Comptes rendus

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Prévention des allergies chez le nourrisson : regard sur la dermatite atopique

Stratégies d’utilisation concomitante d’antiviraux et d’immunosuppresseurs chez le transplanté hépatique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 18e Congrès international annuel de l’International Liver Transplantation Society

San Francisco, Californie / 16-19 mai 2012

San Francisco - On s’attend ? une am?lioration de l’issue ? long terme de la transplantation h?patique rendue n?cessaire par les complications de l’infection par le virus de l’h?patite C (VHC), des ?tudes ayant montr? que des immunosuppresseurs peuvent ?tre administr?s en m?me temps qu’un traitement antiviral ?nergique. Selon la plupart des registres, la cirrhose et le carcinome h?patocellulaire qui r?sultent de l’infection par le VHC sont les principales indications d’une transplantation h?patique. La survie du greffon chez les patients transplant?s en raison d’une complication li?e au VHC demeure typiquement inf?rieure ? celle du greffon chez les patients non infect?s par le VHC, mais les traitements antiviraux ?nergiques qui permettent de pr?venir ou de ma?triser la r?currence d’une h?patite C post-transplantation ont fait la preuve de leur faisabilit?. L’obtention de meilleurs r?sultats d?pendrait des progr?s r?alis?s dans la caract?risation et la prise en charge des effets ind?sirables li?s aux traitements immunosuppresseurs. Cependant, de nouvelles ?tudes semblent aussi indiquer que l’on peut introduire un traitement contre l’infection par le VHC dans le but de l’?liminer ou de la ma?triser afin d’am?liorer la survie du greffon.

L’infection par le virus de l’hépatite C (VHC) entraîne la cirrhose et est associée à une incidence élevée de carcinome hépatocellulaire (CHC). La transplantation hépatique motivée par les complications de l’hépatite C est source de difficultés, car l’infection récidive dans la plupart des cas où le VHC était détectable avant la transplantation. Au chapitre des résultats du traitement, on s’attend à d’importantes améliorations au vu de nouvelles données qui clarifient les facteurs de risque d’échec prématuré de la transplantation chez les patients infectés par le VHC et qui viennent étoffer les données sur l’administration simultanée d’un traitement antiviral et d’un traitement immunosuppresseur.

«Notre expérience des 10 dernières années a révélé que la survie à long terme des patients infectés par le VHC dépendait principalement de leur prise en charge au cours de la première année suivant la transplantation», explique la Dre Itxarone Bilbao, Hospital Vall d’Hebron, Barcelone, Espagne. Souvent, les algorithmes actuels d’attribution des organes limitent le choix des caractéristiques du donneur, précise-t-elle. Par conséquent, si on veut améliorer les résultats, on devrait se concentrer sur la recherche du schéma posologique immunosuppresseur le moins susceptible de contribuer aux complications inhérentes à cette population.

Facteurs de risque de mortalité

L’équipe de la Dre Bilbao a examiné rétrospectivement une série de 272 transplantations hépatiques réalisées sur une période de 14 ans chez 223 patients infectés par le VHC. De ces patients, 57 % ont reçu du tacrolimus et 43 %, de la cyclosporine. Les deux immunosuppresseurs étaient administrés en concomitance avec des corticostéroïdes. Même si les sujets du groupe tacrolimus étaient proportionnellement plus nombreux que les sujets du groupe cyclosporine à avoir plus de 65 ans (p=0,08), à recevoir un organe provenant d’un donneur de plus de 70 ans (p=0,001) et à avoir reçu une transplantation à cause d’un CHC (p=0,05), le taux de rejet aigu était significativement plus faible sous tacrolimus (p=0,03).

«À 1 an, 5 ans et 10 ans, souligne la Dre Bilbao, les cas d’hypertension, d’hypercholestérolémie et d’insuffisance rénale étaient moins fréquents dans le groupe tacrolimus. Les facteurs de risque de mortalité au sein de la cohorte entière étaient notamment un temps d’ischémie plus long (p=0,05), la nécessité de changer d’agent immunosuppresseur au cours de la première année en cas de traitement par la cyclosporine (p=0,01), la survenue d’un rejet aigu au cours de la première année (p=0,02), l’incidence plus élevée d’infections par le cytomégalovirus (p=0,013) et l’usage de corticostéroïdes au-delà de la première année (p=0,0001).»

Stratégie possible

Dans les cas où l’infection par le VHC récidive tôt, les nouveaux inhibiteurs de la protéase (IP) pourraient représenter une stratégie pour l’élimination d’un facteur de risque de piètre issue clinique. Dans le cadre de la première expérience multicentrique sur l’utilisation d’un IP dans le traitement d’une infection à VHC récurrente sévère après une transplantation du foie, sept patients, dont un qui était co-infecté par le VIH, ont reçu du bocéprévir, de l’interféron alfa-2b (IFNα-2b) et de la ribavirine en concomitance avec du tacrolimus ou de la cyclosporine comme principal traitement immunosuppresseur. Bien que le traitement ait été arrêté prématurément chez trois patients en raison d’une anémie sévère, la charge virale du VHC était indétectable chez deux des quatre autres patients, et les deux patients restants avaient une virémie <2 logs à 12 semaines.

On a dû modifier le schéma immunosuppresseur et le traitement anti-VHC  à cause des effets indésirables, mais «les effets liés aux interactions entre les immunosuppresseurs et le bocéprévir ont été maîtrisés facilement», affirme la Dre Audrey Coilly, AP-HP Hôpital Paul Brousse, Villejuif, France. «À notre avis, ces résultats montrent que l’élargissement des indications des IP après une transplantation hépatique serait un moyen de prolonger la survie du greffon et celle du patient.»

La survie à long terme des patients infectés par le VHC, y compris les patients co-infectés par le VIH, est déjà monnaie courante, bien que leur taux de survie soit moins élevé que celui des patients non infectés par le VHC. Il n’est pas étonnant de constater que la réponse virologique soutenue (RVS) est l’un des prédicteurs de la survie, affirme le Dr Bruce Gelb, New York University, New York. Dans une série de 73 patients infectés par le VHC qui ont survécu plus de 10 ans après la transplantation (représentant 40 % des patients greffés infectés par le VHC), 44 ont reçu l’association IFNα-2b pégylé/ribavirine et 26 d’entre eux (59 %) sont parvenus à une RVS. Les nouveaux IP plus efficaces devraient permettre une augmentation des taux.

La co-infection par le VIH est largement considérée comme un facteur de risque négatif de survie du greffon chez les patients atteints d’hépatite C, mais ce n’était pas un prédicteur indépendant d’échec de la greffe dans une récente comparaison de 89 sujets co-infectés par le VHC et le VIH et de 235 sujets infectés seulement par le VHC, précise le Dr Peter G. Stock, University of California, San Francisco. L’analyse a révélé que les facteurs de risque indépendants étaient notamment une double transplantation rein-foie, un indice de masse corporelle ≤21 kg/m2 et le fait de recevoir l’organe d’un donneur infecté par le VHC.

Simplification des schémas immunosuppresseurs

La simplification du schéma immunosuppresseur post-transplantation est une possibilité extrêmement séduisante pour les sujets co-infectés par le VHC et le VIH vu le nombre élevé de comprimés qu’exige le traitement d’affections concomitantes. À en juger par des données présentées au congrès, la commercialisation d’une préparation à libération prolongée de tacrolimus – l’un des piliers de la prévention du rejet – est une avancée digne de mention. Parmi les études qui visaient à évaluer la préparation de tacrolimus à libération prolongée, une méta-analyse a objectivé la similitude du profil pharmacodynamique et de l’issue clinique chez les patients qui recevaient la préparation à libération prolongée (1 fois/jour) et chez ceux qui recevaient la préparation usuelle (2 fois/jour). Les données de huit études regroupant 891 sujets présentées par le Dr Anbin Hu, Premier Hôpital affilié à l’Université Sun Yat-sen, Canton, Chine, n’ont fait ressortir aucune hétérogénéité parmi un vaste éventail de comparaisons.

«Les creux plasmatiques étaient comparables lors de chacune des évaluations. Des ajustements posologiques ont été nécessaires dans un cas comme dans l’autre, mais ils n’ont pas été plus fréquents dans un groupe que dans l’autre. Mais, surtout, les taux de rejet étaient faibles et semblables dans les deux groupes», précise le Dr Hu.

Dans le cadre d’une autre étude (n=104), on a tenté de déterminer si les paramètres hémodynamiques étaient demeurés similaires chez des patients qui étaient passés d’une préparation de tacrolimus à 2 prises par jour à une préparation à 1 prise par jour. Plus précisément, les paramètres hémodynamiques du rein et du territoire splanchnique ont été mesurés avant le changement, puis au moins 2 mois après, explique le Dr Federico Orozco, Hospital Alemán, Buenos Aires, Argentine. La dose totale en milligrammes était la même avant qu’après le changement de préparation.

«La mesure des paramètres hémodynamiques n’a fait ressortir aucune différence significative. Nos résultats concordent avec une série d’études publiées montrant que le passage au tacrolimus 1 fois/jour est sûr et efficace chez les transplantés hépatiques stables», affirme le Dr Orozco. Ce dernier a d’ailleurs qualifié l’administration 1 fois/jour de progrès substantiel, «parce que nous avons des données prouvant que la diminution du nombre de prises est une façon d’améliorer l’observance du traitement immunosuppresseur».

D’un point de vue clinique, une autre étude sur la préparation de tacrolimus à 1 prise par jour a fait ressortir une amélioration de la qualité de vie (QdV) chez les patients qui avaient d’abord reçu le schéma biquotidien. Cette étude regroupait 72 patients qui ont été suivis pendant ≥24 mois. Comme l’explique l’auteur principal, le Dr Luca Toti, Università degli studi di Roma Tor Vergata, Italie, l’observance et la QdV ont été évaluées à l’aide d’examens de laboratoire et d’un questionnaire auquel répondaient les patients.

«Tous les patients étaient satisfaits, et 89 % d’entre eux ont affirmé que le changement de schéma avait amélioré leur QdV», souligne le Dr Toti. Certes, les patients voient une nouvelle stratégie posologique plus pratique d’un bon œil, mais il importe surtout de souligner que le changement n’a aucunement modifié les taux d’enzymes hépatiques, de créatinine ou de lipides et que la glycémie s’est en fait améliorée de manière significative (p<0,05) après le changement.

La simplification du schéma est particulièrement pertinente si l’on aspire à une issue plus favorable de la transplantation chez le patient infecté par le VHC. Comme nous comprenons mieux les caractéristiques qui déterminent les résultats cliniques et la manière dont nous devrions les gérer, la survie à long terme du greffon chez le patient infecté par le VHC ne cesse de s’améliorer. La maîtrise efficace de l’infection à VHC dans un contexte de prévention du rejet est un objectif critique pour tous les patients, qu’ils soient co-infectés ou non par le VIH. Dans sa présentation d’une étude rétrospective de dossiers de patients, la Dre Lilian A. Curvelo, Hospital Israelita Albert Einstein, São Paulo, Brésil, a souligné l’importance de maîtriser l’infection par le VHC après la transplantation tout en prévenant le rejet.

Au chapitre des prédicteurs de la récurrence de l’infection à VHC dans cette série de 153 patients, «les données actuelles ne montrent aucune corrélation avec l’âge du donneur ou du receveur, le temps d’ischémie froide ou chaude, le score MELD, les génotypes, les rejets, l’utilisation de corticostéroïdes, le diabète ou une maladie rénale», poursuit la Dre Curvelo. Si ces observations semblent indiquer que «d’autres facteurs pourraient être en cause, comme des polymorphismes génétiques du système immunitaire inné», elles donnent aussi tout lieu de croire que nous devons urgemment trouver de meilleures méthodes de lutte contre l’infection à VHC que l’on pourrait utiliser en concomitance avec des schémas immunosuppresseurs pratiques, efficaces et bien tolérés.

Résumé

L’infection à VHC est le principal facteur étiologique parmi les événements physiopathologiques menant à la transplantation hépatique. La transplantation du foie peut prolonger la survie, mais la récurrence de l’infection à VHC est un important facteur de risque d’issue défavorable. Les schémas antiviraux énergiques s’annoncent prometteurs pour la maîtrise de l’infection, et tout porte à croire qu’ils peuvent être administrés pendant que l’on poursuit l’administration des immunosuppresseurs appropriés. La simplification du schéma posologique de même que l’efficacité et la tolérabilité durable des traitements immunosuppresseurs sont des facteurs susceptibles de contribuer à la généralisation de cette approche.   

 

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