Comptes rendus

Analogues nucléosidiques dans le traitement antirétroviral : une utilité réaffirmée
Stratégies factuelles pour réduire le risque de maladie cardiovasculaire chez les patients diabétiques : nouvelles données de l’étude ADVANCE

Inhibition plaquettaire plus rapide, plus complète et plus uniforme : nouvelles options dans le traitement du syndrome coronarien aigu

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Congrès de la Société européenne de cardiologie de 2008

Munich, Allemagne / 30 août-3 septembre 2008

L’activation et l’agrégation plaquettaires comptent parmi les principaux facteurs à l’origine du syndrome coronarien aigu (SCA) et de ses complications thrombotiques. L’une des stratégies clés du traitement du SCA – avec ou sans sus-décalage du segment ST – consiste à freiner l’hyperréactivité plaquettaire et à atténuer le risque élevé et persistant d’événements thrombotiques récidivants. La prévention de ces complications ischémiques repose depuis longtemps sur l’AAS, tant dans la maladie coronarienne aiguë que chronique. Les thiénopyridines mises au point récemment, en particulier le clopidogrel, permettent de diminuer davantage le risque d’événements cardiovasculaires (CV) chez les patients victimes d’un SCA et chez ceux qui subissent une intervention coronarienne, notamment l’intervention coronarienne percutanée (ICP) et la pose de tuteurs.

En fait, on recommande actuellement l’association AAS-clopidogrel dans tous les cas d’infarctus du myocarde (IM) sans sus-décalage du segment ST (ST-) traité par une ICP, avec ou sans tuteur ou pontage aortocoronarien, précise le Dr José Lopez-Sendon, qui présidait un symposium sur le traitement antiplaquettaire du SCA traité par une ICP. L’association est également recommandée en présence d’un IM avec sus-décalage du segment ST (ST+), sans égard à la stratégie de reperfusion, de même qu’après la pose de tuteurs, surtout de tuteurs médicamentés. Pour sa part, le Dr Christian W. Hamm, Hôpital universitaire Eppendorf, Hambourg, Allemagne, a rappelé aux congressistes que le taux de récidive des événements et de mortalité CV demeure élevé chez les patients ayant subi un SCA, malgré les guides de pratique.

«Cette situation tient en partie au fait que les médicaments ne sont pas efficaces chez tous les patients», affirme-t-il. De 5,5 à 10 % des patients seraient résistants à l’AAS, de sorte que les doses standard d’AAS n’auraient aucun effet sur l’agrégation plaquettaire. «Voilà qui est important, ajoute le Dr Hamm, puisque les données d’essais cliniques établissent un lien entre une réponse médiocre à l’AAS et un taux plus élevé d’événements.»

De même, l’effet du clopidogrel sur la fonction plaquettaire n’est pas uniforme : certains patients répondent peu au traitement, tandis que d’autres y répondent exagérément, ce qui les expose à un risque hémorragique plus élevé. Lors d’un essai cité par le Dr Hamm (Circulation 2004;109:3171-5), 60 patients subissant une ICP en raison d’un IM ST+ ont été stratifiés en quartiles selon le pourcentage de réduction de l’agrégation plaquettaire induite par l’adénosine diphosphate (ADP).

On a constaté que le taux d’agrégation plaquettaire induite par l’ADP avait chuté à 69, 58 et 33 % des valeurs de départ chez les patients du deuxième au quatrième quartile. Fait encore plus important, 40 % des patients du premier quartile ont subi un événement CV récidivant au cours des six mois de suivi, comparativement à un seul patient du deuxième quartile et à aucun des troisième et quatrième quartiles. Qui plus est, on a prescrit des doses d’attaque plus élevées (600 mg, voire 900 mg) pour contrer la résistance au clopidogrel, «mais, même à 600 mg, le degré d’activité plaquettaire résiduelle demeure marqué, précise le Dr Hamm, de sorte que le traitement antiplaquettaire pourrait assurément être amélioré».

Nouveaux antiplaquettaires

Fort heureusement, il existe de nouveaux agents qui semblent dotés d’un meilleur effet inhibiteur sur la fonction plaquettaire. Comme l’explique le Dr Robert Storey, maître de conférences en cardiologie clinique, University of Sheffield, Royaume-Uni, le récepteur P2Y12 est une voie unique qui stimule non seulement l’agrégation plaquettaire mais également un grand nombre d’autres facteurs contribuant à la thrombose. Tout comme le clopidogrel, le prasugrel est une thiénopyridine dont l’effet est irréversible, mais il exerce une activité antiplaquettaire plus prononcée, plus rapide et plus uniforme que le clopidogrel.

On a comparé les taux de métabolites actifs des deux médicaments à 24 heures. Une dose d’attaque de 60 mg de prasugrel donne un taux de phosphorylation du marqueur VASP (vasodilator-stimulated phosphoprotein) de 64,3 %, comparativement à seulement 10,3 % dans le cas du clopidogrel administré à une dose d’attaque de 600 mg, poursuit le Dr Storey.

«En d’autres termes, le prasugrel assure une inhibition plus efficace du récepteur P2Y12» Les différences entre les deux thiénopyridines semblent se traduire par un bénéfice clinique non négligeable, si l’on en croit les données de l’essai TRITON-TIMI-38, qui portait à la fois sur l’IM ST+/angine instable et l’IM ST-. Les patients – qui devaient tous subir une ICP – ont reçu soit du clopidogrel (dose d’attaque de 300 mg suivie d’une dose d’entretien de 75 mg), soit du prasugrel (dose d’attaque de 60 mg suivie d’une dose d’entretien de 10 mg). L’essai avait pour paramètre principal la mortalité CV, les IM non mortels et les AVC non mortels.

Selon l’analyse de la sous-cohorte IM ST+ (n=3534) présentée par le Dr Gilles Montalescot, cardiologue, Centre hospitalier universitaire Pitié-Salpêtrière, Paris, 12,4 % des patients du groupe clopidogrel avaient atteint le paramètre principal à 15,2 mois vs 10 % de ceux du groupe prasugrel, d’où une réduction de 21 % du risque relatif en faveur du prasugrel (p=0,02). De même, moins de sujets du groupe prasugrel ont atteint l’un des paramètres secondaires (mortalité CV, IM ou intervention de revascularisation urgente du vaisseau cible à 30 jours) : 6,7 vs 8,8 % dans le groupe clopidogrel, ce qui correspond à une réduction de 25 % du risque relatif, encore une fois en faveur du prasugrel.

À 15,2 mois, le prasugrel a aussi été associé à une réduction de 42 % du risque relatif de thrombose sur tuteur, comparativement au clopidogrel. Il est à noter que les gains cliniques importants n’ont pas été obtenus au prix d’une hausse du taux d’hémorragies au sein de cette sous-cohorte – quoique ce taux ait été plus élevé dans l’ensemble de la cohorte. En fait, l’incidence d’hémorragies non liées à un pontage aortocoronarien et considérées comme majeures selon les critères TIMI se chiffrait à 2,1 % dans le groupe prasugrel et à 2,4 % dans le groupe clopidogrel.

Par contre, et c’est là un point digne de mention, le prasugrel n’a eu aucun avantage chez les patients de moins de 60 kg ou de 75 ans et plus. On doit aussi éviter cet agent en présence d’antécédents d’AVC ou d’ischémie cérébrale transitoire. Comme le signale le Dr Stephen Wiviott, professeur adjoint de médecine, Harvard Medical School, Boston, une analyse distincte portant sur les sujets diabétiques de l’essai TRITON-TIMI-38 a semblé associer le prasugrel à une réduction encore plus marquée des événements ischémiques que chez les patients non diabétiques.

Toujours à 15,2 mois, le pourcentage de sujets diabétiques traités à l’insuline ayant atteint le paramètre principal était significativement moins élevé dans le groupe prasugrel que dans le groupe clopidogrel (14,3 vs 22,2 %; p=0,009); il en était de même des sujets diabétiques non traités à l’insuline (11,5 vs 15,3 %; p=0,009). L’incidence d’IM a également chuté de 40 % chez les sujets diabétiques du groupe prasugrel, par comparaison à ceux du groupe clopidogrel. Dans le cas des sujets non diabétiques, le prasugrel est demeuré plus efficace pour l’ensemble des paramètres susmentionnés, mais à un degré moindre. Les taux d’hémorragies étaient semblables d’un groupe à l’autre.

«Je n’aurais pas été surpris de voir des résultats entièrement négatifs puisque le clopidogrel est un très bon médicament. Nous estimions qu’il serait difficile à déclasser», affirmait le Dr Wiviott lors d’une entrevue. «Les patients dont l’hyperactivité des plaquettes entraîne des complications sont ceux chez qui on peut vraiment prévenir les événements ischémiques», conclut-il.

Antagonistes réversibles du récepteur P2Y12

Les antagonistes réversibles du récepteur P2Y12 ont un avantage net par rapport aux deux thiénopyridines : un court délai d’action et, facteur tout aussi important, une courte durée d’action. En effet, la fonction plaquettaire est rétablie dès que les effets du médicament se sont estompés, soit après 36 à 48 heures. De ce fait, le risque d’hémorragies est moindre, surtout s’il faut réaliser un pontage aortocoronarien d’urgence. D’après des données préliminaires, l’AZD 6140, l’agent dont le développement clinique est le plus avancé, est doté d’une activité antiplaquettaire équivalente à celle du prasugrel et supérieure à celle du clopidogrel.

L’essai PLATO, qui évalue l’AZD 6140 dans l’ICP «en conditions réelles», permettra de vérifier si l’agent diminue le taux d’événements ischémiques aussi efficacement que le prasugrel et s’il comporte un risque hémorragique moindre. Le cangrelor, autre antagoniste réversible du récepteur P2Y12, est un antithrombotique à action immédiate que l’on administre par voie intraveineuse et dont la durée d’action est très courte. Cet agent est également à l’étude dans le traitement du SCA, les essais de phase II ayant fait état d’effets semblables à ceux de l’abciximab.

Enfin, un nouvel antiplaquettaire, le SCH 530348 – antagoniste du récepteur de la thrombine – en est à l’étape du développement clinique. Selon les premières données, il n’augmenterait pas le risque d’hémorragies majeures ou mineures selon les critères TIMI chez des victimes d’un IM ST- qui doivent subir une ICP et auxquels on administre également l’AAS et le clopidogrel. On a également noté une baisse significative des IM péri-opératoires : 16,9 % dans le groupe association triple vs 42,9 % dans le groupe soins standard. Voilà qui souligne l’intérêt clinique de l’ajout du SCH 530348 aux protocoles antiplaquettaires standard.

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