus facile à utiliser et qu’elle est tout aussi efficace. Je ne vois pas pourquoi on ne préférerait pas cette posologie chez l’ensemble des patients.

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