Comptes rendus

Colite ulcéreuse : le point sur la persévérance dans le traitement par le 5-ASA
Le cancer du col dans la mire, à l’échelle mondiale

Colite ulcéreuse : le rôle du 5-ASA dans le traitement d’entretien au long cours

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PERSPECTIVE PROFESSIONNELLE - Point de vue sur l’article suivant : Gastroenterol Hepatol 2009;5(7):494-500

Novembre 2009

Relu et révisé par :

Remo Panaccione, MD, FRCPC, Directeur Clinique des maladies inflammatoires de l’intestin, Directeur de la recherche, Division de gastro-entérologie

Professeur agrégé de médecine, University of Calgary, Calgary (Alberta)

A. Hillary Steinhart, MD, FRCPC, Chef, Division combinée de gastro-entérologie, Mount Sinai Hospital/University Health Network

Professeur agrégé de médecine, University of Toronto, Toronto (Ontario)

QUELS SONT LES BÉNÉFICES ASSOCIÉS À LA CICATRISATION DE LA MUQUEUSE DANS LA COLITE ULCÉREUSE?

Par A. Hillary Steinhart, MD, FRCPC

L’objectif immédiat du traitement d’une poussée aiguë de colite ulcéreuse (CU) est le soulagement des symptômes, mais on dispose maintenant de données probantes montrant que l’efficacité du traitement se mesure aussi par la cicatrisation du tissu enflammé. La rémission endoscopique, preuve ultime de l’efficacité d’un médicament, est imparfaitement corrélée avec la rémission clinique, mais elle s’est révélée un important prédicteur du maintien de la rémission. Dans le cadre d’une étude rétrospective qui regroupait 740 patients atteints d’une maladie inflammatoire de l’intestin, tant la CU que la maladie de Crohn (MC), et qui couvrait une période de cinq ans, la cicatrisation de la muqueuse était annonciatrice d’un nombre moindre de colectomies (p=0,02) et d’une utilisation moindre de corticostéroïdes (p=0,02)1. Lors d’une étude de phase III qui portait sur un agent biologique dans le traitement de la CU, la cicatrisation de la muqueuse à huit semaines était un solide prédicteur du maintien de la rémission à 52 semaines et, par conséquent, d’un nombre moindre d’hospitalisations et d’interventions chirurgicales2. La corrélation entre la cicatrisation de la muqueuse à court terme et de meilleurs résultats à long terme donne tout lieu de croire que la cicatrisation de la muqueuse devrait être l’objectif du traitement d’induction, dans la CU comme dans la MC3.

L’importance de la cicatrisation de la muqueuse dans la CU se reflète dans les essais cliniques d’envergure qui utilisent des définitions endoscopiques de plus en plus strictes de la maîtrise de l’inflammation. Par le passé, la réponse à court terme aux traitements contre la CU reposait principalement sur les symptômes, que l’on évaluait à l’aide de l’indice d’activité de la maladie (UCDAI) ou du score Mayo. À l’heure actuelle, dans les essais d’envergure, l’efficacité se définit plutôt par un score UCDAI de 1 ou moins, et l’on précise que la muqueuse ne doit pas être friable à la sigmoïdoscopie. Cette notion de résolution de la maladie au niveau tissulaire repose sur des données indiquant qu’une maîtrise précoce de la maladie pourrait modifier l’évolution naturelle de celle-ci en réduisant la fréquence des poussées et le risque de survenue des complications les plus graves. Vu l’importance de la cicatrisation de la muqueuse, une définition reproductible, stricte et uniforme de ce paramètre est essentielle à l’évaluation des options thérapeutiques.

Avec l’avènement des préparations d’acide 5-aminosalicylique (5-ASA) à libération prolongée, il est devenu possible d’évaluer ces agents de première intention traditionnels en fonction des nouvelles définitions d’une poussée aiguë de la maladie et d’une résolution durable de la maladie. La définition susmentionnée – à savoir un score UCDAI de 1 ou moins et l’absence de friabilité de la muqueuse à la sigmoïdoscopie – est d’ailleurs celle que l’on a utilisée pour évaluer une préparation orale de mésalamine dotée d’un système de libération contrôlée qui permet de libérer l’ingrédient actif lorsque l’agent atteint le côlon. Ce système de libération multi-matrice (MMX) repose sur une pellicule pH-dépendante qui résiste à la forte acidité de l’estomac ainsi que sur des excipients lipophiles et hydrophiles qui assurent une dégradation assez constante du produit lorsqu’il transite dans le côlon.

RÉSULTATS D’ÉTUDES

Deux études de phase III sur le 5-ASA ont révélé que cette option demeure possible en première intention, même quand l’objectif du traitement est la cicatrisation complète de la muqueuse4. Dans l’une des deux études, des patients atteints de CU légère ou modérée ont été randomisés de façon à recevoir de la mésalamine MMX à raison de 1,2 g 2 f.p.j. ou de 4,8 g 1 f.p.j. ou un placebo pendant huit semaines. Dans le cadre de l’autre étude, les patients ont reçu aléatoirement l’un des quatre traitements suivants : mésalamine MMX à raison de 2,4 g 1 f.p.j. ou de 4,8 g 1 f.p.j., mésalamine à libération retard à raison de 0,8 g 3 f.p.j. ou placebo. Parmi les 346 patients qui ont reçu l’une des doses de mésalamine MMX, 125 (36,1 %) sont parvenus à une rémission endoscopique au sens strict du terme après huit semaines. Parmi les patients qui n’étaient pas en rémission, 156 ont été traités pendant huit semaines de plus à raison de 4,8 g par jour, et 95 (61 %) sont parvenus à la rémission, pour un total de 220 (63,6 %) patients en rémission après 16 semaines.

Cette deuxième étude a révélé que le taux élevé de cicatrisation de la muqueuse résultant d’un traitement par le 5-ASA MMX pouvait augmenter substantiellement lorsque le traitement se poursuivait pendant huit semaines, ce qui a permis à la majorité des patients de parvenir à une réponse à cet agent de première intention selon les critères les plus stricts. Tous les patients dont la muqueuse avait cicatrisé sous l’effet de la mésalamine MMX, sauf deux, ont été admis à une étude sur le traitement d’entretien à raison de 2,4 g par jour, et comme le laissaient prévoir les études où la cicatrisation de la muqueuse avait été associée à un bénéfice durable, l’absence de poussées s’est maintenue chez un pourcentage élevé de patients, que la cicatrisation ait nécessité huit ou 16 semaines de traitement. Parmi les patients dont le traitement initial a duré huit semaines, le pourcentage de ceux qui étaient exempts de poussées à 12 mois s’élevait à 92,1 %. Parmi les patients qui ont dû être traités initialement pendant huit semaines de plus à raison de 4,8 g par jour, 87,5 % étaient exempts de poussées à 12 mois.

L’analyse en intention de traiter a révélé que 196 (56,6 %) des 346 patients atteints de CU légère ou modérée qui avaient reçu d’emblée de la mésalamine MMX étaient parvenus à une rémission clinique et endoscopique et étaient demeurés exempts de poussées pendant au moins 12 mois. Cette éloquente démonstration de l’efficacité du 5-ASA MMX milite en faveur de la valeur prédictive importante de la cicatrisation de la muqueuse pour une maîtrise durable de la maladie. Elle souligne aussi l’importance d’un traitement d’induction assez long.

RÉMISSION

Ces taux de rémission et d’absence de poussées peuvent être attribués au perfectionnement des systèmes de libération prolongée, bien que l’efficacité soit difficile à évaluer par rapport aux autres options de traitement en raison des définitions variables de la rémission utilisées jusqu’ici. Même si la cicatrisation fait l’objet d’une vérification endoscopique, certaines études définissent la rémission comme une absence d’ulcères plutôt qu’une absence de friabilité de la muqueuse. La définition plus stricte de «cicatrisation complète de la muqueuse» – que l’on a utilisée lors des essais les plus récents sur le 5-ASA – permet non seulement de réduire le risque de subjectivité dans la description de la résolution, mais également de tenir compte du principe sous-jacent selon lequel une quiescence totale de la maladie pourrait prévenir la rechute plus efficacement qu’une résolution partielle.

Il est parfois nécessaire de passer à un immunomodulateur pour obtenir une cicatrisation de la muqueuse, surtout lorsque la CU s’aggrave, mais la raison d’être d’un traitement d’épreuve par le 5-ASA de durée suffisante est d’offrir au patient la possibilité de conserver une bonne qualité de vie en recevant un traitement dont le profil d’innocuité à court et à long terme est excellent. Lors d’essais randomisés, le profil d’innocuité de la mésalamine MMX était comparable à celui du placebo. Lorsque la réponse au 5-ASA paraît envisageable, un deuxième cycle de huit semaines est justifié compte tenu des avantages qui pourraient découler du fait que l’on évite des traitements moins bien tolérés et les problèmes d’innocuité associés à l’immunosuppression. Comparativement aux agents biologiques, la maîtrise de la maladie à l’aide d’une préparation de 5-ASA est moins coûteuse et comporte moins de désagréments. Du point de vue du patient, le soulagement rapide des symptômes est une priorité, et l’on ne peut évidemment pas en faire fi, mais même dans les cas où il fallait attendre 16 semaines avant que la muqueuse cicatrise, les symptômes s’étaient déjà atténués après huit semaines.

RAISON D’ÊTRE D’UN TRAITEMENT D’ENTRETIEN À FORTE DOSE

Par Remo Panaccione, MD, FRCPC

Dans la CU, les avantages éventuels du traitement d’entretien par les préparations de 5-ASA sont comparables à ceux du traitement d’induction en première intention par ces mêmes agents. Comparativement aux immunomodulateurs, les préparations de 5-ASA sont bien tolérées et permettent d’éviter les risques inhérents à l’immunosuppression. Au chapitre de l’observance du traitement, par rapport aux agents moins bien tolérés ou aux schémas posologiques plus compliqués, le 5-ASA est avantageux quand le traitement d’entretien se résume à une dose quotidienne unique par voie orale. La possibilité d’un risque moindre de cancer du côlon sous l’effet d’un traitement d’entretien prolongé par le 5-ASA est un autre facteur à considérer5,6.

Les données des essais de phase III sur la mésalamine MMX, lesquels comportaient à la fois une phase de cicatrisation et une phase d’entretien, ont confirmé que le 5-ASA pouvait prévenir la rechute de façon durable. Chez les patients dont la muqueuse a cicatrisé pendant la phase d’induction, qu’il ait fallu huit ou 16 semaines pour y arriver, le taux de rémission sans rechute à 12 mois atteignait près de 90 %, quelle que soit la dose d’entretien. Cela dit, la dose qui offre la protection maximale contre la rechute est susceptible d’être liée à la dose nécessaire à la cicatrisation. Lors de la phase initiale (cicatrisation), 58 (92,1 %) des 63 patients qui avaient atteint une rémission clinique et endoscopique après huit semaines avec la dose de 2,4 g sont demeurés en rémission après 12 mois de traitement à cette dose. Par ailleurs, 54 (90 %) des 60 patients qui avaient atteint la rémission clinique et endoscopique après huit semaines de traitement à une dose initiale de 4,8 g et qui ont ensuite reçu une dose d’entretien de 2,4 g demeuraient en rémission après 12 mois.

Chez les patients dont la cicatrisation de la muqueuse a pris plus de temps, on a augmenté la dose, mais les taux de rémission étaient comparables à 12 mois. Dans les faits, parmi les 48 patients qui avaient amorcé le traitement à raison de 2,4 g mais qui ont eu besoin de 4,8 g pendant huit autres semaines pour obtenir une rémission clinique et endoscopique, 42 (87,5 %) étaient toujours en rémission à 12 mois sous l’effet du traitement d’entretien par la mésalamine à 4,8 g. Parmi ceux qui avaient amorcé le traitement à raison de 4,8 g mais qui ont eu besoin de huit semaines supplémentaires de traitement à cette dose pour parvenir à la rémission clinique et endoscopique, 42 (89,4 %) étaient toujours en rémission à 12 mois sous l’effet du traitement d’entretien à forte dose. Enfin, parmi les patients qui ont reçu 4,8 g, les taux de réponse semblaient similaires que la dose totale ait été administrée en une seule prise ou fractionnée en deux prises.

Ces données semblent indiquer que les patients ayant besoin de la dose plus forte de traitement actif pour parvenir à la rémission endoscopique et clinique ont de meilleurs résultats lorsqu’ils reçoivent ensuite un traitement d’entretien à la même dose. On ne dispose pas de données issues d’essais avec randomisation où l’on ait comparé les taux de poussées chez des patients qui avaient amorcé le traitement à faible dose pour ensuite passer à une dose plus forte ou chez des patients qui, au contraire, avaient amorcé le traitement à forte dose pour ensuite passer à une dose plus faible; cependant, les rémissions durables obtenues chez les patients qui ont eu besoin d’un traitement d’induction plus long et à plus forte dose pour bénéficier d’une cicatrisation plaident en faveur d’un traitement d’entretien à la même dose pour assurer le maintien de la rémission. Chez les patients qui ont reçu un traitement d’entretien lors des études de phase III, le traitement à forte dose n’a pas été associé à un fardeau significativement plus lourd d’effets indésirables.

Une dose relativement élevée de 5-ASA est aussi séduisante lorsque la seule autre option est de passer à un immunomodulateur comme l’azathioprine ou le méthotrexate, dont la tolérabilité et l’innocuité peuvent poser problème. Les données récentes montrant qu’un traitement par le 5-ASA permet d’obtenir une cicatrisation de la muqueuse au sens strict du terme ont renforcé le rôle de ces agents dans le traitement de première intention, même chez les patients dont la CU est modérée, lesquels représentaient 60 % des sujets des essais comparatifs sur la mésalamine MMX.

CICATRISATION DE LA MUQUEUSE

L’importance de la cicatrisation de la muqueuse à court terme pour le maintien de la rémission souligne l’intérêt de traiter la CU, maladie chronique et parfois progressive, pour maintenir la qualité de vie indéfiniment. Il a déjà été question plus haut de l’innocuité du 5-ASA, mais il importe ici de préciser que la tolérabilité de cet agent par rapport aux autres options a d’importantes retombées sur l’observance, laquelle est essentielle à la prévention de la rechute. Dans un contexte où l’adhésion se définissait comme l’exécution de 80 % des ordonnances, l’absence de poussées se maintenait à 24 mois chez 89 % des patients observants vs 39 % des patients non observants (p<0,001). L’une des craintes que soulève le passage à un traitement moins bien toléré, c’est que, lorsque le patient se sentira soulagé, il risquera davantage d’abandonner le traitement, contrairement au patient dont la maladie est maîtrisée par un agent moins toxique.

Une qualité de vie adéquate ou améliorée est un concept global dont la définition repose sur de multiples facteurs, notamment l’absence de symptômes de la maladie et le moins possible de problèmes associés au traitement. Dans les principaux guides de pratique, y compris ceux d’Europe et des États-Unis,7,8 le 5-ASA est recommandé en première intention en raison de son efficacité et de sa tolérabilité. Même si l’activité symptomatique de la maladie est le prédicteur le plus important de la qualité de vie9, les patients qui répondent au 5-ASA peuvent aussi s’attendre à un faible risque relatif d’effets indésirables et à un schéma posologique plutôt simple. La satisfaction du patient à l’égard de son traitement se traduit par une observance durable qui peut en soi contribuer à la maîtrise de la maladie à long terme. Dans la CU, cette combinaison d’attributs du 5-ASA est un bon point de départ pour l’obtention et le maintien de la cicatrisation de la muqueuse.

RÉSUMÉ

Malgré le caractère imprévisible de la CU, on dispose maintenant d’un corpus substantiel de données selon lesquelles la rémission et l’activité de la maladie ont toutes deux tendance à se perpétuer. En effet, si la cicatrisation de la muqueuse semble faire obstacle à la rechute, une activité persistante de la maladie, même à bas bruit, est associée à un risque accru de poussée sur une période d’au moins 12 mois. Les rechutes à répétition sont à leur tour associées à un risque accru de complications de la CU, dont la colectomie. Ces observations justifient la quête d’une résolution endoscopique de la CU dès le traitement initial. Des études portant sur une préparation MMX de 5-ASA , le traitement de première intention de la CU, ont révélé que la majorité des patients dont la maladie était légère ou modérée pouvaient parvenir à la cicatrisation pour autant que la dose et la durée du traitement aient été suffisantes. Non seulement les patients qui parviennent à la rémission grâce au 5-ASA peuvent-ils s’attendre à un faible risque de rechute, mais ce faisant, ils évitent les risques associés à l’intensification du traitement.

Références :

1. Frøslie et al. Mucosal healing in inflammatory bowel disease: results from a Norwegian population-based cohort. Gastroenterology 2007;133:412-22.

2. Rutgeerts et al. Infliximab for induction and maintenance therapy for ulcerative colitis. N Engl J Med 2005;353:2462-76.

3. Rutgeerts P. Mucosal healing in inflammatory bowel disease: impossible ideal or therapeutic target? Gut 2007;56:453-5.

4. Hanauer et al. MMX mesalamine for induction and maintenance therapy in mild-to-moderate ulcerative colitis. Gastroenterol Hepatol 2009;5:494-500.

5. Velayos et al. Effect of 5-aminosalicylate use on colorectal cancer and dysplasia risk: a systematic review and meta-analysis of observational studies. Am J Gastroenterol 2005;100:1345-53.

6. Rubin et al. Will a 5-ASA a day keep the cancer (and dyspepsia) away? Am J Gastroenterol 2005;100:1354-6.

7. Travis et al. European evidence-based consensus on the management of ulcerative colitis: current management. J Crohns Colitis 2008;2:24-62.

8. Kornbluth et al. Ulcerative colitis practice guidelines in adults (update): American College of Gastroenterology, Practice Parameters Committee. Am J Gastroenterol 2004;99:1371-85.

9. Han et al. Predictors of quality of life in ulcerative colitis: the importance of symptoms and illness representations. Inflamm Bowel Dis 2005;11:24-34.

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