Comptes rendus

Traitement par les chélateurs de phosphate: Les besoins du patient hémodialisé - Tour d’horizon de la littérature
Antiplaquettaires dans le syndrome coronarien aigu : pour un juste équilibre entre l’efficacité et le risque

Tendances actuelles et perspectives d’avenir dans le traitement du glioblastome multiforme - Tour d’horizon de la littérature

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

OPTIONS MÉDICALES dans l’insuffisance Neuro-oncologie

Profil de récidive des gliomes

Dr Normand Laperrière, University of Toronto

Prise en charge du glioblastome multiforme récidivant

Dr Rolando Del Maestro, Université McGill

Reprise du traitement par le témozolomide en situation de récidive : stratégies posologiques

Dr James R. Perry, University of Toronto

Glioblastome multiforme : tour d’horizon des essais cliniques en cours

Dr Warren P. Mason, University of Toronto

PROFIL DE RÉCIDIVE DES GLIOMES

Commentaire éditorial :

Normand Laperrière, MD, FRCPC

Service de radio-oncologie, Princess Margaret Hospital/University Health Network, Professeur agrégé de médecine, University of Toronto, Toronto (Ontario)

Le recours à diverses modalités d’imagerie pour la caractérisation des profils de récidive des gliomes/glioblastomes multiformes (GBM) pourrait favoriser l’individualisation de la prise en charge et peut-être contribuer à améliorer la maîtrise de ces tumeurs. En effet, l’imagerie par résonance magnétique (IRM), qui permet de cartographier la localisation et l’étendue des tumeurs au moment du diagnostic puis de la récidive, et l’IRM en tenseur de diffusion (DTI) sont des techniques non invasives qui pourraient permettre d’établir des profils de récidive tumorale. Selon ces profils, on pourrait cibler des zones précises au moment du traitement initial, et ainsi obtenir un bénéfice thérapeutique. Cependant, ces études sont actuellement d’un intérêt plus théorique que pratique en raison de leur coût, de leur complexité technique et de bénéfices cliniques incertains.

Le risque de rechute et de récidive des gliomes malins est extrêmement élevé et la progression de ces tumeurs agressives, quasiment inévitable chez la majorité des patients. Bien que l’association de la chirurgie, de la radiochimiothérapie et de la chimiothérapie adjuvante ait permis d’augmenter la survie associée au glioblastome, la guérison demeure toujours hors de portée.

Les études reposant sur l’IRM dans lesquelles on a évalué des gliomes/GBM avant et après résection chirurgicale permettent d’envisager l’éventualité très séduisante d’un traitement plus personnalisé de ces tumeurs cérébrales grâce à la caractérisation de profils spécifiques de récidive. Nous présentons ici les résultats de deux études qui avaient pour objectif de repérer des types de récidive tumorale et ainsi mettre fin au chaos.

L’hétérogénéité de présentation des gliomes est remarquable, notent Price et ses collaborateurs (Eur Radiol 2007;17:1675-84). En effet, il existe un large éventail de caractéristiques pathologiques et de schémas de croissance pour des tumeurs d’histologie pourtant identique. En raison d’une telle variabilité, on comprend qu’il soit très difficile d’établir une stratégie de traitement à la fois complète, standardisée et adaptée à chaque patient.

Étude longitudinale

Afin d’améliorer la prise en charge des patients porteurs d’un glioblastome, des chercheurs de l’Organisation européenne de recherche sur le traitement du cancer (OERTC) et du Groupe des essais cliniques de l’Institut national du cancer du Canada (GEC-INCC) travaillent à la mise au point et à la validation d’un nouvel outil d’analyse des données d’IRM qui permettrait d’examiner les schémas de récidive clinique des cancers (Wick et al. Neuro Oncol 4 août 2008; publié en ligne avant impression).

Les auteurs ont mené une étude longitudinale parallèle à l’essai de phase III de l’OERTC et du GEC-INCC (OERTC 26981/22981/INCC CE.3) réalisé chez des patients porteurs d’un GBM récemment diagnostiqué qui avaient témozolomide (TMZ), agent alkylant oral, en plus de la radiothérapie. Leur but était de déterminer si l’ajout à la radiothérapie du TMZ en traitement concomitant, puis adjuvant, modifiait le profil des récidives par comparaison à la radiothérapie seule.

En effet, si certains pensaient – puisque le TMZ traite l’ensemble du cerveau – que la radiochimiothérapie et la chimiothérapie adjuvante étaient susceptibles de réduire l’incidence des récidives distales, d’autres faisaient l’hypothèse que la radiosensibilité des tumeurs, induite par le TMZ, et la prolongation de la survie puissent au contraire en favoriser le développement.

Les auteurs ont utilisé le logiciel MRIcro, empruntant en cela à la recherche sur les AVC, pour établir la cartographie des tumeurs, c’est-à-dire leur localisation et leur extension avant la chirurgie et au moment de la récidive. Pour chaque patient, les images ainsi obtenues ont été transférées, puis reconstruites dans le même espace stéréotaxique. Cette technique a permis aux chercheurs de repérer les zones de chevauchement entre les deux tumeurs chez l’ensemble des patients, puis de délimiter chacune en soustrayant la zone de chevauchement, et de comparer les deux groupes (radiothérapie seule vs radiothérapie + TMZ).

Les chercheurs ont mené cette étude comparative chez 63 patients, dont 33 étaient traités par radiothérapie seule et 30 par l’association TMZ et radiothérapie suivie de TMZ en traitement adjuvant. Il n’y avait pas pour ce qui était de l’ampleur de la résection tumorale ou de l’expression intratumorale méthylée ou non méthylée du promoteur du gène de la O-6-méthylguanine-ADN méthyltransférase (MGMT) (Tableau 1). Le délai médian entre l’examen IRM initial et le premier diagnostic histologique était de 0,2 mois dans les deux groupes. En revanche, le délai médian entre l’examen IRM initial et l’examen IRM au moment de la récidive était de 5,4 mois dans le groupe radiothérapie seule vs 7,3 mois dans le groupe radiothérapie/TMZ.

Tableau 1. Caractéristiques des patients de la sous-étude OERTC 26981/22981/INCC CE.3


L’analyse des profils de récidive a permis de retrouver une hétérogénéité dans les deux groupes pour ce qui concernait la localisation tumorale, la tumeur affectant sans apparente discrimination le cortex temporal, pariétal ou frontal dans l’hémisphère droit ou gauche.

Ainsi, il ne semble pas que l’adjonction de TMZ, par rapport à la radiothérapie seule, ait modifié le profil de récidive tumorale, la taille de la tumeur au moment de la récidive ou la variation de sa position anatomique. Les récidives distales étaient plus fréquentes dans le groupe radiothérapie seule que dans le groupe radiothérapie/TMZ (23 vs 18 %, respectivement), mais la différence n’était pas significative (p=0,056).

Ces résultats apportent des éclaircissements importants sur le mode de récidive de ces tumeurs à l’ère de la radiochimiothérapie et de la chimiothérapie adjuvante, car ils reposent sur les données d’une étude randomisée et non sur celles d’une étude d’observation non contrôlée. Ce qui s’est passé dans les années 1990 avec la curiethérapie des gliomes illustre bien la pertinence de telles données. Pendant que notre centre à Toronto et un autre centre de San Francisco (University of California) publiaient des données montrant que la curiethérapie ne semblait pas modifier le profil de récidive tumorale, un troisième centre à Boston publiait des données contradictoires donnant à penser qu’au contraire, ce traitement le modifiait. Deux études comparatives avec randomisation ont apporté des preuves de niveau I démontrant que le traitement par curiethérapie n’influait pas sur le profil de récidive des tumeurs, mettant ainsi fin à la controverse.

Finalement, que pouvons-nous retenir de cette étude? Sous réserve de la petite taille de la population étudiée, le TMZ ne semble pas avoir modifié le profil de récidive tumorale chez les patients traités au départ par le protocole Stupp par rapport aux patients traités par radiothérapie seule.

IRM pondérée en diffusion

Le Dr Stephen Price, Cambridge University Hospitals, Royaume-Uni, et ses collaborateurs ont essayé une approche différente dans le but de prévoir le profil de récidive tumorale et d’individualiser le traitement. Pour cela, ils ont utilisé l’IRM en tenseur de diffusion (DTI), qui permet de mesurer la diffusion des molécules d’eau dans de multiples directions et, pour chaque voxel, de calculer l’anisotropie fractionnée.

Pour étudier de quelle manière la DTI pourrait servir à établir le profil de récidive des gliomes, les chercheurs ont comparé les images pondérées en T2 et les images pondérées en diffusion chez des patients dont le diagnostic de gliome avait été confirmé histologiquement. Tous les patients passaient un examen DTI au départ puis un examen IRM après au moins deux ans de surveillance ou au moment de la récidive symptomatique.

Il est difficile de tirer des conclusions de cette étude, car elle regroupait des patients porteurs de types de tumeurs variés qui en étaient à des stades différents du traitement. En effet, 12 patients avaient une tumeur de grade IV selon la classification de l’Organisation mondiale de la Santé, cinq de grade III (un astrocytome anaplasique, deux oligodendrogliomes anaplasiques et deux oligoastrocytomes anaplasiques) et huit de grade II (six astrocytomes diffus, un oligodendrogliome et un oligoastrocytome).

Parmi les 25 patients de ce groupe, 17 avaient été opérés et avaient reçu de la radiothérapie. La tumeur a été étudiée au moment de la récidive chez 14 patients et pendant le suivi chez les trois autres, leur maladie étant stable.

Quelques-uns des 25 patients avaient reçu de la radiothérapie, de la chimiothérapie ou une combinaison des deux entre les deux périodes d’examens d’imagerie, mais six n’avaient reçu aucun traitement additionnel pendant cette période.

Dans ce groupe de 25 patients, les chercheurs ont dégagé trois profils de base à partir de la comparaison des images en DTI et des images de l’IRM pondérées en T2 :

• Anomalies diffuses : chez 12 patients, les images en DTI ont révélé une désorganisation diffuse des faisceaux de substance blanche tout autour de la tumeur visualisée par les images pondérées en T2 et, dans la plupart des cas, on notait une expansion globale de la tumeur au moment de la récidive.

• Anomalies localisées : chez huit patients, les images en DTI ont révélé une désorganisation localisée d’un faisceau de substance blanche par rapport aux images pondérées en T2 et, au moment de la récidive, on notait une expansion tumorale dans cette zone.

• Anomalies minimes : chez cinq patients, les images en DTI n’ont pas révélé d’anomalies notables supplémentaires par rapport à l’IRM, ce qui semble être prédictif d’une tumeur plus indolente et d’une survie plus longue, selon les auteurs.

Parce qu’il est capable de révéler des tumeurs occultes ou de mettre en évidence des signes d’infiltration tumorale qui peuvent passer inaperçus avec les séquences d’IRM classiques (T1 rehaussées par le gadolinium ou T2), l’examen DTI pourrait fort bien trouver sa place dans le futur pour la planification du traitement, concluent les auteurs. Réalisé en période préopératoire, cet examen pourrait guider les biopsies et la chimiothérapie locale et permettre la mise au point d’une radiothérapie plus ciblée, suggèrent-ils.

Cette étude fournit des données très intéressantes sur un sous-groupe de gliomes plus confinés localement, et infiltrant moins la substance blanche adjacente. Même si les patients porteurs de ce type de tumeur étaient minoritaires dans l’étude, on conçoit aisément qu’un traitement local plus intense puisse être bénéfique en freinant au maximum la progression tumorale dans le tissu cérébral adjacent.

En raison de l’hétérogénéité de la cohorte (Tableau 2), cette étude fournit surtout une image instantanée de la maladie et des profils de récidive et non une vue d’ensemble détaillée en fonction de chaque type histologique. Il faut aussi noter que l’analyse en imagerie de diffusion est coûteuse et nécessite une main-d’œuvre importante. Bien que cette technique ne demande pas vraiment plus de temps au moment de l’acquisition des images, elle implique un gros travail subséquent de traitement des images. Lors des études avec DTI, la présence d’un physicien qui connaît bien le logiciel et qui peut réaliser les réglages précis est nécessaire pour obtenir le niveau de détail optimal et le plus de données possible.

Tableau 2. Hétérogénéité des gliomes dans l’étude des tumeurs cérébr
dérée en diffusion

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Résumé

Les études de Wick et de Price semblent indiquer non seulement que les techniques dérivées de l’IRM ont un rôle vital pour l’établissement du diagnostic, la stadification des tumeurs et la planification des interventions chirurgicales, mais aussi qu’elles pourraient prochainement permettre de mieux délimiter l’infiltration tumorale et donc de prévoir les profils de récidive. Grâce à des traitements locaux plus ciblés, la survie pourrait ainsi être prolongée. En fin de compte, ce qu’il reste à faire maintenant, c’est de réaliser davantage d’études de cohortes prospectives portant sur un type histologique précis (GBM, gliomes de bas grade, gliomes anaplasiques, etc.), avec des critères uniformes et un suivi longitudinal, ce qui, on peut l’espérer, devrait permettre de percer les secrets de ces redoutables tumeurs malignes agressives.

PRISE EN CHARGE DU GLIOBLASTOME MULTIFORME RECIDIVANT

Commentaire éditorial :

Rolando Del Maestro, MD, PhD, FRCS(C), FACS, DABNS

Chaire de neuro-oncologie William Feindel, Directeur du Centre de recherche sur les tumeurs cérébrales, Professeur titulaire, service de neurochirurgie et d’oncologie, Institut et hôpital neurologiques de Montréal, Université McGill Montréal (Québec)

Selon les recommandations canadiennes, le traitement en première intention du glioblastome multiforme (GBM) doit comporter une radiochimiothérapie à base de témozolomide (TMZ), puis une chimiothérapie adjuvante par le TMZ (Stupp et al. N Engl J Med 2005;352:987-96; Mason et al. Curr Oncol 2007;14[3]:110-7). Malheureusement, dans la plupart des cas, la tumeur récidive. Le présent éditorial donne un aperçu de quelques-uns des problèmes que pose la prise en charge d’un GBM récidivant. Chaque patient doit bénéficier d’un traitement individualisé, lequel sera idéalement administré par une équipe interdisciplinaire selon une approche multidisciplinaire. C’est pourquoi chaque cas est présenté à un comité officiel d’évaluation des tumeurs cérébrales qui utilise son vaste champ d’expertise pour élaborer des recommandations concernant le traitement à venir. Tout d’abord, il est essentiel d’établir qu’il y a réellement progression de la tumeur et de bien faire la différence entre une récidive et ce que l’on appelle une «pseudoprogression». Ensuite, on pourra discuter des options envisagées avec le patient et sa famille en leur exposant dans les grandes lignes des problèmes importants comme l’état médical ou neurologique du patient, les résultats de ses examens d’imagerie ou encore les solutions de rechange à la chimiothérapie. L’éventail des options thérapeutiques comporte une nouvelle exérèse chirurgicale, la participation à des essais cliniques ou une chimiothérapie à base de TMZ selon un schéma modifié ou un schéma déjà administré. Il est également possible d’avoir recours à une association du TMZ avec d’autres agents alkylants comme la procarbazine ou d’utiliser de nouveaux agents thérapeutiques.

Différencier la progression tumorale réelle d’une pseudoprogression

Chez certains patients, une nécrose précoce peut survenir dans le champ d’irradiation à la suite de la radiochimiothérapie à base de TMZ. On appelle ce phénomène «pseudoprogression», car il est impossible en l’absence de biopsie de faire la différence entre une nécrose et une progression réelle de la tumeur sur les clichés d’imagerie (Chamberlain et al. J Neurooncol2007;82:81-3). La pseudoprogression a été décrite pour la première fois par Hoffman et ses collaborateurs (J Neurosurg 1979;50:624-8) et définie ultérieurement comme une lésion radique associée aux agents alkylants par de Wit et ses collaborateurs (Neurology 2004;63:535-7).

Lors d’une étude menée par Brandes et ses collaborateurs (J Clin Oncol 2008;26:2192-7), le premier examen IRM réalisé au décours de la radiochimiothérapie montrait une augmentation de la taille de la lésion chez la moitié des patients environ. Le traitement adjuvant par TMZ a néanmoins été poursuivi et trois mois plus tard, un deuxième examen IRM a mis en évidence des lésions stables ou régressives chez 64 % d’entre eux. Il est intéressant de noter que la survie a été prolongée chez 66 % de ces patients, dont la tumeur exprimait un promoteur méthylé du gène de la O-6-méthylguanine-ADN méthyltransférase (MGMT). Ces résultats étayent les recommandations canadiennes qui stipulent que, lorsque le premier examen IRM au décours de la radiochimiothérapie montre une augmentation de taille de la tumeur, le traitement par le TMZ doit être poursuivi pendant trois mois et que ce n’est qu’au terme de cette période qu’un nouvel examen IRM pourra éventuellement affirmer une réelle progression tumorale.

Recommandations canadiennes pour les glioblastomes récidivants

La prise en charge d’un GBM récidivant peut faire appel à différentes combinaisons de traitements, notamment l’exérèse chirurgicale chez certains patients, la chimiothérapie avec divers agents ou la reprise du traitement par le TMZ, seul ou en association.

Chirurgie

Selon les recommandations canadiennes actuelles, l’exérèse chirurgicale d’un GBM récidivant devrait être envisagée lorsque le patient a un indice fonctionnel approprié et que ses fonctions cognitives et autres sont préservées. Dans de nombreux cas, cette ré-intervention peut diminuer la consommation de corticostéroïdes et ralentir l’apparition des troubles neurologiques ou amoindrir leur expression. Il faut néanmoins noter qu’il n’existe encore aucune preuve de niveau 1 en faveur d’une deuxième exérèse chirurgicale, puisqu’aucun essai clinique randomisé avec groupes parallèles n’a encore comparé la reprise de la chirurgie avec une autre modalité de traitement, comme la chimiothérapie, chez des patients présentant un glioblastome récidivant. Néanmoins, les neurochirurgiens et les oncologues s’entendent à l’unanimité pour dire que l’intervention chirurgicale peut être appropriée dans les cas où l’on peut intervenir en toute sécurité pour procurer un soulagement des symptômes ou obtenir des informations complémentaires – par exemple, pour différencier une pseudoprogression d’une progression réelle (Mason et al. Curr Oncol 2007;14[3]:110-7).

Chimiothérapie

Ainsi que nous l’avons déjà mentionné, il n’y a pas actuellement de recommandations concernant l’utilisation de la chimiothérapie dans le glioblastome récidivant. Dans notre centre, chaque fois que c’est possible, nous proposons au patient de participer à un essai clinique. Lorsque ce n’est pas possible, pour des raisons médicales ou pratiques (par exemple, des difficultés d’accès aux essais cliniques), plusieurs options thérapeutiques sont envisageables, comme le TMZ à faible dose en prise continue, les nitrosourées, l’étoposide, le carboplatine, l’irinotécan, l’imatinib ou le bevacizumab.

Notre premier choix thérapeutique face à un GBM récidivant est en général le TMZ à faible dose en prise continue (50 mg/m2, 28 j/28, par cycle de 28 jours). Lors de l’assemblée annuelle de l’ASCO (American Society of Clinical Oncology) en 2008, Perry et ses collaborateurs ont rapporté les résultats des 90 patients pour lesquels les données de suivi dans l’étude RESCUE étaient disponibles. Avec du TMZ en prise continue, la probabilité de SSP à six mois s’est établie à 28,6 % chez les sujets ayant subi une récidive précoce (pendant les trois à six premiers mois du traitement adjuvant par TMZ), à 9,5 % chez ceux dont la récidive est survenue plus tardivement pendant le traitement adjuvant (après au moins six mois de traitement) et à 30,4 % chez les patients dont la récidive survenait après la fin du traitement adjuvant. La régulation épigénétique par méthylation du promoteur du gène de la MGMT a été associée à un allongement de la survie chez des patients présentant un GBM et traités par chirurgie et radiochimiothérapie à base de TMZ (Hegi et al. N Engl J Med 2005;252:997-1003). On vérifie actuellement quel pourrait être le rôle de la méthylation du promoteur du gène de la MGMT dans la réponse obtenue avec de faibles doses de TMZ au cours de l’essai RESCUE.

Pour les patients qui ne peuvent pas participer à un essai clinique, l’association de procarbazine et de TMZ est une autre option thérapeutique (Huang et al.Can J Neurol Sci 2008;35[2]:192-7).Le bevacizumab combiné à un autre agent cytotoxique en est une autre pour ceux qui peuvent se le permettre (Vredenburgh et al. J Clin Oncol 2007;25[30]:4722-9). À ce jour, ni les provinces ni les territoires ne paient pour le bevacizumab dans le traitement de première ni même de deuxième intention du GBM ou de tout autre type de tumeur cérébrale. Cet agent est donc réservé aux patients qui possèdent soit un tiers payant privé, soit une assurance privée, ou bien il est approuvé au cas par cas pour des raisons humanitaires.

L’accès au TMZ est très variable d’un bout à l’autre du Canada (Khoo et al. Cancer Drug Access, Part 3, The New Wave of Cancer Drugs, Report Card on Cancer in Canada, 2007, 40-52, www.canceradvocacy.ca). En Alberta, les patients qui souffrent d’un GBM reçoivent une radiochimiothérapie à base de TMZ, puis un traitement adjuvant comportant un maximum de six cycles de TMZ, selon le protocole de Stupp et al. (N Engl J Med 2005;352:987-96). Au Québec, après consultation avec les médecins, les patients peuvent continuer à recevoir du TMZ aussi longtemps que leur tumeur est sensible à ce traitement.

En plus de l’association TMZ/procarbazine déjà mentionnée, d’autres schémas thérapeutiques ont été explorés pour le traitement du GBM récidi
Tableau 1. Schémas thérapeutiques dans le glioblastome récidivant

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En dépit du recours généralisé à une chimiothérapie intensive en cas de glioblastome récidivant, un peu moins du tiers des patients répondent au traitement (Brandes et al. Crit Rev Oncol Hematol 2008;67[2]:139-52). Les nitrosourées comme la carmustine (BCNU), la lomustine (CCNU) et la streptozocine, et les autres agents alkylants liposolubles comme le TMZ, constituent la base de la chimiothérapie utilisée en première intention dans le traitement du GBM récidivant après un traitement associant la chirurgie et la radiothérapie ou la radiochimiothérapie.

Toutes les associations à base de TMZ étudiées ont donné des résultats similaires :

• Le TMZ associé au cisplatine (complexe de platine) a permis un taux de SSP à six mois de 34 % au cours d’une étude.

• Le TMZ associé au marimastat (inhibiteur des métalloprotéinases matricielles) a permis un taux de SSP à six mois de 39 %et une durée médiane de SSP de 17 semaines.

• Le TMZ associé à l’acide 13-cis-rétinoïque a permis un taux de SSP à six mois de 32 % et une durée médiane de SSP de 16 semaines (Brandes et al.).

Reprise de l’irradiation

On ne fait pas mention de la reprise de l’irradiation pour le traitement des récidives de glioblastomes dans les recommandations canadiennes, car les données cliniques à l’appui de cette pratique sont manquantes. La reprise de l’irradiation peut poser des problèmes techniques complexes et être à l’origine d’une toxicité bien plus marquée que la radiothérapie réalisée au moment du diagnostic (Brandes et al. Crit Rev Oncol Hematol 2008). Certes, les résultats d’essais portant sur une reprise de l’irradiation stéréotaxique et fractionnée ou sur l’association de la chirurgie et de la radiothérapie stéréotaxiques ont été publiés, mais ces essais n’étaient pas comparatifs et leurs résultats ont pu être faussés par des biais de sélection (Wen PY, Kesari S. N Engl J Med 2008;359:492-507). La reprise de l’irradiation ne peut être envisagée que chez des patients triés sur le volet, dont la récidive tumorale se trouve en dehors du champ d’irradiation initial. Problèmes

Problèmes de classification histopathologique des tumeurs

La prise en charge des patients qui présentent un glioblastome récidivant est très individualisée et doit être adaptée en fonction de plusieurs facteurs, dont l’histologie et la génétique moléculaire de la tumeur, qui aident le médecin à établir un diagnostic et un pronostic plus précis.

Cependant, l’hétérogénéité bien connue des gliomes et des glioblastomes rend le diagnostic et la classification anatomopathologique difficiles. Si, au cours de l’intervention chirurgicale, on envoie une petite partie seulement de la tumeur en anatomopathologie, il est possible que l’on passe à côté d’une tumeur de haut grade et que le patient reçoive un traitement insuffisant.

En d’autres mots, il est possible qu’après l’examen anatomopathologique, on conclue à une tumeur de grade III, selon la classification de l’OMS, alors qu’en fait, dans une zone non analysée, il existe des caractéristiques plus typiques d’un GBM. Cette distinction est importante, car les données cliniques et notre expérience montrent qu’il est préférable d’associer du TMZ à la radiothérapie en présence d’un GBM.

Par ailleurs, chez certains patients, alors que l’examen anatomopathologique confirme une tumeur de grade III, les examens radiographiques montrent des signes caractéristiques plutôt évocateurs de glioblastomes plus agressifs, soulignent Burnet et ses collaborateurs, University of Cambridge, Royaume-Uni, qui nomment gliomes de grade III/IV les tumeurs de cette catégorie (Radiother Oncol 2007;85:371-8). Afin de déterminer si le pronostic des patients qui présentaient ce type de tumeur était différent de celui des patients dont les caractéristiques tumorales étaient plus proches des critères habituels, ils ont mené une étude rétrospective regroupant tous les patients de leur centre traités pour un gliome de haut grade par radiothérapie radicale.

L’étude regroupait 245 patients dont 52 avaient une tumeur de grade III, 18 une tumeur de grade III/IV et 175 un GBM. Les auteurs ont analysé les résultats à l’aide du modèle de régression des hasards proportionnels de Cox afin d’évaluer les groupes parallèlement aux courbes de Kaplan-Meier.

Ils n’ont pas retrouvé de différence significative en termes de survie entre les groupes grade III/IV et GBM, alors que les patients du groupe grade III/IV avaient un risque de mortalité presque quatre fois supérieur à celui du groupe grade III (taux de risque de 3,7; intervalle de confiance à 95 % : 1,9-7,0).

Les 18 tumeurs de grade III/IV présentaient des critères d’agressivité à l’examen anatomopathologique rétrospectif, et sept d’entre elles avaient une composante oligodendrogliale, avec à la fois une nécrose et une prolifération de la microvascularisation, deux caractéristiques que l’on retrouve également dans les GBM. Pour les huit tumeurs les plus récemment diagnostiquées, on disposait de la technique du compte de marqueurs de prolifération tumorale MIB-1. Le pourcentage de cellules exprimant ce marqueur atteignait 14 % dans tous les cas (on peut suspecter un GBM à partir de 14 %) et était supérieur ou égal à 30 % dans la moitié des cas.

Ces résultats semblent indiquer que, chez les patients qui présentent une tumeur de grade III sur la base de l’examen histologique, mais dont les clichés radiographiques sont évocateurs d’une tumeur plus agressive, on doit envisager, en accord avec le patient et après consultation de l’ensemble de l’équipe interdisciplinaire qui le prend en charge, d’associer le TMZ à la radiothérapie, puis de poursuivre le TMZ en traitement adjuvant.

Résumé

Les améliorations progressives apportées au traitement des GBM récidivants ont permis une augmentation significative bien que modeste de la durée de vie des patients ainsi que du délai de progression tumorale. Les essais cliniques portant sur de nouveaux agents ciblés de même que de nouvelles modalités d’administration des agents existants (comme la prise continue de TMZ) offrent les meilleures perspectives de progrès et représentent une lueur d’espoir pour nos patients souffrant d’un gliome de haut grade.

REPRISE DU TRAITEMENT PAR LE TÉMOZOLOMIDE EN SITUATION DE RÉCIDIVE : STRATÉGIES POSOLOGIQUES

Commentaire éditorial :

James R. Perry, MD, FRCPC

Directeur, Département de neurologie, Chaire de recherche Tony Crolla sur les tumeurs cérébrales, Sunnybrook Health Sciences Centre, Professeur agrégé de médecine, University of Toronto, Toronto (Ontario)

Les résultats d’une étude rétrospective récente et les résultats préliminaires d’un essai non comparatif de phase II témoignent du bénéfice que pourrait apporter la prise quotidienne continue de témozolomide (TMZ), y compris chez des patients déjà exposés à cet agent alkylant. Le défi est de parvenir à une administration continue prolongée qui puisse renforcer l’efficacité du TMZ dans la lutte contre les gliomes récidivants. Les données de deux études rétrospectives ont montré que le taux de survie sans progression (SSP) à six mois chez des patients traités par du TMZ en prise continue à 50 mg/m2/jour atteignait environ 50 % après une première récidive tumorale et 42 % après une deuxième récidive. Les résultats d’un essai clinique en cours sont similaires. L’idée de reprendre le traitement par du TMZ au moment de la récidive semble donc offrir les premiers espoirs d’un allongement de la SSP chez ces patients porteurs de tumeurs agressives.

Reprise du traitement en cas d’échec

Le TMZ, agent alkylant oral, a permis une SSP significativement meilleure que la procarbazine chez des patients souffrant d’un glioblastome récidivant ou en progression, et le taux de SSP à six mois frôlait les 50 % (Hou et al. Neurosurg Focus 2006;20[4]:E5).

De même, les taux de survie à deux ans et à quatre ans étaient élevés chez les patients porteurs d’un glioblastome multiforme (GBM) traités en première intention par du TMZ en association avec la radiothérapie (Stupp et al. N Engl J Med 2005:352:987-96; Mirimanoff et al. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2007:69[suppl 5]:52).

Cependant, le GBM demeure une maladie réfractaire et, malgré un traitement intensif, la progression tumorale est presque inévitable dans un délai assez court. Les traitements de deuxième intention – nitrosourées, carboplatine, étoposide, irinotécan, ou une association de ces agents – ont une efficacité plutôt limitée et, dans le meilleur des cas, de durée modeste.

Pour les oncologues, qui ont l’habitude de changer d’agent thérapeutique lorsque leur traitement de première ou de deuxième intention, initialement efficace, finit par échouer, il semble tout à fait illogique d’envisager un nouveau schéma thérapeutique comportant un agent qui a précédemment «failli à la tâche». Pourtant, on dispose d’éléments cliniques troublants, bien que préliminaires, à l’appui de l’hypothèse selon laquelle le TMZ administré de manière prolongée serait efficace chez les patients porteurs d’un gliome malin récidivant (Perry et al. Cancer 2008;113:2152-7).

Justification thérapeutique

On ne dispose pas à ce jour de traitement de seconde intention standard pour les gliomes malins qui récidivent après la radiochimiothérapie initiale à base de TMZ. Le bien-fondé de la décision de changer de schéma de traitement ou de réutiliser le TMZ en prise continue après l’échec de cet agent dans le schéma classique dépend de plusieurs facteurs dont l’action du TMZ sur la O-6-méthylguanine-ADN méthyltransférase (MGMT), enzyme de réparation de l’ADN. Étrangement, il ressort d’études préliminaires que la chimiothérapie, administrée de manière quotidienne et continue, pourrait exercer une action antiangiogénique, en inhibant la réparation de l’endothélium au niveau de la microvascularisation et en supprimant la mobilisation et l’activité des cellules endothéliales précurseurs circulantes dérivées de la moelle osseuse.

Contrairement à d’autres agents que l’on utilise en première intention et/ou en traitement de sauvetage en cas de récidive de GBM, le TMZ peut être administré de manière efficace et en toute sécurité selon plusieurs schémas posologiques, ce qui en fait un agent de premier choix dans les gliomes récidivants.

Expérience clinique

Nous avons passé en revue notre expérience concernant le TMZ en prise continue à 50 mg/m2/jour chez des patients présentant un GBM en progression après chimiothérapie standard par le TMZ. Le TMZ était administré quotidiennement à trois groupes de patients porteurs d’un gliome malin :

• Groupe 1 : 21 patients, âgés de 33 à 68 ans (âge médian de 54 ans), présentant un deuxième épisode de progression tumorale. Initialement, ils étaient porteurs d’un GBM histologiquement localisé et avaient été traités par chirurgie et radiothérapie externe standard avant que la radiochimiothérapie à base de TMZ devienne le traitement habituel dans notre centre. Ils ont donc d’abord reçu le TMZ selon un schéma standard puis, au moment de la reprise de la progression tumorale, on leur a proposé le TMZ en prise continue.

• Groupe 2 : 14 patients, âgés de 38 à 62 ans (âge médian de 54 ans), porteurs d’un GBM en première récidive après la fin du traitement standard (chirurgie, puis radiochimiothérapie à base de TMZ, puis TMZ en traitement adjuvant).

• Groupe 3 : 14 patients âgés de 34 à 56 ans (âge médian de 49 ans), présentant une deuxième récidive d’un autre type de gliome anaplasique que le GBM alors qu’ils étaient traités par TMZ selon un schéma standard.

Au moment du deuxième épisode de progression tumorale, les patients du groupe 1 avaient reçu un nombre médian de trois cycles de TMZ (extrêmes : deux et 12). Ils ont alors été traités par le TMZ en prise continue à 50 mg/m2/jour jusqu’à la reprise de la progression. Chez ces patients, le taux de bénéfice clinique global – paramètre mixte comprenant les réponses complètes, les réponses partielles et la stabilisation de la maladie – était de 47 % et le taux de SSP à six mois, de 17 %.

Dans le groupe 2, les patients avaient reçu au départ une radiochimiothérapie à base de TMZ et au moins six cycles de traitement adjuvant. Ils ont reçu le traitement par TMZ continu au moment de la progression, laquelle est survenue après une durée médiane d’environ trois mois au terme du TMZ adjuvant (extrêmes : deux et 10 mois). Le traitement, administré à la dose de 50 mg/m2/jour pendant un nombre médian de cinq cycles, a permis une réponse partielle chez deux patients (14 %) et une stabilisation de la maladie chez neuf patients (64 %). Le taux de SSP à six mois à partir du premier épisode de progression était de 57 %.

Le TMZ en prise continue était administré aux patients du groupe 3 (autres gliomes anaplasiques en deuxième récidive) au moment du premier épisode de progression et jusqu’à l’épisode suivant. Tous avaient d’abord été traités par chirurgie et radiothérapie, puis par du TMZ adjuvant. Deux patients ont présenté une réponse partielle (14 %) et six une stabilisation de la maladie (43 %). Le taux de bénéfice clinique global était de 57 %, et le taux de SSP à six mois à partir de la deuxième récidive, de 42 %.

La seule toxicité observée pendant l’administration du TMZ en prise continue était hé
lement une lymphopénie, mais aucun épisode de grade 4 n’a été rapporté (Tableau 1) (Perry et al. Cancer 2008).

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Étude RESCUE

Les résultats encourageants de l’étude rétrospective nous ont motivés à étudier l’efficacité du TMZ en prise continue pendant au plus un an, au cours d’un essai de phase II regroupant des patients porteurs d’un gliome de haut grade en échec de traitement par le TMZ administré selon le schéma habituel, c’est-à-dire cinq jours par cycle de 28 jours.

L’essai se déroulait en deux étapes et les patients ne pouvaient accéder à l’étape ultérieure qu’à la condition qu’au moins un des 15 patients inclus ait atteint six mois de SSP.

Les patients présentaient une première récidive de GBM après une radiochimiothérapie standard associant une irradiation de 60 Gy en 30 séances et du TMZ à 75 mg/m2 pendant six semaines, suivie par du TMZ, de 150 à 200 mg/m2 administré cinq jours sur 28, en traitement adjuvant.

Trois groupes de patients ont été identifiés a priori :

• Groupe B1 : échec précoce sous TMZ adjuvant (entre trois et six mois de traitement).

• Groupe B2 : échec plus tardif sous TMZ adjuvant (plus de six mois de traitement). Parmi ces patients, certains prenaient du TMZ depuis plus de trois ans.

• Groupe B3 : échec après la fin d’un traitement adjuvant par le TMZ d’au moins six mois.

Ces groupes ont été constitués à des fins d’analyses séparées, car on pensait qu’il pouvait exister des différences biologiques entre les patients et que l’efficacité du TMZ pouvait varier en fonction de l’exposition antérieure à cet agent. Un quatrième groupe réunissait les patients porteurs d’un gliome anaplasique et qui avaient déjà reçu au moins deux cycles de TMZ selon le schéma classique.

Le paramètre principal était le taux de SSP à six mois. Les paramètres secondaires étaient notamment le taux de réponse objective, le taux de survie globale à 12 mois, la corrélation entre l’efficacité et la durée de l’exposition antérieure au TMZ et l’innocuité.

Au total, 120 patients – 30 par groupe – ont été recrutés dans 12 centres de partout au Canada. Une analyse préliminaire des résultats obtenus chez les 90 premiers patients a été présentée au congrès annuel de l’ASCO (American Society of Clinical Oncology) à Chicago, Illinois, en juin 2008 (Perry et al. ASCO 2008, résumé 2010).

Le taux de SSP à six mois pour les patients qui récidivaient pendant le traitement adjuvant par le TMZ était de 28,6 % dans le groupe B1 (échec précoce) et de 9,5 % dans le groupe B2 (échec plus tardif). Pour ceux qui avaient terminé le traitement adjuvant (groupe B3), le taux de SSP à six mois était de 30,4 % et pour les patients du groupe gliomes anaplasiques, de 42,1 %. La SSP à six mois, tous groupes confondus, était de 24 %.

La toxicité non hématologique n’a pas été sévère, aucun cas de toxicité de grade 4 n’ayant été rapporté. Les événements de grade 3 (chaque événement ayant été rapporté chez deux patients) étaient les suivants : fatigue, céphalées, faiblesse musculaire, convulsions, aphasie et épisodes de confusion. La toxicité hématologique s’est traduite essentiellement par une lymphopénie qui a touché environ la moitié des patients, et a atteint le grade 3 chez 3 % d’entre eux. Malgré cette fréquence, aucune infection opportuniste n’a été rapportée par les chercheurs en juin 2008 malgré l’absence de traitement prophylactique contre la pneumopathie à Pneumocystis carinii.

L’étude RESCUE se poursuit

L’étude RESCUE se poursuit et l’on attend les résultats de la SSP à six mois des derniers patients ainsi que les chiffres de survie globale. Les prochains axes de recherche comprennent la poursuite de l’exploration d’autres schémas à base de TMZ et l’analyse du statut des tumeurs vis-à-vis de la MGMT. La modélisation de l’activité potentiellement antiangiogénique de ces schémas de traitement doit également être entreprise. De plus, on devra réaliser des essais comparatifs afin de valider l’efficacité des schémas de traitement prolongé par le TMZ par rapport à d’autres agents.

GLIOBLASTOME MULTIFORME : TOUR D’HORIZON DES ESSAIS CLINIQUES EN COURS

Commentaire éditorial :

Warren P. Mason, MD, FRCPC

Directeur médical, The Gerry & Nancy Pencer Brain Tumor Centre, UHN-Princess Margaret Hospital, Professeur agrégé de médecine, University of Toronto, Toronto (Ontario)

Le pronostic effroyable des gliomes de haut grade récidivants rend indispensables les innovations thérapeutiques visant à allonger la durée de vie des patients tout en leur assurant une assez bonne qualité de vie. Parmi les schémas de traitement à l’étude, deux sont bien tolérés et semblent efficaces : un schéma intensif avec administration de témozolomide (TMZ) une semaine sur deux, et un schéma associant radiothérapie hypofractionnée accélérée avec modulation d’intensité et TMZ en traitement concomitant puis adjuvant. D’autres solutions sont également explorées, notamment des agents antiangiogéniques et de nouveaux composés thérapeutiques.

En dépit d’une résection chirurgicale étendue, de la radiothérapie et de la chimiothérapie, la majorité des glioblastomes multiformes (GBM) récidivent, le délai médian entre la radiothérapie associée au TMZ et la progression atteignant 6,9 mois (Wen PY, Kesari S. N Engl J Med 2008;359:492-507). Le pronostic très sombre de ces récidives motive la réalisation presque incessante d’essais cliniques dont l’objectif est d’évaluer les nouveaux traitements et de perfectionner les traitements de première intention
ir de prévenir ou, à tout le moins, de différer les récidives, et d’allonger à la fois la survie sans progression (SSP) et la survie globale (SG) (Tableau 1).

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Essais sur l’utilisation d’agents existants en première intention

Témozolomide

Hormis un essai rétrospectif récent qui évaluait une nouvelle tentative de traitement par le TMZ en prise continue chez des patients présentant un glioblastome récidivant, les stratégies à l’étude portent plutôt sur la recherche de nouvelles posologies du TMZ pour le traitement en première intention des glioblastomes.

Le Dr Stefano Dall’Oglio, Ospedale Civile Maggiore, Vérone, Italie, et ses collaborateurs ont publié les résultats d’un essai de phase II portant sur l’efficacité du TMZ administré une semaine sur deux, après une intervention chirurgicale suivie d’une radiochimiothérapie, dans le traitement de première intention des gliomes de haut grade. Trente-quatre patients (21 hommes, 13 femmes) âgés de 30 à 70 ans (âge moyen de 53 ans), dont 32 porteurs d’un GBM et deux porteurs d’un astrocytome anaplasique, ont été admis à cet essai. Tous ont été opérés, puis ont reçu une radiochimiothérapie. Après quatre semaines sans traitement, les patients recevaient 75 mg/m2 de TMZ au premier cycle, 100 mg/m2 au deuxième, 125 mg/m2 au troisième, puis 150 mg/m2 du quatrième au 12e cycle, chaque cycle de deux semaines comprenant une semaine de traitement suivie d’une semaine sans traitement. La toxicité hématologique était évaluée chaque semaine pendant la période de radiochimiothérapie, puis toutes les quatre semaines.

Les résultats ont montré que 12 mois après la radiothérapie, le taux de survie globale était de 59 % et la médiane de survie, de 13 mois. Parmi les 34 patients de l’étude, six ont présenté une toxicité hématologique : quatre neutropénies de grade 1, une thrombocytopénie de grade 2 et une thrombocytopénie de grade 4 associée à une thrombopénie de grade 1. Un patient a développé une pneumonie à Pneumocystis carinii mais aucune autre infection opportuniste n’a été signalée. Selon les auteurs, ces résultats semblent encourageants pour les patients qui ont un gliome de haut grade et des facteurs pronostiques favorables (RPA [recursive partitioning analysis] de classe I) (Dall’Oglio et al. J Neurooncol 8 août 2008; publié en ligne avant impression).

Radiothérapie hypofractionnée accélérée avec modulation d’intensité

Des chercheurs de l’Université McGill, Montréal, Québec, ont mis en place un protocole de traitement de première intention des GBM en vertu duquel les patients reçoivent une radiothérapie hypofractionnée accélérée avec modulation d’intensité et du TMZ en traitement concomitant puis adjuvant.

La radiothérapie durait quatre semaines et comportait 20 séances d’irradiation incluant une surimpression intégrée de telle sorte qu’une dose totale de 60 Gy était délivrée au pourtour du volume tumoral macroscopique et 40 Gy au volume cible prévisionnel. Le TMZ était administré pendant et après la radiothérapie selon le protocole de Stupp (N Engl J Med 2005;352:987-96).

L’analyse rétrospective des résultats a montré qu’après un suivi d’une durée médiane de 12,6 mois, 29 (82,8 %) des 35 patients traités selon ce protocole avaient terminé la radiochimiothérapie et, parmi eux, 25 (71,4 %) avaient reçu en plus un nombre médian de quatre cycles de TMZ en traitement adjuvant. La médiane de survie globale était de 14,4 mois et la médiane de survie sans récidive, de 7,7 mois. La médiane de survie était significativement meilleure en cas d’exérèse partielle ou complète de la tumeur qu’en cas de biopsie seule (16,1 vs 7,1 mois respectivement, p=0,035).

Le statut de la tumeur quant à la méthylation du promoteur du gène O-6-méthylguanine-ADN méthyltransférase (MGMT) faisait également une différence. En effet, les patients dont la tumeur exprimait un promoteur méthylé avaient une survie médiane de 14,4 mois vs 8,7 mois pour ceux dont la tumeur exprimait un promoteur non méthylé (p=0,049). Les échecs de traitement se traduisaient par des récidives essentiellement locales, à l’intérieur d’un volume dont les limites ne dépassaient pas de plus de deux centimètres les limites du volume tumoral macroscopique initial.

Le traitement semblait très bien toléré puisqu’un seul patient a présenté des signes de toxicité de grade 3-4 (nausées et vomissements pendant l’administration adjuvante de TMZ).

Les auteurs précisent que les facteurs pronostiques étaient défavorables (RPA de classe V ou VI) pour 75 % des patients et que, malgré cela, la survie médiane à l’issue de l’étude était comparable à celle qu’on observe au décours d’un schéma standard associant radiothérapie fractionnée et TMZ (Panet-Raymond et al. Int J Radiat Oncol Biol Phys 11 juin 2008; publié en ligne avant impression).

Essais cliniques sur les agents antiangiogéniques dans les glioblastomes récidivants

L’antiangiogénèse est certainement le domaine dans lequel la recherche clinique sur la prévention et le traitement des glioblastomes récidivants est la plus active. Les agents qui ciblent les facteurs de croissance vasculaires ou leurs récepteurs font actuellement l’objet d’essais cliniques de phase intermédiaire ou avancée.

Cediranib

Le cediranib (AZD2171) est un puissant inhibiteur oral de tyrosine kinase des récepteurs du VEGF (vascular endothelial growth factor), qui inhibe spécifiquement les récepteurs 1, 2 et 3 du VEGF. Lors d’un essai de phase II regroupant 31 patients présentant un GBM récidivant après un traitement associant radiothérapie, chirurgie et chimiothérapie, le taux de SSP à six mois sous cediranib était de 25,8 % vs 15 % chez des témoins historiques, rapporte la Dre Tracy Batchelor, Massachusetts General Hospital, Boston, au congrès annuel 2008 de l’AACR (American Association for Cancer Research). La durée médiane de SG était de 221 jours et la durée médiane de SSP, de 117 jours (Batchelor et al. AACR 2008, résumé LB-247).

Ces chercheurs avaient déjà observé que la cible principale du cediranib, le VEGFR-2, était exprimée au niveau de l’endothélium vasculaire des glioblastomes. L’an dernier, la Dre Bachelor et ses collaborateurs ont pu visualiser, grâce à des modalités particulières d’IRM, la normalisation prolongée, quoique réversible, de la vascularisation de glioblastomes récidivants après l’administration d’une dose quotidienne de cediranib. L’effet sur les vaisseaux tumoraux durait au moins quatre semaines et pouvait persister jusqu’à quatre mois. Le cediranib a également permis de diminuer l’œdème cérébral (Batchelor et al. Cancer Cell 2007;11[1]: 83-95).

Bevacizumab

Le bevacizumab est un anticorps monoclonal humanisé de type IgG1 qui se fixe au VEGF-A humain et inhibe son action biologique. Au Canada, il est homologué pour le traitement des cancers métastatiques du côlon ou du rectum en association avec une chimiothérapie à base de fluoropyrimidine.

En 2007, le Dr James J. Vrendenburgh, Duke University, Durham, Caroline du Nord, et ses collaborateurs ont publié les résultats d’un essai de phase II qui étudiait l’efficacité du bevacizumab en association avec l’irinotécan, inhibiteur de la topoisomérase I, dans le traitement des gliomes récidivants de stade III-IV chez 32 adultes, dont 23 avaient une tumeur de stade IV. Les patients recevaient 10 mg/kg de bevacizumab et 340 ou 125 mg/m2 d’irinotécan (selon qu’ils prenaient ou non un traitement antiépileptique inducteur enzymatique) une fois toutes les deux semaines pendant un cycle de six semaines. La durée médiane de SSP était de 20 semaines dans le groupe gliome de stade IV et de 30 semaines dans le groupe gliome de stade III (SSP globale : 23 semaines). Les taux de SSP à six mois et de SG à six mois s’élevaient respectivement à 38 et 72 %. Aucune hémorragie du SNC n’a été rapportée; par contre, on a signalé trois cas de thrombose veineuse profonde ou d’embolie pulmonaire et un cas d’AVC ischémique (Vrendenburgh et al. Clin Cancer Res 2007;13[4]:1253-9).

Au décours d’un essai de phase II randomisé et non comparatif portant sur le bevacizumab seul ou en association avec l’irinotécan, Cloughesy et ses collaborateurs de plusieurs centres aux États-Unis ont rapporté des résultats favorables dans les deux groupes en termes de SSP à six mois et de SG à six mois de même qu’un bénéfice supplémentaire lié à la réduction de la consommation de corticostéroïdes. Quatre-vingt-cinq patients ont reçu le bevacizumab seul et 82 patients, le traitement d’association. La durée médiane de SG était de 9,2 mois dans le groupe bevacizumab seul vs 8,7 mois dans le groupe traitement d’association, le taux de SSP à six mois de 42,61 vs 50,2 %, respectivement, et le délai médian de survenue de la récidive de 5,6 vs 4,3 mois, respectivement. Les effets indésirables de grade 3 ou 4 incluaient des thromboembolies veineuses (trois patients sous bevacizumab vs sept sous traitement d’association) et des infections (huit vs 11 patients, respectivement). Les autres effets indésirables concernaient un ou deux patients dans chaque groupe : événements thromboemboliques artériels, complications au niveau de la cicatrisation des plaies, protéinurie (un patient sous bevacizumab seul), et hémorragies (deux patients sous traitement d’association) (Cloughesy et al. ASCO 2008, résumé 2010b).

Les autres stratégies

La recherche de traitements plus efficaces et moins toxiques pour les GBM récidivants avance vite. Aux Pays-Bas, Neyns et ses collaborateurs étudient le sunitinib, petite molécule qui inhibe les récepteurs du VEGF et d’autres récepteurs à tyrosine kinase. Cet agent s’est montré actif contre les adénocarcinomes à cellules claires du rein et les tumeurs stromales gastro-intestinales; cependant, les résultats préliminaires dans les gliomes de haut grade sont sous-optimaux.

D’autres stratégies ont été explorées : l’administration améliorée par convexion, directement au contact de la tumeur, de toxine diphtérique ou d’exotoxine de Pseudomonas; la reprise de l’irradiation; ou encore, l’utilisation d’agents ayant fait preuve de leur efficacité contre d’autres tumeurs, en laboratoire ou en pratique clinique, comme les inhibiteurs de mTOR (temsirolimus et évérolimus) ou d’autres inhibiteurs de tyrosine kinase (imatinib, erlotinib et géfitinib). Cependant, aucun de ces agents ou stratégies n’a permis d’approcher, même de loin, les résultats des traitements utilisés actuellement. La recherche continue.

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