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Traitements ciblés dans les GIST et les CCR métastatiques

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - ECCO-17 – 38e Congrès multidisciplinaire de l’ESMO

Amsterdam, Pays-Bas / 27 septembre-1er octobre 2013

Amsterdam - Les tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST) sont des sarcomes des tissus mous rares, mais elles se traitent. Contrairement à d’autres cancers digestifs, plus de 85 % des GIST expriment l’oncogène KIT. Souvent, les traitements qui ciblent l’activité tyrosine kinase de KIT stabilisent la maladie pendant plusieurs années, mais la maladie finit par devenir résistante avec le temps et se met à progresser rapidement. Un inhibiteur multikinase s’est récemment révélé capable de prolonger la survie sans progression (SSP) comparativement à un placebo dans le traitement des GIST métastatiques. Ce même inhibiteur multikinase administré en monothérapie a également été associé à une prolongation de la survie globale et de la SSP dans le cancer colorectal métastatique (CCRm). D’autres démarches ciblées à l’étude dans le traitement du CCRm connaissent également un certain succès.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

En médecine moléculaire, les tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST) sont des cibles privilégiées. L’activation incontrôlée de kinases mutées sous-tend plus de 85 % des GIST, ce qui en fait des cibles parfaites pour les traitements agissant sur les voies activées par les mutations de KIT ou de PDGFRA. KIT est un récepteur de facteur de croissance associé à une activité tyrosine kinase qui, lorsqu’il est muté, peut donner lieu à la formation d’une GIST. Dans les GIST KIT-négatives, c’est une mutation du gène codant pour le PDGFRA qui est la plus probable. Par le passé, l’espérance de vie des patients porteurs d’une GIST métastatique était d’au plus 1 an.

L’arrivée de l’imatinib a modifié ce pronostic. L’imatinib – qui cible la fonction tyrosine kinase activée de KIT et de PDGFRA mutés – est devenu le traitement de référence pour les GIST non résécables. Une fois la maladie stabilisée à l’aide d’un inhibiteur de l’activité tyrosine kinase (ITK), la maîtrise tumorale à long terme est souvent un objectif réaliste. Néanmoins, comme le soulignent Siehl et al. (Recent Results Cancer Res. 2007;176:145-51), la résistance à l’imatinib survient après une médiane de 18 à 26 mois.

Lorsque la tumeur devient résistante à l’imatinib, il est recommandé de doubler la dose de l’imatinib (de 400 à 800 mg/jour); en cas de non-réponse à l’augmentation de la dose, on doit se tourner vers le sunitinib, un autre ITK. En général, la réponse au sunitinib est moins robuste, et la plupart des GIST progressent en moins de 1 an. Jusqu’à tout récemment, les patients porteurs d’une GIST avancée qui était devenue résistante à la fois à l’imatinib et au sunitinib se heurtaient à une impasse, et leur tumeur se mettait à progresser rapidement.

Le régorafenib est un inhibiteur multikinase qui agit sur un certain nombre de voies de signalisation outre KIT et PDGFR. Parmi ces voies, certaines alimentent la croissance tumorale et d’autres facilitent la prolifération de la tumeur et la dissémination des métastases, d’où la progression de la GIST.

L’essai GRID

L’essai GRID (GIST – Regorafenib in Progressive Disease) a objectivé l’activité d’un inhibiteur multikinase. Cet essai – dont les résultats ont été publiés récemment dans The Lancet (2013;381:295-302) – regroupait 199 patients porteurs d’une GIST métastatique ou non résécable qui avait progressé après des traitements par l’imatinib et le sunitinib, et plus de 43 % des sujets avaient déjà reçu plus de deux traitements. Les patients recevaient par voie orale du régorafenib à raison de 160 mg/jour ou un placebo pendant les 3 premières semaines de chaque cycle de 4 semaines.

Comme le soulignent Demetri et ses collaborateurs, la médiane de survie sans progression (SSP) a atteint 4,8 mois sous traitement actif, par comparaison à 0,9 mois sous placebo, ce qui représente une augmentation statistiquement significative (p<0,0001) de la SSP (diminution de 73 % du risque relatif) en faveur du traitement actif. «Les gènes codant pour KIT ou PDFRA agissent sur la vaste majorité des GIST, et tous les agents efficaces dans le traitement des GIST – y compris le régorafenib – visent ces deux cibles», expliquait le Dr Jean-Yves Blay, professeur titulaire d’oncologie médicale, Université Claude Bernard, Lyon, France, lors d’une interview. Chez les sujets de l’essai GRID qui recevaient le traitement actif, les effets indésirables (EI) les plus fréquents, tous grades confondus, ont été l’hypertension (49 %), le syndrome mains-pieds (56 %), la fatigue (39 %) et la diarrhée (41 %).

Lorsqu’ils se sont penchés sur le moment où étaient apparus les EI (résumé 3827), les chercheurs ont noté que «les EI les plus fréquents sous régorafenib survenaient surtout en début de traitement, si bien que l’incidence était moindre dans les cycles ultérieurs, et la toxicité n’était pas cumulative», précise le Dr Blay. Le syndrome mains-pieds a été le plus sérieux de tous les EI de cette approche thérapeutique ciblée.

De l’avis du Dr Blay, le meilleur moyen de traiter le syndrome mains-pieds est de réduire la dose. «Le message à retenir ici est que nous devons faire preuve de flexibilité, insiste-t-il. Il ne faut pas s’entêter à prescrire 160 mg/jour et ne jamais déroger à cette pratique; nous devons au contraire nous adapter, voir les patients souvent et nous assurer qu’ils se sentent assez bien pour continuer de prendre le médicament.»

CCR métastatique

Dans le cadre de l’essai de phase III CORRECT (résumé 2156), des patients atteints d’un cancer colorectal métastatique (CCRm) ont reçu du régorafenib en monothérapie ou un placebo. Comme l’a noté au congrès le Dr Salvatore Siena, Ospedale Niguarda Cà Granda, Milan, Italie, le traitement actif a été associé à une amélioration relative de 22 % de la survie globale (SG) de même qu’à une amélioration d’environ 50 % de la SSP chez les patients sous traitement actif par rapport aux patients sous placebo (p=0,005 et p<0,001, respectivement). Comme il fallait s’y attendre, les EI étaient plus fréquents dans le groupe recevant l’inhibiteur multikinase.

Cela dit, les taux plus élevés d’EI observés chez les sujets de CORRECT sous traitement actif n’ont pas semblé nuire à leur qualité de vie (QdV). À l’aide du questionnaire d’évaluation de la QdV de l’Organisation européenne pour la recherche et le traitement du cancer (OERTC), les chercheurs ont noté un écart de seulement -1,9 entre les sujets traités et les témoins quant à l’état de santé perçu; or, pour être considérée comme cliniquement significative, la différence de score au questionnaire de l’OERTC doit être de 10 ou plus. De même, les chercheurs n’ont pas, avec le temps, noté d’écart entre les deux groupes quant à plusieurs dimensions du score EQ-5D, un autre instrument de mesure de l’état de santé.

Ainsi, malgré des taux plus élevés d’EI dans le groupe recevant l’inhibiteur multikinase, «il n’y avait pas, dans l’ensemble, de différence apparente entre les groupes quant à la QdV au fil du temps», conclut-il.

Dans un résumé qu’il a présenté en séance de dernière heure (LBA#17), le Dr Volker Heinemann, professeur titulaire d’oncologie médicale, Universität München, Munich, Allemagne, a présenté de nouvelles données émanant de l’analyse de l’effet de diverses mutations chez les sujets de FIRE-3 atteints d’un CCRm avec gène KRAS de type sauvage. Parmi les 592 patients évalués, au dire du Dr Heinemann et de ses collaborateurs, ceux qui souffraient d’un CCRm avec KRAS de type sauvage étaient plus susceptibles de bénéficier du cétuximab ajouté au schéma standard FOLFIRI (5-fluoro-uracile, leucovorine, irinotécan) que du bévacizumab, également ajouté au schéma FOLFIRI, en première intention dans les deux cas.

Chez les patients atteints d’un CCRm avec KRAS de type sauvage, la SG a été prolongée d’environ 7,5 mois, la médiane ayant atteint 33,1 mois sous cétuximab + FOLFIRI vs 25,6 mois sous bévacizumab + FOLFIRI. En revanche, on n’a noté aucun gain de SG supplémentaire chez les patients atteints d’un CCRm avec KRAS mutant qui avaient reçu le même schéma cétuximab + FOLFIRI, par comparaison à ceux qui avaient le schéma contenant du bévacizumab (médiane de 19,1 mois vs 20,6 mois, respectivement).

Des améliorations supplémentaires de la SG et de la SSP ont été rapportées sous aflibercept + FOLFIRI dans la population en intention de traiter de l’essai VELOUR, une fois exclus les progresseurs rapides ayant reçu un traitement adjuvant (résumé 2260). De plus, des améliorations ont été observées, que les patients aient déjà été exposés au bévacizumab ou non. Comme l’expliquaient Van Cutsem et ses collaborateurs, les cancers qui progressent rapidement après un traitement adjuvant sont généralement réfractaires à tout traitement subséquent et sont de pronostic extrêmement sombre. L’analyse post hoc a donc exclu tous les progresseurs rapides post-adjuvant. Lorsque – comme on s’y attendait – les progresseurs rapides post-adjuvant étaient exclus de la population en intention de traiter globale, l’aflibercept était associé à un avantage différentiel de 1,9 mois par rapport au placebo, ce qui représente une diminution de 22,1 % du risque relatif de décès.

«Ces résultats étayent l’avantage du traitement par l’aflibercept chez les sujets atteints de CCRm ayant le profil clinique approprié, y compris ceux qui ont déjà reçu du bévacizumab», concluent les auteurs. Comme l’a précisé le Dr Timothy Price, Queen Elizabeth Hospital, Adélaïde, Australie, plusieurs autres anticorps monoclonaux qui ciblent le récepteur du facteur de croissance épidermique (EGFR) se sont aussi révélés efficaces dans le traitement du CCRm avec KRAS de type sauvage.

Dans l’essai de phase III ASPECT (LBA#18), le panitumumab a été comparé directement au cétuximab chez 999 patients atteints d’un CCRm avec KRAS de type sauvage qui s’était révélé réfractaire à la chimiothérapie. Les patients avaient déjà reçu de l’irinotécan, de l’oxaliplatine et du fluoro-uracile pour leur cancer métastatique, et environ le quart des patients avaient déjà été exposés au bévacizumab. Les sujets d’ASPECT ont reçu soit du panitumumab (6 mg/kg toutes les 2 semaines), soit du cétuximab (dose initiale de 400 mg/m2, puis 250 mg/m2/semaine).

Après un suivi d’une durée médiane d’environ 9 mois, la médiane de SG était de 10,4 mois dans le groupe panitumumab et de 10,0 mois dans le groupe cétuximab, si bien que le paramètre principal de cet essai de non-infériorité a été atteint. La médiane de SSP était aussi similaire dans les deux groupes : 4,1 mois vs 4,4 mois, respectivement.

Des EI graves ont été signalés chez environ le tiers des sujets de chaque groupe.

Résumé

Quelle que soit la mutation qui ait donné lieu à la tumeur initiale, la tumeur évoluera sous traitement. Avec le temps, même les traitements très efficaces finissent par échouer lorsque apparaissent des mutations conférant une résistance au traitement. Les traitements à cibles multiples interrompent plusieurs voies de signalisation simultanément, bloquant ainsi la prolifération et la dissémination des métastases plus efficacement que les agents à spectre plus étroit. Il est maintenant démontré qu’un blocage à large spectre prolonge la SSP chez les sujets porteurs d’une GIST et la SG chez les porteurs d’un CCRm et que cette prolongation de la survie ne s’accompagne pas d’un compromis au niveau de la qualité de vie. D’autres associations d’agents ciblés et de chimiothérapies sont à l’étude dans le CCRm. 



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