Comptes rendus

Données à l’appui d’une trithérapie antiplaquettaire dans les SCA

Choix d’un antiplaquettaire pour un SCA/IM ST+ en fonction des caractéristiques du patient

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Le 31e Congrès annuel de la Société européenne de cardiologie

Barcelone, Espagne / 29 août-2 septembre 2009

La recherche d’un effet antiplaquettaire toujours plus marqué pour les patients les plus à risque a donné lieu à l’élaboration de stratégies de traitement d’efficacité croissante, depuis la monothérapie par l’acide acétylsalicylique (AAS), puis par une thiénopyridine, le clopidogrel, jusqu’à la bithérapie, voire la trithérapie antiplaquettaire. Les données cumulatives semblent indiquer que le risque hémorragique relatif augmente beaucoup plus lentement que la protection relative contre les événements thrombotiques lorsque le patient est d’emblée exposé à un risque élevé. De nouvelles analyses approfondies nous incitent à penser que les cliniciens doivent être sensibilisés aux risques d’un traitement antiplaquettaire insuffisant.

De l’avis du Dr Francisco-Fernández Avilés, chef de la cardiologie, Hospital Universitario Gregorio Marañón, Madrid, Espagne, «les schémas antiplaquettaires doivent être adaptés au risque sous-jacent d’événement thrombotique. Des données robustes issues d’essais cliniques montrent que le ratio bénéfice:risque varie énormément selon les facteurs en cause et le profil du patient, ajoute-t-il. Nous voulons bien sûr éviter un excédent d’hémorragies, mais nous ne voulons pas pour autant rater des occasions de prévenir des événements vasculaires majeurs.»

L’efficacité et le risque en balance

En matière de traitement antiplaquettaire, les possibilités qui s’offrent aux médecins et les risques auxquels sont exposés les patients ont été déterminés à partir des résultats d’essais cliniques. Dans le cas des patients à risque élevé, les études dans lesquelles on comparait soit le prasugrel avec le clopidogrel, soit le clopidogrel à forte dose avec le clopidogrel à faible dose, ont révélé qu’un effet antiplaquettaire plus marqué pesait plus lourd dans la balance que la légère majoration du risque hémorragique. On a ainsi pris conscience de l’importance de classer les patients afin qu’ils reçoivent un traitement antiplaquettaire adapté à leurs caractéristiques particulières. Bien qu’une résistance connue à l’AAS et au clopidogrel soit un obstacle majeur à l’optimisation du traitement antiplaquettaire, les résultats d’études cliniques indiquent que les patients à risque élevé devraient recevoir des antiplaquettaires plus efficaces.

Lors de l’essai TRITON TIMI-38 (N Engl J Med 2007; 357[20]:2001-15), 13 608 victimes d’un SCA exposées à un risque thrombotique modéré ou élevé ont été randomisées de façon à recevoir du prasugrel (dose d’attaque de 60 mg suivie d’une dose quotidienne de 10 mg) ou du clopidogrel (dose d’attaque de 300 mg suivie d’une dose quotidienne de 75 mg). Caractérisé par une action plus rapide et une variabilité interindividuelle moindre, le prasugrel a été associé à une diminution de 19 % du risque de survenue des événements constituant le paramètre principal – à savoir le décès d’origine cardiovasculaire (CV), l’infarctus du myocarde (IM) ou l’AVC non mortels – par rapport au clopidogrel (RR de 0,81; IC à 95 % : 0,73-0,90; p<0,001). Bien que le prasugrel ait été associé à une augmentation du risque de survenue d’une hémorragie majeure, paramètre principal d’évaluation de l’innocuité (RR de 1,32; IC à 95 % : 1,03-1,68; p=0,03), les bénéfices relatifs étaient faciles à distinguer d’un groupe à l’autre. Chez les patients ayant déjà subi un AVC ou une ischémie cérébrale transitoire, les patients âgés de plus de 75 ans, et les patients pesant moins de 60 kg, en particulier, le ratio bénéfice:risque était défavorable par rapport à celui de la quasi-totalité des autres patients. Dans les groupes à risque élevé comme les diabétiques, le prasugrel offrait un avantage global particulièrement marqué.

«Dans notre département, nous optons maintenant pour le prasugrel chez tous les patients, sauf chez ceux que l’on considère comme exposés à un risque hémorragique plus élevé selon les critères de l’étude TRITON», affirme le Dr Hugo Katus, Département de cardiologie, Université de Heidelberg, Allemagne. Au chapitre des occasions ratées de prévention des événements thrombotiques à cause d’une inhibition plaquettaire insuffisante, ce dernier fait remarquer que les données sont maintenant assez constantes pour nous permettre de cerner certains groupes à risque qui devraient recevoir les schémas antiplaquettaires les plus efficaces.

Même s’il est clair que le risque hémorragique augmente proportionnellement à l’efficacité du traitement antiplaquettaire, nous devons pouvoir reconnaître les situations où la probabilité de prévenir un événement thrombotique l’emporte sur le risque hémorragique. Il ressort de récentes études que la dose d’attaque de clopidogrel est trop faible chez de nombreux patients à risque élevé, tels les patients à qui on a implanté un tuteur pharmacoactif. Si le clopidogrel à forte dose (dose d’attaque de 600 mg suivie d’une dose d’entretien de 150 mg) réduit le risque de résistance au traitement par comparaison aux doses standards, d’autres stratégies pourraient être d’efficacité plus prévisible.

Individualisation du traitement à l’aide de marqueurs spécifiques

«Nous devons amplifier l’effet antiplaquettaire du traitement chez les patients exposés à un risque élevé d’événement thrombotique», renchérit le Dr Dominick J. Angiolillo, Division de cardiologie, College of Medicine, University of Florida, Jacksonville. Même s’il fait référence aux diabétiques en particulier, ses commentaires valent pour tous les groupes à risque élevé. «Trois options s’offrent à nous [pour ces patients] : augmenter la dose d’entretien de clopidogrel, opter pour une trithérapie antiplaquettaire ou administrer du prasugrel. Nous devons adapter le traitement.»

De plus en plus, le traitement antiplaquettaire est individualisé non seulement en fonction du risque clinique, mais aussi de marqueurs spécifiques. Le Dr Milika Asanin, Institut universitaire des maladies cardiovasculaires, Belgrade, Serbie, a rapporté les résultats d’une étude qui avait pour objectif d’évaluer les ajustements du traitement à l’aide de tests de la fonction plaquettaire après une intervention coronarienne percutanée (ICP) chez 1350 patients. Le risque de survenue à 30 jours du paramètre mixte – décès, infarctus récidivant non mortel, AVC ischémique et intervention de revascularisation des vaisseaux cibles – a diminué de 61 % (OR de 0,39; IC à 95 % : 0,2-0,77; p=0,006) chez les patients dont le traitement antiplaquettaire avait été ajusté par comparaison à ceux dont le traitement ne l’avait pas été. Dans cette étude, les tests servaient à repérer une hyperréactivité plaquettaire persistante malgré une bithérapie antiplaquettaire standard (clopidogrel à la dose standard plus AAS). En présence d’une hyperréactivité plaquettaire, on doublait la dose de clopidogrel.

«En ajustant le traitement antiplaquettaire après une ICP, nous avons obtenu des résultats nettement meilleurs qu’avec le traitement empirique», souligne le Dr Asanin. Lorsqu’il a expliqué les grandes lignes de l’individualisation du traitement, il a mentionné au passage que cette nouvelle stratégie était maintenant monnaie courante dans l’établissement où il exerce. Deux études semblent indiquer que le dépistage du polymorphisme de l’iso-enzyme 2C19 du cytochrome P450 pourrait aussi être utile. Lors de l’une de ces études, on a tenté de repérer la présence de la variante allélique CYP 2C19*2 – celle-ci s’étant révélée un facteur de risque de piètre réponse au clopidogrel – chez 259 patients qui avaient eu leur premier IM à 45 ans ou avant et qui étaient traités par le clopidogrel. L’étude a révélé que les événements CV majeurs étaient beaucoup plus fréquents en présence de la variante allélique (48 %) qu’en son absence (8 %; p=0,0036). De plus, lorsque les chercheurs ont évalué l’agrégation plaquettaire résiduelle, ils ont observé une corrélation entre une forte agrégation plaquettaire résiduelle et les événements CV majeurs.

«Les résultats montrent que la présence de l’allèle CYP2C19*2 est un important déterminant du pronostic chez les jeunes patients qui reçoivent du clopidogrel après avoir subi un IM», affirme la Dre Johanne Silvain, Département de cardiologie, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris, France. «Chez ces patients, on doit dépister le polymorphisme, puis ajuster la posologie ou carrément changer d’antiplaquettaire.»

Les auteurs de la deuxième étude, une étude américaine, en sont venus à la même conclusion. Ces chercheurs souhaitaient étudier le lien entre la variante allélique CYP2C19*2 et la fonction plaquettaire chez 227 patients sous clopidogrel qui avaient subi une ICP. Comme ce fut le cas dans la première étude, réalisée en France, les patients porteurs de l’allèle étaient exposés à un risque beaucoup plus élevé d’événement ischémique lorsqu’ils ont été évalués un an après l’ICP (HR de 2,42; p=0,02). Sous la direction du Dr Paul A. Gurbel, directeur de la recherche cardiovasculaire, Sinai Hospital, Baltimore, Maryland, les auteurs de l’étude ont conclu que la variante allélique CYP2C19*2 «était étroitement associée à une diminution de l’effet antiplaquettaire du clopidogrel et de la protection CV après une ICP».

Utilisation concomitante d’un IPP

Malgré les données montrant que l’allèle CYP2C19*2 modifie la réponse au traitement par le clopidogrel, l’analyse groupée des essais TRITON TIMI-38 et PRINCIPLE TIMI-44 a montré de façon très concluante que l’utilisation concomitante d’un IPP n’exerçait pas d’effet cliniquement significatif sur l’efficacité du clopidogrel ou du prasugrel. Dans sa présentation, la Dre Michelle L. O’Donoghue, Département de cardiologie, Brigham and Women’s Hospital, Harvard Medical School, Boston, Massachusetts, a expliqué qu’aucune des deux études n’avait objectivé de lien entre l’utilisation d’un IPP et l’effet du clopidogrel (HR de 0,94; IC à 95 % : 0,80-1,11) ou du prasugrel (HR de 1,0; IC à 95 % : 0,84-1,2) sur le paramètre principal, à savoir la survenue d’événements CV majeurs.

«Nos résultats ne justifient aucunement qu’on évite de prescrire un IPP aux patients recevant une thiénopyridine», confirme la Dre O’Donoghue, dont les résultats ont été publiés simultanément dans The Lancet (2009;publication en ligne le 1er septembre). Elle reconnaît évidemment que seul un essai prospectif avec randomisation permet de générer des données concluantes, mais il reste que ces données colligées ont été soumises à une panoplie d’analyses, y compris des tests de la fonction plaquettaire, qui n’ont mis en évidence aucune interaction, infirmant ainsi l’hypothèse d’un lien qui s’était dégagée de bases de données et d’études rétrospectives antérieures.

Résumé

L’avènement récent d’antiplaquettaires et de stratégies d’association plus efficaces contribue à fournir des données très précises sur l’équilibre entre l’efficacité antithrombotique et le risque hémorragique chez les patients qui ont subi un SCA tel un IM ST+. Les essais comme TRITON TIMI-38 ont généré des données ayant permis la création d’algorithmes où les patients à risque élevé reçoivent les antiplaquettaires les plus efficaces et où l’efficacité antithrombotique l’emporte sur le risque hémorragique. Il est essentiel de reconnaître que l’on doit individualiser le traitement pour équilibrer le ratio bénéfice:risque et optimiser la pratique clinique.

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