Comptes rendus

Nouvel espoir dans le traitement des formes résistantes et avancées de lymphome cutané à cellules T et de leucémie myéloïde chronique
Cancer colorectal métastatique : Nouvelle orientation du traitement systémique

De nouveaux agents s’annoncent prometteurs dans le myélome multiple récidivant/réfractaire ou nouvellement diagnostiqué

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 48e Assemblée/Exposition annuelle de l’American Society of Hematology

Orlando, Floride / 9-12 décembre 2006

Selon l’analyse partielle planifiée d’un essai de phase III randomisé sur le myélome multiple (MM) récidivant, l’association de la doxorubicine liposomale pégylée (DLP) et du bortézomib, inhibiteur du protéasome, prolonge l’intervalle sans progression (ISP) par rapport au bortézomib seul. Il a été démontré que l’association d’un inhibiteur du protéasome et d’une anthracycline exerce un effet synergique, tant in vitro qu’in vivo, souligne le Dr Robert Orlowski, Lineberger Comprehensive Cancer Center, University of North Carolina, Chapel Hill. «Le bortézomib est aussi capable de bloquer certaines voies de résistance aux anthracyclines alors que les anthracyclines bloquent certaines voies de résistance au bortézomib.»

Les chercheurs ont tenté de déterminer si l’association bortézomib/DLP pouvait améliorer l’issue clinique du MM récidivant/réfractaire par rapport au bortézomib seul. Lors de l’essai, 646 patients atteints d’un MM récidivant/réfractaire qui avaient déjà été traités au moins une fois ont reçu après randomisation soit l’inhibiteur du protéasome à raison de 1,3 mg/m² les jours 1, 4, 8 et 11 de chaque cycle de 21 jours, soit le bortézomib à la même posologie plus la DLP à 30 mg/m² le jour 4 de chaque cycle. La durée prévue du traitement était de huit cycles, à moins qu’une réponse complète (RC) ou la progression ne soit observée plus tôt.

Dans le groupe traitement d’association, par rapport au groupe monothérapie, le taux de réponse globale a atteint 48 % (une RC et des réponses partielles [RP]) vs 43 %, respectivement, tandis que la durée de la réponse a été prolongée d’environ trois mois (10,2 mois vs sept mois, respectivement). L’ISP médian – le paramètre d’évaluation principal de l’essai – était aussi significativement plus long dans le groupe traitement d’association : 9,3 mois vs 6,5 mois (p=0,000004), respectivement. Le traitement combiné a aussi été associé à une tendance vers une amélioration de la survie globale (SG).

«Le traitement d’association a semblé améliorer la réponse et prolonger l’ISP dans la plupart des sous-groupes analysés», précise le Dr Orlowski, y compris chez ceux qui présentaient une élévation modérée ou élevée du taux de bêta2-microglobuline ou qui n’avaient pas répondu préalablement à un traitement ou à une greffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH). L’utilisation antérieure d’une anthracycline ou de la thalidomide n’a pas atténué l’effet bénéfique de l’association, note-t-il.

Le traitement d’association a causé une légère augmentation des effets indésirables (EI), notamment des troubles digestifs, de la neutropénie et d’autres cytopénies, mais en général, «l’augmentation de la toxicité était peu marquée, poursuit le Dr Orlowski. Selon cette analyse partielle, l’association DLP/bortézomib réduit le risque de progression de 45 %, bien que l’augmentation du taux de réponse ne soit que légère. Selon notre hypothèse, la qualité de la réponse serait meilleure chez les sujets qui reçoivent l’association.»

Protocole de sauvetage prometteur

L’association lénalidomide/doxorubicine/dexaméthasone (RAD) est un autre protocole de sauvetage prometteur dans le MM récidivant/réfractaire. L’investigateur principal, le Dr Stefan Knop, Hôpital universitaire, Würzburg, Allemagne, rapporte que 58 patients au lourd passé thérapeutique (médiane de trois traitements préalables) ont été admis à son essai de phase I-II. Plusieurs cas de neutropénie fébrile ayant été signalés, on a modifié le protocole de façon à ajouter un facteur de stimulation des colonies à l’association de lénalidomide (15 mg les jours 1 à 21), de doxorubicine (9 mg/m² les jours 1 à 4) et de dexaméthasone (40 mg les jours 1 à 4, puis les jours 17 à 21).

La toxicité, surtout de nature hématologique, se composait surtout d’événements de classe 1 ou 2. Sur 37 patients évaluables, 28 ont obtenu une RP, deux, une RC négative et un, une réponse mineure, pour un taux de réponse globale de 84 %. On ignore encore la durée de la réponse, indique le Dr Knop, mais «l’association RAD est un nouveau protocole de sauvetage efficace dans le MM récidivant/réfractaire; sa toxicité est prévisible et se traite, et on observe une bonne activité chez les patients à risque élevé», conclut-il.

Chez les patients qui deviennent résistants ou intolérants à la dexaméthasone, les résultats définitifs d’un autre essai de phase II où le bortézomib a été combiné à la doxorubicine liposomale et à la thalidomide semblent indiquer que cette trithérapie particulière pourrait permettre de maîtriser à nouveau un MM récidivant/réfractaire. Dix-huit patients évaluables ont reçu le bortézomib à la dose standard, mais celui-ci était administré seulement les jours 1 et 4, puis de nouveau les jours 15 et 18 après une semaine de repos; s’ajoutaient la doxorubicine liposomale à 20 mg/m² les jours 1 et 15 toutes les quatre semaines et la thalidomide à 200 mg/jour tous les jours pendant quatre à six cycles.

Le taux de réponse globale était de 83,3 % (près de 22 % de RC et 56 % de RC plus RP) explique le Dr Swaminathan Padmanabhan, Roswell Park Cancer Institute, Buffalo, New York. On a observé une réponse sans égard aux traitements préalables, qui incluaient la doxorubicine, une greffe de CSH et des stéroïdes. Les médianes de survie sans progression (SSP) et de SG se chiffraient respectivement à 10,9 et à 15,7 mois. Les patients ont reçu en prophylaxie une dose de warfarine en fonction de leur poids, et aucun cas de thrombose veineuse n’a été signalé. «C’est un schéma très actif qui peut surmonter la résistance aux traitements préalables, enchaîne le Dr Padmanabhan. La semaine de repos permet aux microtubules de se rétablir, d’où une diminution des neuropathies.»

Les données sur l’évolution du MM traité demeurent limitées. La Dre Maria Roussou, Université d’Athènes, École de médecine, Grèce, et ses collaborateurs ont réévalué leur série originale de 43 patients qui avaient déjà reçu, pendant trois cycles de 28 jours, un traitement oral intermittent à base de cyclophosphamide (150 mg/m² aux 12 heures les jours 1 à 5), de thalidomide (400 mg/jour les jours 1 à 5 et 14 à 18) et de dexaméthasone (20 mg/m² les jours 1 à 5 et 14 à 18) (protocole CTD).

Les répondeurs recevaient comme traitement d’entretien le protocole CTD les cinq premiers jours de chaque mois. De ce groupe, 14 patients n’ont pas répondu tandis que 29 (67 %) ont obtenu une RP. La médiane de SSP de tous les sujets était de 10 mois. Selon la mise à jour de l’analyse réalisée chez 40 des 43 patients dont le traitement s’est poursuivi, 10 sont morts avant l’administration du nouveau traitement, neuf ont reçu la chimiothérapie traditionnelle et les 21 autres ont reçu un schéma novateur. Parmi les neuf patients qui ont reçu le schéma traditionnel, on a observé une RP, et la médiane de SSP était de 2,7 mois.

La médiane de survie de ce groupe était de 8,3 mois. Chez les 21 patients qui ont reçu le schéma novateur, on a noté six RP; la SSP était de 5,3 mois et la médiane de survie, de 9,6 mois. Fait intéressant, une RP au schéma novateur a été documentée chez 31 % des patients qui étaient sensibles au protocole CTD et chez 20 % des patients qui y étaient résistants.

Selon la mise à jour actuelle de l’essai initial sur le protocole CTD intermittent dont le suivi est à ce jour d’au moins quatre ans, la maladie est asymptomatique et n’a pas progressé chez 7 % des sujets de la cohorte initiale. L’administration d’un nouvel agent après la progression serait donc plus susceptible de retarder la progression qu’une chimiothérapie traditionnelle.

En quête de stratégies d’induction optimales

Faisant remarquer que le schéma d’induction optimal avant une greffe de CSH n’a toujours pas été défini, le Pr Jean-Luc Harousseau, Hôtel-Dieu, Nantes, France, a présenté les résultats d’une analyse partielle de l’essai de phase III de l’Intergroupe Francophone du Myélome (IFM). Des patients dont le MM était diagnostiqué depuis peu ont reçu aléatoirement soit l’association bortézomib/dexaméthasone, soit le bortézomib en monothérapie, en cycles de 28 jours. Le taux de RC et de réponse quasi-complète (RqC) était de 20 % dans le groupe traitement d’association vs 9 % dans le groupe monothérapie, tandis que le taux de RC véritable se chiffrait respectivement à 9 % vs 4 %.

Le taux de RC et de RP très bonne (RPTB) était de 43 % dans le groupe traitement d’association vs 26 % dans le groupe monothérapie, et le pourcentage de patients dont le traitement a échoué, dont la réponse était minimale ou dont la maladie s’est stabilisée ou a progressé était respectivement de 12 % vs 22 %. Essentiellement, précise le Pr Harousseau, il n’y avait pas de différence entre les deux groupes quant aux EI de classe 3 ou plus. Les résultats semblent donc indiquer que l’inclusion d’un agent novateur dans les schémas d’induction préalables à une greffe pourrait augmenter le taux de RC.

Le Dr Sundar Jagannath, Aptium Oncology Research Network, Los Angeles, Californie, a présenté les résultats à long terme du traitement de première intention du MM nouvellement diagnostiqué par le bortézomib seul ou en association avec la dexaméthasone. Selon les données compilées pour la totalité des 49 sujets, la réponse à la monothérapie a été rapide (moins de deux cycles), et près de la moitié des sujets ont répondu au traitement (10 % de RC ou de RqC). Une fois ajoutée la dexaméthasone, 88 % des patients ont obtenu une réponse dans un délai de six cycles (18 % de RC et 20 % de RPTB). Après deux ans (suivi médian de 27 mois), 85 % des patients étaient toujours en vie.

Dans tous les cas, le prélèvement des CSH s’est bien déroulé et la greffe a pris; le taux de survie estimé à deux ans était de 91 %. Les signes de toxicité les plus courants étaient la fatigue, la constipation, les nausées et les neuropathies sensitives, mais tous ces effets étaient prévisibles et ont pu être traités, indique le Dr Jagannath. Administré seul ou en association avec la dexaméthasone, «le bortézomib est efficace dans le traitement de première intention du MM» si l’on en juge par les données présentées au congrès, conclut-il.

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