Comptes rendus

Agonisme vs antagonisme de la LHRH : différence sur le plan cardiovasculaire maintenant prouvée par une vaste analyse groupée
L’hyponatrémie chez l’insuffisant cardiaque : sodium et symptômes sous la loupe

Vaccination antigrippale chez les sujets âgés : comparaison de vaccins avec ou sans adjuvant

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

MEDI-NEWS - D’après Van Buynder et al. Vaccine. Publié le 6 août 2013 avant impression; Scheifele et al. Human Vaccines & Immunotherapeutics 2013;9:11:1-14.

novembre 2013

L’immunosénescence qui résulte du vieillissement normal se traduit par une réponse moindre à n’importe quel vaccin, y compris les vaccins antigrippaux. L’ajout d’un adjuvant à un vaccin trivalent inactivé (VTIa) contre la grippe – par comparaison à un vaccin antigrippal sans adjuvant – peut amplifier la réponse immunitaire dans les populations vulnérables et offrir une protection supérieure contre la grippe. Lors d’études distinctes, le VTIa s’est révélé supérieur aux vaccins de comparaison quant à sa capacité de générer une réponse immunitaire à l’égard des souches testées. Les résultats indiquent également qu’une réponse immunitaire plus robuste protège grandement les personnes âgées contre l’hospitalisation liée à la grippe, événement qui, souvent, marque un tournant dans la vie d’un aîné. Une amélioration même modeste de l’efficacité vaccinale pourrait réduire significativement les complications de la grippe, auxquelles les personnes âgées sont  démesurément vulnérables.  

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Les résultats récents de deux études comparatives directes sur de nouveaux vaccins antigrippaux ont confirmé l’efficacité supérieure d’un vaccin trivalent inactivé avec adjuvant (VTIa).

C’est donc dire que les aînés seraient mieux protégés contre l’influenza et ses complications que s’ils recevaient les vaccins actuels. «Nous savons que la grippe affecte démesurément les personnes âgées», affirmait le Dr Paul Van Buynder, vice-président à la santé de la population et médecin chef, Fraser Health Authority, Vancouver, Colombie-Britannique (C.-B.), dans une interview. Une grippe sévère est plus probable chez les personnes âgées que chez les plus jeunes, poursuit-il.

Les probabilités d’hospitalisation pour cause de grippe et de décès des suites d’une grippe sont aussi plus élevées. De nombreuses personnes âgées qui contractent une grippe perdent leur autonomie parce qu’elles doivent être hospitalisées, et elles sont ensuite transférées dans un centre de soins de longue durée. Chaque jour de repos qu’une personne âgée passe au lit à cause de l’influenza peut entraîner une perte de 5 % de la puissance musculaire et de 1 % de la capacité aérobique. «Malheureusement, enchaîne le Dr Van Buynder, les globules blancs qui pourraient en temps normal protéger les personnes âgées contre la grippe perdent leur capacité fonctionnelle avec l’âge – c’est le processus d’immunosénescence – et les patients sont moins susceptibles d’être protégés après avoir reçu un vaccin inactivé standard.»

Il est donc clair que nous avons besoin d’un meilleur vaccin pour les personnes âgées. Le vaccin comportant trois antigènes et l’adjuvant MF59 (émulsion de type aqueux) est utilisé en Europe depuis une dizaine d’années alors qu’il vient tout juste d’être commercialisé au Canada. Le Dr Van Buynder et ses collaborateurs ont eu recours à une étude prospective de type cas-témoin pour comparer l’efficacité contre la grippe d’un VTIa à celle d’un VTI au sein d’une cohorte de personnes âgées vivant en milieu communautaire. Les personnes de plus de 75 ans relevant de deux régies de la santé en C.-B. ainsi que tous les résidants de centres de soins de longue durée ont reçu le VTIa (Fluad) durant la saison grippale 2011/2012.

On a offert le même VTIa aux résidants des centres de soins de longue durée  relevant d’une troisième régie de la santé, mais toutes les autres personnes âgées ont reçu un VTI standard (surtout Fluviral). Au total, 282 sujets ont été admis à l’étude, et 84 ont contracté la grippe. Comme le soulignent les chercheurs, 57 % des participants qui ont contracté la grippe durant la saison 2011/2012 vivaient dans un centre de soins de longue durée, et près de la moitié avaient 85 ans ou plus. Environ 90 % d’entre eux souffraient également d’au moins une maladie chronique. Dans les faits, un peu moins de sujets ont reçu un vaccin antigrippal (n=227), mais parmi les sujets vaccinés, 73 % ont reçu le VTIa et 27 %, un VTI.

L’efficacité globale du VTIa a été de 58 % au sein de la population de cette étude (p<0,04) alors que le VTI s’est révélé inefficace contre la grippe durant la saison 2011/2012. Le VTIa s’est aussi révélé plus efficace au sein de cohortes vivant à domicile, son efficacité atteignant 72 % (p=0,047). Chez les sujets vaccinés de l’étude, l’efficacité vaccinale relative a été de 63 % pour le VTIa. Le Dr Van Buynder précise toutefois que la saison grippale 2011/2012 a été plutôt calme.

Durant la saison grippale suivante (2012/2013), le Dr Van Buynder et ses collaborateurs ont évalué l’efficacité du vaccin au sein d’un autre groupe de 913 sujets âgés. Au total, 60 % de ces sujets vivaient dans un centre de soins de longue durée, et plus de 80 % des sujets qui avaient été déjà vaccinés par le passé ont reçu le VTIa. Les résultats non publiés d’une analyse qui se limitait aux résidants de centres de soins de longue durée indiquent que le VTIa a permis de prévenir au moins 85 % des hospitalisations liées à la grippe durant la saison 2012/2013.  

«Nos études comportaient des groupes de personnes âgées très fragiles, mais l’efficacité du VTIa était indépendante de leur fragilité, poursuit le Dr Van Buynder. Le VTIa est un meilleur vaccin, et c’est pourquoi nous l’utilisons chez tous les résidants de la C.-B. de plus de 65 ans.»

Étude distincte

Dans le cadre d’une autre étude, le Dr David Scheifele, directeur du Centre d’évaluation des vaccins et professeur titulaire de pédiatrie, University of British Columbia, Vancouver, et ses collaborateurs ont comparé l’innocuité, l’immunogénicité et la tolérabilité de trois vaccins antigrippaux chez des adultes âgés. Au total, 922 adultes de 65 ans ou plus, non fragiles et vivant à domicile ont été randomisés de façon à recevoir un vaccin intradermique (VID), le VTIa avec l’adjuvant MF59 (VTIa MF59) ou un VTI de puissance comparable et contenant les mêmes souches que le VTIa. Les participants – répartis dans trois groupes de taille comparable – étaient vaccinés annuellement contre la grippe et ont été sélectionnés en raison de ce critère. 

Les chercheurs ont eu recours à trois méthodes pour évaluer la réponse anticorps à la vaccination antigrippale : mesure des titres d’anticorps inhibant l’hémagglutination (AIH); hémolyse radiale simple et test de microneutralisation. Trois semaines après l’administration de chaque vaccin, les taux de séroprotection différaient selon le test utilisé. On a mesuré les titres d’anticorps uniquement à l’égard des souches virales H1N1 et H3N2, car les titres initiaux d’anticorps contre la souche B/Brisbane étaient très élevés dans chaque groupe, ce qui excluait d’emblée une réponse significative. La mesure des titres d’AIH a objectivé une différence en faveur du VTIa.

La méthode AIH a objectivé des titres ≥40 chez un pourcentage plus élevé de sujets du groupe VTIa, l’avantage sur le plan de l’immunogénicité atteignant environ 12 % par rapport au VID et au VTI. Le VID et le VTI étaient similaires quant aux taux de séroprotection et à la moyenne géométrique des titres (MGT) à l’égard des antigènes des souches H1N1 et H3N2. Il importe ici de souligner que les MGT post-vaccination pour les anticorps dirigés contre les souches virales A étaient plus élevées après l’administration du VTIa.

Chez les personnes âgées, ce sont les infections par la souche A/H3N2 qui entraînent le plus souvent une issue clinique péjorative, affirment le Dr Scheifele et al. Les taux de séroprotection ne différaient pas selon le groupe d’âge, la présence ou le nombre d’affections concomitantes ou toute autre variable évaluée. C’est dans le groupe VID que le taux d’érythème au point d’injection était le plus élevé et dans le groupe VTIa que le taux de douleur au point d’injection était le plus élevé.

Cependant, ajoutent les chercheurs, la quasi-totalité des sujets vaccinés ont dit ne pas être dérangés par les réactions au point d’injection. Au jour 180 post-vaccination, les taux de séroprotection avaient diminué d’environ 25 % et ne différaient plus de manière significative d’un groupe à l’autre. «Il est difficile de faire augmenter les titres d’anticorps [chez des adultes de plus de 65 ans]», affirmait le Dr Scheifele lors d’une interview. Des titres séroprotecteurs de 40 ou plus selon la méthode AIH, par exemple, ont été établis chez de jeunes militaires, ce qui donne à penser que chez des personnes âgées, les titres d’anticorps pourraient devoir être beaucoup plus élevés pour protéger contre la grippe.

Des données montrent par ailleurs que l’immunité cellulaire pourrait être plus importante que l’immunité humorale pour protéger les patients âgés vulnérables, explique le Dr Scheifele. Dans le cadre d’un volet de la même étude dont les résultats n’ont pas été publiés, le Dr Scheifele et al. ont évalué la réponse immunitaire cellulaire aux trois vaccins, et leurs observations feront l’objet d’une publication distincte. Néanmoins, note le Dr Scheifele, la différence d’efficacité en faveur du vaccin avec adjuvant, quoique faible, est cliniquement significative.

Tentant d’estimer l’impact sur la santé et l’efficience d’un vaccin antigrippal d’efficacité supérieure au Canada, Fisman et al. (PLoS ONE 6[11]: e27420. doi:10.1371/journal.pone.0027420) prévoient que le remplacement des VTIa standard par des VTIa MF59 conférerait des «effets bénéfiques substantiels»  –  tant pour les sujets vaccinés que pour les sujets non vaccinés –  et que cette mesure serait «économiquement intéressante» par rapport à d’autres interventions préventives largement utilisées.

L’étude de Fisman et al. semble indiquer qu’un vaccin légèrement plus coûteux comme le VTIa MF59 serait efficient, même si l’avantage est ténu. «La morbidité est telle que nous devrions opter pour ces nouveaux vaccins même si leur efficacité n’est pas spectaculaire comparativement à celle des anciens», conclut le Dr Scheifele.

Résumé

Chaque année, au Canada, l’influenza et la pneumonie sont responsables en moyenne de 20 000 hospitalisations et de 2000 à 8000 décès. La vaccination demeure le meilleur moyen de prévenir l’influenza et ses complications, et un vaccin avec adjuvant qui améliorerait la réponse immunitaire et pourrait prévenir la grippe chez des adultes vulnérables représente une amélioration par rapport aux VTI pour les personnes âgées, au Canada comme ailleurs. 

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.