Comptes rendus

Regard sur de nouvelles options de traitement dans le syndrome hémolytique et urémique atypique
Évolution des critères d’utilisation des agents biologiques dans la colite ulcéreuse

Le grand débat sur le traitement antiplaquettaire : les essais, les données et les patients

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Débat canadien sur le traitement antiplaquettaire - D’après les 83es Séances scientifiques de l’American Heart Association

Hamilton, Ontario / 17 novembre 2010

Présentant pour la première fois au Canada les données de l’essai GRAVITAS (Gauging Responsiveness with A VerifyNow Assay-Impact on Thrombosis And Safety), le Dr Tanguay a rappelé qu’il existe une importante variabilité interindividuelle de l’inhibition plaquettaire après l’administration d’un bolus unique de clopidogrel, différents tests ayant permis de distinguer des «hyper-répondeurs» et des «hypo-répondeurs» à ce médicament. Des études regroupant plus de 3000 patients ont systématiquement démontré qu’une forte réactivité plaquettaire résiduelle mesurée au moyen du dispositif VerifyNow P2Y<sub>12</sub> était associée à de piètres résultats cliniques après une intervention coronarienne percutanée (ICP).

GRAVITAS, dont les résultats ont été dévoilés par le Dr Matthew Price, Scripps Clinic, La Jolla, Californie, lors des Séances scientifiques 2010 de l’American Heart Association (AHA), est le premier essai d’envergure avec randomisation qui visait à déterminer si le doublement de la dose de clopidogrel améliore les résultats cliniques chez des patients soumis à une ICP qui présentent une forte réactivité plaquettaire résiduelle (taux d’unités de réactivité de P2Y<sub>12</sub> [PRU] =230). De 12 à 24 heures après l’angiographie, les chercheurs ont évalué – au moyen du dispositif VerifyNow – la réactivité des patients devant subir une ICP différée ou urgente avec pose d’un tuteur pharmacoactif; ceux dont le taux de PRU était >230 ont reçu, après randomisation, du clopidogrel à forte dose ou à dose standard pendant 6 mois.

Un mois après l’angioplastie, 62 % des patients sous clopidogrel à dose standard présentaient toujours une forte réactivité vs 40 % des sujets sous clopidogrel fortement dosé (p<0,001). À 6 mois, 2,3 % des patients des deux groupes avaient atteint le paramètre d’évaluation principal regroupant la mortalité cardiovasculaire (CV), l’infarctus du myocarde (IM) ou la thrombose sur tuteur (taux de risque ou hazard ratio [HR] de 1,01; p=0,98) – «résultat surprenant, affirme le Dr Tanguay, mais qui révèle que nos modalités de dépistage après l’angioplastie, soit la mesure du taux de PRU suivie du doublement de la dose en présence d’une forte réactivité, n’ont eu aucune incidence sur le résultat clinique. L’essai GRAVITAS ne permet donc pas d’étayer une stratégie thérapeutique reposant sur le clopidogrel fortement dosé chez les patients à faible risque présentant une forte réactivité résiduelle mesurée au moyen d’un test unique après l’ICP.»

Autres stratégies antiplaquettaires

Plusieurs essais d’envergure, dont TRITON-TIMI 38, plaident en faveur d’autres stratégies antiplaquettaires pour un syndrome coronarien aigu (SCA) et/ou une ICP. Cet essai regroupait 13 608 victimes d’un SCA (IM avec sus-décalage du segment ST [ST+] ou angine instable/IM sans sus-décalage du segment ST [ST-]) devant subir une ICP qui ont reçu, après randomisation, une dose d’attaque (DA) de 300 mg de clopidogrel suivie d’une dose d’entretien (DE) de 75 mg, ou une DA de 60 mg de prasugrel suivie d’une DE de 10 mg pendant une durée médiane de 14,5 mois. Ces agents inhibent le récepteur P2Y<sub>12</sub> à la surface de la plaquette, prévenant ainsi la formation de thrombi; ce sont également des inhibiteurs irréversibles du récepteur P2Y<sub>12</sub>. Toutefois, le prasugrel est biotransformé en son métabolite actif plus efficacement que le clopidogrel et se distingue par sa plus grande rapidité d’action et sa variabilité interindividuelle moins marquée. Le paramètre principal regroupait la mortalité CV, l’IM et l’accident vasculaire cérébral (AVC), alors que la thrombose sur tuteur était un paramètre secondaire. Les paramètres d’évaluation de l’innocuité incluaient les hémorragies majeures et celles menaçant le pronostic vital (critères TIMI).

À la fin de l’étude, parmi les patients ayant subi une ICP à la suite d’un IM ST+, 12,4 % des patients sous clopidogrel et 10 % des patients sous prasugrel avaient atteint le paramètre principal, et la réduction du risque relatif (RR) se chiffrait à 21 %, en faveur du prasugrel (p=0,02). Aucune différence n’a été observée quant à l’innocuité – la fréquence des hémorragies majeures se chiffrant à 2,4 % et à 2,1 % dans les groupes clopidogrel et prasugrel (p=0,65). «Rien ne justifie d’éviter le prasugrel chez les victimes d’un IM ST+ devant subir une ICP», estime le Pr Montalescot.

Dans un sous-groupe de patients diabétiques, le prasugrel a également été associé à une réduction significative du RR (31 %) de survenue du paramètre principal, comparativement au clopidogrel (12,2 % vs 17 %; p<0,001). Fait très important, cet antiplaquettaire est le premier à avoir démontré son efficacité dans le traitement post-SCA chez les diabétiques. Aucun effet bénéfique du prasugrel n’a toutefois été observé chez les patients de =75 ans (hémorragies majeures : 4,2 % sous prasugrel vs 3,6 % sous clopidogrel) et les patients de <60 kg (hémorragies majeures : 6 % sous prasugrel vs 3,5 % sous clopidogrel). Le risque hémorragique était significativement plus élevé avec le prasugrel chez les sujets qui avaient des antécédents d’AVC ou d’ischémie cérébrale transitoire (ICT); cet agent est donc contre-indiqué dans ces populations.

L’essai PLATO

L’essai PLATO (Platelet Inhibition and Patient Outcomes) (n=18 624) regroupait des victimes d’un SCA ST- (ou des victimes d’un IM ST+ subissant une ICP primaire) qui ont reçu, après randomisation, du clopidogrel ou du ticagrelor. Contrairement au clopidogrel et au prasugrel, le ticagrelor n’est pas une thiénopyridine et possède un mode d’action réversible, avantage possible par rapport aux thiénopyridines. Les patients pouvaient avoir été traités préalablement par du clopidogrel. On a administré la DA standard de 300 mg, suivie d’une DE de 75 mg aux sujets du groupe clopidogrel qui n’avaient pas reçu de DA préalable ou qui n’avaient jamais été traités par cet agent. Les sujets du groupe ticagrelor ont reçu une DA de 180 mg, suivie d’une DE de 90 mg 2 fois/jour (l’administration de doses additionnelles de clopidogrel ou de ticagrelor avant l’ICP était permise).

Au bout de 6 à 12 mois, le ticagrelor s’est révélé significativement supérieur au clopidogrel en fonction du paramètre principal mixte (mortalité CV, IM et AVC). On a observé une réduction de 16 % (p<0,001) du RR de mortalité toutes causes confondues, en faveur du ticagrelor (Wallentin et al. N Engl J Med 2009;361:1045-57). Ce dernier s’est révélé significativement plus efficace chez les insuffisants rénaux que chez les patients présentant une fonction rénale normale, et a été associé à une réduction significative du pourcentage de patients atteignant le paramètre mixte par rapport au clopidogrel chez des patients appariés. Contrairement au prasugrel, toutefois, le ticagrelor n’a semblé présenter aucun avantage sur le clopidogrel chez les diabétiques victimes d’un SCA.

Données historiques sur le risque hémorragique

Le Pr Montalescot a parlé de l’effet des nouveaux antiplaquettaires sur la mortalité attribuable aux IM ST+. Il y a plusieurs années, les inhibiteurs de la glycoprotéine IIb/IIIa ont marqué l’entrée dans une nouvelle ère thérapeutique avec, notamment, l’abciximab, qui réduit l’incidence des événements coronariens aigus majeurs (ECAM), mais aussi la mortalité de 29 % comparativement au placebo, même s’il augmente le risque hémorragique. L’usage précoce du tirofiban à forte dose réduit le risque d’EMCA et la mortalité de 36 % par rapport au placebo et à l’usage sélectif de cet agent, mais accroît aussi le risque hémorragique.

Le prasugrel et le ticagrelor diminuent l’incidence des ECAM comparativement au clopidogrel et réduisent la mortalité de 24 % et de 18 %, respectivement. Ils présentent le même risque hémorragique que le clopidogrel, sauf chez les patients de =75 ans et de <60 kg, chez lesquels le prasugrel augmente le risque hémorragique par rapport au clopidogrel. Ces trois antiplaquettaires réduisent le risque de thrombose sur tuteur.

Dans l’essai CURRENT-OASIS 7, le clopidogrel à double dose a réduit de 31 % l’incidence des thromboses sur tuteur après 30 jours vs la dose standard (p=0,001), et le ticagrelor a réduit cette incidence de 25 % vs le clopidogrel après 12 mois (p=0,02). On a observé une réduction de 71 % du RR de thrombose sur tuteur avec le prasugrel entre les jours 0 et 30 (p=0,0001) et de 54 % entre les jours 30 et 450 (p=0,04), soit une réduction globale du risque de 52 % après 15 mois par rapport au clopidogrel (p<0,0001).

Selon le Pr Montalescot, le prasugrel est particulièrement indiqué dans les cas d’ICP motivée par un IM ST+ et dans la prévention des thromboses tardives sur tuteur. Il semble être le traitement de prédilection chez les diabétiques victimes d’un SCA soumis à une ICP. Le prasugrel et le ticagrelor sont des options en présence d’une récidive de SCA chez les patients sous clopidogrel, mais le ticagrelor est plus utile pendant le traitement médicamenteux à l’unité des soins intensifs avant le cathétérisme. Le clopidogrel est indiqué pour le traitement médicamenteux chez les patients de =75 ans et ceux dont le risque hémorragique est élevé. Les médecins canadiens disposent d’un large éventail d’antiplaquettaires pour les patients qui subissent un SCA et/ou une ICP; les résultats de l’étude GRAVITAS et les données d’autres essais cliniques contribuent à orienter leurs décisions thérapeutiques.

Remarque : Ce compte rendu est basé sur Le grand débat sur le traitement antiplaquettaire : les essais, les données et les patients, une activité accréditée par la Société canadienne de cardiologie et organisée dans la foulée des Séances scientifiques de l’AHA. Gilles Montalescot, MD, PhD., et Jean-François Tanguay, MD, FRCPC, FACC, FAHA, FESC, ont participé à ce débat.

La présente activité est approuvée à titre d'activité de formation collective agréée, en vertu de la section 1 du programme de Maintien du certificat du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Elle est approuvée par la Société canadienne de cardiologie et donne droit à 1 crédit de formation. La Société canadienne de cardiologie et le Mednet inc. ont préparé ce compte rendu de conférence conjointement en s’assurant d'y présenter des données probantes fiables, objectives et équilibrées.

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