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Traitement du myélome multiple chez la personne âgée

Cancer colorectal métastatique : Nouvelle orientation du traitement systémique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

31e Congrès de la Société européenne de médecine interne cancérologique

Istanbul, Turquie / 29 septembre-3 octobre 2006

Chaque année, à l’échelle mondiale, le cancer colorectal fait 940 000 victimes. Malgré les progrès accomplis dans le traitement du cancer localisé, les récidives sont fréquentes. Chez ces patients, la chimiothérapie systémique est souvent la seule option de traitement, quoique les résultats demeurent sous-optimaux. Les polychimiothérapies, y compris les protocoles à base d’oxaliplatine et d’irinotécan, donnent des résultats encourageants. Cela dit, les doses de chimiothérapie cytotoxique sont souvent limitées par leur toxicité, d’où une efficacité moindre du traitement.

La capécitabine, précurseur oral de la famille des fluoropyrimidines, se transforme en 5-fluoro-uracile (5-FU) de manière préférentielle dans le tissu tumoral en exploitant la surexpression de la thymidine phosphorylase. Pareil mode d’action permet de mieux cibler les cellules tumorales; de plus, les traitements administrés par voie orale ont généralement la cote chez les patients. L’ajout d’un agent biologique ciblé à la chimiothérapie cytotoxique pourrait prolonger la survie davantage. Par exemple, on travaille actuellement à la mise au point d’un certain nombre d’agents qui ciblent les voies de signalisation du récepteur du facteur de croissance épidermique et du récepteur du facteur de croissance endothéliale vasculaire (VEGF). Le VEGF est un médiateur clé de l’angiogenèse tumorale, laquelle est essentielle à la croissance de la tumeur. Récemment, le bevacizumab est devenu le premier agent antiangiogénique à être homologué pour le traitement de première intention du cancer colorectal métastatique.

Résultats de la recherche clinique

Le Dr James Cassidy, professeur titulaire d’oncologie et chef de la recherche en oncologie, département d’oncologie médicale du Royaume-Uni, University of Glasgow, Écosse, a présenté les résultats du «plus vaste essai clinique jamais réalisé à ce jour sur le cancer colorectal métastatique». À l’origine, l’étude avait pour objectif de confirmer que le protocole XELOX (capécitabine/oxaliplatine) était non inférieur au protocole FOLFOX (5-FU/oxaliplatine/leucovorine), qui était considéré à l’époque comme la norme dans le traitement du cancer colorectal métastatique. L’administration du protocole XELOX ne nécessitait qu’une visite à la clinique toutes les deux semaines alors que celle du protocole FOLFOX nécessitait un séjour de deux nuits à l’hôpital toutes les deux semaines. Au dire du Dr Cassidy, les chercheurs voulaient essentiellement savoir «si une chimiothérapie principalement orale – dont la commodité est un avantage indéniable pour le patient – peut servir de substitut à un schéma perfusé et donner des résultats similaires au point où l’on envisagerait de changer la norme de traitement».

En vertu du plan de l’étude, environ un millier de patients atteints d’un cancer colorectal métastatique ont été recrutés pour ensuite recevoir aléatoirement soit le protocole XELOX, soit le protocole FOLFOX. À peu près à mi-chemin en cours de recrutement, cependant, il est ressorti de données cumulatives que l’ajout du bevacizumab était bénéfique (Hurwitz et al. N Engl J Med 2004;350[23]:2335-42). Les chercheurs ont alors modifié le plan de l’étude de façon à maintenir le recrutement. Le nouveau plan prévoyait l’ajout du bevacizumab à 7,5 mg/kg par voie intraveineuse ou un placebo à l’un ou l’autre des protocoles (XELOX ou FOLFOX), le résultat étant un essai 2x2 conduit partiellement en aveugle. Le recrutement a été prolongé afin que l’effectif atteigne environ 1400 patients. Une fois le plan de l’étude modifié, un objectif important s’est ajouté, celui de démontrer que l’ajout du bevacizumab à l’un ou l’autre des protocoles de chimiothérapie était plus efficace pour améliorer le paramètre principal de l’étude, à savoir la survie sans progression. Le Dr Cassidy a limité sa présentation à l’analyse de ce paramètre, l’analyse des autres paramètres n’étant pas encore terminée en vue de la publication.

Les données initiales étaient comparables dans tous les groupes, si ce n’est que l’indice fonctionnel des patients selon la classification de l’ECOG (Eastern Cooperative Oncology Group) était meilleur dans le second volet. Le Dr Cassidy croit que cette disparité pourrait tenir à «un biais interne; en effet, explique-t-il, les cliniciens étaient un peu plus sélectifs avant d’admettre des patients au deuxième volet du fait qu’ils ne connaissaient pas bien le bevacizumab à l’époque ni son risque de toxicité supplémentaire».

La médiane de survie sans progression était de huit mois dans le groupe XELOX vs 8,5 mois dans le groupe FOLFOX. Le taux de risque pour la comparaison XELOX vs FOLFOX se chiffrait à 1,04 (IC à 97,5 %; 0,93 à 1,16). Compte tenu de la limite supérieure prédéterminée de 1,23 pour la non-infériorité, «nous avons la preuve que les deux protocoles sont comparables et que les deux médianes de survie sans progression sont statistiquement identiques».

La survie sans progression des groupes XELOX et FOLFOX a aussi été analysée en fonction d’un certain nombre de paramètres prédéfinis qui auraient pu avoir des retombées sur le pronostic, comme l’indice fonctionnel de l’ECOG au départ, le nombre de foyers métastatiques, l’âge, le sexe et le groupe ethnique. Le risque relatif n’a soulevé d’inquiétude dans aucun cas, souligne le Dr Cassidy.

Bien que les deux protocoles se soient révélés d’efficacité comparable, ils différaient quant à la toxicité, fait valoir le Dr Cassidy. Une diarrhée de classe 3/4 a été signalée chez 20 % des sujets du groupe XELOX vs 11 % de ceux du groupe FOLFOX. En revanche, une neutropénie a été signalée chez 43 % des sujets du groupe FOLFOX vs seulement 7 % des sujets du groupe XELOX. Une neutropénie fébrile, la forme de neutropénie que les oncologues médicaux craignent le plus, a été signalée chez 4,8 % des sujets du groupe FOLFOX vs 0,9 % des sujets du groupe XELOX. «Aucun produit n’est vraiment supérieur à l’autre; c’est une question de compromis entre la diarrhée et la neutropénie», commente le Dr Cassidy.

Ajout aux protocoles de chimiothérapie standard

L’avantage associé à l’ajout du bevacizumab aux protocoles de chimiothérapie dans le traitement du cancer colorectal métastatique est l’autre question à laquelle on tentait de répondre. La médiane de survie sans progression chez les sujets qui ont reçu le bevacizumab en plus du protocole FOLFOX ou XELOX était de 9,4 mois, par comparaison à huit mois dans le groupe placebo plus chimiothérapie standard (p=0,0023). Le paramètre principal a été atteint, et il ne fait aucun doute que l’ajout du bevacizumab a été plus efficace que le placebo, mais l’effet bénéfique n’était pas aussi marqué que ce à quoi l’on s’attendait d’après l’essai pivot de phase III sur le bevacizumab. Afin d’expliquer ce résultat, le Dr Cassidy a présenté quelques analyses de sous-groupes exploratoires, mais il a insisté sur le fait que ces données étaient préliminaires et que les travaux étaient toujours en cours.

Selon l’analyse de sous-groupe, la survie sans progression était significativement plus longue dans le sous-groupe bevacizumab que dans le sous-groupe placebo uniquement au sein de la cohorte XELOX. De plus, lorsque les chercheurs ont examiné les caractéristiques initiales des sujets de la cohorte FOLFOX, ils ont constaté que le temps écoulé depuis le traitement adjuvant était plus long dans le sous-groupe placebo. Or, «ceux d’entre nous qui traitent ce type de cancer soupçonnent que les patients chez qui le délai entre la chimiothérapie adjuvante et la récidive est plus long ont des résultats légèrement supérieurs; autrement dit, c’est un marqueur de bon augure», ajoute le Dr Cassidy. Par conséquent, le pronostic des patients du sous-groupe placebo au sein de la cohorte FOLFOX était peut-être meilleur dès le départ, mais cette explication provisoire découle de l’analyse exploratoire, prévient-il. Le Dr Alberto Sobrero, professeur titulaire d’oncologie médicale, Ospedale San Martino, Gênes, Italie, qui discutait de la présentation du Dr Cassidy, précise par ailleurs que «dans l’essai pivot de phase III, l’administration du bevacizumab s’est poursuivie pendant 8,5 mois, alors que dans cette étude, l’administration semblait s’arrêter après six mois dans tous les cas. Peut-être faut-il en conclure que nous devrions poursuivre l’administration jusqu’à ce que la progression soit confirmée.»

Il importe aussi de savoir en quoi l’ajout du bevacizumab vient modifier le profil de toxicité du protocole de chimiothérapie. Des événements comme les perforations du tube digestif, les saignements, les épisodes thrombotiques et l’hypertension ont été associés à cet agent, et on a effectivement observé une fréquence accrue de ces événements chez les sujets qui recevaient aussi le bevacizumab. Néanmoins, estime le Dr Cassidy, «ces pourcentages sont assez faibles et, en fait, ils sont plus faibles que ceux des essais comparatifs antérieurs sur le bevacizumab».

Dans sa discussion, le Dr Sobrero s’est dit encouragé par le profil de toxicité relativement bénin du bevacizumab ajouté à la chimiothérapie, soulignant notamment qu’une hypertension de classe 3/4 avait été signalée chez seulement 3,7 % des patients. «Nous sommes tous impatients de poursuivre la recherche sur l’association chimiothérapie/bevacizumab», note le Dr Sobrero. Ces données encourageantes et rassurantes sur l’innocuité du bevacizumab viennent compléter une brochette de données prometteuses, et l’innocuité globale du produit est compatible avec le profil qui s’était dégagé des essais antérieurs, précise-t-il.

Contexte clinique

Pour mesurer l’efficacité d’un traitement donné, l’essai clinique randomisé est la méthode qui donne les résultats les plus solides. Cependant, comme la population d’une étude est bien définie grâce à une série rigoureuse de critères d’inclusion, les sujets de telles études diffèrent parfois des patients qui reçoivent le traitement en contexte clinique. Bien que les études d’observation ne puissent pas donner de réponse à des questions détaillées au sujet de l’efficacité comparative des traitements, elles fournissent néanmoins des données précieuses sur le traitement administré dans la pratique clinique au quotidien.

Le Dr Mark Kozloff, associé clinique de médecine, section d’hémato-oncologie, University of Chicago, Illinois, a présenté les résultats de la base de données BRITE (Bevacizumab Regimens Investigation of Treatment Effects and Safety). Les critères d’inclusion ont été réduits à leur plus simple expression afin que la population soit aussi représentative que possible des patients atteints d’un cancer colorectal métastatique. L’étude avait pour objectif de déterminer la survie sans progression des patients qui recevaient le bevacizumab en association avec divers protocoles de chimiothérapie. La base de données regroupe 1950 patients (âge médian de 63,6 ans) qui ont été suivis pendant une période médiane de 12,9 mois. Les schémas de chimiothérapie les plus utilisés étaient le protocole FOLFOX (55,9 %), le protocole perfusé FOLFIRI (5-FU/leucovorine/irinotécan) (14,3 %) et le protocole IFL (irinotécan/5-FU en bolus/leucovorine) (9,7 %), lequel a été utilisé dans l’essai de phase III de confirmation pour l’homologation du bevacizumab. La médiane de survie sans progression était de 10,2 mois (IC à 95 %; 9,9 à 10,9 mois) et variait peu selon la chimiothérapie utilisée. Comme l’avait déjà révélé l’étude de confirmation, l’un des effets indésirables courants était une hypertension nécessitant un traitement médicamenteux (16,4 %). «Bien que les sujets inclus dans la base de données BRITE aient été moins triés sur le volet que ceux de l’essai pivot de phase III, la survie sans progression estimée est comparable», de conclure le Dr Kozloff.

Le premier essai BEAT (Bevacizumab Expanded Access Trial) visait à évaluer l’innocuité du bevacizumab lorsque celui-ci était ajouté à diverses chimiothérapies de première intention au sein d’une vaste population de patients. Ont été recrutés des patients de 41 pays dont l’âge médian était de 59 ans, et 33 % des patients avaient plus de 65 ans. Une chimiothérapie à base d’oxaliplatine a été administrée à 48 % des patients et une chimiothérapie à base d’irinotécan, à 33 % des patients. Des effets indésirables graves (EIG) ont été signalés chez 29,6 % des patients, et 9,5 % des patients ont eu des EIG qui, de l’avis des investigateurs, étaient liés au bevacizumab. Le plus fréquent des EIG possiblement liés au médicament ou le plus fréquent des critères de toxicité de classe 3 à 5 était l’hypertension, suivie de la protéinurie. Des perforations du tube digestif ont été signalées chez 1,6 % des patients, et ces événements étaient légèrement plus fréquents chez les patients qui avaient déjà reçu des AINS et dont la tumeur primitive était intacte. «Cette analyse préliminaire montre que le profil d’innocuité du bevacizumab dans la pratique clinique semble conforme à celui qu’on a observé dans les essais cliniques prospectifs», de conclure les chercheurs.

Lors d’une autre étude, des chercheurs ont évalué l’efficacité et l’innocuité du bevacizumab ajouté au protocole FOLFIRI dans le traitement de première intention du cancer colorectal métastatique. Des données préliminaires ont mis en évidence un taux de survie sans progression à six mois estimé à 82 %, ce qui est supérieur au taux rapporté pour l’ajout du bevacizumab au protocole IFL dans l’étude de confirmation de phase III.

Qualité de vie

L’un des thèmes récurrents des présentations du congrès a été le gain éventuel de qualité de vie associé à un antinéoplasique administré par voie orale. Le Dr Carlos Beato, Hospital Amaral Carvalho, Jaú, Brésil, a présenté les résultats d’une étude qui portait spécifiquement sur la qualité de vie associée à un traitement par la capécitabine. Ont été analysées les réponses de 1437 patients au questionnaire QLQ C-30 de l’Organisation européenne de recherche sur le traitement du cancer qui a été conçu expressément pour évaluer la qualité de vie des patients atteints d’un cancer. La qualité de vie s’est maintenue ou améliorée sous l’effet de la capécitabine chez environ 60 % à 85 % des patients. Au dire du Dr Beato, «les avantages de la capécitabine au chapitre de la qualité de vie sont particulièrement importants lorsque vient le moment de choisir le traitement approprié chez un patient souffrant d’un cancer colorectal métastatique incurable».

Résumé

La chirurgie demeure la pierre angulaire du traitement du cancer colorectal. La chimiothérapie systémique et les ajouts à la chimiothérapie revêtent toutefois une importance grandissante, que ces traitements soient administrés à titre adjuvant ou néo-adjuvant. Lors d’une récidive, la chimiothérapie est souvent la seule option. En pareil cas, le pronostic est généralement médiocre, mais les nouveaux protocoles de chimiothérapie prolongent la survie.

La capécitabine, précurseur oral qui se transforme en 5-FU, est une nouvelle option viable, car elle pourrait faciliter la chimiothérapie pour le patient. Les résultats présentés au congrès ont confirmé son efficacité tant lors d’essais cliniques dont les critères d’inclusion étaient stricts que dans la pratique clinique. L’association de la chimiothérapie et d’un agent biologique pourrait aussi être bénéfique. Une étude d’envergure a récemment confirmé l’efficacité du bevacizumab administré en première intention dans le traitement du cancer colorectal métastatique.

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