Comptes rendus

La maîtrise de l’hyperphosphatémie chez les patients atteints d’insuffisance rénale chronique
Le point sur l’optimisation des traitements ciblés dans la maîtrise à long terme des GIST

Essai ATAC : analyse à 10 ans

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRIORITY PRESS - La 12e Conférence de Milan sur le cancer du sein

Milan, Italie / 16-18 juin 2010

«Cette analyse à 10 ans de l’essai ATAC (Arimidex, Tamoxifen Alone or in Combination) confirme que sur le plan de l’innocuité et de l’efficacité, les avantages de l’anastrozole sur le tamoxifène se maintiennent audelà des cinq années de traitement», affirme Jack Cuzick, PhD, chef du Centre d’épidémiologie, de mathématiques et de statistiques, Cancer Research UK, Londres.

Comme le rappelle M. Cuzick, l’équipe de l’essai ATAC a comparé l’anastrozole, un inhibiteur de l’aromatase (IA), à 1 mg/jour, avec le tamoxifène à 20 mg/jour et l’association des deux dans le traitement hormonal adjuvant de première intention d’un cancer du sein invasif localisé. Lors de l’analyse antérieure, réalisée après cinq ans, on avait constaté une amélioration significative de la survie sans cancer (SSC) et de l’intervalle sans récidive, une baisse significative des métastases à distance et un nombre moindre de cancers du sein controlatéraux sous IA que sous tamoxifène chez les porteuses d’une tumeur hormonodépendante (HR+). On a évalué le critère principal, soit la SSC, et les critères secondaires, soit l’intervalle sans récidive et la survie globale, dans l’ensemble de la population (anastrozole, n=3125; tamoxifène, n=3116) et dans les sous-populations HR+ importantes sur le plan clinique (84 % de la population). Une fois le traitement terminé, la cueillette de données sur les fractures et les effets indésirables graves s’est poursuivie. Le traitement d’association a été interrompu au terme d’une première analyse n’ayant révélé aucun bénéfice par rapport au tamoxifène au chapitre de l’efficacité et de la tolérabilité.

Efficacité à 10 ans

«Après un suivi médian de 120 mois, ce tout dernier compte rendu met en lumière, encore, une amélioration significative de la SSC et de l’intervalle sans récidive dans la population HR+ sous anastrozole par rapport à la population HR+ sous tamoxifène, nous apprend M. Cuzick. Dans le cas de la SSC, critère principal de l’analyse à 10 ans, les bénéfices significatifs obtenus dans le groupe anastrozole ont persisté après l’arrêt du traitement, intervenu après cinq ans, avec un taux de risque (hazard ratio) de 0,86 (p=0,003) pour la SSC» (Figure 1).


Et, ajoute-t-il, la différence absolue entre l’IA et le tamoxifène pour ce qui est de l’intervalle sans récidive chez les patientes HR+ s’est accentuée avec le temps, passant de 2,7 % après cinq ans à 4,3 % après 10 ans. Cet effet rémanent en faveur de l’IA était statistique ment significatif après la fin du traitement (p=0,0002). «Les bénéfices par rapport au tamoxifène ressortent clairement au cours des cinq premières années et demeurent significatifs jusqu’à la huitième année, après quoi ils semblent diminuer, poursuit M. Cuzick. Peut-être les bénéfices de l’anastrozole par rapport à ceux du tamoxifène atteignent-ils donc leur apogée pendant les huit premières années, mais ils n’en demeurent pas moins manifestes après 10 ans. Les décès après récidive ont été moins nombreux dans le groupe anastrozole que dans le groupe tamoxifène, mais l’écart n’était pas significatif (345 [11,2 %] vs 400 [12,9 %], [p=0,09]).»

Par ailleurs, les courbes correspondant aux récidives à distance se sont, elles aussi, écartées progressivement au fil du temps, à telle enseigne que l’effet de l’IA par rapport à celui du tamoxifène était deux fois plus marqué après 10 ans qu’après cinq ans. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le bénéfice incontestable observé après cinq ans s’est maintenu jusqu’à la 10e année, fait valoir M. Cuzick. La prolongation de l’intervalle sans récidive à distance chez les patientes HR+ a été de 15 % par rapport au tamoxifène (p=0,02).

Moins de tumeurs controlatérales

On a rapporté une baisse significative des tumeurs controlatérales chez les patientes traitées par l’IA de troisième génération par rapport aux patientes traitées par le tamoxifène. De plus, la diminution absolue obtenue sous IA était deux fois plus marquée à 10 ans (1,7 %) qu’à cinq ans (0,8 %) (p=0,003), et la réduction des tumeurs controlatérales – qui a atteint environ 40 %, tant pendant la première que pendant la deuxième période de cinq ans – était toujours bien manifeste la 10e année.

M. Cuzick a par ailleurs fait observer que la survie globale était similaire dans les deux groupes (p=0,35), précisant que 1149 femmes étaient décédées dans la sous-population HR+ importante sur le plan clinique : 563 (21,5 %) provenaient du groupe IA et 586 (22,6 %), du groupe tamoxifène. Les décès après récidive ont été moins nombreux, sans écart statistiquement significatif toutefois, chez les patientes sous IA que chez les patientes sous tamoxifène, à savoir 284 (10,8 %) vs 320 (12,3 %) (p=0,09). De ce point de vue, l’anastrozole à 1 mg satisfait aux critères de non-infériorité par rapport au tamoxifène à 20 mg.

Dans un tour d’horizon final des données d’efficacité de l’essai ATAC, M. Cuzick a précisé que l’avantage significatif de l’IA sur le tamoxifène au chapitre de la SSC et de l’intervalle sans récidive, constaté après cinq ans, était toujours présent après un suivi médian de 120 mois. Ainsi, un traitement de cinq ans par l’anastrozole à 1 mg est plus efficace qu’un traitement de cinq ans par le tamoxifène à 20 mg, référence thérapeutique antérieure dans le cancer du sein précoce appelant un traitement hormonal, et les bénéfices de l’IA persistent après la fin du traitement.

Risque fracturaire

Dans la partie de son exposé qui portait sur les principaux critères d’innocuité de l’analyse à 10 ans, M. Cuzick a qualifié l’effet sur les fractures de «saisissant». «Nous avons assisté à une hausse d’environ 50 % de l’incidence des premières fractures pendant le traitement par l’anastrozole, mais celleci est disparue immédiatement après la fin du traitement; par la suite, le taux annuel de survenue d’une première fracture était semblable dans les deux groupes (p=0,5). Après la fin du traitement, absolument aucune différence entre l’anastrozole et le tamoxifène n’est ressortie en ce qui a trait au taux de fractures», insiste-t-il.

«On a observé le même phénomène lors de l’étude IBIS-II (International Breast Cancer Intervention Study II), plus récente, poursuit M. Cuzick. En effet, l’anastrozole a été associé à une perte de densité osseuse d’environ 2 %, ce qui n’est pas négligeable, bien sûr, mais quand même pas suffisant pour conduire à l’ostéoporose. D’ailleurs, chez les femmes qui souffrent d’ostéoporose dès le départ et qui prennent un bisphosphonate, la densité osseuse augmente dans un délai de un an, qu’elles reçoivent ou non un IA. Sans IA, la densité osseuse progresse d’environ 3 %. Avec un IA, le gain est tout juste inférieur à 2 %. C’est donc dire qu’on peut prescrire un IA à une femme atteinte d’ostéoporose en lui donnant aussi un bisphosphonate et obtenir un gain net de densité osseuse, puisque les effets favorables du bisphosphonate l’emportent sur les effets défavorables de l’IA. Bref, il est rassurant de savoir que l’on peut gérer le problème de la déperdition osseuse au moyen d’un bisphosphonate», fait remarquer M. Cuzick.

Autre observation confirmée par l’analyse à 10 ans : l’incidence globale des nouveaux cancers primitifs était comparable dans les deux groupes (13,7 % pour l’IA vs 13,9 % pour le tamoxifène). Certes, on a noté des différences de taux pour certains nouveaux cancers primitifs (endomètre, sein controlatéral, ovaire, mélanome, poumon, colorectal, tête et cou), mais les écarts n’étaient pas significatifs sur le plan statistique. Il y a une exception, cependant : l’incidence du cancer de l’endomètre était quatre fois plus élevée dans le groupe tamoxifène (p=0,014). Selon M. Cuzick, cet effet intéressant de l’IA sur les nouvelles tumeurs est susceptible de persister pendant un bon moment, au moins en traitement adjuvant, modèle qui s’est révélé pertinent pour le tamoxifène.

Enfin, dans cette analyse à 10 ans de l’essai ATAC, les événements cardiovasculaires reflètent le profil d’innocuité des deux agents. On n’a pas observé d’augmentation du taux d’événements ischémiques cardiovasculaires ou vasculaires cérébraux ni du risque d’ischémie myocardique dans le groupe IA. En règle générale, la prise de tamoxifène est associée à la survenue d’événements thrombo-emboliques plus fréquents et plus graves, de pathologies endométriales, de bouffées vasomotrices, de sueurs nocturnes et de saignements vaginaux.

Résumé

L’analyse à 10 ans de l’essai ATAC atteste l’efficacité et l’innocuité supérieures de l’anastrozole à long terme, par rapport au tamoxifène, comme traitement adjuvant initial dans le cancer du sein HR+ précoce chez la femme ménopausée, conclut M. Cuzick. Les résultats démontrent que l’IA offre un meilleur équilibre que le tamoxifène entre les bénéfices et les risques. Voilà qui confirme que l’inhibition de l’aromatase représente une avancée digne de mention dans le traitement du cancer du sein.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.