Comptes rendus

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Déjouer la dihydrotestostérone dans la prévention du cancer de la prostate

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 21e Congrès annuel de l’Association européenne d’urologie

Paris, France / 5-8 avril 2006

Selon le Dr Jack Schalken, Centre médical universitaire, Nimègue, Pays-Bas, l’hormonothérapie est devenue une composante maîtresse du traitement du cancer de la prostate. Malheureusement, la synthèse de la dihydrotestostérone (DHT) persiste malgré l’hormonothérapie, ce qui coïncide avec l’expression accrue de la 5 alpha-réductase (5AR) de type 1 dans le cancer de la prostate. Dès lors, la DHT continue de déclencher l’activité des récepteurs androgènes, laquelle stimule à son tour le développement et la progression du cancer de la prostate.

«Le changement le plus marqué [associé à la progression du cancer de la prostate] est l’induction de l’expression de la 5AR de type 1, fait observer le Dr Schalken. Ceci peut en soi expliquer, jusqu’à un certain point, pourquoi la cellule cancéreuse a sa propre usine pour synthétiser la DHT, ce qui actionne le processus.»

La réduction du taux de DHT demeure toujours l’objectif premier du traitement hormonal. Toutefois, le blocage androgénique maximal, tel qu’il est actuellement pratiqué, ne prévient pas la synthèse de la DHT par les cellules prostatiques cancéreuses. L’ajout d’un inhibiteur de la 5AR à cette stratégie devrait en théorie produire une suppression totale de la testostérone et de la DHT, et de ce fait, inactiver les récepteurs androgènes, poursuit le Dr Schalken.

Double inhibition

Comme l’explique le Dr Ian M. Thompson, University of Texas Health Sciences Center, San Antonio, le potentiel chimiopréventif du dutastéride a suscité un intérêt considérable en raison de l’effet inhibiteur puissant qu’il exerce sur la DHT. Cet agent semble autoriser une inhibition significativement plus marquée de la DHT que le finastéride (Clark RV. J Clin Endocrinol Metab 2004;89:2179-84).

L’évaluation du dutastéride chez les patients atteints d’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) a déjà apporté des preuves indirectes de son potentiel préventif à l’égard du cancer de la prostate. Lors d’essais cliniques de phase III, il a été associé à une incidence significativement plus faible de détection du cancer de la prostate que le placebo (Andriole G. Urology 2004;64:537-41). L’étude REDUCE (Reduction by Dutasteride of Prostate Cancer Events) (Gomella LG. Curr Opin Urol 2005;15:29-32) devrait contribuer à élucider son rôle dans la chimioprévention du cancer de la prostate. Néanmoins, les données accumulées à ce jour sur l’utilisation des inhibiteurs de la 5AR dans la prévention du cancer de la prostate fournissent déjà aux cliniciens de solides raisons d’aborder la question avec les patients.

Comme le fait valoir le Dr Thompson, investigateur principal de l’étude PCPT (Prostate Cancer Prevention Trial) (Thomson IM. N Engl J Med 2003;349:215-24), «nous sommes maintenant en mesure de prévenir le cancer de la prostate. Nous devons saisir cette occasion qui s’ouvre à nous et être capables d’en faire profiter nos patients. La preuve d’un avantage dans la prévention du cancer de la prostate est beaucoup plus solide qu’elle ne l’est dans le cas du diagnostic et du traitement précoces.»

Données statistiques

Le Dr Fritz Schröder, Centre médical de l’Université Érasme, Rotterdam, Pays-Bas, a utilisé un modèle statistique fondé sur les résultats de l’étude PCPT. Ce modèle fournit une indication à l’échelle de la population des effets possibles de la prévention du cancer de la prostate au moyen d’un inhibiteur de la 5AR. Dans une méta-analyse incluant plusieurs publications récentes, les investigateurs ont estimé que la chimioprévention par un inhibiteur de la 5AR pourrait faire gagner 316 760 années-personnes en cinq ans aux États-Unis (Unger JM. Cancer 2005;103:1375-8); ajouter 140 années de vie pour 1000 hommes âgés de 62 ans (Grover S. J Urol 2006;175:934-8); ajouter six années de vie pour 1000 hommes traités, sans égard à l’âge (Zeliadt SB. Am J Med 2005;118:850-7); et prolonger la survie à 15 ans de près de 1,7 mois (Lotan Y. J Clin Oncol 2005;23:1911-20).

Cependant, le rapport coût-efficacité de la chimioprévention par un inhibiteur de la 5AR reste à déterminer, poursuit le Dr Schröder. Si la chimioprévention était appliquée à tous les hommes âgés de 55 ans, le coût par année de vie gagnée serait de 1,6 million de dollars. Si 46 années de vie sans invalidité (QALY, pour quality adjusted life-years) étaient gagnées chez 1000 hommes, explique-t-il, le coût différentiel par QALY serait de 200 000 $. La chimioprévention au moyen d’un inhibiteur de la 5AR pourrait présenter un bon rapport coût-efficacité si le prix par QALY pouvait être réduit de moitié (Zeliadt SB. Am J Med 2005;118:850-7).

Selon le Dr Neil Fleshner, chef du service d’urologie, University of Toronto, Ontario, «l’application des principes de chimioprévention dans la pratique clinique nécessite que l’on tienne compte de façon minutieuse des facteurs de risque et des caractéristiques cliniques de chaque patient». En premier lieu, il faut déterminer quel type de risque justifie la prévention, c’est-à-dire si la prévention doit s’appliquer à tous les cancers de la prostate ou se limiter aux cancers cliniquement significatifs.

L’une des préoccupations suscitées par l’étude PCPT est que certains des cancers détectés par les biopsies de fin d’étude n’étaient peut-être pas du même type que ceux qui sont habituellement observés chez les patients, indique le Dr Fleshner. «Je crois que nous devrions nous concentrer sur les cancers de la prostate cliniquement significatifs. Il s’agit de cancers qui, à défaut de mesures préventives, vont évoluer vers une aggravation ou occasionner une morbimortalité liée au traitement.»

Évaluer les facteurs de risque de cancer

L’évaluation du risque de cancer de la prostate doit mettre en balance le risque présent et le risque futur que court un patient. Une telle évaluation suppose de tenir compte de facteurs comme l’âge, les antécédents familiaux, le bilan biopsique, la race, les habitudes de vie et le taux de l’antigène spécifique de la prostate (PSA). Dans l’étude PCPT, des facteurs tels qu’un âge avancé, la race noire et des antécédents familiaux positifs ont été associés à un accroissement du risque, mais le traitement par l’inhibiteur de la 5AR a donné lieu à une réduction du risque d’une importance similaire pour tous les principaux sous-groupes.

Le Dr Fleshner a cité les résultats d’une étude récente selon lesquels des antécédents familiaux positifs de cancer de la prostate étaient associés à un risque accru de rechute biochimique après le traitement et de péjoration du diagnostic histopathologique sur la pièce de prostatectomie radicale (Spangler E. Int J Cancer 2005; 113:471-4).

«Il y a assurément lieu de considérer attentivement la possibilité que les hommes ayant des antécédents familiaux positifs auront probablement un cancer cliniquement significatif au cours de leur vie», dit-il.

Divers facteurs touchant aux habitudes de vie pourraient aussi influer sur le risque de cancer de la prostate. Sur le plan de l’alimentation, il est possible que les vitamines A, D et E et le sélénium diminuent le risque, et que les graisses alimentaires l’augmentent. Il est peu probable que le tabagisme majore le risque de cancer de la prostate, mais ce facteur est sans doute associé à un pronostic plus sombre, note le Dr Fleshner. De même, l’obésité pourrait avoir une influence minime sur le risque, mais constitue probablement plutôt un facteur pronostique défavorable.

Les données de l’étude PCPT ont réaffirmé le rôle du taux de PSA comme facteur de risque majeur du cancer de la prostate. Les résultats des biopsies de fin d’étude ont montré qu’un taux de PSA plus élevé augmentait le risque de cancer de la prostate en soi et le risque de tumeur à forte malignité (Thompson IM. N Engl J Med 2004;350:2239-46).

«Même si le taux de PSA a quelque peu été maltraité au cours des dernières années, il fournit encore des renseignements très précieux à titre de marqueur du cancer de la prostate», confirme le Dr Fleshner.

Les conférenciers ont souligné que, dès que la biopsie prostatique est négative, un patient peut vraiment être rassuré quant à son risque d’avoir un cancer de la prostate. Cela dit, entre 10 et 15 % des hommes dont la biopsie prostatique initiale est négative développeront un cancer de la prostate détecté à la seconde biopsie (Djavan B. J Urol 2000;163:1144-9; Remzi M. J Urol 2005;174:1256-60).

Les données sont contradictoires quant au risque de cancer qu’implique la découverte de lésions de néoplasie prostatique intra-épithéliale (PIN, pour prostatic intraepithelial neoplasia) à forte malignité. Le Dr Fleshner et ses collègues ont observé un taux de détection du cancer de la prostate de 42,5 % chez des hommes porteurs de lésions de PIN à forte malignité et ayant fait l’objet d’une surveillance par une série de biopsies pendant trois ans. En revanche, les données d’une comparaison rétrospective entre 190 patients porteurs de lésions de PIN à forte malignité et 1677 hommes présentant un tissu prostatique bénin n’ont révélé aucune différence quant au taux de détection de cancer au cours du suivi (Gokden N. Urology 2005;65:538-42).

Résumant les données sur la sélection des patients pour la prévention du cancer de la prostate, le Dr Fleshner a conclu sur ces mots : «lorsque nous recevons un patient en consultation, nous devons adopter une approche multivariable, qui intègre plusieurs facteurs de risque».

Résumé

L’étude REDUCE encore en cours devrait déboucher sur des résultats encourageants. Nous avons espoir qu’il en découlera une meilleure compréhension du développement et de la progression du cancer de la prostate, de sorte que les médecins soient en mesure de proposer à leurs patients une démarche plus individualisée en matière d’hormonothérapie.

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