Comptes rendus

Colite ulcéreuse : le rôle du 5-ASA dans le traitement d’entretien au long cours
Maladie cardiovasculaire stable : l’augmentation des HDL devrait compléter la baisse des LDL à en juger par une étude avec critère de substitution

Le cancer du col dans la mire, à l’échelle mondiale

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Le XIXe Congrès mondial de la Fédération internationale de gynécologie et d’obstétrique (FIGO)

Le Cap, Afrique du Sud / 4-9 octobre 2009

Si l’infection naturelle au virus du papillome humain (VPH) résultant de l’activité sexuelle protégeait ultérieurement contre l’infection ou la ré-infection par ce virus, le vaccin contre le VPH n’aurait pas sa raison d’être. Comme les experts l’ont démontré fois après fois, environ la moitié des femmes infectées naturellement n’ont aucune réponse immunitaire mesurable, ce qui reflète la capacité du virus de se soustraire à la réponse immunitaire de l’organisme (Viscidi et al. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 2004;13[2]:324-7). Chez les femmes ayant néanmoins une réponse immunitaire, on observe le plus souvent de faibles titres d’anticorps anti-VPH, qui pourraient être insuffisants pour les protéger contre la ré-infection ou la réactivation d’une infection antérieure, expliquent les chercheurs.

En revanche, les deux vaccins contre le VPH sur le marché et le vaccin bivalent en particulier permettent de générer des titres élevés et durables d’anticorps neutralisants. C’est ce qu’on a constaté dans un essai récent visant à comparer le vaccin bivalent contre les types 16 et 18 du VPH et le vaccin quadrivalent contre les types 6, 11, 16 et 18 du VPH chez plus de 1100 femmes en bonne santé âgées de 18 à 45 ans.

Après avoir stratifié cette cohorte par groupe d’âge, les chercheurs ont constaté que, comparativement au vaccin quadrivalent, le vaccin bivalent, qui renferme un adjuvant unique, l’ASO4, pour stimuler la réponse immunitaire au vaccin, avait généré au 7e mois des titres d’anticorps neutralisants systématiquement plus élevés contre chacun des antigènes et ce, dans chaque groupe d’âge. Comme l’explique le Dr Philippe Morris, Rixensart, Belgique, même les femmes âgées de 36 à 45 ans ont eu une réponse immunitaire plus forte au vaccin bivalent que les femmes âgées de 18 à 26 ans au vaccin quadrivalent.

L’induction de titres d’anticorps élevés devrait théoriquement donner lieu à une protection marquée contre les types 16 et 18 du VPH, ce qui a été clairement démontré par l’essai PATRICIA (Papilloma Trial Against Cancer in Young Adults). Cette vaste étude de phase III internationale regroupait 18 644 femmes âgées de 15 à 25 ans qui ont reçu trois doses du vaccin bivalent ou du vaccin contre l’hépatite A. Tous les six mois, les chercheurs prélevaient des échantillons au niveau du col pour repérer le génotype de tout VPH éventuellement présent.

L’analyse finale des données de l’essai PATRICIA réalisée après trois ans a révélé que le vaccin bivalent avait été efficace à 92,9 % contre les dysplasies cervicales de grade 2 ou plus (CIN2+) selon le paramètre principal. Une efficacité de 98,1 % a été objectivée selon le même paramètre lors d’une analyse supplémentaire, dans laquelle les chercheurs ont déterminé un seul type du VPH comme le responsable probable de lésions co-infectées par de multiples types oncogènes.

La protection croisée accroît l’utilité du vaccin

La protection contre les CIN1+ et CIN2+ associées aux types 16 et 18 du VPH que confère le vaccin bivalent ne reflète que partiellement son utilité réelle dans un contexte de santé publique. Au Canada et ailleurs, l’incidence du carcinome épidermoïde du col diminue lentement et est en train de se stabiliser alors que celle de l’adénocarcinome cervical est en hausse. Au Manitoba, par exemple, la proportion de femmes porteuses d’un adénocarcinome du col est passée de 7 % en 1970 à 22 % en 1999 (Gari et al. J Obstet Gynaecol Can 2008;30[9]:788-95). À l’échelle mondiale, la majorité des adénocarcinomes sont causés par les types 16, 18 et 45 du VPH, les trois types oncogènes les plus agressifs, indiquent de Sanjose et son équipe (Conférence internationale sur le virus du papillome humain [IPC] de 2009, résumé 30.13). Dans l’analyse que ces chercheurs ont présentée au congrès, ces trois types étaient à l’origine de plus de 88 % de tous les adénocarcinomes cervicaux repérés dans l’étude de l’Institut Català d’Oncologia (ICO).

De plus, malgré la contribution indéniable des cytologies cervicales (test de Pap) à la diminution de l’incidence du cancer du col dans les pays industrialisés, l’adénocarcinome est souvent plus difficile à repérer dans un frottis cervical du fait que le clinicien ne peut pas accéder facilement à l’endocol, foyer tumoral fréquent, avec la brosse à frottis. L’adénocarcinome est aussi plus susceptible de survenir chez des femmes jeunes et, comme il est plus difficile à déceler, on le repère souvent à un stade plus avancé, si bien qu’il est associé à un pronostic plus sombre que le cancer épidermoïde du col. Par conséquent, la protection croisée contre le VPH de type 45 et d’autres types oncogènes non vaccinaux de VPH est un attribut très important pour un vaccin anti-VPH.

La Pre Suzanne Garland, chef de la microbiologie clinique et de l’infectiologie, Royal Women’s Hospital, Melbourne, Australie, a présenté une analyse prévue au protocole de la cohorte de PATRICIA ne montrant aucune trace d’ADN du VPH de type 45 au départ. Selon l’analyse de l’efficacité au sein de la cohorte vaccinée totale, l’efficacité du vaccin contre les CIN1+ associées au type 45 du VPH se chiffrait à 71,6 % pour les infections persistantes depuis six mois et à 55,8 % pour les infections persistantes depuis 12 mois, et à 100 % contre les CIN2+. Au sein de la cohorte dont la cytologie avait mis en évidence des lésions de grade élevé au départ, l’efficacité du vaccin administré en prophylaxie contre les CIN2+ associées au VPH de type 45 a aussi atteint 100 %. «La protection croisée observée contre une infection persistante par le VPH de type 45 et les CIN2+ est unique et n’a été rapportée dans aucune autre étude sur le vaccin contre le VPH», souligne la Pre Garland. Dans l’éventualité où 50 % de la population cible recevrait le vaccin anti-VPH, ce qui constitue une estimation prudente, un vaccin qui conférerait une protection croisée contre le VPH de type 45 serait susceptible de réduire l’incidence du cancer cervical de 2,7 % de plus et celle de l’adénocarcinome, de 5,3 % de plus, comparativement à un vaccin ne conférant pas cette protection croisée.

Autres types non oncogènes du vaccin

La Dre Anne Szarewski, épidémiologie, Cancer Research UK, Barts and The London School of Medicine and Dentistry, a présenté d’autres données montrant que la protection croisée conférée par le vaccin bivalent s’appliquait aussi à des types non vaccinaux du VPH, ce qui ajoute à son utilité en santé publique. Son équipe s’est penchée sur la cohorte de PATRICIA qui, conformément au protocole, a reçu la totalité des trois doses du vaccin ou du vaccin de comparaison. Les chercheurs ont constaté que le vaccin bivalent avait été efficace à 61,9 % contre les CIN2+, peu importe le type de VPH oncogène en cause, et efficace à 54 % contre les CIN2+ causées par 12 types oncogènes non vaccinaux.

Les chercheurs ont ensuite exclu les lésions co-infectées par le VPH de type 16 ou 18. Selon une estimation très prudente de la protection croisée contre les lésions causées par les 12 types oncogènes non vaccinaux, en l’absence d’une co-infection par le VPH de type 16 ou 18, le vaccin demeurait efficace à 37,4 % contre les lésions CIN2+. C’est la première fois que l’on démontre qu’un vaccin anti-VPH confère une protection croisée statistiquement significative contre les lésions CIN2+ causées exclusivement par des types oncogènes non vaccinaux du VPH. «Si l’on applique les résultats de cette étude à une population plus vaste, la protection croisée contre les lésions CIN2+ causées exclusivement par les types non vaccinaux pourrait en théorie majorer de 48 % la prévention des lésions CIN2+», concluent les chercheurs.

Fardeau des adénocarcinomes cervicaux

Le Pr F. Xavier Bosch, chef du programme de recherche sur l’épidémiologie du cancer de l’ICO, Barcelone, Espagne, et ses collaborateurs ont analysé les retombées de la vaccination contre le VPH sur le fardeau mondial des adénocarcinomes cervicaux. Pour ce faire, ils ont estimé le pourcentage d’adénocarcinomes parmi les cancers du col invasifs, le nombre total d’adénocarcinomes cervicaux et les taux d’incidence pour 100 000 femmes en 2008, et le nombre d’adénocarcinomes attribuables aux types 16 et 18 du VPH. Les sources consultées étaient notamment Cancer Incidence in Five Continents Vol IX, GLOBOCAN 2002 et l’estimation de mi-année de la population féminine de 2008 selon la base de données des Nations Unies.

Les analyses ont révélé que les adénocarcinomes représentaient 9,5 % de tous les cancers cervicaux invasifs, quoique cette proportion ait varié de façon substantielle en fonction du pays et de la région. Les chercheurs ont calculé qu’en 2008, le taux d’incidence mondial de l’adénocarcinome cervical se chiffrait à 1,51, soit plus de 50 000 nouveaux cas. À la lumière des données publiées indiquant que la contribution relative des types 16, 18 et 45 du VPH avoisine 80 % de tous les adénocarcinomes cervicaux, «on estime que ces types [du VPH] ont pu être à l’origine d’environ 40 000 adénocarcinomes en 2008», soulignent les chercheurs.

Ils ont donc conclu que les vaccins actuels contre les types 16 et 18 du VPH pourraient constituer la stratégie de prévention la plus efficace contre l’ensemble des adénocarcinomes cervicaux et que, bien entendu, la protection croisée contre le VPH de type 45 serait pertinente.

Retombées mondiales

En 2008, le Pr Harald zur Hausen, Centre allemand de recherche en oncologie, Heidelberg, Allemagne, a reçu le Prix Nobel de médecine pour avoir découvert que le VPH était à l’origine du cancer du col. Le seul fait qu’on lui ait décerné le prix le plus prestigieux que l’on puisse accorder à un scientifique témoigne de l’importance mondiale du cancer du col, qui tue annuellement la moitié des quelque 493 000 femmes ayant reçu un diagnostic de cancer du col.

Le Pr zur Hausen a prédit qu’un programme mondial de vaccination contre le VPH pourrait pratiquement enrayer le cancer du col. Plus la campagne mondiale de vaccination contre les types oncogènes du VPH aura de succès, plus le rêve du Pr zur Hausen aura de chances de devenir réalité.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.