Comptes rendus

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L’importance de la cicatrisation de la muqueuse dans la colite ulcéreuse

Un juste équilibre entre l’efficacité et la toxicité : les meilleures pratiques en immunosuppression

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Assemblée annuelle de la Société canadienne de transplantation

Banff, Alberta / 15-18 mars 2007

Quel que soit l’organe greffé, l’objectif premier de la prise en charge du patient après la transplantation est un juste équilibre entre, d’une part, une immunosuppression efficace afin d’éviter le rejet et, d’autre part, la toxicité, surtout la toxicité à long terme pour le rein. Un traitement immunosuppresseur à faible dose est une stratégie possible pour atteindre ce double objectif. Comme on l’a souligné au congrès, les résultats de l’étude SYMPHONY ont confirmé l’efficacité des schémas immunosuppresseurs faiblement dosés à base de l’un ou l’autre inhibiteur de la calcineurine actuellement sur le marché.

L’étude SYMPHONY regroupait 1645 transplantés rénaux qui, après randomisation, ont reçu l’un des quatre schémas immunosuppresseurs suivants : cyclosporine à la dose usuelle, mycophénolate mofétil (MMF) et stéroïdes; après induction par le daclizumab, cyclosporine à faible dose (taux minimums entre 50 et 100 ng/mL), MMF et stéroïdes; après induction par le daclizumab, tacrolimus à faible dose (taux minimums entre 3 et 7 ng/mL), MMF et stéroïdes; sirolimus à faible dose (4 à 8 mg/mL), MMF et stéroïdes, là encore après induction par le daclizumab.

Comme l’explique le Dr Bjorn Nashan, directeur, programmes de transplantation multi-organes, et professeur de chirurgie, de médecine, d’urologie, de microbiologie et d’immunologie, Dalhousie University, Halifax, Nouvelle-Écosse, «les sujets étaient les patients à risque standard que l’on a l’habitude de recruter pour la recherche. Le critère de jugement principal était le débit de filtration glomérulaire [DFG] calculé à 12 mois». Les critères de jugement secondaires étaient les rejets aigus confirmés par biopsie (RACB) ainsi que la survie des patients et des greffons, toujours à 12 mois.

«À 12 mois en particulier, les résultats du groupe tacrolimus à faible dose étaient extrêmement bons par rapport aux deux groupes cyclosporine (faible dose et dose usuelle) et au groupe sirolimus à faible dose», affirme le Dr Nashan. Plus précisément, le DFG calculé était en moyenne de 65,4 mL/min/1,73 m² dans le groupe tacrolimus à faible dose, de 59,4 mL/min/1,73 m² dans le groupe cyclosporine à faible dose, de 57,1 mL/min/1,73 m² dans le groupe cyclosporine à la dose usuelle et de 56,7 mL/min/1,73 m² dans le groupe sirolimus à faible dose. Les différences entre, d’une part, le groupe tacrolimus à faible dose et, d’autre part, les deux groupes cyclosporine et le groupe sirolimus étaient toutes significatives.

«L’incidence des RACB est une autre différence frappante», note le Dr Nashan. Dans le groupe tacrolimus à faible dose, le taux de rejets aigus était de 12 %, ce qui est très faible, alors qu’il était de 37 % dans le groupe sirolimus à faible dose, ce qui est «inacceptable». C’est «un résultat qui nous a surpris et qui indique clairement que le sirolimus sans inhibiteur de la calcineurine au début ne fonctionne pas», fait valoir le Dr Nashan. Le taux de RACB se chiffrait à environ 25 % dans chaque groupe cyclosporine et était aussi significativement plus élevé que le taux observé dans le groupe tacrolimus à faible dose.

Les taux de survie des greffons et des patients à 12 mois variaient entre 89 % et 94 % globalement et ne différaient pas de manière significative dans les quatre groupes. De même, le taux global d’infections ne différait pas de manière significative d’un groupe à l’autre, mais le nombre d’infections à cytomégalovirus était plus élevé dans le groupe cyclosporine à la dose usuelle. Les cas de lymphocèle et de piètre cicatrisation des plaies étaient aussi plus nombreux dans le groupe sirolimus à faible dose que dans les autres groupes, tandis que l’incidence de la diarrhée – comme celle du diabète post-transplantation – était plus élevée dans le groupe tacrolimus à faible dose. Sur le plan des taux de tumeurs malignes, il n’y avait aucune différence entre les quatre groupes à la fin de l’année.

«Lors de l’essai SYMPHONY, le tacrolimus à faible dose en association avec le MMF a permis de maximiser la fonction et la survie du rein transplanté et de protéger le patient en lui offrant un équilibre optimal entre l’efficacité et la toxicité», de conclure le Dr Nashan.

Effets sur la fonction rénale

Même s’il ne s’agissait pas d’un essai prospectif, la comparaison des effets de la cyclosporine – dont les concentrations étaient mesurées 2 heures après la dose (C2) – et de ceux du tacrolimus – dont les concentrations étaient mesurées au temps 0 (C0) – sur la fonction rénale et les facteurs de risque des maladies cardiovasculaires semble indiquer que, là encore, les deux inhibiteurs de la calcineurine ont des effets variables sur ces deux critères d’évaluation. Comme l’expliquait le Dr Ramesh Prasad, professeur adjoint de médecine, University of Toronto, Ontario, environ 200 greffés adultes qui avaient reçu la cyclosporine et environ 175 qui avaient reçu le tacrolimus ont été inclus dans l’analyse comparative. Les critères d’intérêt étaient l’inclinaison de la droite du DFG entre un et six mois après la transplantation, la tension artérielle (TA) moyenne à six mois, la lipidémie à jeun entre six et 12 mois, le métabolisme glucidique et l’apparition d’un diabète.

Entre un et six mois après la transplantation, la fonction rénale s’est détériorée de 1,82 mL/min/1,73 m² par mois dans le groupe cyclosporine vs 0,44 mL/min/1,73 m² par mois dans le groupe tacrolimus. «Les TA moyennes étaient identiques aux mois 1 et 6 dans les deux groupes, mais les sujets du groupe cyclosporine recevaient un nombre significativement plus élevé d’antihypertenseurs», souligne le Dr Prasad. Les sujets du groupe cyclosporine étaient aussi plus nombreux à recevoir une statine que ceux du groupe tacrolimus, ajoute-t-il. La fréquence des nouveaux cas de diabète était similaire dans les deux groupes, tout comme le taux de rejets aigus, qui était d’environ 10 % dans les deux groupes.

«Lors de l’expérience de Toronto, il semble que la cyclosporine ait été associée à un déclin plus rapide de la fonction rénale et à un DFG plus faible à six mois, mais d’autres études s’imposent si l’on aspire à évaluer des critères tels que les événements cardiaques», conclut le Dr Prasad.

Évaluation de la nouvelle préparation

Les résultats d’une méta-analyse de 16 essais randomisés dans lesquels on comparait le tacrolimus et la cyclosporine chez des transplantés hépatiques donnent à penser que, tout compte fait, le tacrolimus est associé à un meilleur pronostic et à une toxicité à long terme moins marquée que les préparations ancienne et nouvelle de cyclosporine, l’apparition d’un diabète étant le seul critère qui fait exception.

Dans sa présentation, le Dr Douglas Quan, professeur adjoint de chirurgie, University of Western Ontario, London, a expliqué que la revue systématique, effectuée par son équipe, des 16 essais comparatifs et randomisés avait pour objectif de déterminer l’effet de chaque traitement sur la survie du patient et du greffon à un an (critère principal). Si quelques-unes des premières études comparaient le tacrolimus avec l’ancienne préparation de cyclosporine à base d’huile, la majorité des études portaient sur le tacrolimus et la nouvelle préparation. L’analyse incluait au total 1899 patients dans le groupe tacrolimus et 1914 patients dans le groupe cyclosporine.

À un an, le taux de mortalité était de 13,4 % dans le groupe tacrolimus vs 15,8 % dans le groupe cyclosporine, ce qui signifie que, pour chaque tranche de 100 greffés, l’utilisation du tacrolimus a permis de prévenir deux décès. Le taux de pertes du greffon à un an se chiffrait à 17 % dans le groupe tacrolimus vs 21,9 % dans le groupe cyclosporine, ce qui revient à dire que l’utilisation du tacrolimus a permis de prévenir cinq pertes de greffon pour chaque tranche de 100 greffés. Le taux de rejets aigus était de 38,6 % pour le tacrolimus vs 47 % pour la cyclosporine, soit neuf rejets aigus de moins grâce à l’utilisation du tacrolimus.

Bien qu’ils ne soient pas fréquents, les rejets résistants aux stéroïdes étaient aussi moins nombreux dans le groupe tacrolimus (9,2 %) que dans le groupe cyclosporine (16,6 %). Par contre, il n’y avait aucune différence entre les deux groupes quant aux taux de troubles lymphoprolifératifs et d’utilisation de la dialyse, les taux étant faibles dans les deux cas. Le seul critère en faveur de la cyclosporine était le risque d’apparition d’un diabète, qui s’élevait à 20,4 % dans le groupe tacrolimus vs 15,9 % dans le groupe cyclosporine, ce qui revient à dire que l’utilisation de la cyclosporine – par comparaison à celle du tacrolimus – préviendrait l’apparition d’un diabète chez quatre patients.

«Les résultats des essais plus récents ne différaient pas de ceux des premiers essais, de sorte que la nouvelle préparation de cyclosporine n’a pas eu beaucoup d’influence sur les résultats», rapporte le Dr Quan. En entrevue, il a ajouté que le résultat optimal d’une transplantation a toujours été d’essayer d’induire la tolérance afin que l’immunosuppression ne soit pas nécessaire. Malheureusement, cet objectif demeure illusoire malgré le travail acharné des chercheurs. Compte tenu des choix qui s’offrent à nous pour l’instant, le vrai défi que nous lance la prise en charge de l’immunosuppression se résume à «franchir la corde raide» qui établit l’équilibre entre l’immunosuppression optimale et la réduction maximale des effets indésirables à long terme, objectif que «l’on doit atteindre chez chacun de nos patients», précise le Dr Quan.

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