Comptes rendus

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Gains de survie durables associés aux nouveaux agents dans le traitement du myélome multiple chez les non-candidats à la greffe

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 53e Assemblée/Exposition annuelle de l’American Society of Hematology

San Diego, Californie / 10-13 décembre 2011

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

L’utilisation d’un inhibiteur du protéasome – le bortézomib – et de deux immunomodulateurs – la thalidomide et le lénalidomide – a grandement amélioré les résultats dans le traitement du myélome multiple (MM). Selon de nouvelles données de l’essai de phase III VISTA – essai qui a fait de l’association bortézomib + melphalan + prednisone (VMP) le traitement de référence dans le MM chez le patient âgé –, ce schéma demeure associé à une survie globale (SG) supérieure par rapport à la bithérapie melphalan + prednisone (MP) 5 ans après la randomisation des patients. Selon les données d’un autre essai de phase III sur la trithérapie lénalidomide + melphalan + prednisone (RMP) suivie d’un traitement d’entretien par le lénalidomide, ce schéma est aussi supérieur à la bithérapie MP. On n’avait encore jamais obtenu de si bons taux de survie, notamment de survie sans cancer, chez des non-candidats à la greffe de cellules souches.

Les patients randomisés de façon à recevoir la bithérapie MP n’ont finalement jamais rattrapé leur retard, même lorsqu’ils recevaient un agent novateur comme le bortézomib en deuxième intention. «Il s’agit là d’observations clés, car elles révèlent que le bortézomib doit être utilisé d’emblée plutôt que d’être réservé aux cas de récidive», affirme le Dr Jesús F. San Miguel, Hospital Clínico Universitario de Salamanca, Espagne.

Dans le cadre de l’essai VISTA – qui réunissait 682 patients jamais traités pour un MM et inaptes à recevoir un traitement à forte dose, et dont les premiers résultats ont été publiés il y a plus de 3 ans –, la trithérapie VMP a été associée à une amélioration de 39 % (HR 0,61; p<0,001) de la SG par rapport à la bithérapie MP (San Miguel et al. N Engl J Med 2008;359:906-17). Après maintenant 60,1 mois de suivi et la perte au suivi de seulement 5 % des patients, les courbes de survie demeurent très divergentes, la SG médiane étant plus longue de 13,3 mois chez les patients du groupe VMP que celle du groupe MP (56,4 vs 43,1 mois; p=0,0004).

«Au chapitre de la SG, le bénéfice associé à la trithérapie VMP a été observé dans tous les sous-groupes, notamment les patients de =75 ans, les patients atteints d’un MM de stade III selon la nouvelle classification internationale (ISS) et les patients atteints d’insuffisance rénale», indique le Dr San Miguel, ajoutant que l’avantage de 13 mois associé au schéma VMP s’était traduit par une baisse de 31 % de la mortalité (p=0,0004) et que cet avantage se comparait favorablement au gain de SG de 6 mois récemment objectivé par une méta-analyse d’essais comparant la trithérapie thalidomide + MP avec la bithérapie MP.

Résultats à long terme de la trithérapie VMP précoce

L’analyse de ces données à long terme devait permettre de déterminer si l’utilisation précoce du schéma VMP allait rendre le MM plus résistant en cas de récidive. Le gain de SG relatif est toutefois demeuré similaire chez les patients dont le MM avait récidivé et a été traité en deuxième intention. Même s’il n’y avait aucune restriction quant à l’utilisation des traitements novateurs, y compris le bortézomib en deuxième intention, la trithérapie VMP a été associée à une meilleure probabilité de survie que la bithérapie MP (HR 0,745; p=0,0162). Une analyse exploratoire du risque de cancer secondaire n’a fait ressortir aucune augmentation du risque. On s’attend en théorie à un taux de cancer de 1,9 % au sein de cette population; or, le taux réel a atteint 1,6 % dans le groupe VMP vs 1,3 % dans le groupe MP, ce qui ne représente pas une différence statistiquement significative.

Aucune étude dont le suivi datait de >3 ans n’avait encore démontré la supériorité d’un schéma au chapitre de la survie chez des patients atteints d’un MM et inaptes à recevoir un traitement à forte dose. Les résultats de l’étude VISTA marquent donc un tournant dans ce cancer, mais d’autres stratégies novatrices sont en cours d’évaluation.

Le point sur le traitement d’entretien

Dans le cadre d’un essai de phase III, on a comparé le schéma RMP suivi d’un traitement d’entretien par le lénalidomide (RMP-R), le schéma RMP seul et le schéma MP seul chez 459 patients de =65 ans dont le MM venait d’être diagnostiqué. Les patients ont été randomisés de façon à recevoir l’un ou l’autre des deux schémas d’induction (RMP ou MP) et, après 9 cycles d’induction, le groupe RMP-R recevait un traitement d’entretien par le lénalidomide à raison de 10 mg/jour des jours 1 à 21 d’un cycle de 28 jours, alors que les deux autres groupes recevaient un placebo.

Bien qu’aucun avantage n’ait encore été objectivé sur le plan de la SG, le schéma RMP-R s’est révélé supérieur à l’absence de traitement d’entretien à en juger par la survie sans progression (SSP). La médiane de SSP a atteint 31 mois dans le groupe RMP-R, 14 mois dans le groupe RMP et 13 mois dans le groupe MP, ce qui représente un avantage relatif de 60 % en faveur du traitement d’entretien, par rapport aux deux autres groupes (HR 0,395; p<0,001). «L’avantage du traitement d’entretien était indépendant de la quasi-totalité des variables, y compris la qualité de la réponse au traitement d’induction et le pronostic», souligne le Dr Antonio Palumbo, Università degli studi di Torino, Italie. «Il faut surtout retenir de cette étude que le taux de réponse continuait d’augmenter, certains patients n’ayant eu une réponse optimale qu’après les 9 cycles d’induction», fait-il remarquer. Cela dit, la prolongation de la SSP dans le groupe ayant reçu le traitement d’entretien est probablement le résultat le plus important. À ce jour, la prolongation de 30 % de la SG (HR 0,70; p=0,133) n’a pas encore atteint le seuil de significativité statistique.

L’innocuité était acceptable, la toxicité du schéma d’induction ayant motivé l’abandon du traitement chez 13 % des patients sous RMP vs 4 % des patients sous MP. Les effets indésirables les plus fréquents étaient de nature hématologique; une neutropénie de grade 3/4 a été signalée chez 39 % des patients sous RMP. Une neutropénie fébrile a été rapportée chez =1 % des patients des trois groupes. Durant le traitement d’entretien, on n’a observé aucun signe de toxicité cumulative, et seulement 5 % des patients ont abandonné le traitement à cause d’effets indésirables.

«Même dans un groupe de patients âgés plutôt frêles, le traitement d’induction et le traitement d’entretien ont tous deux été associés à un taux acceptable de manifestations de toxicité, poursuit le Dr Palumbo. Je pense que nous nous dirigeons vers le traitement continu dans cette population», conclut-il. Bien que les analyses de qualité de vie ne soient pas terminées et qu’il n’y ait pas d’avantage au chapitre de la SG, le faible taux d’effets indésirables semble indiquer que le doublement de la SSP sous l’effet du traitement d’entretien est cliniquement significatif.

De nouvelles données émanant de la phase d’entretien d’une étude présentée par le Grupo español de mieloma – lors de laquelle les schémas d’induction VMP et VTP (bortézomib + thalidomide + prednisone) ont été associés à des taux d’efficacité comparables – étayent aussi la pertinence du traitement d’entretien (Mateos et al. Lancet Oncology 2010;11:934-41). Durant la phase d’entretien, les 260 patients recevaient du bortézomib (1,3 mg/m2 les jours 1, 4, 8 et 11) tous les 3 mois ainsi que de la thalidomide à raison de 50 mg/jour (VT) ou de la prednisone à raison de 50 mg tous les 2 jours (VP). Le traitement d’entretien pouvait se poursuivre pendant un maximum de 3 ans.

«Les deux schémas d’entretien ont augmenté substantiellement le taux de réponse complète (RC), qui est passé de 24 % après l’induction à 42 % lors de la plus récente évaluation», affirme la Dre Maria-Victoria Mateos, Hospital Clínico Universitario de Salamanca. Bien que les taux de réponse, y compris les taux de RC, aient été systématiquement plus élevés sous VT que sous VP, l’écart entre les groupes sur les plans de la SSP ou de la SG n’a pas atteint le seuil de significativité statistique (p=0,1 dans les deux cas), sauf chez les patients à haut risque cytogénétique. Dans ce dernier sous-groupe, le schéma VT a été associé à un avantage significatif. Les deux traitements ont été qualifiés de bien tolérés, mais les profils d’effets indésirables étaient différents.

Tout comme le Dr Palumbo, la Dre Mateos conclut que chez les patients âgés atteints d’un MM jamais traité, les nouveaux agents devraient être utilisés en traitement d’entretien si l’on aspire à optimiser leurs bénéfices cliniques. La Dre Mateos a également fait remarquer que le taux de réponse avait augmenté progressivement au fil du traitement d’induction et que cette augmentation s’était poursuivie sous l’effet du traitement d’entretien, ce qui souligne l’importance d’administrer un traitement continu pour obtenir une réponse plus complète et, du coup, plus durable.

Dans le traitement du MM, on ignore toujours si l’on doit amorcer le traitement par un inhibiteur du protéasome ou par un immunomodulateur. Dans le cadre d’une étude rétrospective présentée au congrès, on a tenté de déterminer si la survie différait en fonction du premier agent utilisé. Cette analyse – qui regroupait 208 patients traités sur une période de 6,5 ans – n’a fait ressortir aucune différence significative entre les patients ayant reçu du bortézomib ou du lénalidomide en premier lieu, mais pas en concomitance. Parmi les patients qui présentaient déjà une insuffisance rénale au moment du diagnostic, explique la Dre Amila M. Patel, Moffitt Cancer Center, Tampa, Floride, la médiane de SG a atteint 53,9 mois chez ceux qui avaient reçu du bortézomib en premier lieu vs 24,1 mois chez ceux qui avaient reçu du lénalidomide (p=0,01). Cette étude est la première à évaluer l’impact de la séquence d’administration d’agents novateurs dans le MM, affirme la Dre Patel. Bien qu’aucun bénéfice n’ait été clairement associé à une séquence particulière, «un traitement à base de bortézomib devrait être envisagé en première intention» chez les patients dont la fonction rénale est sous-optimale, conclut-elle.

Résumé

L’arrivée sur le marché d’agents novateurs pour le traitement du MM chez les non-candidats à la greffe a donné lieu à d’importantes améliorations des résultats. L’avantage durable associé à la trithérapie VMP par rapport à la bithérapie MP, jadis le traitement de référence, après 60,1 mois de suivi est l’un des faits saillants récents dans le traitement des hémopathies malignes. Dans le cas des patients dont le MM est diagnostiqué après l’âge de 65 ans, ce qui représente la majorité des cas, les données selon lesquelles le traitement d’entretien amplifie le bénéfice associé au schéma d’induction prouvent que la maîtrise de cette maladie est de plus en plus à notre portée, même si le MM est encore incurable. ?

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