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Vers de meilleurs résultats dans les troubles de l’activation du complément

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 54e Assemblée annuelle de l’American Society of Hematology

Atlanta, Géorgie / 8-11 décembre 2012

Atlanta - Il existe peu d’options pour le traitement de l’hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN) et du syndrome hémolytique et urémique atypique (SHUa), deux hémopathies chroniques et potentiellement mortelles dues à l’activation incontrôlée du complément qui ont de graves complications thrombotiques. Le SHUa, dont l’impact systémique est progressif, est assorti d’une morbidité extrarénale considérable. Une microangiopathie thrombotique (MAT) dépendante du complément sévère persiste malgré la plasmathérapie (échanges/perfusions de plasma), la dialyse ou une greffe rénale. Les deux sexes peuvent être touchés, et les enfants représentent la moitié des cas environ. En 2011, 2 ans après son homologation au Canada pour le traitement de l’HPN, l’éculizumab, inhibiteur de la protéine C5 du complément, a été le premier agent homologué expressément pour le traitement du SHUa aux États-Unis. À en juger par des essais cliniques prospectifs, il prévient ou fait régresser les lésions organiques dues à la MAT et élimine le besoin de plasmathérapie et de dialyse en présence d’un SHUa.

Le syndrome hémolytique et urémique atypique (SHUa) découle d’anomalies héréditaires ou acquises dans le système du complément; s’ensuivent activation plaquettaire, thrombose, hémolyse et microangiopathie thrombotique (MAT), explique le Dr Christoph Licht, Hospital for Sick Children, Toronto. Souvent, le traitement traditionnel du SHUa ne parvient pas à ralentir les conséquences progressives d’une activation plaquettaire persistante. Le SHUa mène en peu de temps à l’insuffisance rénale terminale (IRT) ou à la mort chez plus du tiers des patients. L’éculizumab, anticorps monoclonal ciblant la protéine C5 du complément humain, inhibe la production de la protéine pro-inflammatoire C5a et du complexe C5b-9.

Les données préliminaires d’un essai clinique de phase II ont montré que l’éculizumab inhibait la MAT et qu’il avait pu prévenir ou faire régresser les lésions organiques chez 20 patients atteints d’un SHUa de longue date et d’une maladie rénale chronique (MRC). Après un suivi de 62 semaines (médiane), 85 % des patients traités ne présentaient aucun signe de MAT, et le débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) avait augmenté de 30 % par rapport au DFGe initial (p=0,002).

Tous les patients ont reçu de l’éculizumab pendant 26 semaines, et 19 ont poursuivi le traitement dans une phase de prolongation à long terme. Avant de recevoir de l’éculizumab, les patients ont d’abord été en observation pendant 8 semaines, puis on a mis fin à la plasmathérapie (échanges/perfusions de plasma), précise le Dr Licht, qui présentait les résultats à 2 ans (durée médiane du suivi).

L’ancienneté du SHUa était de 48 mois (médiane) au début de l’essai, et le traitement par l’éculizumab a duré 114 semaines (médiane). Parmi les patients, 14 étaient porteurs de mutations dans les gènes codant pour les protéines du complément et 6 ne l’étaient pas.

L’analyse en intention de traiter réalisée au terme du suivi prolongé a objectivé une amélioration de toutes les valeurs depuis l’évaluation à 26 semaines. Aucun signe de MAT n’était présent chez 19 des 20 patients (95 %), et l’inhibition de l’activation du complément se maintenait. L’analyse de la fonction rénale des 20 patients a révélé que le stade de la MRC s’était amélioré de ≥1 stade chez 12 d’entre eux (60 %), que la créatininémie avait diminué de ≥25 % chez 11 d’entre eux (55 %), que le DFG avait augmenté de ≥15 mL/min/1,73 m2 chez 8 d’entre eux (40 %) et que le DFGe de la cohorte s’était amélioré en moyenne de 7,1 mL/min/1,73 m2.

De plus, la protéinurie avait diminué de ≥1 grade chez 12 des 15 patients évaluables, vs 8 patients sur 16 à 26 semaines.

La diminution de l’activité de la voie terminale du complément – objectivée 1 heure à peine après la première perfusion d’éculizumab – s’est maintenue jusqu’à la fin de l’étude, précise le Dr Licht. «Le traitement continu par l’éculizumab a permis une amélioration cliniquement significative de la qualité de vie liée à la santé [QdVs] chez les patients atteints d’un SHUa», poursuit-il.

Le statut mutationnel n’a rien changé aux résultats, puisqu’aucun signe de MAT n’était observable chez les 14 porteurs de mutations et chez 5 des 6 patients non porteurs. Chez 18 des 20 patients, le traitement a été associé à une normalisation hématologique durable dès l’évaluation à 26 semaines, c’est-à-dire une normalisation de la numération plaquettaire et du taux de lactate déshydrogénase (LDH) lors de ≥2 dosages consécutifs à au moins 4 semaines d’intervalle.

Progression de la MAT malgré des échanges/perfusions de plasma

Dans une étude de phase II parallèle, on a étudié l’efficacité de l’éculizumab chez 17 patients dont la MAT était évolutive (plaquettes <150 x 109/L malgré ≥4 séances de plasmathérapie). Comme dans l’étude citée par le Dr Licht, la première analyse a eu lieu à 26 semaines, après quoi les sujets participaient à une prolongation à long terme. On avait enregistré les résultats suivants à 26 semaines : augmentation significative et durable de la numération plaquettaire (73 x 109/L), aucun signe de MAT chez 15 des 17 patients, augmentation moyenne du DFGe de 31 mL/min/1,73 m2, arrêt de la dialyse chez 4 patients sur 5, et amélioration cliniquement significative de la QdVs.

Le Dr Larry Greenbaum, Emory University, Atlanta, Géorgie, a présenté les résultats d’une analyse après 100 semaines de traitement (durée médiane) par rapport aux valeurs initiales. La numération plaquettaire avait augmenté en moyenne de 88 x 109/L (p<0,0001), et le bilan hématologique s’était normalisé chez 15 patients (88 %). De plus, le DFGe avait augmenté de ≥15 mL/min/1,73 m2 chez 10 patients (59 %), la MRC avait diminué de ≥1 stade chez 12 patients (71 %) et la créatininémie avait diminué de ≥25 % chez 13 patients (76 %). Ces améliorations étaient indépendantes du statut mutationnel (chez 3 des 4 non-porteurs de mutations connues et 12 des 13 porteurs de mutations connues).

«Le traitement continu par l’éculizumab en présence d’une MAT évolutive a donné lieu à une amélioration soutenue des résultats à 26 semaines, à 1 an et à 2 ans, souligne le Dr Greenbaum. Nous avons observé une inhibition durable de la MAT dépendante du complément, un besoin moindre de plasmathérapie et de dialyse, et une amélioration continue de la fonction rénale.»

«Ces données d’efficacité et d’innocuité à 2 ans soulignent l’importance d’un traitement précoce et continu par l’éculizumab chez les patients atteints d’un SHUa et d’une MAT évolutive», ajoute-t-il.

La génétique du SHUa revisitée

Le SHUa est perçu comme une maladie génétique, mais jusqu’à 50 % des patients ne présentent aucune mutation connue du complément au moment du diagnostic. Chez ces patients, le risque de mortalité et d’IRT est comparable à celui de porteurs de mutations, ce qui souligne l’importance d’un traitement efficace sans égard au statut mutationnel, explique le Dr Samhar I. Al-Akash, Driscoll Children’s Hospital, Corpus Christi, Texas.

Pour évaluer l’efficacité de l’éculizumab avec ou sans mutations, le Dr Al-Akash et al. ont analysé les données de deux essais cliniques de phase II et d’une étude rétrospective chez 17 enfants atteints d’un SHUa. Dans les 3 études, 24 à 41 % des patients n’avaient aucune mutation. Le statut mutationnel n’a pas influé significativement sur l’innocuité et l’efficacité de l’inhibiteur de la fraction C5, quel que soit le paramètre considéré : absence de signes de MAT, numération plaquettaire, normalisation hématologique, baisse de la créatininémie ou augmentation du DFGe.

«Puisque les analyses génétiques prennent souvent plusieurs mois, que l’activation incontrôlée du complément expose le patient atteint d’un SHUa au risque de MAT systémique et de lésions organiques potentiellement mortelles, et que l’amélioration clinique est d’autant plus grande que le traitement par l’éculizumab est amorcé tôt, les résultats de cette étude justifient un traitement de première intention par l’éculizumab dès le diagnostic clinique d’un SHUa, avant que les résultats des analyses génétiques soient connus», conclut le Dr Al-Akash.

Hémoglobinurie paroxystique nocturne : meilleurs résultats

Les conséquences de l’hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN) – comme celles d’un SHUa – rendent le diagnostic et l’intervention clinique cruciaux. Dans une vaste étude de cohorte multinationale réalisée en contexte de pratique clinique, le traitement par l’éculizumab a été associé à un risque moindre de thromboembolie et de décès chez des patients atteints d’HPN. L’étude regroupait 1047 patients, dont 536 sous éculizumab, explique le Pr Gérard Socie, Hôpital Saint-Louis, Paris, France.

Les caractéristiques initiales de la cohorte étaient les suivantes : âge médian de 44,2 ans; 51,3 % de femmes; taux de LDH moyen et médian 2,7 et 1,4 fois la limite supérieure de la normale, respectivement; et au moins une transfusion d’érythrocytes au cours des 6 derniers mois chez 38 % des patients.

Au cours d’un suivi de 22,5 mois (médiane), 16 patients ont eu un épisode thromboembolique et 51 patients sont décédés, le plus souvent à cause d’un événement cardiovasculaire ou d’une infection (21,6 % et 25,5 %, respectivement). Chez les patients sous éculizumab, le taux de thromboembolies était de 0,41 % à 1 an et de 1,35 % à 2 ans, alors que chez les autres, il était de 1,70 % et 2,61 %. Le taux de mortalité se chiffrait à 2,31% à 1 an et à 4,21 % à 2 ans dans le groupe éculizumab vs 4,40 % et 7,01 % dans le groupe témoin.

Selon l’analyse multivariée, les facteurs de risque de thromboembolie étaient les transfusions d’érythrocytes au cours des 6 mois précédant l’admission à l’étude (HR 9,61), des antécédents d’atteinte hépatique (HR 4,78), et la présence de dyspnée (HR 2,42) ou de céphalées (HR 2,33) au départ. Après prise en compte de ces variables, le traitement par l’éculizumab conférait un effet protecteur significatif (HR 0,23, p=0,0053).

Les prédicteurs de la mortalité étaient un âge ≥60 ans (HR 5,33), une greffe de moelle osseuse durant le suivi (HR 4,71), un indice de Karnofsky <80 (HR 2,19), la présence de fatigue au départ (HR 1,86) et une transfusion d’érythrocytes récente (HR 1,75). Dans un modèle ajusté, le traitement par l’éculizumab réduisait significativement le risque de mortalité (HR 0,41).

Résumé

Comme l’HPN et le SHUa exposent le patient à un risque important de morbimortalité, un diagnostic exact et un traitement à la fois efficace et rapide sont essentiels à une issue favorable. Le traitement traditionnel repose sur les échanges/perfusions de plasma, la dialyse et la transplantation rénale. Cependant, nombre de patients demeurent à risque élevé d’événement thromboembolique et de décès en raison d’une activation persistante du complément et de l’activation plaquettaire connexe, même sous traitement. L’éculizumab, anticorps monoclonal inhibant la protéine C5 du complément, a montré qu’il pouvait réduire le risque de thromboembolie et de décès chez les patients atteints d’HPN et prévenir l’apparition de signes de MAT en présence d’un SHUa sur une période pouvant atteindre 2 ans. L’efficacité d’un traitement continu par cet agent ne varie pas selon que le patient est porteur ou non de mutations du complément. 

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