Comptes rendus

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Simplifier la surveillance grâce aux nouveaux anticoagulants oraux

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 53e Assemblée/Exposition annuelle de l’American Society of Hematology

San Diego, Californie / 10-13 décembre 2011

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Les cliniciens ont tôt fait d’adopter les anticoagulants oraux dotés d’un profil pharmacocinétique prévisible et associés à une réponse relativement peu variable en raison de la lourdeur du traitement par les agents injectables et la warfarine, seul anticoagulant oral commercialisé jusqu’à récemment. Les données corroborant l’efficacité et l’innocuité du dabigatran - un inhibiteur direct de la thrombine - et du rivaroxaban - un inhibiteur direct du facteur Xa - continuent de s’accumuler avec la publication de nouvelles études. Les dernières données, dans la foulée des études de phase III, attestent leurs avantages dans des conditions de pratique réelles.

«Ces agents marquent, selon moi, un progrès important étant donné la difficulté de maintenir les patients sous warfarine dans la zone thérapeutique», fait valoir le Dr Bengt I. Eriksson, Hôpital universitaire Sahlgrenska, Göteborg, Suède. Investigateur dans le cadre de deux études sur l’innocuité du dabigatran, le Dr Eriksson souligne le grand nombre de rapports publiés dans la littérature sur les difficultés et l’incommodité de la surveillance du rapport normalisé international (RNI) chez les patients qui doivent prendre de la warfarine à long terme.

 

Problèmes de la surveillance du RNI

 

Les nouvelles données de l’étude canadienne en cours intitulée ROAM (Resource utilization associated with Oral Anticoagulation Management) renforcent cette perception. C’est la première fois qu’on évalue de manière prospective le fardeau de soins associé à la surveillance de l’anticoagulothérapie orale à long terme dans un contexte de soins médicaux généraux au Canada. Cette étude de 48 semaines chez des patients suivant un traitement anticoagulant en raison d’une fibrillation auriculaire non valvulaire (FANV) repose sur la surveillance de diverses variables, par exemple, la rapidité de la transmission des résultats du RNI aux patients, à qui l’on a demandé de tenir un carnet de suivi, ainsi que l’exactitude des informations fournies.

En date du congrès, 180 des 600 patients que l’on prévoit recruter dans 9 provinces avaient terminé le suivi de 48 semaines. Selon les résultats préliminaires, en 48 semaines, on a effectué en moyenne 13 mesures du RNI par patient. Le pourcentage moyen de temps passé par les patients dans la zone thérapeutique cible du RNI (entre 2,0 et 3,0) s’élevait à 67 %. Le délai moyen entre l’obtention du RNI et la transmission du résultat au patient était de 1,4 jour, mais 28 % des patients n’ont consigné aucun RNI de toute la durée de l’étude et seulement 4 % des dates et des résultats des RNI consignés par les patients étaient identiques à ceux notés par le médecin.

«La majorité des patients sont suivis par téléphone, et on observe un retard à leur communiquer les résultats ainsi que de fréquentes erreurs dans la transmission de ces résultats», signale la Dre Rita Selby, Sunnybrook Health Sciences Centre, Toronto, Ontario.

 

Réduction du séjour à l’hôpital

 

Si ces résultats mettent en lumière certains problèmes bien connus de la surveillance des RNI, un nouvel agent oral qui dispense de cette surveillance a montré qu’il pouvait, principalement pour cette raison, abréger le séjour à l’hôpital. Dans le cadre d’une vaste étude de cohorte chez des patients recevant du dabigatran ou de la warfarine, on a examiné toutes les hospitalisations pour cause de FANV sur une période de 3 mois. Environ 45 % des patients ont reçu leur anticoagulant oral en monothérapie. Les autres ont aussi reçu au cours de leur hospitalisation une héparine de bas poids moléculaire (HBPM) ou une héparine non fractionnée (HNF).

«Après prise en compte de diverses variables, on a constaté une réduction d’environ 1 jour du séjour à l’hôpital dans le groupe dabigatran par rapport au groupe warfarine», indique Mme Eileen Fonseca, Économie de la santé et analyse de résultats, Plymouth Meeting, Pennsylvanie. Dans cette étude, qui cumulait des données sur 1320 hospitalisations avec administration de dabigatran et 22 395 hospitalisations avec administration de warfarine, «le dabigatran était aussi associé à une réduction significative de la durée d’hospitalisation moyenne [p<0,05] comparativement à tous les autres schémas d’anticoagulothérapie, qui allaient de 0,5 jour en monothérapie à 2,3 jours pour les patients ayant aussi reçu une HNF.»

 

Efficacité et innocuité des anticoagulants oraux

 

La réduction de la durée d’hospitalisation étant attribuée à la plus grande rapidité du dabigatran à réaliser une anticoagulation stable, on pourrait s’attendre à un gain substantiel d’efficience par rapport à la warfarine. L’efficacité et l’innocuité du dabigatran n’ont pas été évaluées dans cette étude, mais un essai de phase III l’avait déjà crédité d’une efficacité comparable à celle de la warfarine dans la prévention des AVC associés à la FANV (Connolly et al. N Engl J Med 2009;361:1139-51). À la dose de 110 mg, le dabigatran a été aussi efficace que la warfarine tout en provoquant moins de saignements majeurs. À 150 mg, il était plus efficace et associé à un risque hémorragique comparable.

Lors d’une étude récente, on a comparé le rivaroxaban - qui s’administre aussi à dose fixe sans surveillance du RNI - au fondaparinux, un inhibiteur du facteur Xa injectable, et à une HBPM chez des patients devant subir une intervention de chirurgie orthopédique majeure. Parmi les 4807 patients de cette étude rétrospective, 1055 ont reçu le rivaroxaban, 2069 ont reçu le fondaparinux et 1683 ont reçu une HBPM. L’efficacité et l’innocuité relatives de l’anticoagulant oral étaient supérieures à celles des deux autres agents, les paramètres d’évaluation étant le taux de thromboembolie veineuse (TEV) et l’innocuité.

Comme l’indique le Dr Jan Beyer-Westendorf, Clinique universitaire de Dresde, Allemagne, l’inhibiteur du facteur Xa oral «était significativement plus efficace que le fondaparinux ou l’HBPM pour prévenir la TEV symptomatique, ce qui était principalement lié à une réduction significative du taux de TEV distale». Les taux de reprise chirurgicale et de complications hémorragiques sévères étaient également diminués. Plus précisément, le taux global de TEV pour le rivaroxaban, le fondaparinux et l’HBPM était respectivement de 2,5 %, 5,5 % et 3,9 % (p<0,0005 vs le fondaparinux et p<0,05 vs l’HBPM), et le taux de saignements sévères, de 7,4 %, 11,2 % et 14,9 %, respectivement (p=0,001 vs le fondaparinux et p<0,0005 vs l’HBPM).

 

Test HEMOCLOT

 

Quel que soit l’anticoagulant, on doit parvenir à un équilibre entre la protection antithrombotique et le risque hémorragique. La prévisibilité des nouveaux anticoagulants leur confère donc un avantage particulier lorsque la constance de l’effet antithrombotique est impérative. Bien que les nouveaux agents ne nécessitent pas de surveillance du RNI, il peut être utile de mesurer l’activité anticoagulante par un dosage ponctuel en situation d’urgence. Selon de nouvelles données présentées par le Dr Eriksson, on peut confirmer que les concentrations du médicament sont appropriées par un test de dosage des inhibiteurs directs de la thrombine appelé HEMOCLOT.

«Le test de dosage des inhibiteurs directs de la thrombine HEMOCLOT convient à la détermination quantitative précise des concentrations de dabigatran sur des plasmas citratés», précise le Dr Eriksson, qui a participé à l’évaluation de ce test chez les patients d’un essai sur le dabigatran. On a évalué la précision du dosage par comparaison avec la chromatographie liquide/spectrométrie de masse en tandem. Au vu des résultats, «la précision est acceptable pour l’utilisation que l’on envisage ici, soit de confirmer que les concentrations du dabigatran se situent dans la zone thérapeutique».

Si on décide de prescrire ce test, par exemple en cas d’équilibre délicat entre les bénéfices et les risques de l’anticoagulation, il suffit de le faire une fois, plutôt que périodiquement, étant donné qu’on s’attend à un effet constant d’une dose à l’autre, mais il peut aider à optimiser l’ajustement des concentrations thérapeutiques. Cela dit, la prévisibilité du dabigatran et du rivaroxaban est l’un de leurs points forts et l’on n’a pas eu recours à ce test lors des essais comparatifs, fait observer le Dr Eriksson.

Ce dernier a également présenté une nouvelle analyse de données groupées des 4 études de phase III comparant le dabigatran à l’énoxaparine (HBPM) dans la prévention des TEV après une intervention de chirurgie orthopédique majeure. L’objectif était de comparer les taux d’événements liés à un syndrome coronarien aigu (SCA), tels que l’infarctus du myocarde, l’angine instable et la cardiomyopathie ischémique. Le taux global d’événements était faible et similaire dans les deux groupes.

«Cette analyse inclut maintenant 4 essais et plus de 10 000 patients et n’a pas fait ressortir de différence significative entre le dabigatran et l’énoxaparine quant au taux d’événements liés à un SCA», souligne le Dr Eriksson. Ces résultats rassurants font chorus avec un nombre imposant de données qui indiquent que les nouveaux anticoagulants oraux devraient être une option de prédilection chez les patients vulnérables aux thromboses, fait-il valoir.

 

Résumé

 

Les nouveaux anticoagulants oraux sont rapidement intégrés dans les indications qui étaient dévolues à la warfarine. Leur principal avantage est de montrer une efficacité et une innocuité comparables à celles de la warfarine quand on parvient à maintenir le RNI du patient dans une zone appropriée. La constance de leur activité semble en outre les rapprocher des anticoagulants injectables, y compris les HBPM. Et la possibilité de réduire le risque thrombotique avec un agent oral qui n’impose pas de surveillance régulière a, et cela est très important, des retombées sur le bénéfice, l’innocuité, l’utilisation des ressources de santé et la qualité de vie du patient.

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