Comptes rendus

Recours systématique aux protocoles d’évaluation du risque CV pour la prise de décisions thérapeutiques
De nouvelles applications de la chélation du fer à l’horizon grâce à de récentes données sur la protection des organes

La voie sous-cutanée validée dans le traitement d’entretien du myélome multiple

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 52e Assemblée/Exposition annuelle de l’American Society of Hematology

Orlando, Floride / 4-7 décembre 2010

Administration par voie sour-cutanée

Les résultats d’un essai multinational de phase III avec randomisation ont montré que le bortézomib, généralement administré par voie intraveineuse (i.v.), était aussi efficace, mais mieux toléré lorsqu’il était administré par voie sous-cutanée (s.c.) dans le traitement du myélome multiple (MM) récidivant ou réfractaire. Ces résultats faciliteront l’utilisation de cet inhibiteur du protéasome, qui a prolongé la survie sans progression (SSP) lorsqu’il était administré seul ou en association avec d’autres agents innovants dans le cadre d’essais comparatifs, dont un publié récemment qui regroupait des patients inaptes à subir une greffe (J Clin Oncol 2010;28:5101-9). Ces données témoignent d’une évolution constante des stratégies de traitement optimales dans cette maladie.

«L’efficacité et l’innocuité du bortézomib s.c. sont de très bonnes nouvelles pour les patients chez qui l’accès veineux est difficile et les patients les plus vulnérables aux effets indésirables associés à cet agent, telle la neuropathie périphérique. De toute façon, l’administration par voie s.c. est plus facile et pourrait améliorer l’observance du traitement dans l’ensemble», souligne le Pr Philippe Moreau, Service d’hématologie, Hôpital universitaire, Nantes, France. En sa qualité d’auteur principal de cet essai multinational, le Pr Moreau considère la voie s.c. comme un autre pas dans la bonne direction pour le traitement de référence du MM chez les patients inaptes à subir une greffe de cellules souches potentiellement curative.

Lors de cette étude de phase III sur le MM réalisée en mode ouvert, 222 patients de 10 pays suivis dans 53 centres ont été randomisés selon un rapport 2:1 de façon à recevoir du bortézomib s.c. ou i.v., respectivement. Le principal critère d’admissibilité était la récidive ou la progression après un traitement systémique. La dose et le schéma étaient les mêmes dans les deux groupes : 1,3 mg/m2 les jours 1, 4, 8 et 11 d’un cycle de 21 jours, pendant 8 cycles. L’injection i.v. était administrée à une concentration de 1 mg/mL en bolus sur 3 à 5 secondes. L’injection s.c. était pour sa part administrée à une concentration de 2,5 mg/mL. Dans les deux groupes, le bortézomib était administré seul, mais si un patient n’obtenait rien de mieux qu’une réponse partielle (RP) après 4 cycles (et que son MM n’avait pas progressé), on ajoutait de la dexaméthasone orale aux 4 cycles suivants.

Le paramètre principal était le taux de réponse objective (RO) après 4 cycles de traitement, et ce taux était exactement le même dans les deux groupes : 42 %. Après 4 autres cycles, lorsque les patients n’ayant pas obtenu de réponse complète (RC) ont reçu de la dexaméthasone en plus du bortézomib, le taux de RO est passé à 52 % dans les deux groupes. Lorsque les chercheurs ont compilé les taux de RC et de quasi-RC, le taux était légèrement plus élevé dans le groupe s.c. (22 % vs 20 %), mais l’écart n’a pas atteint le seuil de significativité statistique. La médiane de SSP se chiffrait à 10,2 mois vs 8 mois dans les groupes s.c. et i.v., respectivement, et le taux de survie globale (SG) à 1 an, à 72,6 % vs 76,7 %. Dans un cas comme dans l’autre, la différence n’était pas statistiquement significative.

À certains égards, l’innocuité supérieure de l’administration s.c. par rapport à l’administration i.v. a atteint le seuil de significativité statistique. Si la baisse des effets indésirables de grade =3 dans le groupe s.c. n’a pas atteint le seuil de significativité statistique (57 % vs 70 %), la diminution des neuropathies périphériques tous grades confondus (38 % vs 53 %; p=0,04) et des neuropathies périphériques de grade =3 (6 % vs 16 %; p=0,03), elle, était significative. Toujours dans le groupe s.c., on a observé une tendance à la baisse du risque d’effets indésirables de nature digestive tous grades confondus (37 % vs 58 %).

«Ces résultats étayent ceux d’une étude de phase I ayant montré que les voies s.c. et i.v. étaient comparables sur le plan de l’exposition au médicament et des taux de réponse. La meilleure tolérabilité de l’administration s.c. est un bonus, parce que l’administration s.c., qui élimine la nécessité d’accès i.v. à répétition ou d’insertion d’un dispositif pour l’accès veineux central, offre déjà des avantages par rapport à la voie i.v.», soutient le Pr Moreau. Cette approche devrait être mise à l’essai dans d’autres populations, surtout chez les patients âgés pour qui l’accès veineux risque d’être limité ou chez les patients qui reçoivent un traitement d’entretien de durée indéfinie par le bortézomib.

Nouvelles données de l’étude UPFRONT

De nouvelles données de l’étude de phase III UPFRONT sont venues renforcer les données existantes sur la pertinence du bortézomib dans le traitement d’entretien du MM. Lors de cette étude avec randomisation menée chez des patients âgés, les sujets ont reçu l’un ou l’autre des 3 schémas d’induction suivis d’un traitement d’entretien par le bortézomib. L’objectif principal était de déterminer si l’un des schémas était supérieur aux deux autres quant à la SSP. Ces 3 schémas étaient : bortézomib+dexaméthasone (VD), bortézomib+thalidomide+dexaméthasone (VTD) ou bortézomib+melphalan+prednisone (VMP). Les patients recevaient 8 cycles du schéma d’induction, puis 5 cycles de traitement d’entretien par le bortézomib.

Les taux de réponse ont été légèrement, mais systématiquement plus élevés sous VTD que sous VD ou VMP. La médiane de SSP – 13,8 mois sous VD, 18,4 mois sous VTD et 17,3 mois sous VMP – ne différait pas statistiquement parlant d’un schéma à l’autre. L’auteur principal de l’étude, le Dr Ruben Niesvizky, Center of Excellence for Lymphoma and Myeloma, Weill Medical College, New York, a toutefois insisté sur l’aptitude du traitement d’entretien par le bortézomib à stimuler la réponse.

«Le traitement d’entretien par le bortézomib seul a été bien toléré après les 3 schémas d’induction et a augmenté la proportion de patients atteignant une très bonne RP, voire une meilleure réponse encore», souligne le Dr Niesvizky. Fait digne de mention, le traitement d’entretien par le bortézomib administré à raison de 1,6 mg/m2 les jours 1, 8, 15 et 22 d’un cycle de 35 jours pendant 5 cycles n’a pas augmenté les taux de neuropathie périphérique, le plus fréquent des effets toxiques de grade =3 associés aux schémas d’induction. Le schéma VTD a généré le taux de réponse le plus élevé, mais c’est aussi lui qui a donné lieu au taux le plus élevé de neuropathie périphérique tous grades confondus (61 % vs 49 % pour le schéma VD et 45 % pour le schéma VMP).

Stratégies à l’égard de certaines mutations

Une récente analyse de sous-groupe de l’essai HOVON-65/GMMG-HD4 – qui visait à comparer diverses stratégies sur le plan de l’efficacité en présence de certaines mutations influant sur le pronostic du MM – a de nouveau fait ressortir le rôle du traitement d’entretien par le bortézomib dans l’amélioration de la réponse. Lors de cette étude, des patients atteints d’un MM qui étaient aptes à subir une greffe ont été randomisés de façon à recevoir 3 cycles du schéma VnAD (vincristine+doxorubicine+dexaméthasone) ou du schéma VAD (bortézomib+doxorubicine+dexaméthasone). Des cellules souches hématopoïétiques ont ensuite été mobilisées en prévision de l’autogreffe, après quoi les patients du groupe VnAD recevaient un traitement d’entretien par la thalidomide (50 mg 1 fois/jour) et les patients du groupe VAD, un traitement d’entretien par le bortézomib (1,3 mg/m2 1 fois/2 semaines). L’analyse de sous-groupe, qui reposait sur la technique d’hybridation in situ en fluorescence (FISH), portait sur des anomalies génétiques et leur effet sur le pronostic.

«Les anomalies chromosomiques qui ont eu le plus d’impact sur le pronostic ont été la translocation (4;14), la délétion du chromosome 17(p13) et le gain du chromosome 1(q21), chacune ayant été associée significativement avec un sombre pronostic sur le plan de la SSP et de la SG», affirme le Dr Hartmut Goldschmidt, Hôpital universitaire, Heidelberg, Allemagne. On a toutefois constaté que cette association était dépendante du traitement. En particulier, la médiane de SSP était 2 fois moins longue en présence de l’anomalie t(4;14) chez les patients sous VnAD, mais pas chez les patients sous VAD. Après 3 ans, le taux de SG des patients porteurs de l’anomalie t(4;14) était de 39 % sous VnAD vs 76 % sous VAD. En l’absence de t(4;14), le taux de SG s’élevait à 87 % sous VAD.

«Bien que le pronostic ait tout de même été plus sombre en présence de l’anomalie t(4;14) qu’en son absence, l’impact négatif de cette anomalie sur la SSP a presque été neutralisé entièrement par le traitement à base de bortézomib», fait valoir le Dr Goldschmidt. Bien qu’il n’ait pas tenté de quantifier l’effet indépendant du traitement d’entretien par le bortézomib sur l’efficacité en présence de l’anomalie t(4;14), il estime que les schémas d’induction et d’entretien ont probablement contribué à l’avantage relatif.

Résumé

Dans les guides de pratique sur le MM, on continue d’énumérer plusieurs schémas possibles en première intention, mais les données présentées récemment étayent le rôle des agents innovants à la fois dans les schémas d’induction et d’entretien. Bien que le traitement de nombreuses formes de MM ne soit pas à visée curative, la possibilité d’une prolongation de la SSP grâce à des traitements raisonnablement bien tolérés et efficaces représente un progrès important. Diverses études présentées au congrès de l’ASH, dont celle de Dimopoulos et al. qui regroupait 432 patients (affiche 3027) et dans laquelle l’ajout de dexaméthasone au bortézomib en monothérapie a augmenté les taux de RC dans le MM récidivant, feront presque assurément évoluer la définition du traitement optimal du MM. Cela dit, la hiérarchie relative des schémas de première intention, de secours et d’entretien se dessine de plus en plus clairement.

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