Comptes rendus

Prise en charge des trois principales conséquences de l’hypertrophie bénigne de la prostate
Cicatrisation soutenue de la muqueuse à l’endoscopie chez les patients souffrant de colite ulcéreuse légère ou modérée

Amélioration de la prévention et de la maîtrise de la MPOC au coeur des nouvelles lignes directrices de la Société canadienne de thoracologie

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

LE FORUM - Pneumologie

Commentaire éditorial :

Denis E. O’Donnell, MB ChB, FRCPI, FRCPC

Professeur titulaire de médecine, Queen’s University, Kingston (Ontario)

Chez de nombreux patients, la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) n'est diagnostiquée qu'à un stade assez avancé, et l'évaluation initiale montre alors une fonction respiratoire déjà passablement compromise. La Société canadienne de thoracologie (SCT) recommande donc une démarche plus proactive dans sa mise à jour des lignes directrices sur la prise en charge de la MPOC, en proposant notamment un dépistage ciblé de la MPOC légère chez les patients à risque; l'introduction de la pharmacothérapie au moment opportun pour atténuer la dyspnée et accroître le niveau d'activité; et la prévention des exacerbations aiguës à l'aide de stratégies dont l'utilité a été démontrée.

Pour reconnaître la MPOC avant qu'elle atteigne un stade avancé, on recommande maintenant de faire passer une spirométrie à tout fumeur ou ex-fumeur de plus de 40 ans qui répond par l'affirmative à l'une ou l'autre des questions telles que recommendées par la SCT (Tableau 1). Il est maintenant largement admis qu'un ratio VEMS/CVF post-bronchodilatateur de <0,7 signe un diagnostic de MPOC. Une fois le diagnostic établi par spirométrie, la prise en charge doit être dictée par la gravité des symptômes et le degré d'incapacité. Dans la MPOC légère, la prise en charge repose principalement sur l'abandon du tabac, la vaccination pour prévenir les exacerbations, l'activité physique régulière et un traitement bronchodilatateur. Un suivi étroit, au moins une fois par année, s'impose lorsque la spirométrie a mis au jour une MPOC précoce. On doit inciter tous les fumeurs à renoncer au tabac et leur suggérer une consultation spécialisée couplée à une pharmacothérapie antitabagique afin de maximiser leurs chances d'abandon définitif.

Tableau 1. SCT : Évaluation clinique de la MPOC


Arsenal thérapeutique actuel

En présence d'un VEMS supérieur à 65 % de la valeur théorique, l'effet de la pharmacothérapie est peu connu, mais aux stades plus avancés de la maladie, les bronchodilatateurs sont la pierre angulaire de la pharmacothérapie de la MPOC.

On recommande actuellement trois classes de bronchodilatateurs, auxquelles se greffent les associations fixes d'un bronchodilatateur à longue durée d'action et d'un corticostéroïde en inhalation (CSI) : les anticholinergiques, les bêta2-agonistes et les théophyllines orales. Selon les nouvelles recommandations, un bêta2-agoniste à courte durée d'action (BACA) ou un anticholinergique à courte durée d'action, utilisés seuls ou en association au besoin, sont deux options acceptables chez le patient qui présente des symptômes seulement à l'effort et une incapacité assez peu marquée.

Le patient aux prises avec des symptômes plus persistants ou une obstruction modérée ou sévère des voies aériennes a besoin d'un anticholinergique à longue durée d'action (ACLA) ou d'un bêta2- agoniste à longue durée d'action (BALA). Parmi nos options figurent un ACLA, le tiotropium, et deux BALA, le salmétérol ou le formotérol. Un BACA peut servir au soulagement immédiat des symptômes. Dans la MPOC modérée ou sévère, les décisions de traitement diffèrent légèrement en fonction des antécédents d'exacerbations du patient.

Prenons deux patients dont la MPOC en est au même stade. Celui qui souffre en moyenne d'au moins une exacerbation par année aurait peut-être intérêt à recevoir du tiotropium en plus de l'association CSI/BALA dans un inhalateur unique – qu'il s'agisse de fluticasone/salmétérol à 500/50 µg 2 fois/jour ou de budésonide/formotérol à 400/12 µg 2 fois/jour.

Chez celui qui a en moyenne moins d'une exacerbation par année depuis deux ans, la SCT recommande d'associer du tiotropium à raison de 18 µg 1 fois/jour et un BALA. Il est aussi possible d'opter pour une association CSI/BALA à dose plus faible plutôt que pour un BALA seul afin de maximiser la bronchodilatation chez le patient qui présente une dyspnée persistante malgré le traitement par un BALA. Là encore, un BACA pourrait être utilisé au besoin pour soulager les symptômes.

À l'heure actuelle, au Canada, nous disposons de deux associations fixes en inhalateur : salmétérol/fluticasone et formotérol/budésonide. Ces deux associations améliorent la bronchodilatation, diminuent le volume pulmonaire et réduisent la fréquence et la gravité des exacerbations. Il n'y a toutefois aucune différence entre les deux BALA quant à la durée de l'effet, et ceux-ci n'ont encore jamais fait l'objet d'une comparaison directe dans un cadre formel.

Selon les résultats à six mois de deux essais pivots sur l'association budésonide/formotérol dans la MPOC modérée ou sévère, l'augmentation du VEMS moyen mesuré avant et après l'administration d'une dose, par rapport au VEMS initial, a été significativement plus marquée chez les patients qui prenaient dans un même inhalateur 200/4,5 µg de budésonide/formotérol (deux inhalations 2 fois/jour) que chez ceux qui recevaient 160 µg de budésonide. Les deux études comparatives ont montré que l'effet se maintenait pendant six mois (Szafranski et al. Eur Respir J 2003;21:74-81; Calverley et al. Eur Respir J 2003;22:912-7).

Rennard et son équipe ont eux aussi constaté que, par rapport au formotérol seul, le même schéma de traitement autorisait des augmentations significativement plus marquées du VEMS mesuré avant et une heure après l'administration d'une dose, par rapport au VEMS initial, et que cet effet s'était maintenu pendant les 12 mois de traitement. L'étude TORCH ( Towards a Revolution in COPD Health) – lors de laquelle l'association fluticasone/salmétérol a été comparée à un placebo et à chaque agent administré seul – a révélé que l'association améliorait significativement la fonction pulmonaire et la qualité de vie, et qu'elle réduisait les exacerbations par rapport à chaque agent administré seul ( N Engl J Med 2006;356:775-801).

Contrairement à ce qu'elle préconise dans l'asthme, la SCT déconseille aux médecins de prescrire un CSI seul dans la MPOC et recommande de toujours prescrire un CSI en association avec un BALA. Chez le patient aux prises avec des symptômes sévères qui persistent malgré l'utilisation concomitante du tiotropium et d'une association CSI/BALA, une préparation de théophylline orale à longue durée d'action pourrait être envisagée; en pareil cas, par contre, le médecin devra surveiller les concentrations sanguines de théophylline et être à l'affût des effets indésirables et des interactions médicamenteuses éventuelles. La SCT précise par ailleurs que les corticostéroïdes oraux ne doivent pas être utilisés à long terme dans le traitement de la MPOC étant donné l'absence de données concluantes montrant qu'ils sont bénéfiques et le risque élevé d'effets systémiques indésirables.

Prévention des exacerbations aiguës de MPOC

Il est essentiel de prévenir les exacerbations aiguës de MPOC afin de réduire le risque d'hospitalisation et, pour ce faire, on doit cibler les principaux déclencheurs de ces exacerbations aiguës (Tableau 2). L'abandon définitif du tabac ralentit le déclin de la fonction respiratoire et pourrait de ce fait réduire le risque d'apparition d'une exacerbation aiguë, quoique nous n'ayons pas de preuves directes à l'appui de cette observation.

Tableau 2. SCT : Stratégies possibles de p
tions aiguës de MPOC

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En revanche, des études ont révélé que la diminution du risque de morbi-mortalité pourrait atteindre 50 % chez les patients âgés atteints de MPOC qui se font vacciner annuellement contre la grippe, de sorte que la vaccination antigrippale annuelle doit être encouragée. Les patients atteints de MPOC devraient également recevoir le vaccin antipneumococcique au moins une fois au cours de leur vie.

Chez le patient dont le VEMS est inférieur à 60 % de la valeur théorique, l'utilisation du tiotropium avec ou sans BALA est une autre stratégie utile pour réduire le risque d'exacerbation, mais un CSI en monothérapie ne convient pas. Si le patient a un VEMS inférieur à 60 % de la valeur théorique et qu'il présente en outre une ou plusieurs exacerbations aiguës par année, l'association d'un CSI et d'un BALA devrait être envisagée.
e en charge globale de la MPOC et des exacerbations aiguës de MPOC

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Dans le contexte de la prise en charge des exacerbations aiguës de MPOC, il est essentiel d'exclure les autres causes possibles d'aggravation de la toux et de la dyspnée avant d'amorcer le traitement. Lorsqu'un patient se présente aux urgences et doit être hospitalisé, une radiographie pulmonaire pourrait révéler des anomalies qui changeront la stratégie de prise en charge; si l'oxymétrie montre une faible saturation artérielle en oxygène, une analyse des gaz du sang artériel s'impose (Figure 1). Une coloration de Gram et une culture pourraient aussi être envisagées chez le patient dont la fonction respiratoire est très compromise, chez celui qui a des exacerbations fréquentes et chez celui qui a reçu une antibiothérapie au cours des trois derniers mois.

Il ressort de certaines données que les associations de bronchodilatateurs en inhalation à courte durée d'action administrés à forte dose peuvent atténuer la distension pulmonaire et soulager la dyspnée en présence d'une exacerbation aiguë de MPOC. Des données plus solides étayent l'utilité d'une corticothérapie orale pendant cinq à 14 jours chez la plupart des patients présentant une exacerbation aiguë modérée ou sévère. En présence d'une exacerbation aiguë sévère et purulente, les antibiotiques sont reconnus pour être utiles et devraient d'ailleurs être envisagés dans ce groupe de patients.

Résumé

La prise en charge de la MPOC doit obéir à plusieurs grands objectifs que le médecin doit garder à l'esprit s'il aspire à améliorer la qualité de vie de ses patients et le pronostic de cette maladie. La cessation du tabagisme est bien sûr vitale, mais le médecin doit également viser à réduire la fréquence et la gravité des exacerbations aiguës de MPOC; à soulager la dyspnée et d'autres symptômes respiratoires à l'aide de modalités dotées d'un début d'action rapide; et à améliorer la tolérance à l'effort et la capacité d'accomplir les activités de la vie quotidienne.

Un effort collectif couplé à l'élaboration de nouvelles stratégies thérapeutiques devrait permettre au médecin traitant de réduire la morbimortalité secondaire à cette maladie progressive de plus en plus répandue.

questions et réponses

Groupe d’experts

Jean Bourbeau, MD

Université McGill, Montréal (Québec)

Paul Hernandez, MD

Dalhousie University, Halifax (Nouvelle-Écosse)

Darcy Marciniuk, MD

Royal University Hospital, Saskatoon (Saskatchewan)

Denis E. O’Donnell, MD

Queen's University, Kingston (Ontario)

Dans les nouvelles lignes directrices, on recommande aux médecins de proposer une spirométrie à visée diagnostique aux fumeurs de longue date atteints d'une infection des voies respiratoires [IVR], qui sera réalisée après la disparition des symptômes de l'IVR. Croyez-vous qu'une évaluation précoce systématique des personnes à risque pourrait améliorer le pronostic de la MPOC?

Dr O’Donnell : Oui, je le crois, surtout si ce dépistage cible les patients fort probablement atteints de la maladie. Lorsque la MPOC est décelée et que le patient cesse de fumer, les données montrent très clairement qu'il est possible d'infléchir l'évolution naturelle de la maladie et d'améliorer la survie. Par ailleurs, nous avons d'excellentes raisons de croire que la pharmacothérapie moderne modifiera, elle aussi, le cours naturel de la MPOC. Jamais nous n'avons été si bien outillés pour soulager les symptômes, et si l'on considère l'ensemble des traitements actuellement offerts, on constate qu'ils pourraient également prolonger la survie. En septembre [2008], nous aurons les premiers résultats de l'étude UPLIFT, sur l'effet d'un ACLA [anticholinergique à longue durée d'action] sur le rythme du déclin de la fonction pulmonaire. C'est le premier essai prospectif déterminant conçu pour vérifier si les bronchodilatateurs modernes influent sur l'évolution naturelle de la MPOC. Si l'étude révèle que c'est bel et bien le cas, elle constituera un plaidoyer très convaincant en faveur d'une intervention précoce et plus dynamique.

Dr Hernandez : Selon moi, il faut d'abord prendre conscience que même si la MPOC est une maladie répandue, elle passe souvent inaperçue. De nombreux patients ne savent pas qu'ils en souffrent ou sont à un stade assez avancé lorsqu'ils reçoivent le diagnostic. Malheureusement, le relevé des antécédents et l'examen physique ne sont pas assez précis pour la mise au jour d'une obstruction débutante des voies aériennes; nous avons besoin de méthodes d'évaluation objectives, grâce auxquelles les médecins pourront détecter la MPOC plus tôt. C'est pourquoi la SCT [Société canadienne de thoracologie] a proposé une stratégie de dépistage toute simple à l'intention, notamment, des médecins de famille. Devant un fumeur ou un exfumeur de 40 ans ou plus aux prises avec des symptômes respiratoires – les IVR fréquentes ou sévères sont la manifestation la plus fréquente de la MPOC légère –, on devrait soupçonner la MPOC et recourir à la spirométrie pour dissiper les doutes. Si le patient fume encore, il aura grandement intérêt à renoncer au tabac pour prévenir la progression de la maladie. Il semble qu'en renseignant les patients sur les résultats de leur spirométrie, on puisse augmenter le taux d'abandon du tabac.

Dr Marciniuk : Je pense que oui. Plusieurs interventions sont possibles en cas de MPOC légère. La plus évidente est l'abandon du tabac, mais d'autres solutions, pharmacologiques ou non, se sont également montrées efficaces [Figure 2]. Dans les lignes directrices, on précise qu'en cas de MPOC légère symptomatique, on doit renseigner le patient sur la maladie, et l'encourager à cesser de fumer et à faire de l'exercice régulièrement. Il faut aussi prescrire un bronchodilatateur au patient qui présente des symptômes et prévenir les exacerbations par la vaccination antigrippale et antipneumococcique. On r
rer un suivi régulier de ces patients.

Figure 2. SCT : Recommandations pour un traitement optimal de la MPOC

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Dr Bourbeau : Évidemment, nous déplorons tous que la MPOC ne soit pas mieux diagnostiquée au Canada, mais c'est le cas partout dans le monde. Selon les lignes directrices canadiennes, le dépistage devrait viser principalement les patients qui présentent des symptômes; dans cette population, il est vraiment essentiel de recourir à la spirométrie et de diagnostiquer la MPOC si elle est présente. La prise en charge des patients chez qui la maladie n'est pas diagnostiquée ni traitée adéquatement s'en trouverait certainement améliorée. Si la spirométrie ne confirme pas la MPOC chez le patient qui présente des symptômes respiratoires, on devra envisager un autre diagnostic.

L'inflammation contribue-t-elle à la pathogenèse et à la progression de la MPOC?

Dr O’Donnell : Nul doute que la MPOC est une maladie inflammatoire, puisque sa première manifestation est une bronchiolite des voies aériennes de petit calibre plutôt intense. Nous comprenons bien la nature de l'inflammation dans la MPOC, et elle est complètement différente de l'inflammation caractéristique de l'asthme. De plus, la réponse aux CSI [corticostéroïdes en inhalation] est excellente en cas d'inflammation éosinophile, comme dans l'asthme, mais administrés seuls, ces agents ont toujours eu des effets variables dans la MPOC. Toutefois, quelques études ont montré que lorsque le CSI était associé à un BALA [bêta2-agoniste à longue durée d'action], l'effet sur les marqueurs de l'inflammation était constant. Ainsi, même si les données sont limitées, des études avec biopsies ont montré que l'association CSI/BALA agissait avec constance sur certains marqueurs de l'inflammation des voies aériennes.

Dr Hernandez : La MPOC est une maladie inflammatoire des voies aériennes et du parenchyme pulmonaire; l'inflammation est donc au coeur même de son apparition et de sa progression. Le principal déclencheur de l'inflammation chez les patients canadiens est la fumée de cigarette, qui active un certain nombre de cellules inflammatoires qui, elles, libèrent des médiateurs de l'inflammation. Le résultat? Une atteinte des voies respiratoires et du parenchyme pulmonaire. On découvre aussi que la MPOC n'est pas uniquement une affection pulmonaire, mais bien une maladie systémique. Il y a, en effet, une composante inflammatoire systémique qui n'est pas étrangère à la comorbidité de la MPOC, notamment la cachexie et la dysfonction des muscles squelettiques.

Dr Marciniuk : Je pense que nous comprenons de mieux en mieux l'étiologie de la MPOC. Nous sommes plus conscients du rôle de l'inflammation dans cette maladie, et nous disposons de diverses données qui montrent que des mécanismes inflammatoires contribuent non seulement à la maladie, mais aussi à certaines de ses conséquences. À l'heure actuelle, il existe une légère contradiction entre notre compréhension du processus inflammatoire dans la MPOC et les effets cliniques des CSI en monothérapie. Mais ce que nous savons, c'est qu'en ajoutant un BALA au CSI, on obtient un effet différentiel très appréciable qui touche un ensemble de paramètres cliniques. Bref, les CSI ne se sont pas révélés très efficaces en monothérapie, mais ont apporté un bénéfice notable en association avec un BALA.

Dr Bourbeau : L'inflammation est au coeur même de la pathogenèse de la maladie. De nombreuses études ont révélé qu'elle était présente tôt, et c'est sans contredit une réaction normale des poumons à une agression comme le tabagisme. Chez les gens sensibles au tabac, la réaction inflammatoire au tabac pourrait être amplifiée, ce qui expliquerait éventuellement pourquoi certains patients développent la MPOC et d'autres non. À ce jour, aucune intervention ne s'est montrée capable d'infléchir l'évolution naturelle de la maladie, sauf l'abandon du tabac. Par contre, il y a toujours les anti-inflammatoires; il faudra voir si ces médicaments peuvent influer sur le cours de la maladie.

D'aucuns ont prétendu qu'il était difficile de distinguer la MPOC de l'asthme. Quelles sont les principales différences entre ces deux maladies?

Dr O’Donnell : Dans certaines circonstances, chez le fumeur asthmatique, par exemple, l'écheveau est parfois difficile à démêler. Je vous invite à consulter le ta bleau [Tableau 3] des lignes directrices, où les principales différences entre les deux sont exposées. L'asthme frappe le sujet plus jeune, les symptômes sont plus intermittents, il existe souvent des antécédents familiaux d'asthme ou personnels d'atopie, et l'écart entre les valeurs spirométriques antérieures et postérieures au test de réversibilité est plus marqué dans l'asthme que dans la MPOC; enfin, la réponse aux CSI est nettement plus impressionnante dans l'asthme que dans la MPOC. En revanche, le patient plus âgé, fumeur ou ex-fumeur, qui éprouve des symptômes progressifs sans respiration sifflante prédominante ni antécédents d'atopie, mais qui attrape souvent des IVR tenaces, évoque davantage un diagnostic de MPOC. Cela dit, certains patients peuvent souffrir des deux maladies, auquel cas il peut être difficile de juger de l'importance relative de chacune. Si la fonction pu
oup, c'est probablement de l'asthme, car on ne voit pas ces grandes fluctuations dans la MPOC.

Tableau 3. Différences cliniques entre l’asthme et la MPOC

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Dr Hernandez : Il est parfois difficile, pour les médecins de famille comme pour les spécialistes, de distinguer l'asthme de la MPOC. Il faut dire qu'une minorité de patients atteints de MPOC souffrent d'asthme également. Toutefois, la SCT a inventorié les particularités de chaque maladie dans ses lignes directrices récentes. Elle souligne notamment que l'asthme apparaît typiquement à un jeune âge, que l'inhalation de substances nocives (en termes clairs, le tabagisme) est nécessaire à l'établissement d'un diagnostic de MPOC, que l'allergie ou l'atopie est caractéristique de l'asthme, etc. Quant à l'utilité de la spirométrie comme outil de différenciation, elle est difficile à établir, en partie à cause du mode d'évaluation de la fonction pulmonaire. En effet, on mesure la réversibilité après l'administration d'un critères de réversibilité, du reste peu exigeants, soit 200 mL et 12 % du VEMS. Ça ne suffit donc pas pour distinguer la MPOC de l'asthme. Par contre, si un bronchodilatateur ou un CSI amenait une réversibilité plus marquée, les soupçons du clinicien pourraient se diriger vers l'asthme plutôt que la MPOC.

Dr Marciniuk : Dans les lignes directrices, on présente certaines des différences cliniques entre l'asthme et la MPOC, les principales étant l'âge du sujet lors de l'apparition (habituellement moins de 40 ans pour l'asthme et plus de 40 ans pour la MPOC), les antécédents de tabagisme (qui n'ont pas de valeur causale dans l'asthme, mais en ont habituellement une dans la MPOC), les expectorations (rares dans l'asthme, mais fréquentes dans la MPOC) et la présence d'allergies (fréquente dans l'asthme, mais rare dans la MPOC). En outre, les deux maladies évoluent différemment (généralement, l'asthme demeure stable, tandis que la MPOC s'aggrave, bien qu'il se produise des exacerbations dans les deux maladies), la spirométrie se normalise souvent dans l'asthme, mais jamais dans la MPOC, et enfin, les symptômes sont intermittents et variables dans l'asthme, mais plutôt persistants dans la MPOC.

Dr Bourbeau : Malheureusement, il n'existe pas une caractéristique précise qui permettrait de distinguer ces deux maladies l'une de l'autre, à moins que le traitement permette une réversibilité complète de l'obstruction des voies aériennes. Donc, si on observe une obstruction des voies respiratoires et que celle-ci disparaît complètement après le traitement, on a un signe pathognomonique d'asthme. Certains éléments cliniques peuvent aussi se révéler éclairants. Par exemple, l'asthme est le diagnostic le plus probable en cas d'allergie ou d'atopie, ou en présence de symptômes respiratoires chez un nonfumeur. Cela dit, on sous-estime probablement les facteurs de risque environnementaux, par exemple le travail en milieu insalubre, dans l'apparition de la MPOC. Le tabagisme n'est pas la seule et unique cause de la MPOC.

Selon vous, comment les médecins doivent-ils évaluer la gravité de la maladie?

Dr O’Donnell : Nous sommes d'avis que les médecins devraient d'abord confirmer un diagnostic à l'aide de la spirométrie, pour ensuite laisser les symptômes, l'incapacité et le nombre d'exacerbations orienter leurs décisions de traitement. L'évaluation de l'incapacité peut se révéler difficile, et un entretien exploratoire s'impose. Par contre, l'échelle du Medical Research Council [MRC] pour l'évaluation de la dyspnée, facile d'emploi, permettra au médecin de juger de la gravité et d'appliquer le bon traitement [Tableau 4]. Ainsi, un patient dont le score MRC est supérieur à 3 présente une dyspnée cliniquement importante liée à son niveau d'activité et a besoin d'un bronchodilatateur. Un score MRC de 5 commande la prise au long cours de mesures non médicamenteuses et médicamenteuses. Il importe également de rechercher d'éventuels facteurs de comorbidité. Mais en ce qui concerne les médecins de famille, nous préconisons l'établissement d'un diagnostic ferme, d'abord par les valeurs spi
valuation de la symptomatologie et du risque d'exacerbation aiguë, deux critères extrêmement importants dans la prise de décisions de traitement.

Tableau 4. Échelle d’évaluation de la dyspnée du MRC

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Dr Hernandez : La MPOC étant une maladie complexe, un simple chiffre comme le pourcentage du VEMS théorique ne dit pas tout, loin de là. Le degré d'obstruction des voies aériennes est certes important, mais nous devons également mesurer les répercussions des symptômes sur le patient. Nous le faisons à l'aide de l'échelle de dyspnée MRC, qui nous renseigne sur les restrictions imposées par les symptômes et rend mieux compte de la gravité globale de la maladie. Par ailleurs, le degré de l'obstruction des voies aériennes et les symptômes en disent long sur le pronostic et le risque de mortalité, tout comme le rendement à l'effort, l'indice de masse corporelle ainsi que la fréquence et la gravité des exacerbations aiguës. Ce sont tous là des indicateurs importants, qui ont une valeur pronostique indépendante et sont, à l'exception du test de marche de six minutes, à la portée des médecins de famille souhaitant évaluer la gravité globale de la maladie et le risque de mortalité.

Dr Marciniuk : Le médecin peut, à sa guise, évaluer la fonction pulmonaire par la spirométrie, estimer la gravité des symptômes et l'incapacité, ou alors faire les deux évaluations. Il peut juger de la gravité de la maladie selon la gêne fonctionnelle respiratoire, évaluée par spirométrie, mais aussi à l'aide de l'échelle de dyspnée MRC, comme on l'explique dans les lignes directrices. Le choix du médecin dépendra probablement du patient et de la méthode qui l'interpelle le plus ou avec laquelle il se sent le plus à l'aise.

Dr Bourbeau : L'évaluation de la gravité de la maladie a toujours reposé sur la détermination du degré d'obstruction des voies aériennes, mais il n'existe qu'une faible corrélation entre les symptômes de dyspnée et l'intolérance à l'effort, d'une part, et le VEMS, d'autre part. C'est pourquoi nous recommandons fortement au médecin d'évaluer l'incapacité à partir de critères cliniques. Comme le principal symptôme de la MPOC est la dyspnée à l'effort, nous lui conseillons d'utiliser l'échelle de dyspnée MRC. C'est un instrument facile d'emploi, qui traduit bien les différences d'un patient à l'autre et présente une bonne valeur prédictive pour ce qui est de la survie. En fait, cet outil rappelle l'échelle NYHA, de la New York Heart Association, pour l'évaluation de la gravité de l'insuffisance cardiaque. Notre souhait est que les médecins en viennent à utiliser l'échelle de dyspnée MRC aussi naturellement qu'ils ont recours à l'échelle NYHA en cas d'insuffisance cardiaque.

Dans les lignes directrices, on recommande aux médecins d'envisager un certain nombre d'outils pharmacologiques pour aider les patients à cesser de fumer. Quelles sont les interventions qui, selon votre expérience, semblent le mieux fonctionner?

Dr O’Donnell : En tant que spécialistes, nous ne sommes pas appelés autant que les médecins de famille à intervenir sur ce point, de sorte qu'ils savent probablement beaucoup mieux que nous quelles interventions sont les plus efficaces. Depuis la commercialisation de la varénicline, nous avons noté, à notre échelle, un succès appréciable des programmes d'aide à l'abandon du tabac. Cette option semble donc supérieure aux substituts nicotiniques et au bupropion, bien qu'elle doive s'accompagner d'une aide psychologique.

Dr Hernandez : Selon moi, la chose la plus importante que nous puissions faire est de prendre le temps, en consultation, d'aborder systématiquement la question du tabagisme, de consigner au dossier que le patient fume toujours, d'évaluer sa volonté de cesser de fumer et son degré de dépendance, puis de faire appel aux thérapies brèves afin de le motiver à progresser dans ce processus de changement. Toute aide psychologique sera plus efficace si elle est associée au traitement pharmacologique approprié. Différents médicaments peuvent être proposés aux patients, notamment les substituts nicotiniques, le bupropion et la varénicline, le choix le plus approprié étant fonction des facteurs de comorbidité, du coût, des effets indésirables, de l'accessibilité et des interactions médicamenteuses.

Dr Marciniuk : Selon les données actuelles, la meilleure stratégie semble d'associer aide psychologique et pharmacothérapie, mais ce que le médecin ne doit surtout pas oublier, c'est que l'abandon du tabac est vital; qu'il a une réelle portée; que plusieurs tentatives sont souvent nécessaires; et que, comme médecin, son rôle est de continuer résolument de tenter d'amener ses patients à renoncer au tabac jusqu'à ce qu'ils y parviennent.

Dr Bourbeau : L'utilisation des diverses aides antitabagiques est détaillée dans les lignes directrices et nous encourageons les médecins à se servir de cette information. D'autre part, en tant que médecins, il nous incombe de nous assurer que les patients comprennent que leur maladie est causée par le tabagisme et qu'ils s'exposent à des conséquences négatives s'ils continuent de fumer. Nous devons également offrir notre aide sans agressivité, mais en montrant clairement que les problèmes de santé du patient causés par le tabagisme nous préoccupent. Nous devons faire équipe avec le patient, évaluer à quel stade il en est dans sa volonté de renoncer au tabac, puis, aussi souvent que nous le pouvons, lorsque nous le revoyons, réévaluer s'il est davantage prêt au sevrage. Il nous faut donc consacrer beaucoup de temps à nos patients; cela dit, il est certain que nombre de médicaments peuvent être utilisés en complément d'une consultation spécialisée appropriée pour aider les patients à cesser de fumer et augmenter l'efficacité de la démarche de soutien psychologique.

Sachant que l'inflammation est une composante sous-jacente de la MPOC, comment expliquez-vous les données contradictoires quant à la pertinence de l'administration d'un CSI en monothérapie?

Dr O’Donnell : L'inflammation caractéristique de la MPOC ne répond pas à un CSI administré seul. Toutefois, des données semblent maintenant indiquer que l'ajout d'un BALA à un CSI, dans un même inhalateur, amplifie les effets antiinflammatoires du CSI. Si l'on en juge par les résultats de plusieurs études rigoureuses de petite envergure, il semble que la libération des deux molécules au même site dans les voies aériennes supprime l'inflammation.

Dr Hernandez : Dans les études menées à ce jour, on a observé, quoique de manière inconstante, une légère influence des CSI sur la fonction pulmonaire, les symptômes et les exacerbations aiguës. Fait intéressant cependant, quatre études d'envergure ont démontré l'absence d'effet des CSI sur le rythme du déclin de la fonction pulmonaire. En revanche, nous savons que le fait d'associer le CSI à un BALA renforce et régularise son effet sur les paramètres cliniques et physiologiques. La raison pour laquelle le CSI n'agit pas aussi bien qu'on l'aurait présumé sur une affection pulmonaire de nature inflammatoire est que le type d'inflammation qui affecte les voies aériennes est complètement différent de ce qu'on observe dans l'asthme, où les CSI ont un rôle prépondérant.

Dr Marciniuk : Comme on l'a déjà dit, notre compréhension est encore imparfaite, mais ce que nous savons par contre, d'après les données actuelles, est que le traitement par un CSI exerce un effet positif sur les symptômes, la qualité de vie, les exacerbations et la fonction pulmonaire lorsqu'il est associé à un BALA, et cette observation se reflète dans les lignes directrices.

Dr Bourbeau : Les données montrent clairement que les CSI jouent un rôle minime sinon inexistant dans le traitement de première intention de la MPOC et que, si l'on a recours à un CSI, il est plus efficace de l'associer à un BALA. Cette observation paraît quelque peu contradictoire puisque l'inflammation est une caractéristique clé de la pathogenèse de la MPOC et que les corticostéroïdes sont intrinsèquement anti-inflammatoires; toutefois, le type d'inflammation associé à la MPOC est relativement réfractaire au traitement par un CSI, ce qui tient vraisemblablement au fait qu'il s'agit d'une inflammation surtout neutrophile, alors que l'inflammation caractéristique de l'asthme est surtout éosinophile. Il est donc probable que le BALA potentialise les effets anti-inflammatoires du CSI. Une étude canadienne sur des biopsies bronchiques a ainsi démontré que l'association exerce bel et bien des effets anti-inflammatoires dans la MPOC, alors que le CSI seul n'a pas d'effet ou presque. Ces nouvelles données confirment la plausibilité biologique de la supériorité du traitement d'association (CSI plus BALA) par rapport à la monothérapie (CSI).

Chez quels patients ou dans quelles circonstances utiliseriez-vous de préférence un inhalateur qui combine un CSI et un BALA?

Dr O’Donnell : Nous réservons cette option aux stades modérés ou sévères, car il n'y a pas de données montrant que cette association est efficace aux stades plus précoces. Ainsi, les patients atteints d'une MPOC modérée ou sévère et sujets à des exacerbations annuelles ont besoin d'une trithérapie composée d'un ACLA et d'une association CSI/BALA. La pertinence de cette association pour ce groupe particulier a été confirmée. Chez les patients qui ne présentent pas d'exacerbations récurrentes — ce qui est le cas d'au moins 40 % des patients — mais qui continuent de présenter des symptômes malgré un traitement par un ACLA et un BALA, on peut envisager de remplacer le BALA par une association CSI/BALA faiblement dosée, puisque les données évoquent, là encore, un effet supérieur de l'association sur la fonction des voies aériennes de petit calibre et la distension pulmonaire.

Dr Hernandez : Chez les patients atteints d'une forme modérée ou sévère, l'association CSI/BALA devrait être envisagée dans deux situations : premièrement, en présence d'exacerbations fréquentes - auquel cas, un traitement optimal commande l'ajout d'un ACLA et d'un BACA; et deuxièmement, même en l'absence d'exacerbations fréquentes, lorsqu'il existe une dyspnée persistante et une mauvaise tolérance à l'effort en dépit de l'utilisation optimale d'un bronchodilatateur à longue durée d'action - on recommande alors de passer à l'association administrée en concomitance avec un ACLA et un BACA, comme le schéma précité.

Dr Marciniuk : Dans les lignes directrices de la SCT, on définit deux indications pour l'association CSI/BALA. La première est une incapacité persistante malgré un traitement par une association de bronchodilatateurs à longue durée d'action et une rééducation respiratoire, lorsque ce type d'intervention est offert; la deuxième est une forme modérée ou sévère avec des antécédents d'exacerbations fréquentes. Cette deuxième indication s'appuie sur des données probantes ayant montré que l'association CSI/BALA, utilisée conjointement avec un ACLA, diminue efficacement la fréquence et la gravité des exacerbations.

Dr Bourbeau : En nous fondant sur les données de deux études d'envergure rigoureuses –TORCH et Canadian Optimal Therapy of COPD – nous avons établi un nouvel algorithme de traitement pour faciliter la prise de décisions. L'étude Optimal Therapy – financée par les Instituts de recherche en santé du Canada [IRSC] – a démontré très clairement que le schéma ACLA plus CSI/BALA pouvait prévenir les hospitalisations pour cause d'exacerbations et améliorer la qualité de vie et le VEMS, comparativement à un ACLA seul ou au schéma ACLA plus BALA. C'est pourquoi nous recommandons maintenant le triple schéma ACLA plus association CSI/BALA dans les formes modérées ou sévères qui s'accompagnent d'exacerbations importantes de même que dans les cas où, même si les exacerbations sont absentes ou rares, les symptômes et l'incapacité persistent en dépit d'un traitement optimal; chez ces derniers patients, nous recommandons le passage progressif des bronchodilatateurs à longue durée d'action au schéma ACLA plus CSI/BALA, complété par un BACA pour le soulagement immédiat des symptômes.

Quel est le fondement physiologique de l'utilisation de l'association CSI/BALA chez les patients atteints de MPOC ayant des symptômes persistants et des exacerbations fréquentes?

Dr O’Donnell : L'association CSI/BALA améliore la fonction des voies aériennes de petit calibre et atténue la distension pulmonaire, cause fondamentale de l'essoufflement. Nous espérons que, par la suppression physiologique de l'inflammation qu'elle réalise, cette association puisse également freiner le déclin de la fonction respiratoire. En résumé, donc, le produit d'association autorise des améliorations mécaniques qui visent le soulagement immédiat des symptômes et, à plus long terme, on s'attend à ce que la suppression de l'inflammation améliore la fonction pulmonaire. Cela dit, si on a recours à l'association pour soulager les symptômes et augmenter le niveau d'activité physique, on doit s'assurer d'utiliser l'association à faible dose, car on semble obtenir le même effet qu'avec la dose plus forte sur la bronchoconstriction et la distension pulmonaire.

Dr Hernandez : Les résultats de deux études avec biopsies ont indiqué que l'association semble réduire plus efficacement l'inflammation pulmonaire que le CSI ou le placebo seul. Nous savons également que l'association CSI/BALA s'avère un bronchodilatateur assez efficace qui permet d'améliorer la capacité d'exercice et d'atténuer les symptômes. Selon un certain nombre d'études, cette association semble en outre réduire la fréquence des exacerbations sévères. Toutefois, le mécanisme qui sous-tend cet effet reste obscur : est-ce parce que, sous l'effet de ces agents, les patients ont une fonction pulmonaire de base bien préservée et que, par conséquent, ils présentent moins de symptômes durant les exacerbations et sont moins susceptibles de recourir à des soins médicaux, ou est-ce le fait que l'amélioration de la fonction pulmonaire se traduit par une meilleure clairance des microorganismes dans les poumons et par des exacerbations moins fréquentes? Des études doivent être menées pour élucider ce mécanisme.

Dr Marciniuk : Les exacerbations suscitent une réponse inflammatoire et cette réponse pourrait contribuer de différentes façons à provoquer d'autres exacerbations. Les exacerbations aiguës sont pour la plupart d'origine infectieuse, mais dans ce groupe particulier de patients, il existe des données très concluantes montrant que l'association CSI/BALA réduit efficacement le risque ultérieur d'exacerbation, ce qui laisse supposer que l'inflammation joue également un rôle important dans l'apparition de cette complication.

Dr Bourbeau : Les bronchodilatateurs à longue durée d'action atténuent à la fois la distension statique et la distension dynamique, qui sont étroitement corrélées avec la dyspnée. Ils améliorent également la tolérance à l'effort, et nous savons d'autre part que, lorsqu'on associe un CSI et un BALA, le BALA peut potentialiser les effets du CSI et vice versa, ce qui pourrait expliquer pourquoi l'association est plus efficace qu'un BALA en monothérapie.

De quelle manière encouragez-vous vos patients à faire de l'exercice alors qu'ils présentent souvent un déconditionnement très marqué et ont déjà le souffle court, même inactifs?

Dr O’Donnell : Nous savons que l'absence d'exercice a des conséquences désastreuses à long terme, car elle fait entrer le patient dans une spirale de déconditionnement et de fonte musculaire, qui taxe lourdement l'appareil respiratoire. Des preuves de niveau 1 montrent que l'entraînement à l'exercice renforce l'endurance des muscles périphériques même chez les sujets âgés atteints d'une MPOC débilitante. Malheureusement, environ 1,6 % seulement des patients atteints de MPOC ont accès à un programme de rééducation multidisciplinaire structuré; néanmoins, nous préconisons d'encourager les patients à faire régulièrement de l'exercice, autant que possible. Étant donné que la pharmacothérapie a pour effet d'«augmenter la performance», les patients sont en mesure de faire de l'exercice plus longtemps, et doivent coupler l'exercice à la prise de médicaments. La marche est particulièrement bénéfique, mais les patients peuvent à leur gré pratiquer n'importe quelle autre activité physique. Le médecin doit prescrire la fréquence, la durée et l'intensité de l'exercice. Au début, le patient doit poursuivre l'exercice seulement jusqu'au seuil de dyspnée, puis se reposer pour récupérer (entraînement par intervalles), et recommencer. L'objectif est d'augmenter graduellement la distance parcourue dans un temps donné. Les patients dont la MPOC est avancée peuvent commencer par seulement cinq minutes d'exercice par jour, mais devraient à terme viser un objectif de 30 minutes d'exercice par jour, à raison d'au moins trois séances par semaine.

Dr Hernandez : La première chose à faire est d'informer les patients des bienfaits de l'exercice, notamment une diminution des symptômes, de la dyspnée et de la fatigue, une amélioration de la qualité de vie, de même qu'une réduction marquée du temps passé à l'hôpital pour le traitement des exacerbations aiguës. Chez de nombreux patients, la MPOC est associée à d'autres facteurs de comorbidité que l'exercice peut souvent aider à régulariser, en contribuant notamment à normaliser le poids corporel, la tension artérielle, le bilan lipidique et la glycémie. Idéalement, les conseils sur le réentraînement optimal devraient être donnés au patient dans le cadre d'un programme de rééducation supervisé, mais ces programmes ne sont pas offerts à grande échelle. Personnellement, je me guide sur le principe fréquence-intensité-type-temps (FITT) et je conseille à mes patients de viser une fréquence de trois à cinq fois par semaine à une intensité qui produit un essoufflement modéré; idéalement, une séance devrait durer de 30 à 45 minutes, bien que l'exercice puisse être fractionné en séances de plus courte durée pour que cet objectif soit atteint; et je leur propose de pratiquer une activité aérobie qu'ils aiment, la bicyclette, la marche et la natation étant toutes des activités bénéfiques. Avant de conseiller aux patients de pratiquer une activité physique régulière, il est souvent approprié de prescrire une épreuve d'effort cardiaque ou cardiorespiratoire afin de s'assurer de l'absence de risques pour le patient et d'aider à déterminer les recommandations quant à l'intensité de l'exercice et au besoin d'oxygénothérapie.

Dr Marciniuk : C'est très difficile et, de fait, il semble presque contre-intuitif de demander aux patients d'accentuer leur dyspnée en faisant de l'exercice. Néanmoins, des données probantes semblent indiquer que les patients qui pratiquent une activité physique régulière, en particulier dans le cadre d'un programme de rééducation, éprouvent moins de dyspnée et peuvent parcourir une distance plus grande en étant moins exposés à des répercussions défavorables que les sujets qui ne font pas d'exercice. Par conséquent, l'exercice permet aux patients de mieux utiliser leur capacité respiratoire restante. L'exercice contribue aussi en grande partie à la régression des effets à long terme du déconditionnement musculaire observé au cours de la MPOC. L'association d'une pharmacothérapie optimale et d'un programme de rééducation se traduit par des bienfaits remarquables pour le patient. C'est la combinaison la plus puissante et la plus efficace qui soit pour optimiser la prise en charge de la MPOC.

Dr Bourbeau : L'exercice et la rééducation respiratoire à visée d’autogestion sont un volet essentiel de la prise en charge de la MPOC; ce volet fait partie intégrante d'une démarche globale comme nous le préconisons dans les lignes directrices et doit être associé à un traitement pharmacologique optimal. Pour les patients qui présentent une incapacité modérée ou sévère, il est beaucoup plus bénéfique de participer à un programme d'entraînement structuré dans le cadre d’un programme de réadaptation pulmonaire qui leur permettra d'augmenter graduellement leur tolérance à l'effort en même temps que leur confiance dans les bienfaits réels du programme aux chapitres de la tolérance à l'effort, de la qualité de vie et de la dyspnée. Nous devrions donc diriger vers un programme de réadaptation pulmonaire tous nos patients ayant un score MRC de 3 à 5. Cela dit, annuellement, moins de 2 % des patients atteints de MPOC ont accès à un programme de rééducation, ce qui est clairement inacceptable. Nous devrions établir des listes d'attente pour les patients souffrant de MPOC comme il en existe pour les patients cardiaques. Ce faisant, nous parviendrions peut-être à convaincre les autorités de la nécessité d'élargir l'accès à des programmes de réadaptation pulmonaire au pays.

De quelle façon aimeriez-vous que ces lignes directrices influent sur la prise en charge de la MPOC?

Dr O’Donnell : Nous espérons notamment que la spirométrie sera utilisée pour détecter la maladie précocement et confirmer la présomption de MPOC chez les patients symptomatiques. Une récente enquête sur les pratiques médicales au Québec et en Ontario révèle que seulement 56 % des médecins ont recours à la spirométrie pour confirmer un diagnostic de MPOC, et nous espérons que les lignes directrices vont accroître son utilisation. Nous espérons aussi que les lignes directrices encourageront les médecins à prévenir et à traiter les exacerbations de façon plus énergique, ces complications étant responsables d'une morbidité et même d'une mortalité considérables; le dépistage, la prévention et le traitement rapide des exacerbations sont donc un autre objectif. Nous aimerions en outre optimiser le soulagement des symptômes. Les modalités du traitement pharmacologique moderne améliorent systématiquement la fonction respiratoire et la tolérance à l'effort et réduisent les exacerbations, de sorte que nous sommes désormais davantage en mesure d'améliorer substantiellement la qualité de vie des patients. Nous avons bon espoir que l'application des lignes directrices de la SCT dans la pratique clinique contribuera à prévenir la MPOC et tout au moins à améliorer la santé des Canadiens aux prises avec cette maladie dévastatrice.

Dr Hernandez : Malheureusement, l'expérience nous enseigne que les lignes directrices en elles-mêmes ne modifient pas les soins prodigués aux patients. C'est pourquoi la SCT a, d'entrée de jeu, constitué un comité responsable de la dissémination et de la mise en application des lignes directrices sur la MPOC. Le comité se sert des lignes directrices comme norme de référence pour tenter de changer le comportement des praticiens et améliorer la prise en charge de la MPOC. À cette fin, nous avons mis sur pied des initiatives de formation à l'intention des médecins de famille et des spécialistes et élaboré des outils que le praticien peut utiliser en consultation afin de faciliter la mise en oeuvre des lignes directrices dans tous les milieux. Nous sommes conscients de la masse de lignes directrices dont les médecins de famille doivent prendre connaissance; l'enjeu est donc de présenter les messages clés d'une façon claire et conviviale afin de faciliter la prise de décisions appropriées par le médecin dans le traitement de la MPOC. La SCT tente actuellement de déterminer la meilleure stratégie pour amener les médecins de premier recours à mettre les lignes directrices sur la MPOC et l'asthme en pratique.

Dr Marciniuk : Le fardeau associé à la MPOC ne cesse de s'alourdir et il ne semble pas que ce tableau puisse s'améliorer, bien au contraire. Cependant, des données toujours plus nombreuses attestent l'efficacité du traitement de la MPOC ainsi que ses retombées positives pour les patients lorsqu'il est utilisé de manière appropriée et énergique en vue d'optimiser la prise en charge. Dans cette perspective, les lignes directrices fournissent aux médecins un plan détaillé fondé sur les données probantes qui leur permet de guider leurs patients vers les stratégies possibles, l'objectif ultime étant d'optimiser la prise en charge de la MPOC pour le bénéfice de chaque patient.

Dr Bourbeau : Des preuves solides nous permettent désormais d'affirmer l'intérêt clinique d'une démarche globale de prise en charge de la MPOC qui allie le traitement médicamenteux et les stratégies non pharmacologiques. Il est vrai que nous avons fait certains progrès dans le traitement de la MPOC; toutefois, ces progrès n'auront de réelle portée que si tous les médecins mettent en application les lignes directrices. Si elles sont effectivement mises en oeuvre, il ne fait aucun doute qu'elles amélioreront la prise en charge globale de la MPOC. Voilà des mesures que nous pouvons prendre dès maintenant!

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Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.