Comptes rendus

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Enjeux cliniques de la prise en charge de l'infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

80es Séances scientifiques de l’American Heart Association

Orlando, Floride / 4-7 novembre 2007

Présenté par : Robert C. Welsh, MD, FRCPC

Cardiologue d’intervention Directeur, programme de formation des résidents en cardiologie

Codirecteur, programme de douleur thoracique University of Alberta Edmonton, Alberta

Les options thérapeutiques de l’IM ST+ s’articulent autour de deux grands axes : l’ICP et la thrombolyse. Le Dr Tim Henry, Minneapolis Heart Institute Foundation, Minnesota, a vanté la supériorité de l’ICP, ses dires s’appuyant sur une méta-analyse de 23 essais comparatifs (Keeley et al. Lancet 2003;361[9351]:13-20). Le taux global du paramètre mixte (mort, IM récurrent et AVC) était de 8 % pour l’ICP et de 14 % pour la thrombolyse (p<0,0001). Qui plus est, l’ICP détenait un avantage significatif par rapport à son concurrent pour chacune des composantes individuelles du paramètre mixte (p=0,0004 à p<0,0001).

Des bases de données et des essais cliniques ont fait ressortir les avantages de la thrombolyse réalisée avant l’hospitalisation plutôt qu’à l’arrivée à l’hôpital. Ce phénomène a été confirmé par une importante base de données selon laquelle cette première stratégie a donné de meilleurs résultats, l’ICP réalisée d’emblée étant apparue comme une solution de rechange intéressante aux deux formes de thrombolyse (Stenestrand et al. JAMA 2006; 296[14]:1749-56). Par ailleurs, des essais ont fait valoir les avantages d’une ICP de sauvetage à finalité spécifique lorsque le traitement pharmacologique de reperfusion a échoué, par comparaison au traitement classique (essai REACT). Certes, quelques essais randomisés de petite envergure ont laissé entendre que l’ICP réalisée après la thrombolyse n’est pas sans intérêt, mais les essais les plus importants réalisés à ce jour n’ont pas été en mesure d’objectiver la supériorité systématique de cette technique par comparaison à l’ICP réalisée d’emblée et sans thrombolyse (essais FINESSE et ASSENT IV PCI).

Améliorer l’issue du traitement de L’IM : rôle des traitements d’appoint

Que l’on choisisse la thrombolyse ou l’ICP pour traiter l’IM ST+, les interventions d’appoint jouent un rôle décisif dans l’amélioration de l’issue du traitement. Examinant les agents pharmacologiques et les interventions d’appoint dans l’IM ST+, le Dr Christopher Granger, Duke University Medical Center, Durham, Caroline du Nord, a présenté des données selon lesquelles l’association de traitements d’appoint et d’une thrombolyse prolonge la perméabilité des artères coronaires. En effet, le trio AAS-clopidogrel-énoxaparine administré conjointement à la thrombolyse autorise des taux de perméabilité soutenus et semblables à ceux des essais sur l’ICP réalisée d’emblée (essai CLARITY).

Le Dr Granger s’est également penché sur le rôle éventuel du fondaparinux, comparativement à celui de l’HNF ou d’un placebo, dans l’IM ST+. Lors de l’essai OASIS-VI, l’administration précoce d’inhibiteurs du facteur Xa a significativement réduit le risque de mortalité ou d’IM à 30 jours, comparativement au traitement classique (Yusuf et al. JAMA 2006; 295[13]:1519-30).

Comme on l’a souligné au congrès Transcatheter Cardiovascular Therapeutics d’octobre 2007, l’administration de l’HNF dans le cadre de l’essai HORIZONS-AMI a également donné des résultats mitigés. Après avoir subi une intervention de revascularisation avec pose d’un tuteur au décours d’un IM ST+, les 3600 patients ont été randomisés en deux groupes : HNF et inhibiteur de la glycoprotéine IIb/IIIa ou bivalirudine (inhibiteur de la thrombine) en monothérapie. On a enregistré, dans le groupe HNF, une incidence significativement supérieure d’événements cliniques et de complications hémorragiques majeures (p<0,0001) et un taux de mortalité à 30 jours significativement plus élevé (p=0,048).

Actualisation dynamique du risque

L’actualisation en continu du risque peut constituer un autre outil utile pour la prise en charge de l’IM ST+ et augmenter les probabilités de meilleurs résultats. À partir des données de l’essai ExTRACT TIMI 25, le Dr Elliott Antman, Brigham and Women’s Hospital, Harvard Medical School, Boston, Massachusetts, a cité un exemple d’actualisation dynamique du risque chez un patient.

Il s’agissait d’un essai multicentrique randomisé opposant l’énoxaparine (HBPM) et l’HNF en traitement d’appoint chez des patients ayant subi un IM ST+ et devant faire l’objet d’une ICP après avoir reçu une thrombolyse initiale (Antman et al. N Engl J Med 2006;354[14]:1477-88). Le paramètre principal regroupait la mort et l’IM non mortel à 30 jours.

L’énoxaparine a permis une réduction significative de 23 % de l’incidence du paramètre principal (p=0,001), la différence tenant essentiellement à une réduction de 28 % des IM non mortels dans le groupe HBPM (p<0,001). Les avantages de cette dernière par rapport à l’HNF sont apparus au cours des cinq premiers jours et se sont maintenus tout au long des 30 jours de suivi. Le taux des effets indésirables était comparable dans les deux groupes, à l’exception des AVC, qui ont été significativement plus fréquents dans le groupe HNF (p=0,006).

Le Dr Antman a décrit aux congressistes les résultats d’une étude sur la pertinence de tenir compte des événements survenus pendant l’hospitalisation en vue d’actualiser la cote de risque TIMI, laquelle réunit les données pronostiques initiales des patients ayant subi un IM ST+. On a attribué une cote à chaque événement survenu pendant l’hospitalisation en fonction de sa gravité (de 1 à 5) : IM récurrent (1 point), complication hémorragique majeure (1 point), arythmie cardiaque (2 points), survenue d’une insuffisance cardiaque ou choc cardiogénique (4 points) et AVC (5 points). On a additionné tous les points attribués aux événements intrahospitaliers et comparé le résultat à la cote de risque TIMI initiale afin de vérifier le degré d’exactitude de la prédiction du risque de mortalité à un an (Figure 1).

Figure 1. Actualisation de la cote de risque TIMI


On a ainsi constaté que l’estimation du risque de mortalité évoluait en fonction de l’absence ou de la survenue d’événements pendant l’hospitalisation. Prenons l’exemple d’un patient dont la cote de risque TIMI initiale est de 4 (patient A) : son risque de mortalité à un an s’élève à 7,1 %. S’il n’a subi aucun événement pendant son séjour à l’hôpital, son risque de mortalité baisse à 5,5 %. Au même titre que le risque initial, le risque de mortalité à la fin du séjour à l’hôpital augmente en fonction de la cote de risque. Ainsi, un patient dont la cote de risque initiale est ³ 9 (patient B) présente un risque estimatif de mortalité à un an de 27,6 %. Même en l’absence d’événements ultérieurs, le risque de mortalité du patient à la fin de son séjour s’établit à 30,1 %. L’actualisation dynamique de la cote de risque TIMI est réalisable et est appelée à donner des évaluations plus précises du risque de mortalité à un an. Voilà qui peut s’avérer utile lorsque l’on veut s’assurer d’offrir des interventions complexes ou coûteuses aux patients qui sont le plus susceptibles d’en profiter.

Rapport coût-efficacité des traitements anticoagulants

Une autre analyse des données de l’essai ExTRACT TIMI 25 portait sur un enjeu de taille dans la prestation de soins de santé de qualité : le coût des produits, des services et des ressources. Le Dr William Weintraub, Christiana Care Health System, Newark, Delaware, a présenté les résultats d’une comparaison des coûts de l’administration de l’énoxaparine et de l’HNF.

L’analyse coût-efficacité tenait compte de quatre aspects du coût des soins de santé :

• Le coût de la première hospitalisation et des hospitalisations ultérieures pour les patients de chaque groupe. Les coûts ont été calculés en fonction des groupes diagnostiques du programme Medicare, aux États-Unis, et des frais de remboursement moyens autorisés par Medicare.

• Les soins en clinique externe après la sortie de l’hôpital. Les coûts sont tirés des codes de la Current Procedural Terminology et calculés en fonction des frais de remboursement autorisés par Medicare.

• La survie au-delà de l’essai clinique. Les estimations sont celles de l’étude de Framingham (Framingham Heart Study).

• La différence entre l’énoxaparine et l’HNF quant au rapport coût-efficacité. Le rapport coût-efficacité a été exprimé en coût par année-personne et par année-personne sans invalidité (QALY, pour quality-adjusted life year).

L’analyse a mis au jour une réduction nette de 98,50 $ des frais d’hospitalisation (séjour de 30 jours) dans le groupe HBPM. On a enregistré une baisse significative des années-personnes perdues, selon les estimations de l’étude de Framingham, dans le groupe énoxaparine (environ 12 %). Une fois l’essai terminé, les coûts à vie étaient environ 500 $ plus élevés dans le groupe énoxaparine. La différence quant au rapport coût-efficacité entre l’énoxaparine et l’HNF était de 4369 $ par année-personne sauvée. Enfin, 99,9 % des coûts estimatifs par année-personne sauvée se trouvaient sous le seuil de 50 000 $, soit le seuil normalement utilisé pour déterminer le rapport coût-efficacité.

Cette analyse a permis de conclure que l’énoxaparine réduit les taux de mortalité et d’IM non mortels – comparativement à l’HNF – et procure un rapport coût-efficacité très intéressant dans le traitement de l’IM ST+ (Tableau 1).

Tableau 1. Rapport coû
tude ExTRACT TIMI 25

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IM ST+ chez les sujets âgés : intérêt des interventions de Reperfusion

L’évolution démographique de la plupart des pays occidentaux se traduit par une hausse du nombre de sujets âgés, lesquels sont nettement sous-représentés dans les essais cliniques sur l’IM. De ce fait, on ne connaît pas aussi bien les effets bénéfiques de la reperfusion chez les patients âgés que chez les sujets plus jeunes.

Sous la direction du Dr Nicolas Boudou, Centre hospitalier de Ranguell, Toulouse, France, des investigateurs ont examiné le taux de mortalité à six mois de patients de ³ 75 ans qui ont subi un IM ST+ et qui figuraient dans la base de données de FAST-MI (patients admis à une unité de soins intensifs en raison d’un IM aigu pendant une période de un mois en 2005). Ils ont ainsi recensé 520 patients de ³ 75 ans ayant subi un IM ST+ et ayant été admis à une unité de soins intensifs dans les 48 heures suivant l’apparition des symptômes. L’âge moyen des patients était de 82,3 ans, et les femmes représentaient 52,5 % de l’échantillon.

Environ le quart des patients ont subi une ICP d’emblée, 9 % ont reçu une thrombolyse avant l’hospitalisation et 5,8 %, une thrombolyse pendant l’hospitalisation. Le taux de mortalité à six mois était de 17,9 % après l’ICP, de 5,2 % après la thrombolyse réalisée avant l’hospitalisation, de 5,2 % après la thrombolyse réalisée pendant l’hospitalisation et de 71,6 % en l’absence d’intervention de reperfusion (p=0,037).

L’analyse multivariable a fait ressortir des prédicteurs significatifs du risque de mortalité à six mois : antécédents de tabagisme, angioplastie en première intention, insuffisance cardiaque, IM antérieur et hypertension systolique au moment de l’hospitalisation. Malgré l’absence de lignes directrices spécifiques quant au traitement de l’IM ST+ chez des patients âgés, la reperfusion semble améliorer significativement le taux de survie à six mois.

Effets mitigés des antiplaquettaires

Depuis que la pose d’un tuteur est devenue le traitement de prédilection de l’IM aigu en première intention, on s’interroge sur les bienfaits à court et à long terme de l’abciximab (antiplaquettaire) dans ce contexte, comparativement à ses effets dans l’angioplastie de première intention. La Dre Sujethra Vasu, State University of New York Health Science Center, Stony Brook, et ses collègues ont présenté les résultats d’une méta-analyse d’essais randomisés sur l’abciximab administré à des patients ayant reçu un tuteur d’emblée dans le traitement d’un IM aigu.

Une revue de synthèse de la littérature médicale a permis de recenser quatre essais randomisés réunissant 2137 patients : 1074 qui ont reçu l’abciximab et 1063, un placebo. Le traitement actif a réduit significativement le taux de revascularisation des vaisseaux cibles à 30 jours (p=0,003). On a noté une tendance à la baisse du risque d’IM récurrent (p=0,06), mais il ne s’est produit aucun effet sur la mortalité à 30 jours. Pendant le suivi à long terme, le bénéfice de l’intervention de revascularisation des vaisseaux cibles a été réduit à une simple tendance (p=0,06), mais on n’a pas noté de diminution du taux d’IM récurrent ni du taux de mortalité.

La Dre Vasu et ses collaborateurs ont conclu que l’on doit réaliser des essais randomisés dont la puissance statistique est suffisante pour déterminer formellement la place de l’abciximab à titre d’antiplaquettaire d’appoint lorsqu’un tuteur est implanté d’emblée.

Résumé

Voici les observations que l’on peut tirer de ces débats :

• L’ICP réalisée d’emblée peut être avantageuse par rapport à la thrombolyse dans le traitement de l’IM ST+, mais la reperfusion, peu importe sa forme, demeure la principale raison d’être du traitement en aigu.

• Les interventions d’appoint peuvent avoir des effets notables sur l’issue du traitement dans l’IM aigu, sans égard au traitement choisi en première intention.

• Il est possible d’actualiser le risque de mortalité d’un patient donné pendant son hospitalisation grâce à plusieurs variables cliniques clés faciles à mesurer. L’actualisation de ce risque peut donner des résultats plus précis, ce qui facilite la prise de décisions cliniques.

• Au chapitre des anticoagulants, l’énoxaparine (HBPM) réduit le risque de mortalité et d’IM récurrent, sans compter qu’elle offre un bon rapport coût-efficacité comparativement à l’HNF.

• La reperfusion est bénéfique chez les sujets âgés ayant subi un IM ST+, et ces derniers doivent être considérés comme aptes à être traités en l’absence de contre-indications évidentes.

• Les bienfaits de l’abciximab (antiplaquettaire) dans l’IM ST+ chez des patients qui subissent une angioplastie en première intention ne s’appliquent pas forcément lorsque la pose d’un tuteur est la stratégie de première intention.

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