Comptes rendus

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Recours systématique aux protocoles d’évaluation du risque CV pour la prise de décisions thérapeutiques

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Les 83es Séances scientifiques de l’American Heart Association (AHA)

Chicago, Illinois / 13-17 novembre 2010

Si les cliniciens réussissent maintenant mieux à repérer et à traiter les patients à risque élevé de maladie cardiovasculaire (CV), la protection des patients à risque modéré pourrait bien être le plus grand défi auxquels ils seront désormais confrontés s’ils veulent réduire les taux d’événements CV au Canada. Le jugement clinique permet difficilement à lui seul de reconnaître les patients à risque modéré (exposés à un risque d’événement CV de 10 à <20 % sur 10 ans), pour lesquels un traitement hypolipidémiant pourrait pourtant être bénéfique. Selon les recommandations canadiennes actuelles pour la prévention des maladies CV, on doit viser chez ces patients un taux de C-LDL <2,0 mmol/L ou une réduction de 50 % du taux initial (Genest et al. Can J Cardiol 2009;25:567-79). Les résultats de PARADIGM (Primary Care Audit of Global Risk Management), une étude canadienne récente, révèlent que les cliniciens ne semblent pas évaluer correctement le risque : de nombreux patients – dont certains à risque élevé – échappent donc au dépistage.

Dans cette étude sur l’évaluation du risque CV par des médecins de premier recours, dont les résultats ont été dévoilés lors du dernier Congrès canadien sur la santé cardiovasculaire, «les deux tiers des patients à risque élevé ont été classés dans une catégorie de risque inférieure», rapporte le Dr Milan Gupta, Canadian Cardiovascular Research Network, Brampton, Ontario, et professeur agrégé de médecine, McMaster University, Hamilton, Ontario. Selon les résultats actualisés présentés par le Dr Gupta aux Séances scientifiques de l’AHA, l’exactitude des évaluations laissait grandement à désirer dans le cas des patients à risque modéré ou élevé, bien que près de 35 % des médecins aient affirmé avoir calculé le score de Framingham (SF). La plupart des autres médecins ont dit avoir utilisé d’autres méthodes systématiques d’évaluation du risque.

Évaluation formelle du risque recommandée

Dans les plus récentes recommandations thérapeutiques canadiennes, on préconise le recours à des méthodes formelles d’évaluation du risque, dont le SF, validé au Canada, et le score de Reynolds, qui tient compte des antécédents familiaux et du taux de protéine C-réactive ultrasensible (hsCRP). Quelle que soit la méthode choisie, l’important est de toujours utiliser correctement une approche systématique et validée, estime le Dr Gupta. Dans le cadre de cette étude, qui portait sur la concordance entre les évaluations du risque réalisées par 105 médecins de premier recours et celles d’un centre indépendant d’analyse du SF, 35 % des médecins ont affirmé avoir calculé le SF. Les évaluations ont porté sur 3015 adultes d’âge moyen en bonne santé. Il ressort de cette étude qu’un fort pourcentage de médecins semblent avoir mal interprété les résultats, à en juger par la piètre concordance entre leurs évaluations et celles du centre d’analyse.

On a ainsi enregistré un taux de concordance de 65,7 % seulement entre les évaluations des médecins et celles du centre d’analyse pour les patients à faible risque; ce taux chutait à 50,4 % pour les patients à risque modéré et à 34,2 % pour ceux à risque élevé. Si l’on s’en tient au groupe de médecins qui disaient avoir calculé le SF, la concordance augmente légèrement, sans plus.

Ces résultats révèlent que les médecins de premier recours évaluent mal le risque chez les patients à risque élevé ou modéré, mais on craint même que les spécialistes aient du mal à repérer correctement les patients à risque modéré s’ils s’en remettent uniquement à leur jugement clinique. La présence d’hypertension, de diabète et d’hyperlipidémie témoigne d’un risque élevé; toutefois, le nombre considérable de victimes d’un événement CV en l’absence de facteurs de risque classique a suscité de nombreuses initiatives visant à trouver de nouveaux marqueurs de risque, comme l’hsCRP, dont le dosage est maintenant préconisé dans les recommandations thérapeutiques canadiennes. Les réductions marquées du risque CV observées dans le cadre de l’étude phare JUPITER (Justification for the Use of Statins in Prevention: an Intervention Trial Evaluating Rosuvastatin) (Ridker et al. N Engl J Med 2008;359:2195-207) étayent l’utilisation de ce marqueur pour le repérage des patients à risque modéré qui pourraient bénéficier d’un traitement hypolipidémiant.

Bénéfices d’une baisse des taux lipidiques en l’absence d’hyperlipidémie

L’étude JUPITER visait à déterminer si des patients à risque modéré pouvaient bénéficier d’un traitement hypolipidémiant, même si leur taux de C-LDL n’était pas très élevé. Comme certaines études de prévention secondaire ayant démontré que les taux de C-LDL, quels qu’ils soient, sont toujours trop élevés chez les victimes d’un événement CV, il ressort de l’étude JUPITER que des taux de C-LDL relativement normaux sont néanmoins trop élevés chez les patients présentant un taux élevé d’hsCRP. Cette étude réunissait 17 802 patients apparemment en bonne santé. Les sujets devaient présenter un taux élevé d’hsCRP (=2,0 mmol/L), et le seul autre facteur de risque admissible était l’âge (hommes =50 ans et femmes =60 ans). Les patients à risque élevé (notamment : antécédents de maladie CV, taux de C-LDL >3,4 mmol/L et triglycéridémie >5,6 mmol/L) étaient exclus. Après randomisation, les sujets recevaient de la rosuvastatine à 20 mg ou un placebo.

À l’origine, le suivi devait durer 5 ans, mais on y a mis fin après une durée médiane de 19 mois. On observait déjà, à ce moment, une réduction de 44 % (HR [hazard ratio] de 0,56; IC à 95 % : 0,46-0,69; p<0,00001) du risque relatif (RR) de survenue d’un des événements du paramètre principal mixte (infarctus de myocarde [IM], accident vasculaire cérébral [AVC] et décès d’origine CV). D’importantes réductions du nombre d’événements, dont une réduction de 20 % du RR de mortalité toutes causes confondues (p=0,02), ont été observées. On a également constaté une réduction de 54 % du RR d’IM (p=0,0002), de 48 % du risque d’AVC (p=0,002), et de 47 % du RR d’intervention de revascularisation ou d’hospitalisation pour cause d’angine instable (p<0,00001).

Une analyse bayésienne confirme la protection contre la TEV

Les résultats de JUPITER continuent de faire l’objet de diverses analyses, dont une analyse bayésienne visant à déterminer le nombre de patients à traiter (NPT) par la rosuvastatine pour prévenir une thrombo-embolie veineuse (TEV). L’analyse bayésienne est une démarche statistique permettant d’estimer une distribution sous-jacente en fonction des valeurs observées. Dans le cas qui nous intéresse, les probabilités expérientielles associées à la prévention de la TEV ont été calculées à partir des données de JUPITER. Réalisée par le Dr Christopher D. Lang, University of Rochester Medical Center, New York, l’analyse a révélé que le NPT sur 5 ans, évalué à 25 par les investigateurs de JUPITER, a vraisemblablement été sous-estimé.

«L’analyse bayésienne confirme l’existence d’un bénéfice cliniquement important associé à la rosuvastatine dans la prévention des TEV, la réduction du risque étant d’autant plus marquée que le taux d’hsCRP est élevé», précise le Dr Lang. L’étude ne visait pas à évaluer le mode d’action de la rosuvastatine, mais ses résultats sont venus confirmer l’hypothèse d’une régulation à la hausse de l’inflammation chez les victimes d’une TEV. À en juger par l’élévation du taux d’hsCRP, il y a tout lieu de croire que l’inflammation contribue à augmenter le risque de TEV de la même façon qu’elle contribue à augmenter le risque CV.

Bien que le dosage de l’hsCRP soit maintenant recommandé pour l’évaluation du risque CV, il ne doit pas être considéré indépendamment des autres outils. De l’avis de nombreux experts, dont le Dr Gupta, ce marqueur n’est pertinent et utile que chez les patients d’âge moyen dont le niveau de risque ne peut être déterminé avec certitude au moyen d’autres critères (indice de masse corporelle, tension artérielle, hyperlipidémie, antécédents familiaux de maladie CV et tabagisme). On ne peut déterminer avec précision la portée d’une élévation de l’hsCRP chez des patients plus jeunes par ailleurs en bonne santé; le dosage de l’hsCRP est peu utile chez les patients à risque élevé, car ils devraient déjà recevoir un traitement hypolipidémiant intensif. Même si la recherche de nouvelles méthodes de repérage des patients à risque se poursuit, le traitement hypolipidémiant chez les patients à risque modéré constitue une stratégie importante pour la réduction des taux d’événements CV au Canada.

Résumé

Chez les patients qui ont des antécédents d’événement CV, le traitement hypolipidémiant réduit le risque, quels que soient les taux lipidiques initiaux ou presque. Dans un contexte de prévention primaire, les recommandations préconisent l’évaluation du risque CV global au moyen de divers outils, dont le SF, étape essentielle à la détermination des objectifs du traitement. Chez les patients à risque modéré repérés au moyen des outils d’évaluation actuels, dont l’hsCRP, le traitement hypolipidémiant est bénéfique même lorsque le bilan lipidique initial n’a rien d’anormal. Même s’il faut continuer de viser l’atteinte des cibles thérapeutiques pour les différents facteurs de risque modifiables, une évaluation formelle du risque permet de mieux orienter les décisions de traitement.

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