Comptes rendus

Le rôle essentiel de la vitamine D dans le traitement de l’ostéoporose
Traiter la triade douleur, symptômes psychologiques et troubles du sommeil

De nouveaux traitements ciblant la physiopathologie du glaucome permettent de mieux maîtriser l’affection

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Assemblée annuelle de l’Association for Research in Vision and Ophthalmology

Fort Lauderdale, Floride / 6-10 mai 2007

La prévalence du glaucome, principale cause de cécité dans bon nombre de pays industrialisés dont le Canada, est appelée à poursuivre sa montée en flèche en raison du vieillissement de la population. Selon la Glaucoma Research Society of Canada, plus de 250 000 Canadiens souffrent de glaucome : 2 % des personnes de plus de 40 ans et jusqu’à 6 % des personnes de plus de 60 ans. Comme il existe plusieurs traitements capables de soulager les symptômes et de prévenir la progression de l’affection, on estime depuis longtemps que les difficultés majeures sont l’établissement du diagnostic en temps opportun et le choix du traitement approprié. Cela dit, il semble qu’un grand nombre de patients ne reçoivent aucun traitement même après le diagnostic. D’après le US Medicare Current Beneficiary Survey, 30 % des patients reconnus comme étant glaucomateux n’avaient pas reçu de traitement au cours de l’année précédente.

Comme le souligne le Dr Joshua D. Stein, Duke University, Durham, Caroline du Nord, «nous savons que l’administration systématique de médicaments efficaces réduit le risque de cécité d’origine glaucomateuse. Or, un grand nombre de patients ne profitent pas des bienfaits de ces traitements toujours plus efficaces», ce qui donne à penser que les médecins qui ne surveillent pas leurs patients de près risquent d’être autant à blâmer que les patients qui ne suivent pas leur traitement comme il se doit. «Le glaucome continuera de compter parmi les causes principales de cécité chez les personnes âgées», à moins que l’on ne prenne les mesures nécessaires pour offrir à tous les traitements de pointe qui abaissent la PIO et favorisent l’irrigation du nerf optique.

Baisse soutenue de la PIO

Certes, la prescription de médicaments qui abaissent la PIO représente la première étape du traitement de toute forme de glaucome – dont la forme la plus fréquente, soit le glaucome primitif à angle ouvert (GPAO). Par contre, on recueille de plus en plus de données selon lesquelles les traitements et les stratégies diffèrent quant à certains facteurs importants, comme la maîtrise de la PIO sur 24 heures. Si bon nombre de médecins se fient aux mesures prises à leur cabinet, le plus souvent autour du pic d’activité médicamenteuse après la dose matinale, un essai randomisé avec groupe placebo opposant une association fixe et un agent unique a révélé que l’association était significativement plus efficace, surtout lorsque la PIO était mesurée pendant tout le nycthémère. «Bien que la PIO ne soit pas seule responsable des lésions du nerf optique, elle figure tout de même parmi les facteurs principaux. Il est donc raisonnable de vouloir obtenir la meilleure maîtrise possible de la PIO sur 24 heures pour offrir au patient la meilleure protection qui soit contre une perte progressive de la vue», affirme le Dr Robert M. Feldman, Hermann Eye Center, University of Texas Medical School, Houston.

Résultats d’essais

Lors d’un essai dirigé par le Dr Feldman, 232 patients atteints de GPAO chez qui la PIO n’avait pas diminué suffisamment après un traitement préliminaire de six semaines par le timolol ont été répartis au hasard en deux groupes : association fixe dorzolamide à 2 % et timolol à 0,5 % ou timolol seul.

Pendant les huit semaines de l’essai, l’association a permis une baisse significativement plus marquée de la PIO lors de plusieurs évaluations, dont celles de 10 h (-1,3 mmHg; p=0,003) et de 14 h (-1,07 mmHg; p=0,016), sans compter que la PIO moyenne diurne était significativement plus faible (-0,8 mmHg; p=0,025). La persistance d’une baisse relativement plus marquée de la PIO sous l’effet de l’association permet de croire à un avantage cumulatif au fil du temps. Ces données sont particulièrement rassurantes, compte tenu du consensus de plus en plus répandu selon lequel le traitement d’association finit souvent par devenir nécessaire, s’il ne l’est pas d’emblée.

Lors d’un autre essai à double insu comparant la même association fixe et le latanoprost en monothérapie chez des sujets ayant répondu au timolol, l’association a procuré une baisse supplémentaire de la PIO. Ainsi, 29 patients qui avaient reçu le latanoprost pendant au moins quatre semaines ont reçu du dorzolamide et du timolol à doses fixes deux fois par jour. On a alors assisté à une réduction de 2,7 mmHg de la PIO (p<0,0001 vs valeurs de départ). Onze patients (37 %) ont signalé une sensation de brûlure à l’instillation de l’association fixe, mais cet effet était de très courte durée et s’atténuait avec la poursuite du traitement dans la plupart des cas. Seuls deux patients ont abandonné le traitement en raison de cette sensation de brûlure.

«L’essai visait en fait à vérifier l’effet d’une association fixe sur la baisse de la PIO chez des patients qui recevaient un agent unique», précise le Dr Sriram Sonty, département d’ophtalmologie, University of Illinois, Chicago. «Nous conjuguons deux modes d’action, ce qui favorise l’obtention de réductions soutenues de la PIO pendant chaque intervalle posologique.»

Selon le protocole, les patients qui ne bénéficiaient pas d’une maîtrise suffisante sous l’effet du latanoprost ont reçu une goutte unique de timolol dans un œil choisi au hasard. Si l’on observait une réduction d’au moins 15 % de la PIO ou une diminution de ³3 mmHg deux heures après l’instillation du timolol, on cessait l’administration du latanoprost, et le patient recevait alors l’association fixe dorzolamide/timolol. L’innocuité et l’efficacité ont été évaluées après 4 et 12 semaines. La baisse substantielle de la PIO s’est accompagnée d’une grande tolérabilité.

«L’association fixe dorzolamide/timolol procure effectivement une baisse supplémentaire de la PIO lorsque le latanoprost ne donne pas les effets escomptés», explique le Dr Sonty, de sorte qu’il s’agit d’une démarche thérapeutique intéressante au sein de cette population.

Amélioration possible de l’irrigation du nerf optique

L’intérêt d’associer des modes d’action différents ne se limite pas à la possibilité d’une baisse plus soutenue de la PIO : cette stratégie exerce en outre des effets bénéfique indépendants de la PIO. Selon un essai préliminaire fort intéressant dont la phase expérimentale laissait déjà présager les résultats, le dorzolamide augmente davantage l’irrigation du nerf optique que ce que laissait deviner son effet sur la PIO. En effet, sept patients porteurs d’un GPAO récemment diagnostiqué et jamais traité ont reçu du dorzolamide à 2 % pendant deux semaines au cours desquelles on a mesuré la réactivité vasculaire de la rétine. Les variations du débit sanguin ont été comparées à celles de neuf patients souffrant d’un GPAO établi évolutif et à celles de 11 sujets témoins.

«Le dorzolamide a produit une augmentation de 5 % du diamètre moyen des artérioles rétiniennes, une accélération de 17 % de la vélocité sanguine et une hausse de 25 % du débit sanguin en réponse à l’hypercapnie isoxique», lance la Dre Subha Venkataraman, département d’ophtalmologie et de sciences de la vision, University of Toronto, Ontario. Corroborant des données expérimentales antérieures, «ces observations portent à croire que le dorzolamide améliore la réactivité vasculaire des artérioles et des capillaires de la rétine sans égard à la variation de la PIO.»

L’observance est la clé du succès

Cela dit, il est loin d’être aisé de convaincre les patients de respecter leur traitement, peu importe les bienfaits relatifs d’une stratégie par rapport à une autre. La plupart des patients ne notent pas de modification immédiate de leurs symptômes quand ils «oublient» de prendre des doses. Un traitement quotidien jugé incommodant est facile à abandonner. Si l’on estime que c’est l’éducation des patients qui assure l’observance, une étude sur les effets indésirables a permis de constater que l’hyperémie pourrait être un obstacle non négligeable et méconnu à la poursuite du traitement. Lors d’une analyse d’effets indésirables en fonction des classes de médicaments, l’hyperémie a été l’effet indésirable le plus souvent signalé. Sur la proportion de 65 % des patients glaucomateux qui recevaient une prostaglandine et qui signalaient un effet indésirable, 70 % se plaignaient d’hyperémie. Inversement, l’hyperémie était moins fréquente sous l’effet des agents alpha-adrénergiques et peu fréquente sous l’effet du dorzolamide (inhibiteur de l’anhydrase carbonique).

«Seuls 69 % des patients ayant signalé une hyperémie se rappelaient en avoir parlé à leur médecin, mais 10 % ont avoué avoir omis de prendre des doses de leur médicament pour cette raison, chiffre qui est certainement inférieur à la réalité», soutient le Dr Thom J. Zimmerman, directeur, département d’ophtalmologie, University of Louisville, Kentucky. Lors d’un sondage mené auprès de médecins, l’hyperémie était l’effet indésirable des antiglaucomateux le plus susceptible d’influer négativement sur l’observance. Plus de 70 % des médecins estiment que l’observance du traitement par les prostaglandines – comparativement à celle d’autres classes de médicaments – est moindre en raison de ses effets indésirables.

S’il est vrai que les effets indésirables sur l’apparence physique ont un effet délétère indéniable sur l’observance, l’hyperémie a aussi des retombées sur les interventions chirurgicales, certains chirurgiens estimant qu’une hyperémie non maîtrisée risque d’avoir des répercussions négatives sur l’issue de l’intervention. La clé du succès dans le traitement du glaucome repose sur la maîtrise efficace de la PIO. C’est donc dire que le traitement doit être choisi en fonction de son efficacité et de son degré d’observance.

Bien qu’il faille encore examiner les différences éventuelles entre les traitements quant à leurs bienfaits indépendants de la PIO, on doit envisager l’éventail complet des stratégies modernes, dont les associations fixes, pour offrir au patient une baisse soutenue de la PIO.

Résumé

Cause principale de cécité au Canada, le glaucome est une affection insidieuse qui doit faire l’objet d’un traitement énergique si l’on veut en prévenir les conséquences tragiques. Bien que l’on dispose actuellement d’un vaste éventail de médicaments qui abaissent la PIO – l’élévation de cette dernière étant la raison première des lésions du nerf optique – les modes d’action différents de l’association dorzolamide/timolol pourraient avoir des effets additifs. De plus, peu importe les avantages relatifs des stratégies actuelles, il faut aussi, d’abord et avant tout, obtenir une observance systématique de la part des patients. L’observance pourrait toutefois dépendre du choix de traitements dont le risque d’effets indésirables est faible, notamment la rougeur oculaire, laquelle décourage les patients de respecter leur traitement quotidien.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.