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DIRECT : Le blocage des récepteurs de l’angiotensine confère une protection contre la rétinopathie diabétique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

44e Assemblée annuelle de la l’EASD (European Association for the Study of Diabetes)

Rome, Italie / 6-11 septembre 2008

Les résultats fort attendus de l’étude clinique DIRECT (Diabetic Retinopathy Candesartan Trials) ont confirmé qu’un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine (ARA) peut prévenir la rétinopathie, bien que le paramètre principal n’ait pas été atteint. De l’avis de plusieurs experts, la plupart des données viennent néanmoins étayer l’hypothèse fondamentale de l’étude. Un expert qui avait incité l’auditoire à la prudence, les paramètres principaux prévus au protocole n’ayant pas été atteints, a dû reconnaître que les données témoignent d’un effet favorable de l’inhibition du système rénine-angiotensine (SRA) au chapitre de la prévention des complications microangiopathiques du diabète. Les résultats de DIRECT confirment que le SRA est une cible appropriée de la physiopathologie du diabète évolutif, indique le Dr Kristian F. Hansen, Université d’Oslo, Norvège. «L’un des messages clés à retenir est qu’un ARA, et probablement les inhibiteurs de l’ECA, sont indiqués en présence d’un risque de progression vers la rétinopathie diabétique», poursuit-il. D’autres experts – dont les propos étaient moins nuancés – ne croient pas que les bénéfices mis en évidence dans l’étude DIRECT s’appliquent aux inhibiteurs de l’ECA ni même à des ARA autres que le candésartan. Il est vrai que les ARA n’exercent pas tous des effets cliniques identiques, et on ne doit pas oublier que les volets de l’étude DIRECT se sont échelonnés sur une période de plus de quatre ans, période assez longue pour que des différences même légères entre deux ARA aient des retombées cumulatives significatives. L’importance d’un traitement indéfini, voire à vie, a été bien mise en évidence, de nombreux avantages du candésartan ne s’étant concrétisés qu’après plus de trois ans de traitement.

Objectifs des volets de l’étude DIRECT : DIRECT-Prevent 1

Dans le cadre de l’étude DIRECT, 5231 patients provenant de 309 centres répartis dans 30 pays ont été randomisés de façon à recevoir du candésartan ou un placebo. L’essai de prévention primaire, intitulé DIRECT-Prevent 1, regroupait 1421 patients atteints d’un diabète de type 1 (DT1). Le paramètre d’évaluation principal était l’apparition d’une rétinopathie, laquelle se définissait comme une augmentation de <u>></u>2 paliers de la classification ETDRS (Early Treatment Diabetic Retinopathy Study). Les essais de prévention secondaire menés chez des sujets atteints d’un DT1 et d’un DT2 s’intitulaient respectivement DIRECT-Protect 1 et DIRECT-Protect 2. Chacun de ces deux essais de prévention secondaire portait sur 1905 patients. Le paramètre principal des deux essais était une progression moindre de la rétinopathie, la progression se définissant comme une augmentation de <u>></u>3 paliers de la classification ETDRS. Divers paramètres secondaires ont été évalués dans les trois études.

L’hypothèse de l’étude DIRECT voulait que la régulation à la hausse du SRA joue un rôle clé dans la physiopathologie de la rétinopathie indépendamment de sa contribution à l’élévation de la tension artérielle (TA). La régulation à la hausse du SRA entraîne non seulement une dysfonction endothéliale, mais aussi une dilatation et un remodelage des vaisseaux sanguins. Également impliquée dans le stress oxydatif, elle ajoute au milieu pro-inflammatoire qui exacerbe la vasculopathie. Couplés aux lésions neuronales, ces processus participent tous à la dégradation de la vision et à la cécité qui caractérisent la rétinopathie. Par le passé, plusieurs études ont semblé indiquer que l’inhibition du SRA protégeait le patient contre les complications microangiopathiques, dont la rétinopathie, mais DIRECT est la plus vaste et la plus rigoureuse des études que l’on a menées à ce jour pour vérifier cette hypothèse.

Dans le cadre de l’essai de prévention primaire DIRECT-Prevent 1, on a observé une réduction de 18 % du paramètre principal, c’est-à-dire l’apparition d’une rétinopathie, et il s’en est fallu de très peu pour que cet écart soit statistiquement significatif (p=0,0508). Pendant les quatre années de suivi, cependant, l’incidence de la rétinopathie – c’est-à-dire le nombre de nouveaux cas – chez les sujets de l’étude, tous atteints d’un DT1, a été plus faible que prévu. Lorsque l’incidence de la rétinopathie s’est mise à augmenter vers la fin du suivi, l’avantage du candésartan s’est accentué, ce qui donne à penser qu’un suivi plus long aurait été nécessaire pour ce paramètre. Lorsque, dans une analyse rétrospective, on a remplacé ce paramètre (<u>></u>2 paliers) par une augmentation de 3 paliers de la classification ETDRS, l’avantage du traitement actif par rapport au placebo a bondi à 35 %, ce qui représente un écart hautement significatif sur le plan statistique (p=0,003).

«Des résultats homogènes se sont dégagés de toutes les analyses de sous-groupes», explique la Dre Nish Chaturvedi, National Heart and Lung Institute, Imperial College, Londres, Royaume-Uni, qui a reconnu que les hypothèses de l’étude quant au risque d’apparition d’une rétinopathie ne concordaient pas avec les taux observés dans le cadre de l’étude. «D’autres données bien solides de l’étude montrent tout de même que le candésartan est actif.»

Résultats de DIRECT-Protect 1 et 2

Les résultats des deux autres volets de DIRECT renforcent ce message et nous amènent à conclure que, même si l’évaluation du paramètre principal n’a pas objectivé d’écart statistiquement significatif entre les deux groupes, l’ARA est bel et bien actif contre la rétinopathie. Reconnaissant l’inhibition du SRA comme une démarche thérapeutique établie pour prévenir les complications du diabète, le Dr Hansen fait remarquer que, «comparativement au placebo, le candésartan a eu des retombées plus favorables sur la rétinopathie dans les trois études».

Dans les deux essais de prévention secondaire, DIRECT-Protect 1 et DIRECT-Protect 2, l’effet du traitement sur la progression de la rétinopathie a été faible ou nul, mais les données évoquaient une probabilité accrue de régression dans l’essai sur le DT2. Pour être plus précis, on n’a noté aucune tendance vers une progression moindre de la maladie chez les sujets atteints d’un DT1 sous candésartan, alors que la diminution de 13 % de la progression de la maladie chez les sujets atteints d’un DT2 a presque atteint le seuil de signification statistique (p=0,2). Par contre, l’augmentation de 34 % de la probabilité de régression était hautement significative sur le plan statistique (p=0,009). Dans l’essai de prévention secondaire mené chez les sujets atteints d’un DT1, la probabilité d’amélioration du score ETDRS final était plus élevée dans le groupe candésartan que dans le groupe placebo (p=0,0264).

Rétinopathie

DIRECT est l’une des études les plus importantes sur la protection contre les complications microangiopathiques indépendamment de la maîtrise de la glycémie ou de la TA. Son objectif – qui était de démontrer la prévention de l’apparition d’une rétinopathie ou de sa progression peu de temps après son apparition était ambitieux en raison du défi que représente la confirmation d’un effet protecteur dans le contexte d’une maladie d’évolution lente. Certes, le suivi des trois volets de l’étude DIRECT a duré 4,7 ans en moyenne, mais il reste que l’incidence de toutes les formes de rétinopathie demeure inférieure à 20 % pendant les cinq premières années du DT1 pour ensuite augmenter de façon marquée au fil des années et finalement atteindre 80 % après 30 ans. La rétinopathie proliférante, la plus grave de toutes les formes de rétinopathie et celle sur laquelle l’inhibition du SRA pourrait avoir le plus d’effet, est encore plus rare au cours des cinq premières années suivant le diagnostic, mais sa prévalence atteint 40 % après 30 ans. Dans le DT2, l’évolution de la rétinopathie est plus condensée. Au cours des cinq premières années, l’incidence de toutes les formes de rétinopathie atteint 30 % et celle de la rétinopathie proliférante menaçant la vision se chiffre déjà à 5 %. Dans les deux cas, la prévalence augmente au fil de l’évolution de la maladie, surtout en présence d’un contrôle glycémique sous-optimal.

Les études qui ont révélé qu’un contrôle glycémique intensif réduisait le risque de rétinopathie sont celles-là mêmes qui font ressortir la nécessité d’autres démarches thérapeutiques, même chez les patients dont la maladie est prise en charge de façon optimale. Lors de l’essai phare UKPDS (United Kingdom Prospective Diabetes Study), le contrôle glycémique intensif du DT2 a réduit le risque de complications microangiopathiques, comme la rétinopathie, de 37 % (p=0,0092), mais la réduction absolue était d’environ 7 %, de sorte que 10 % des patients ont développé une microangiopathie malgré une maîtrise rigoureuse de la TA (UKPDS Group. BMJ 1998;317:703-13). De même, lors de l’essai DCCT (Diabetes Control and Complications Trial), le contrôle glycémique intensif s’est révélé efficace pour la prévention primaire et secondaire de la rétinopathie, mais la rétinopathie a progressé chez une proportion substantielle de patients des deux groupes bénéficiant d’un contrôle glycémique rigoureux (DCCT Research Group. N Engl J Med 1993;329:977-6).

L’hypertension étant un autre facteur de risque de la rétinopathie, la maîtrise rigoureuse de la TA réduit le risque de complication, mais ne l’élimine pas au fil des années. Le risque persistant de rétinopathie malgré une prise en charge optimale a d’autant plus de répercussions que la maîtrise de la glycémie ou de la TA est sous-optimale chez plus de la moitié des patients diabétiques. Aux États-Unis, le taux d’HbA1C est égal ou inférieur à la cible de 7,0 % chez seulement la moitié des patients environ. La proportion de patients dont la TA est <130/80 mmHg est encore plus faible (Resnick et al. Diabetes Care 2006;29:531-7).

Rôle de l’inhibition du SRA

Les données montrant que l’inhibition du SRA exerce des effets bénéfiques indépendamment de la baisse de la TA proviennent d’une série d’études ayant pris fin avant le début de l’étude DIRECT. L’une des plus importantes est l’étude de prévention secondaire EUCLID (Eurodiab Controlled Trial of Lisinopril in Insulin-Dependent Diabetes), lors de laquelle un inhibiteur de l’ECA a été associé à une réduction significative (de un niveau) de la dégradation de la vision de même qu’à une protection importante contre la progression vers la rétinopathie proliférante. Trois autres études n’ont objectivé qu’une tendance vers une protection contre la rétinopathie, mais il importe de souligner que ces trois études portaient sur des inhibiteurs de l’ECA.

En théorie, les ARA seraient plus efficaces pour une foule de raisons. Tout d’abord, ils sont mieux tolérés, ce qui est un avantage pratique, et ils sont par conséquent associés à une meilleure observance du traitement avec le temps. Ensuite, les ARA n’agissent pas en inhibant la synthèse d’angiotensine, mais bien en bloquant son activité au niveau du récepteur de l’angiotensine II de type 1 (AT<sub>1</sub>); il en résulte une stimulation accrue du récepteur AT<sub>2</sub> par l’angiotensine II, phénomène reconnu pour exercer des effets vasodilatateurs et antiprolifératifs. Ces effets pourraient avoir des retombées importantes sur l’ensemble des vaisseaux sanguins, mais le SRA est reconnu pour être un médiateur de la physiopathologie des maladies oculaires, notamment en présence de diabète. Fait digne de mention, dans le cadre d’une étude lors de laquelle on a mesuré les concentrations d’angiotensine II dans le corps vitré chez des patients non diabétiques, des patients diabétiques ne souffrant pas de rétinopathie et des patients diabétiques souffrant de rétinopathie, on a observé des concentrations remarquablement plus élevées en présence d’une rétinopathie diabétique.

De solides données ont montré que le SRA participe à la néovascularisation, le signe cardinal de la rétinopathie proliférante. Dans les faits, l’altération du tonus vasculaire découlant d’une régulation à la hausse du SRA en présence de diabète ralentit le débit sanguin et accentue ainsi l’hypoxie dans les tissus périphériques, dont l’oeil. En présence d’hypoxie, les facteurs de croissance, dont le facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (VEGF), stimulent la formation de nouveaux vaisseaux sanguins qui envahissent la rétine et entraînent une dégradation de la vision qui peut évoluer vers la cécité. Si la régulation à la hausse du SRA contribue à la dysfonction vasculaire à l’origine de ce processus, elle intervient aussi dans la signalisation moléculaire générant la croissance de cellules endothéliales, étape importante de la néovascularisation. Dans les modèles animaux, le candésartan a été associé à une réduction de l’expression du VEGF et de la néovascularisation.

Figure 1. Essai DIRECT-Protect 2 (DT2) : Proportion cumulative de patients chez qui la rétinopathie a régressé*


Les démarches thérapeutiques énergiques pour prévenir les complications du diabète font cruellement défaut. Dans de nombreux pays occidentaux, le diabète est considéré comme une épidémie, et la prévalence du DT2, qui dépend de l’âge, continuera de monter en flèche en raison de la prévalence croissante de l’obésité et du vieillissement de la population. La rétinopathie vient déjà au premier rang des causes de cécité chez les personnes en âge de travailler. Il est bien sûr essentiel de maîtriser la glycémie et la TA, mais les investigateurs ne croient pas que la progression moindre de la rétinopathie ait été attribuable uniquement à une légère baisse de la TA chez les sujets randomisés dans le groupe candésartan. Par exemple, la TA moyenne enregistrée dans le volet DIRECT-Prevent 1 n’était que 2,6/2,7 mmHg plus basse chez les sujets sous candésartan que chez les témoins sous placebo. Les écarts étaient tout aussi modestes dans les autres volets de l’étude DIRECT. L’écart le plus marqué a été une baisse moyenne de 4,3/2,5 mmHg dans le groupe candésartan, par rapport au groupe placebo, chez les sujets de l’essai DIRECT-Protect 2 qui recevaient d’autres antihypertenseurs. Chez les sujets de DIRECT-Protect 2 qui ne recevaient pas d’autres antihypertenseurs, la baisse moyenne de la TA se chiffrait à 2,9/1,3 mmHg sous candésartan, par rapport au placebo.

«La rétinopathie diabétique étant l’une des complications les plus courantes et les plus redoutées du diabète, [ces résultats de DIRECT] sont cliniquement importants, car la régression de cette complication menaçant la vision n’avait encore jamais été rapportée dans un essai clinique d’envergure», précise l’un des investigateurs principaux de DIRECT, la Dre Anne Katri Sjølie, professeure de clinique en ophtalmologie, Université d’Odense, Danemark. Faisant référence aux patients atteints d’un DT2, elle conclut des résultats de l’étude DIRECT que «le candésartan pourrait améliorer la rétinopathie».

On savait déjà qu’en présence d’un DT2, les inhibiteurs du SRA en général et les ARA en particulier exercent des effets bénéfiques indépendants de leur effet sur la TA. Dans le cadre d’une série d’études menées chez des patients microalbuminuriques, les ARA ont conféré une protection contre l’insuffisance rénale terminale. Bien qu’aucun effet sur l’incidence de la microalbuminurie n’ait été objectivé chez les sujets de DIRECT atteints d’un DT2 pendant l’étude, on a noté un ralentissement significatif de l’augmentation de l’albuminurie, surtout en début d’étude (p=0,02 la première année). Les inhibiteurs du SRA, y compris les ARA, sont aussi associés à des baisses TA-indépendantes de l’incidence des événements cardiovasculaires chez les patients à risque élevé, dont les patients diabétiques.

Les résultats de l’étude DIRECT sont considérés comme importants. Bien que les paramètres principaux n’aient pas été atteints, les résultats dans leur ensemble vont dans le sens de la théorie sous-jacente à l’étude et de ce que l’on sait de la physiopathologie de la rétinopathie. Le léger bénéfice associé au candésartan aurait probablement évolué vers une protection importante et cliniquement significative contre la rétinopathie si le traitement avait été administré plus longtemps, comme ce serait le cas dans la pratique clinique. Il serait logique de penser que ces bénéfices s’ajouteront à ceux d’une maîtrise rigoureuse de la TA et de la glycémie.

Résumé

L’étude DIRECT a permis de répondre à des questions scientifiques et cliniques importantes en déterminant si le SRA est impliqué dans la physiopathologie de la rétinopathie et s’il constitue une cible clinique appropriée. Bien que les paramètres principaux n’aient pas été atteints, l’étude a généré pas mal de données concluantes montrant que le candésartan, un ARA, agit favorablement sur cette complication microangiopathique indépendamment de son effet hypotensif. L’absence de protection significative contre l’apparition d’une rétinopathie en présence d’un DT1 pourrait tenir à une incidence plus faible que prévu de cette complication. Cela dit, on a observé un effet protecteur hautement significatif à en juger par l’analyse de plusieurs paramètres secondaires, ce qui vient étayer l’hypothèse fondamentale de l’étude. Comme les paramètres principaux de l’étude n’ont pas été atteints, l’étude n’a pas démontré noir sur blanc que le candésartan prévenait la rétinopathie dans le DT1, mais elle a généré d’autres données montrant que l’on peut cibler la régulation à la hausse du SRA pour faire obstacle à la progression des complications microangiopathiques à la fois dans le DT1 et le DT2.

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