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Vaccination des garçons contre le VPH : le fardeau de morbidité est le même que chez les filles

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 9e Conférence canadienne sur l’immunisation (CCI)

Québec, Québec / 5-8 décembre 2010

Convaincus que le fardeau de morbidité lié à l’infection par le virus du papillome humain (VPH) chez l’homme justifie amplement la vaccination des garçons/hommes, la très grande majorité des congressistes qui assistaient à une séance spéciale du congrès sur le VPH ont voté pour l’expansion du programme public de vaccination de façon à cibler les deux sexes. Le sondage ayant fait suite aux allocutions a en effet révélé que 84 % des participants – d’ailleurs fort nombreux – avaient voté pour un programme pancanadien de vaccination contre le VPH sans égard au sexe. De très bonnes raisons sous-tendent ce choix.

Prévalence de la maladie

Comme le souligne le Dr Marc Steben, médecin-conseil, groupe scientifique sur le VPH, unité des infections transmissibles sexuellement et par le sang, Institut national de santé publique du Québec, Québec, le spectre clinique des lésions causées par l’infection à VPH chez l’homme est vaste : verrues génitales (VG), papillomatose respiratoire récurrente (PRR); dysplasies péniennes (PIN) et cancer du pénis; dysplasies anales (AIN) et cancer de l’anus; et certains cancers oropharyngés. «Les VG n’évoluent pas vers le cancer, mais elles grèvent le système de santé d’un lourd fardeau, fait remarquer le Dr Steben, et elles sont plus fréquentes chez les hommes que chez les femmes.»

Les résultats de l’étude HIM (HPV Detection in Men) ont indiqué que la prévalence de l’infection à VPH chez les hommes de 18 à 70 ans était d’environ 60 % dans les trois pays participants (États-Unis, Brésil et Mexique). «L’usage du condom n’est pas fiable, car le VPH peut être localisé à plusieurs endroits chez un même patient», note le Dr Steben. De plus, une fois les VG apparues, il n’existe aucune option de traitement antiviral, et les médecins doivent avoir recours à des méthodes qui détruisent les lésions plutôt que le virus. Or, aucune de ces méthodes n’a grand succès et toutes sont associées à un taux élevé de récidive. «Gêne, érosions épithéliales, tissu cicatriciel, dépigmentation et ulcérations sont au nombre des conséquences du traitement des VG, ajoute le Dr Steben, et c’est sans compter que les VG sont embarrassantes, douloureuses et désagréables pour le patient.»

Conséquences et coûts de l’infection à VPH

Plus de 90 % des VG et la totalité des PRR sont causées par les types 6 et 11 du VPH alors que les types 16 et 18 sont associés à la plupart des cancers liés au VPH chez l’homme, notamment les cancers de l’anus et du pénis de même que les cancers oropharyngés. En 2008, aux États-Unis, on a estimé que le nombre de nouveaux cas de cancers liés au VPH chez les hommes se situait entre 8696 et 11 228, ce qui s’apparente étroitement à l’incidence du cancer du col utérin chez la femme, soit environ 11 000 cas par année. La vaccination des hommes contre le VPH pour la prévention du cancer de l’anus est d’autant plus justifiée qu’il n’existe aucun test de dépistage de ce cancer ni de méthode diagnostique des cellules précancéreuses, comme c’est le cas chez la femme.

L’efficience de la vaccination des hommes dépend de la couverture vaccinale chez la femme et des résultats cliniques évalués. Le rapport coût-efficacité est inférieur à 100 000 $ pour une couverture atteignant 75 % lorsqu’on tient compte non seulement du cancer du col utérin, mais aussi d’autres conséquences. Lorsque toutes les lésions pouvant être causées par le VPH sont prises en compte dans les modèles d’évaluation, l’efficience de la vaccination des deux sexes chute radicalement à une moyenne de 25 664 $, ce qui est très comparable à la moyenne de 22 113 $ lorsqu’on considère uniquement la prévention des lésions cervicales chez les filles/femmes. Le coût d’une année de vie pondérée par la qualité (QALY) que l’on gagne en vaccinant les garçons se compare favorablement au coût d’autres vaccins recommandés (subventionnés). «La vaccination des hommes permettrait de réduire davantage l’incidence des lésions liées au VPH dans les deux sexes et on devrait donc envisager de vacciner les hommes contre le VPH, notamment dans le cadre de décisions axées sur le rapport coût-efficacité», conclut-il.

Efficacité chez les hommes

Comme l’explique la Dre Marina Salvadori, médecin-conseil, Children’s Hospital of Western Ontario, London, la réponse immunitaire au vaccin contre le VPH est encore plus robuste chez les hommes que chez les femmes. La principale étude sur le vaccin quadrivalent contre le VPH chez l’homme a révélé que le vaccin était efficace à 90,6 % contre les lésions génitales externes (LGE) causées par le VPH de type 6, 11, 16 ou 18 selon l’analyse per protocol (n=1394) et efficace à 89,3 % contre les condylomes; aucune lésion pénienne n’a été signalée dans le groupe des vaccinés. La même étude a révélé que, chez les hommes ayant des relations homosexuelles (HRH), le vaccin quadrivalent était efficace à 77,5 % contre les AIN causées par le VPH de type 6, 11, 16 ou 18, note la Dre Salvadori.

Comme l’ont réitéré les experts, un cancer causé par le VPH, quel qu’il soit, met du temps à se développer, et les pleines retombées de la vaccination des hommes et des femmes sur l’incidence des cancers liés au VPH ne seront pas apparentes avant un certain temps. En ce qui concerne les types de VPH qui entraînent des VG, en revanche, le temps d’incubation est assez bref, si bien que, sous réserve d’une vaste couverture vaccinale, l’effet du vaccin quadrivalent peut être confirmé assez rapidement.

L’expérience australienne

C’est exactement ce qui se passe en Australie. La vaste majorité des filles/femmes de 12 à 26 ans ayant été vaccinées sans délai à partir du milieu de 2007, l’Australie faisait déjà état à la fin de 2009 d’une réduction relative de 59 % l’incidence des VG chez les filles/femmes de 12 à 26 ans. «Ce changement a été observé uniquement chez les résidantes [qui ont reçu le vaccin]; l’incidence des VG est demeurée inchangée chez les non-résidantes [qui n’ont pas reçu le vaccin] et chez les femmes de plus de 26 ans [qui n’étaient pas admissibles à la vaccination gratuite]», précise la Dre Salvadori.

En parallèle, on a observé une réduction relative de 39 % de l’incidence des VG chez les hommes hétérosexuels âgés de 12 à 26 ans, vraisemblablement grâce à l’immunité collective, alors qu’elle n’a pas changé chez les HRH durant la même période.

«Nous savons sans l’ombre d’un doute que ce vaccin protège les hommes contre les VG et qu’il protège les HRH contre le cancer de l’anus, et nous espérons qu’il protégera tous les hommes contre les cancers du pénis, de l’anus, de la cavité buccale et du pharynx, conclut la Dre Salvadori. Si les deux groupes sont vaccinés, nous avons espoir qu’ils se protégeront l’un l’autre».

Équité

Comme le rappelle la Dre Vivien Brown, chargée de cours, University of Toronto, et professeure adjointe de médecine familiale, McMaster University, Hamilton, Ontario, l’infection à VPH entraîne un vaste éventail de maladies chez l’homme. «L’infection à VPH et ses complications chez l’un des partenaires augmente significativement le risque d’infection et de complications chez l’autre, dit-elle, et comme l’infection à VPH est généralement asymptomatique, les personnes infectées peuvent, sans le savoir, la transmettre à leur partenaire puisqu’il n’existe pas de test pour en déceler la présence». En fait, lors d’une étude réalisée à Washington, on a décelé l’ADN du VPH chez 50 % des filles fréquentant l’université qui avaient des relations sexuelles avec le même partenaire depuis 1 à 2 ans et qui n’avaient jamais eu d’autre partenaire. «Il est très important que les jeunes femmes et les jeunes hommes comprennent que l’infection à VPH peut se transmettre facilement sans que l’on observe de signes ou de symptômes», souligne la Dre Brown. Comme on l’a vu en Australie, le programme de vaccination n’a pas de retombées positives chez les HRH parce que ces derniers ne sont pas ciblés et qu’ils sont souvent exposés à d’autres hommes non vaccinés.

Par ailleurs, souligne-t-elle, les Canadiens sous-utilisent leur programme de santé publique. En Ontario, par exemple, les filles reçoivent le vaccin en 8e année. «Si une jeune fille hésite à prendre le vaccin et qu’elle le refuse en 8e année, elle ne peut pas y avoir accès gratuitement en 9e année. Il n’y a pas non plus de programme de rattrapage en Ontario, si bien que la couverture vaccinale n’est que de 53 %, ce qui revient à dire que 47 % des filles de 8e année n’ont pas été vaccinées au moment où elles auraient pu l’être», explique la Dre Brown. Même dans les provinces de l’Atlantique où le taux de vaccination avoisine 80 % et où des programmes de rattrapage sont offerts, «les jeunes femmes non vaccinées sont encore nombreuses», ajoute-t-elle.

La couverture vaccinale actuelle n’est pas optimale, si bien que la maladie ne peut pas être bien maîtrisée. On a assisté au même phénomène avec la rubéole. La Dre Brown a rappelé aux congressistes que les pays qui offraient le vaccin aux femmes enceintes seulement n’ont eu qu’à changer leur politique de vaccination contre la rubéole lorsqu’ils ont constaté une série de flambées de cas de rubéole imputables à la vulnérabilité des jeunes garçons. Par ailleurs, ajoute-t-elle, dans un pays comme le Canada qui tire une grande fierté de son programme de santé, la vaccination des hommes contre le VPH serait une politique plus équitable. Le Canada reconnaîtrait ainsi que les deux sexes contribuent à la transmission du VPH et que ni les hommes ni les femmes n’échappent aux manifestations cliniques de l’infection à VPH.

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