Comptes rendus

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Tumeurs stromales gastro-intestinales et inhibiteurs de tyrosine kinases : nouvelles stratégies pour réduire le risque de récidive

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIÈRES MÉDICALES - Symposium de 2008 sur les cancers digestifs

Orlando, Floride / 25-27 janvier 2008

Avant l’ère des inhibiteurs de tyrosine kinases (ITK), à peine un peu plus de la moitié des patients porteurs d’une tumeur stromale gastro-intestinale (GIST) primitive et non métastatique étaient toujours en vie cinq ans après la résection chirurgicale. C’est donc dire que malgré une résection complète réussie, le pronostic demeurait sombre. Le pronostic était encore plus sombre lorsque la tumeur mesurait >10 cm ou qu’elle était localisée dans l’intestin grêle. Cela dit, le prédicteur de la survie de loin le plus important chez un patient porteur d’une GIST est le taux mitotique, le taux de survie à cinq ans étant considérablement plus élevé lorsque le taux mitotique est faible que lorsqu’il est élevé (taux de survie de 80 % vs 20 %). Les chercheurs étudient aussi de près la possibilité que le statut mutationnel soit un autre marqueur important du risque individuel.

Comme l’explique le Dr George Demetri, professeur agrégé de médecine, Harvard Medical School, Boston, Massachusetts, nous avons compris – et c’est l’un des faits saillants de la recherche des dernières années – que les GIST ne sont pas homogènes et que, au contraire, elles se présentent en plusieurs sous-types moléculaires distincts.

«Nous savons que les GIST représentent un vaste éventail de manifestations histologiques, moléculaires, ultrastructurelles et immunophénotypiques», poursuit-il. Il est aussi largement reconnu que les GIST sont liées au récepteur KIT à activité tyrosine kinase et à sa signalisation par un mécanisme biologique. Les GIST qui expriment KIT (KIT+) présentent aussi une grande diversité de mutations – localisées sur les exons 9, 11 et 13 – et on retrouve même des tumeurs «de type sauvage» qui ne présentent pas de mutations activatrices mais qui, malgré l’absence de telles mutations, se caractérisent par une «activation inhabituelle, non caractéristique et anarchique de KIT de même que par sa signalisation», fait valoir le Dr Demetri.

Contrairement à d’autres cancers comme ceux du côlon ou du poumon, une mutation dominante unique est toujours présente chez les patients porteurs d’une GIST. Cependant, d’enchaîner le Dr Demetri, la signalisation anarchique de KIT n’est pas le seul élément du développement d’une GIST et il y a probablement un «mécanisme secondaire» qui provoque la croissance de la tumeur et qui n’est pas encore bien compris. Par exemple, il est admis depuis longtemps qu’une GIST se caractérise par un risque élevé de malignité, même si une tumeur de moins de 1 cm est très peu susceptible de récidiver ou d’essaimer. Très rarement, des patients porteurs d’une GIST familiale naissent aussi avec des mutations de KIT, mais ne présentent pas nécessairement de tumeur volumineuse avant d’avoir atteint un âge avancé.

Plusieurs chercheurs ont aussi observé des micro-GIST à l’autopsie chez des patients décédés d’un cancer gastrique, mais on ignore si les micro-GIST comportent un risque de malignité. Par contre, il est clair que l’acquisition d’altérations cytogénétiques successives à intervalles précis sous-tend la progression clinique d’une GIST, explique le Dr Demetri. Le jour où l’on a découvert que les mutations de c-KIT constituaient le principal signal oncogène dans le développement d’une GIST, on a pavé la voie à l’ère des ITK et à un remarquable gain de survie, rappelait-il à l’auditoire. L’imatinib a été le premier agent de sa classe à être homologué dans le traitement des GIST métastatiques.

Les études objectivent systématiquement un bénéfice clinique chez plus de 80 % des patients porteurs d’une GIST métastatique. Essentiellement, l’imatinib a triplé la survie par rapport aux traitements standard précédents. Dans le cadre d’une analyse du bénéfice clinique de l’imatinib lors de deux essais randomisés, le Dr Demetri et ses collaborateurs européens ont calculé les taux de survie sans récidive (SSR) en fonction du génotype et de la dose administrée (400 ou 800 mg/jour).

Après un suivi d’une durée médiane de 45 mois, l’analyse MetaGIST a révélé que les patients dont la tumeur se caractérisait par une mutation de c-KIT sur l’exon 11 obtenaient les meilleurs résultats, la médiane de SSR et la médiane de survie globale (SG) ayant atteint respectivement 26 et 60 mois. Les tumeurs sans mutation activatrice ont aussi été associées à des résultats favorables (médiane de SSR de 16 mois et médiane de SG de 43 mois) alors que les tumeurs exprimant des mutations sur l’exon 9 ont été associées aux pires résultats (médiane de SSR de 13 mois et médiane de SG de 31 mois).

Fait digne de mention, la durée de la SSR a été plus longue chez les patients du groupe 800 mg qui présentaient une mutation sur l’exon 9 que chez ceux du groupe 400 mg. Par contre, la SG ne différait pas de manière significative d’un groupe à l’autre, et la dose ne modifiait pas les résultats en présence des autres statuts mutationnels.

Même si l’expression de KIT peut être complètement supprimée par le traitement initial, elle est généralement réactivée avec le temps. Le cancer devient alors réfractaire au traitement et progresse. D’autres ITK, dont le sunitinib, viennent parfois à bout des cancers résistants à l’imatinib, fait remarquer le Dr Demetri, sauf dans le cas des tumeurs avec mutation sur l’exon 17.

«À peu près tous les ITK montrent une certaine activité en présence d’une tumeur résistante, indique le Dr Demetri, mais nous assistons à une émergence remarquable de clones résistants. Cette observation plaide fortement en faveur d’un traitement d’association si l’on souhaite vraiment aider nos patients.»

Concentrations plasmatiques

Lors d’une étude que le Dr Demetri a présentée plus tard au cours du symposium, les chercheurs ont étudié la pharmacodynamie de l’imatinib afin d’établir une corrélation entre les concentrations plasmatiques et la réponse clinique. L’étude regroupait au départ 147 patients dont la GIST était inopérable ou métastatique et qui, après randomisation, ont reçu soit 400 mg/jour, soit 600 mg/jour.

Les chercheurs ont analysé les concentrations plasmatiques de 73 patients et ont réparti les patients en quartiles d’après leurs concentrations plasmatiques minimales : Q1, Cmin <1110 ng/mL; Q2 et Q3, Cmin ³1110 à <2040 ng/mL; et Q4, Cmin ³2040 ng/mL.

De ces 73 patients, environ 29 % participaient toujours à l’étude après cinq ans. Une réponse globale a été obtenue chez huit des 18 patients du Q1 (44 %), comparativement à 24 des 36 patients (67 %) des Q2-Q3 et 14 des 19 patients (74 %) du Q4. La médiane du délai de progression se chiffrait respectivement à 11,3, 30,6 et 33,1 mois (Tableau 1). En revanche, les chercheurs n’ont observé aucune différence significative entre les quartiles quant à la médiane de SG.

Tableau 1. Corrélation entre les concentrations plasmatiques et le bénéfice clinique


Les chercheurs ont conclu qu’il pourrait être utile de surveiller de telles corrélations pharmacocinétiques ou pharmacodynamiques, car celles-ci pourraient être annonciatrices de l’issue de la maladie chez les patients porteurs d’une GIST. De plus, l’exposition à des concentrations plasmatiques minimales d’imatinib supérieures à 1110 ng/mL est importante puisqu’elle permet d’optimiser la réponse clinique.

Traitement adjuvant

Compte tenu de l’efficacité de l’imatinib dans le traitement des GIST métastatiques, il était raisonnable de poser comme hypothèse que le traitement adjuvant puisse réduire le risque de récidive après la résection complète d’une GIST primitive. Le Dr Ronald DeMatteo, vice-président, service de chirurgie, Memorial Sloan-Kettering Cancer Center, New York, a passé en revue les résultats fort intéressants de l’essai Z9001 de l’American College of Surgeons Oncology Group (ACOSOG) sur le traitement adjuvant, essai dont les premiers résultats avaient été présentés au congrès de l’American Society of Clinical Oncology en 2007.

L’essai Z9001 a été mené à double insu, avec randomisation et placebo chez des patients dont la GIST primitive mesurait 3 cm ou plus.

Après une résection macroscopiquement complète, les patients porteurs d’une tumeur KIT+ recevaient 400 mg d’imatinib (n=325) pendant un an ou un placebo (n=319). De 36 % à 40 % des patients des deux groupes avaient une tumeur mesurant entre 3 cm et 6 cm; de 34 % à 37 % avaient des tumeurs mesurant entre 6 cm et 10 cm; et environ le quart, des tumeurs mesurant >10 cm. Lorsque la tumeur récidivait, l’insu était levé et les patients pouvaient commencer à recevoir de l’imatinib s’ils avaient reçu le placebo. S’ils recevaient déjà le traitement actif, la dose pouvait être portée à 800 mg.

Comme l’explique le Dr DeMatteo, le recrutement a pris fin conformément à la recommandation du comité externe de surveillance des données de l’ACOSOG, après examen des résultats d’une analyse provisoire prévue au protocole. Cette analyse portait sur 644 patients évaluables dont le cancer n’avait pas récidivé. Après un suivi d’une durée médiane de 13 mois, le cancer n’avait toujours pas récidivé chez 97 % des patients du groupe imatinib vs 83 % des patients du groupe placebo (sans ajustement : p=0,0000014).

Dans les deux sous-groupes dont la tumeur était de taille intermédiaire ou de grande taille, la SSR était aussi nettement plus longue chez les patients qui recevaient le traitement actif que chez les témoins sous placebo, bien que l’écart entre les taux de SSR n’ait pas atteint le seuil de signification statistique dans les cas des tumeurs les plus petites. Comme le comité externe de surveillance des données de l’essai Z9001 a mis fin prématurément au suivi, la SG (paramètre secondaire de l’essai) ne différait pas de manière significative entre le groupe de traitement actif et le groupe placebo.

«La durée médiane du suivi de cet essai n’était que de 13 mois, mais il est tout de même impressionnant de constater qu’aucun sujet ou presque n’est décédé la première année», fait valoir le Dr DeMatteo. Les signes de toxicité étaient plus fréquents chez les patients sous imatinib, mais on a tout de même observé quelques signes de toxicité de classe 3 chez 15 % des patients sous placebo et quelques signes de toxicité de classe 4. Les signes de toxicité de classe 3 et 4 étaient généralement de nature hématologique et l’ITK a été raisonnablement bien toléré chez la majorité des patients, poursuit le Dr DeMatteo.

Au congrès de cette année, le Dr DeMatteo a aussi présenté les données de l’essai Z9000 de l’ACOSOG, qui était un essai de phase II multicentrique et ouvert. Les 107 patients évaluables étaient tous porteurs d’une GIST KIT+ primitive et avaient tous subi une résection complète. Les critères d’un risque élevé de récidive étaient les suivants : taille de la tumeur ³10 cm, rupture de la tumeur ou moins de cinq métastases péritonéales. Là encore, l’imatinib a été administré à la dose standard pendant un an.

À la lumière d’un recul d’une durée médiane de quatre ans, nous savons que 99 % des patients étaient toujours vivants après un an et 97 % l’étaient toujours après deux et trois ans (Figure 1). Les taux de SSR se chiffraient à 94 % au terme de la première année, à 73 % au terme de la deuxième année et à 61 % au terme de la troisième année. (Comme le souligne le Dr DeMatteo, seulement 20 % environ des patients porteurs d’une tumeur de 10 cm sont généralement en vie après cinq ans; il s’agit donc de résultats encourageants par rapport à ce que l’on observe chez les témoins historiques) (Figure 2). L’ITK a de nouveau été bien toléré, et plus de 80 % des patients ont terminé leur traitement.

Figure 1
SOG : survie globale

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Par ailleurs, les résultats des essais Z9001 et Z9000 étaient «essentiellement superposables». La ressemblance est «frappante», souligne le Dr DeMatteo, et «cela soulève la possibilité que le traitement adjuvant ait guéri quelq
s».

Figure 2. Essai Z9000 de l’ACOSOG : survie sans récurrence

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Traitement néoadjuvant

La plupart des conférenciers n’ont pas abordé la question des tumeurs inopérables, mais il semble qu’un traitement néoadjuvant par imatinib puisse être utile pour réduire le volume de la tumeur au point où cette dernière deviendrait plus propice à la chirurgie d’exérèse. En juin 2006, on a conçu un essai de phase II pour tenter de mieux évaluer l’utilité de la démarche néoadjuvante chez des patients dont la tumeur était jugée inopérable ou était localisée dans une zone difficile d’accès. L’exérèse chirurgicale était suivie d’un traitement adjuvant par imatinib d’une durée de deux ans.

Le suivi remonte maintenant à une médiane d’environ deux ans, et les résultats définitifs n’ont pas encore été divulgués. Selon les résultats préliminaires, par contre, le taux médian de SSR à deux ans est supérieur à 80 % chez les patients dont la GIST peut être réduite par l’imatinib et qui subissent ensuite une résection chirurgicale complète, affirme le Dr Burton Eisenberg, professeur titulaire de chirurgie, Dartmouth Medical School, Hanover, New Hampshire. L’ITK fait aussi l’objet de deux autres études de phase III : l’étude 62024 de l’Organisation européenne de recherche sur le traitement du cancer (OERTC) menée chez des patients exposés à un risque intermédiaire ou élevé qui recevront l’imatinib pendant deux ans; et l’étude SSGXVIII, menée chez des patients exposés à un risque élevé qui le recevront pendant un an ou trois ans.

Autres traitements

Le sunitinib, nouvel ITK, est également homologué pour le traitement des GIST métastatiques. Comme l’explique le Dr Jeffery Morgan, instructeur en médecine, Harvard Medical School, 1091 patients porteurs d’une GIST avancée chez qui le traitement par imatinib avait échoué ont participé à une étude ouverte qui leur a permis de recevoir du sunitinib à raison de 50 mg/jour, en cycles de six semaines (quatre semaines de traitement, deux semaines de congé). Les patients ont reçu une médiane de quatre cycles de traitement, et la durée médiane du suivi était de 261 jours.

La dose a dû être rajustée à la baisse chez environ 40 % des patients, alors que l’administration a dû être interrompue chez 57 % des patients, pour cause d’effets indésirables dans la majorité des cas. Les effets indésirables de classe 3 ou 4 les plus courants étaient la fatigue, les douleurs abdominales et le syndrome palmo-plantaire, et une hypothyroïdie a été signalée chez 7 % des patients.

Cela dit, note le Dr Morgan, le profil d’innocuité du sunitinib qui se dégage de cette étude est comparable à celui qui s’était dégagé d’une étude phase III antérieure sur les GIST que Demetri et al. ont rapportée (Lancet 2006;368:1329-38) et dans laquelle la plupart des effets indésirables étaient bénins ou modérés.

Lorsqu’on a mis fin à la collecte des données, 697 (64 %) patients étaient toujours en vie, et la médiane du délai de progression était de 37 semaines. La SG médiane a été estimée à 73 semaines. La médiane de survie était de 93 semaines chez les patients qui avaient déjà reçu 400 mg/jour d’imatinib ou moins, alors qu’elle était de 68 semaines chez ceux qui avaient reçu plus de 400 mg/jour d’imatinib. Pour l’instant, il n’y a pas de données sur le sunitinib administré en adjuvant dans le traitement des GIST.

Questions et réponses

Les questions et réponses qui suivent sont tirées d’un entretien avec le Dr Ronald DeMatteo, vice-président, service de chirurgie, Memorial Sloan-Kettering Cancer Center, New York.

Q : La SG ne différait pas de manière significative entre le groupe de traitement actif et le groupe placebo, principalement parce que le suivi a pris fin prématurément conformément à la recommandation du comité de surveillance des données de l’essai Z9001. Cela dit, une SSR plus longue vous apparaît-elle comme un critère valable en soi?

R : Tout dépend de la façon dont vous envisagez le traitement du cancer. Est-il acceptable de retarder la récidive, voire de réduire le risque de récidive, en administrant le médicament de façon continue ou est-il préférable d’attendre la récidive, sachant que la survie pourrait être la même à long terme? Tout dépend de votre critère principal : la SSR ou la SG? Si j’étais un patient, je pense que j’aimerais mieux repousser la récidive le plus loin possible, même si mes chances de survie étaient égales. Cela dit, j’estime que c’est un choix individuel.

Q : Vous avez dit, à la lumière des taux de SSR encourageants que vous avez obtenus grâce au traitement adjuvant, que l’on guérit peut-être les patients. N’est-ce pas un argument qui plaide fortement en faveur de l’imatinib en traitement adjuvant? R : En un mot, oui. Il est possible de guérir au moins une fraction de ces patients, mais même si l’imatinib ne les guérit pas, il peut à tout le moins prolonger l’intervalle sans récidive. Il y a toutefois des inconvénients, dont le coût, la durée optimale du traitement que l’on ignore toujours et les critères de sélection des patients qui n’ont pas encore été déterminés.

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